Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Noces de Philologie et Musicologie. Textes et musiques du Moyen Âge
- Pages : 557 à 563
- Collection : Rencontres, n° 281
- Série : Civilisation médiévale, n° 22
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406062103
- ISBN : 978-2-406-06210-3
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06210-3.p.0557
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 12/01/2018
- Langue : Français
Résumés
Michel Zink, « Que reste-t-il de nos amours ? »
Le poème, la chanson sont les reliques des sentiments passés. La lyrique des troubadours inaugure la tradition du dire l’amour, non sans jouer, déjà, d’une subtile mystification. Elle est une poétique de l’aveu, déclaration sans être déclarative. La transmission manuscrite des chansons, bien postérieure à leur invention, démultiplie cette construction fictionnelle en les encadrant de vidas, razos et enluminures qui réinventent la figure du poète amoureux.
Christelle Chaillou-Amadieu et Fabio Zinelli,« Entretien avec Michel Zink »
Dialogue avec Fabio Zinelli et Christelle Chaillou-Amadieu sur le rapport entre le texte et la musique au Moyen Âge. Le point de vue et les réflexions apportées par M. Zink sont autant liés à l’histoire des textes qu’à l’historiographie qu’ils ont suscitée. Ces considérations éclairées sont mêlées de souvenirs personnels qui relatent le parcours et l’évolution de la pensée de l’auteur sur une question qui lui tient particulièrement à cœur.
Martin Aurell, « Troubadours et trouvères. Musique, société et amour courtois »
L’étude insiste sur le lien inextricable entre la poésie des xiie et xiiie siècles, conçue pour la performance, et la musique qui l’accompagne toujours. La fin’amors est au cœur de ces chansons ; elle prône la mesure, la joie active, la purification du désir et le dépassement personnel. Elle adopte les mots et les gestes de la féodalité. Si elle présente des ressemblances avec la littérature amoureuse d’al-Andalûs, elle tranche sur celles qui avaient cours, à la même époque, en Inde ou au Japon.
558Christelle Chaillou-Amadieu, « Philologie et musicologie. Les variantes musicales dans les chansons de troubadours »
La variante, phénomène indissociable de la création poético-musicale au Moyen Âge est, malgré sa banalité, difficile à interpréter. Plusieurs hypothèses s’y essaient. La tradition des chansonniers impose le principe de variation comme une évidence à laquelle le musicologue et le philologue se confrontent. Définir ce qu’on entend par variante musicale dans les chansons de troubadours permettra de fournir quelques éléments de réponse sur les modalités de transmission des pièces musicales.
Océane Boudeau, « La question des variantes dans les nova cantica de l’office de la Circoncision de Sens »
Les offices de la Circoncision de Sens et de Beauvais relèvent d’une même tradition et comprennent tous deux plusieurs poésies latines mises en musique : les nova cantica. La comparaison des leçons de ces nova cantica laisse entrevoir une certaine mouvance révélatrice du passage de l’oralité à l’écrit et des processus de mémorisation. Mais certaines variantes s’expliquent aussi par la prise en compte du contexte musical et liturgique dans lequel s’intègre le novum canticum.
Fabio Zinelli, « Musicologie et Philologie : deux disciplines “auxiliaires” »
Philologues et musicologues mettent en œuvre des compétences et des savoirs différents. Portés vers la reconstruction d’un texte original, les philologues – jusqu’à ce que la révolution bédiériste ne vienne diviser en deux le monde des éditeurs de textes – ont une visée bien différente de celle des musicologues qui, bédiéristes du fait d’une transmission souvent plurielle, fournissent autant d’éditions qu’il existe de mélodies. Cet article dresse un bref bilan historique de la question.
Jean-Baptiste Camps, « Musicologie et philologie numériques »
Présenté dans le cadre d’une table ronde (« Musicologie et philologie : quelles perspectives ? »), cet article vise à servir d’introduction à un débat sur l’apport possible des technologies numériques à une approche d’édition ou d’analyse conjointe du texte et de la musique. Il procède ainsi à un panorama 559bibliographique non exhaustif de projets ou publications relatifs à la formalisation des données musicales et textuelles, ainsi qu’aux méthodes d’analyse de corpus ou de stemmatologie assistée par ordinateur.
Francesco Carapezza, « Transmission et interprétation. À propos des mélodies des troubadours »
Cette intervention à la table ronde propose une réflexion philologique sur la question de l’autorialité des mélodies de troubadours transmises par les chansonniers X, W, G, et R. Le propos est illustré par les exemples de deux mélodies du manuscrit W commençant par une phrase musicale identique.
