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Classiques Garnier

Notice biographique sur Chaïm Perelman

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Valeurs dans l’argumentation. L’héritage de Chaïm Perelman
  • Pages : 347 à 350
  • Collection : L'Univers rhétorique, n° 8
  • Thème CLIL : 3154 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Stylistique et analyse du discours, esthétique
  • EAN : 9782406083627
  • ISBN : 978-2-406-08362-7
  • ISSN : 2271-703X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08362-7.p.0347
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/07/2019
  • Langue : Français
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Notice biographique
sur Chaïm Perelman

Né à Varsovie en 1912, dans une famille de la bourgeoisie aisée, Chaïm Perelman est laîné dune fratrie de quatre enfants. Lorsque sa famille émigre en Belgique en 1925, il fait un parcours scolaire, puis universitaire brillant. Entré à lUniversité Libre de Bruxelles à lâge de 16 ans, il est remarqué par ses professeurs, le sociologue Eugène Dupréel et le mathématicien André Barzin qui exerceront sur lui une influence profonde. Sa formation universitaire saccompagne dune réflexion et de publications personnelles. Il soutient deux thèses, la première en droit en 1934, la seconde en philosophie en 1938 sur Gottlob Frege. Le fil rouge de ses écrits de jeunesse est la question des jugements de valeur et des valeurs (Esquisse dune logistique des valeurs, 1934 ; De lArbitraire dans la connaissance, 1934 ; Une conception de la philosophie, 1940). Sa ténacité, voire son entêtement à endosser une position néopositiviste, le conduit à soutenir des conceptions erronées en mathématiques notamment sur le théorème de Gödel. Adhérent de lAssociation des Étudiants Juifs de lULB, il rencontre Fela Liwer, alors étudiante dhistoire avec laquelle il se marie en 1935. Premier prix du Concours universitaire en 1936, il séjourne une année à lUniversité de Varsovie où il noue des contacts avec des logiciens de renom, dont Kotarbinski avec qui il maintiendra des relations amicales.

Quand la Belgique est occupée, Perelman, qui est alors chargé de cours à lULB, est, comme plusieurs de ses collèges juifs ou « ennemis de lAllemagne », interdit denseignement. Il interrompt ses cours quil reprendra dès la fin de la guerre. Sollicité par le grand rabbin Salomon Ullman pour être membre de lAJB (Association des Juifs en Belgique, créée par loccupant), il sy maintient à la demande de la Résistance juive pour soccuper des adultes et du service social. Il participe au côté de Herz Jospa (ancien responsable de la Main dŒuvre Immigrée du Parti communiste belge) à la création du Comité de défense 348des Juifs (CDJ), dont la première réunion se déroule à son domicile, lobjectif étant de disposer dune structure autonome permettant de lutter efficacement contre les persécutions. À la Libération, ce comité se transforme en Aide aux Israélites Victimes de la Guerre. Pendant cette période, Fela Perelman aura joué un rôle considérable dans lorganisation de jardins denfants et de réseaux destinés à empêcher la déportation denfants juifs, permettant ainsi de sauver près de 3000 dentre eux. Elle organise, après le départ de loccupant, une filière dimmigration clandestine de Juifs vers la Palestine.

Au sortir de la guerre, Perelman, qui enseignera à lUniversité libre de Bruxelles jusquen 1978, publie De la Justice (1945) où est énoncée pour la première fois la règle formelle quil dénommera ensuite « règle de justice ». Il est sollicité par lUnesco qui le charge, en tant que vice-président dune commission dexperts, dune enquête sur la notion de « démocratie ».

Durant la période de rédaction du Traité de largumentation, il intervient dans de nombreux colloques, entretient des rapports étroits avec le cercle dépistémologie de Bâle (Bachelard, Gonseth) et correspond avec un nombre considérable de philosophes, de théoriciens des sciences humaines et de juristes, notamment dans ses fonctions de secrétaire ou de vice président de la Fédération Internationale des Sociétés de Philosophie (FISP). Il fait des interventions remarquées aux colloques de Royaumont consacrés à Pascal, à Descartes et à la philosophie analytique.

Son activité académique se déploie dans de nombreuses directions. Nommé professeur ordinaire à lULB en 1945, il délivre des cours de logique, de philosophie morale, de métaphysique. Il participe à la fondation de deux centres de recherche belges, le Centre National de Recherches de Logique et le Centre de Philosophie du Droit de lUniversité Libre de Bruxelles et co-dirige la revue Logique et analyse.

La publication en 1958 du Traité de largumentation, sous-titré La nouvelle rhétorique, rédigé en collaboration avec une statisticienne, Lucie Olbrechts-Tyteca, suscite un courant dintérêt pour une discipline en déclin qui sétait progressivement restreinte à létude des figures de style. LEmpire rhétorique, sous-titré Rhétorique et argumentation (1977), fournit une version condensée de sa théorie qui passe relativement inaperçue dans le flot des publications dalors consacrées aux diverses formes de structuralisme linguistique et de théorie littéraire.