Marie-Noël Colette, « Tropes et prosules : poésie et musique »
De nombreuses poésies latines (tropes et séquences) ont été composées et insérées à partir du ixe siècle dans la musique liturgique. Issues de chants préexistants, elles étaient par essence destinées à être chantées. L’analyse du rapport texte/mélodie doit donc déborder celle du donné lui-même, se conjuguant à l’étude du rapport à l’ancien chant. Ce corpus fait ici l’objet d’une présentation succincte, suivie d’un aperçu des études menées conjointement depuis quelques années par philologues et musicologues.
Federico Saviotti, « Philologie versus musicologie ? Pour une approche pragmatique de la lyrique médiévale »
Cette contribution examine l’espace consacré aux mélodies dans les éditions des poèmes de troubadours et de trouvères parues dans les quinze dernières années. Les résultats globalement assez décevants de cette enquête font ressortir la nécessité d’un travail d’équipe entre philologues et musicologues (et interprètes, où cela est possible) afin de mieux comprendre la lyrique médiévale dans l’unité fondamentale de ses deux composantes : la musique et le texte.
Susan Rankin, « Writing and Reading. Word and Sound in the Ninth Century »
L’idée que voix parlée et voix chantée sont deux modalités différentes d’émission du son est une abstraction née de l’expérience humaine. Cette différenciation est liée à l’écrit : l’utilisation de systèmes de signes distincts 560remonte aux notations neumatiques apparues au cours du ixe siècle. Cet article montre comment les copistes envisagent le processus de la lecture pendant le haut Moyen Âge, car il est beaucoup plus varié et complexe qu’on a pu le penser jusqu’ici.
Christelle Chaillou-Amadieu et Oreste Floquet, « Musique mesurée ou non mesurée ? Étude sur le rythme dans les monodies des troubadours »
Après un siècle d’étude du rythme des monodies profanes antérieures au xive siècle, la théorie initiée dans les années 1970 par Hendrik van der Werf marqua un certain renoncement. La notation musicale reste donc encore énigmatique, malgré une volonté des scribes de signifier, même approximativement, des valeurs rythmiques. L’article revisite cette question demeurée en suspens depuis la théorie déclamatoire de van der Werf, par un travail commun entre linguiste et musicologue.
Anne Ibos-Augé, « “L’en i chante et lit”. Le discours musical dans les textes littéraires médiévaux »
Les romans à insertions se placent, aux xiiie et xive siècles, entre recherche de nouveauté et désir de conservation musicale. Certains manuscrits sont munis de musique ou la prévoyaient, d’autres sont porteurs d’indications marginales attirant l’attention sur les citations. Destination musicale ou jeu stylistique ? Sans concurrencer les chansonniers, ces textes poético-musicaux tiennent une place à part dans le domaine de la conservation et de la transmission du répertoire lyrique.
Agathe Sultan,« Alphée et Aréthuse. Sur quelques sources notées des ballades médiévales »
La ballade médiévale procède à la fois de la poésie et de la musique, deux sources lyriques qu’Eustache Deschamps invoque, à l’image d’Alphée et d’Aréthuse. La nature musicale des ballades est esquivée dans l’histoire littéraire puisque ce sont souvent des poèmes non notés qui ont prévalu. L’examen de plusieurs manuscrits où les textes sont transmis avec notation musicale invite à reconsidérer le devenir de cette forme en tenant compte des porosités entre sources musicales et sources littéraires.
561Paolo Canettieri, « La division strophique des chansons de troubadours. Entre métrique, musique et syntaxe »
Dans son De vulgari eloquentia, Dante développe une analyse du rapport entre le texte et la musique, en énonçant notamment quatre formes de structures internes aux strophes. L’objectif de cette étude est de comparer ce modèle aux chansons des troubadours et des trouvères, à l’aide de la ponctuométrie qui encode la structure d’une strophe selon la hiérarchie de sa ponctuation. La démonstration s’appuie sur trois chansons de Jaufre Rudel et une chanson de Bernart de Ventadour.
Marie-Geneviève Grossel, « Les figures de répétition dans la chanson de trouvères »
Les figures de répétition sont omniprésentes dans les chansons : ainsi le refrain simple onomatopée, refrain véritable, variable ou identique, sans longueur fixe, multiplie les effets obtenus grâce à sa diversité. La liberté du refrain dans la strophe est aussi celle du mot, particulièrement à la rime. Entre sobriété et surabondance, la reprise (rimes en échos, internes, grammaticales…) engendre l’ivresse sonore ou peut devenir la pierre angulaire de l’architecture lyrique.
Mark Everist, « Le conduit à nombre de voix variable (1150-1250) »
Parmi les conduits polyphoniques se trouvent cinq compositions dont le nombre de voix varie de deux à trois au cours de la pièce. Ont-ils été composés comme des pièces « à nombre de voix variable » et comme un groupe cohérent ? Leurs textes ont-ils fait l’objet de remaniements lors de leur mise en musique ? La structure des textes, les thématiques abordées, la forme musicale de ces cinq pièces révèlent des procédés de composition plus variés et plus complexes qu’il n’y paraît.
Margaret Dobby, « Texte et musique dans les motets sur Flos filius ejus. L’exemple de Fidelis gratuletur / Domino »
Dans les motets, l’existence de relations entre texte et musique semble pratiquement impossible à cause de l’influence de la teneur sur les voix supérieures. Pourtant, malgré ces contraintes contrapuntiques, un certain systématisme polyphonique peut servir à la création de répétitions et de motifs 562dans une perspective rhétorique. C’est le cas dans le motet Fidelis gratuletur / Flos où les répétitions, le rythme et les hauteurs semblent mettre en valeur le texte et son articulation.
Anna Alberni et Maria Sofia Lannutti, « “Lay ves França”. Les structures formelles de la musique et de la poésie dans la lyrique catalane des origines »
Les témoins les plus anciens de dansa conservés en Catalogne, parfois dotés de notation musicale, montrent l’influence de structures strophiques associées à des mélodies de type responsorial qui, tout au long du xive siècle, enrichissent l’éventail des formes à refrain de l’Ars nova française. La lyrique catalane médiévale, héritière des troubadours, assimile très tôt les innovations de la poésie et de la musique françaises, mais les adapte à sa propre tradition littéraire.
Antoni Rossell, « “Laetitia, tristitia, timor, ira, cupiditas…” La emoción en la lírica trovadoresca »
À travers les différents registres émotionnels présents dans les textes des troubadours, l’émotion est utilisée de manière idéologique afin de contenir la passion amoureuse. Dans une poésie qui s’exprime à la première personne et reflète le point de vue de la société aristocratique, le paradigme de la courtoisie devient, sous la plume des auteurs, la garantie d’une éthique qui ne dépasse pas certaines limites, tant sur le plan de la conduite morale que de l’expression poétique.
John Haines, « Le praecantator et l’art du verbe »
Le præcantator, personnage méconnu dans l’histoire de la musique, est omniprésent dans certains rituels médiévaux. Cet article tente de répondre à trois questions : où le præcantator pratiquait-il son art, que chantait-il, et qui était-il ? Le præcantator est avant tout celui – voire celle – qui, selon une formule d’Isidore de Séville, possède « l’art de chanter les mots », c’est à dire de chanter les formules rituelles, et, par conséquent, de garantir leur efficacité.
Gilbert Dahan, « Voix de la liturgie, voix du théâtre dans le drame religieux (xe-xiiie siècle) »
Cette étude montre que, à côté des autres éléments dramatiques, se met en place dès le drame liturgique (xe-xiiie siècle) une gestion spécifiquement 563théâtrale de la voix : les témoignages sont fournis par les textes théoriques, les descriptions des attitudes jugées outrées des chanteurs pendant le culte, mais surtout par la musique, avec notamment une exploitation de la valeur significative des tons et le lien entre texte et musique.
Marie Formarier, « La mise en scène rhétorique de la musique dans les premiers récits exemplaires cisterciens »
Cet article propose une analyse rhétorique de la mise en scène de la musique dans les exempla cisterciens (xiie-xiiie siècle). Il s’agit d’étudier la réécriture dans plusieurs recueils d’un exemplum faisant intervenir Bernard de Clairvaux, des moines et des anges jouant le rôle de scribes afin d’évaluer les différents outils rhétoriques qui permettent, dans chaque récit, de montrer au lecteur comment ces normes musicales doivent être appliquées concrètement dans le cadre liturgique.
Anne-Zoé Rillon-Marne, « Images pour l’œil et pour l’oreille au service de la méditation monastique. Le Lignum vitae de Bonaventure dans le manuscrit Darmstadt 2777 »
Le manuscrit de Darsmstadt 2777 comporte une version du Lignum Vitae de Bonaventure accompagné d’une composition musicale notée, O crux frutex salvificus, et d’un diagramme enluminé reprenant la structure du traité. Cette contribution montre l’efficacité de ces trois supports pour réaliser la démarche de méditation suggérée par Bonaventure, et en particulier l’apport de la mélodie qui guide l’esprit à travers les événements successifs de la vie du Christ scandés par le texte.
Gisèle Clément, « Poésie courtoise et déclamation dans les motets pétroniens. Position du problème »
Les neuf motets pétroniens conservés dans les manuscrits H 196 et Torino, Biblioteca Reale, Vari 42 présentent un caractère déclamatoire très accusé. C’est la vocalité spécifique de leurs parties de triplum qui est envisagée ici. L’analyse prend en compte les éléments constitutifs de la compositio puis de l’actio de ces voix, selon les catégories proposées par les Artes praedicandi de Thomas Waleys, et, en amont, l’Insitution oratoire de Quintilien et la Rhétorique à Herennius.