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Considérant le droit comme un domaine de technicité dont la philosophie avait beaucoup à apprendre et choqué par les difficultés rencontrées par la justice allemande pour se débarrasser déléments de législation hérités du nazisme, il sefforce de lutter sur plusieurs fronts : contre le positivisme juridique de Kelsen, contre le formalisme juridique de Kalinowski, contre le jusnaturalisme, représenté en France par Pierre Villey. Reprenant dans le domaine juridique le recours aux lieux communs hérités dAristote, il explore le domaine de la topique juridique étudié par Viehweg. Il dirige jusquà sa mort la Revue internationale de Philosophie, créée en 1938, avec le soutien de Karl Popper et de Bertrand Russell.

À partir de 1963, à la suite de son voyage aux États-Unis et de la traduction en anglais du Traité sous le titre de The New Rhetoric. A Treatise on Argumentation (1969), la renommée de Perelman se répand outre-atlantique. Cest pour lui loccasion de découvrir la riche culture rhétorique américaine qui navait pas connu le sort de son homologue européenne et détablir des échanges très stimulants avec des spécialistes du droit anglo-saxon. Nommé docteur honoris causa des Universités de Florence, de Jérusalem et de McGill (Montréal), membre de lAcadémie Royale de Belgique, de lAcademia dei Lincei (Rome), de lAcadémie des Sciences de Heidelberg et correpondant de lAcadémie des Sciences morales et politiques de lInstitut de France, il est annobli le 5 décembre 1983.

Son activité académique ne tarit pas sa volonté dengagement. Dans les conférences sur le libre-examen, quil donne à luniversité de Bruxelles, il défend les valeurs qui sont en accord avec sa conception de la démocratie. Le principe qui guide sa conception de lengagement consiste à renforcer léthique démocratique en construisant un cadre épistémologique, juridique et rhétorique qui permette et justifie lexercice libre de largumentation au profit de la justice.

La publication de Logique juridique (1979) et Le raisonnable et le déraisonnable en droit (1984) le situe, aux côtés de Jürgen Habermas, de John Rawls, de Ronald Dworkin, dAmartya Sen, parmi les grands penseurs de la philosophie du droit qui dans ces cinquante dernières années ont tenté dapporter une contribution substantielle au fonctionnement des sociétés démocratiques et au progrès des droits de lhomme.

Par ailleurs, il contribue à la fondation de lAssociation des amis belges de lUniversité hébraïque de Jérusalem dont il devient le secrétaire général. Il apporte son aide à la construction de lÉtat dIsraël en animant 350diverses associations, tout en trouvant dans les écrits talmudiques la caution dune attitude distanciée à légard des justifications théologiques. Il fonde en 1955 lassociation de défense de la culture juive (Menorah) quil présidera jusquà sa dissolution. Selon Jean-Philippe Schreiber (2002), « [l]a création de lÉtat dIsraël avait modifié lessence même de son adhésion sioniste. Refusant lappartenance à un parti sioniste en diaspora, Perelman se battait dorénavant pour Israël : il sengagea résolument aux côtés du jeune État juif mais refusa lallégeance ambiguë du sionisme politique militant. Cette position, Perelman la partageait avec celui qui était alors secrétaire de Menorah, le jeune et brillant politologue de lUniversité de Bruxelles quétait Marcel Liebman ».

Perelman disparut le 21 janvier 1984, alors quil préparait un ouvrage de synthèse portant sur les rapports entre rhétorique et métaphysique. Sur sa tombe, figurent ces simples mots : « Justice, Justice ! » Après sa mort, de nombreux ouvrages dhommages et de réflexion se sont donné (et se donnent encore) pour objectif de poursuivre, au besoin en la critiquant, lœuvre de ce nouveau classique1.

La Digithèque de lUniversité Libre de Bruxelles fournit les renseignements suivants :

La bibliographie de Chaïm Perelman a été établie par Lucie Olbrechts-Tyteca et Evelyne Griffin-Collart, et publiée dans la Revue internationale de Philosophie, 33e année, 127-128, 1979, p. 325-342. À ce relevé, arrêté au début 1979 et qui comprend 184 numéros, il y a lieu dajouter la bibliographie établie par Lucie Olbrechts-Tyteca pour la période postérieure, qui comprend 59 numéros et qui a été publiée en fin de la Notice sur Chaïm Perelman par R. Legros dans lAnnuaire de lAcadémie royale de Belgique, vol. 152, 1986, p. 111-122.

Une bibliographie en ligne est par ailleurs disponible sur le site des bibliothèques de lUniversité dOregon.

1 Source : LEGROS Robert, « Chaïm Perelman », ds. : Nouvelle biographie nationale, t. IV, 1997, p. 294.