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Classiques Garnier

Introduction à la troisième partie

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Miroirs de Thalie. Le théâtre sur le théâtre et la Comédie-Française (1680-1762)
  • Pages : 407 à 408
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 55
  • Série : Théâtre, n° 8
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406081791
  • ISBN : 978-2-406-08179-1
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08179-1.p.0407
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/04/2019
  • Langue : Français
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Il reste à identifier les enjeux pratiques du répertoire métathéâtral, dont on a commencé par repérer quil relevait dune rhétorique et dune esthétique convenues pour mettre en lumière ses principales évolutions au cours du temps. Les pièces de théâtre sur le théâtre impliquent une pratique déroutante du théâtre, particulièrement à la Comédie-Française où elles déstabilisent les paradigmes de lhéritage classique dont linstitution apparaît pourtant comme la garante. Que ce soit en termes de poétique, de dramaturgie ou de pragmatique, le répertoire autoréflexif repose sur une dynamique de déplacement qui vise, paradoxalement, à mieux cadrer, cest-à-dire à recentrer, lexpérience théâtrale telle quelle est vécue par ceux qui y participent.

Le « théâtre autoréflexif », cest le théâtre qui se re-présente, cest-à-dire qui duplique une situation réelle, laquelle met en coprésence les personnes et les lieux qui président à la création du spectacle. Cette duplication est de lordre de la fiction, puisque « représenter » consiste, a priori et par définition, à rendre présente à lesprit une chose absente. Dans le cas précis du théâtre autoréflexif, le théâtre qui se représente redouble les éléments dune situation qui est pourtant présente à tous. Ce répertoire rejoue dans la fiction linteraction réelle qui se met en place entre les différents actants de lévénement théâtral : les acteurs, les auteurs et les spectateurs, mais aussi les institutions et toutes les composantes du champ théâtral. En rejouant cette interaction il la tient à distance, il la médiatise, voire la biaise : limage entre en concurrence avec le référent quelle représente.

Ce décalque opère un brouillage des lignes où se dessinent les usages du théâtre autoréflexif. Le flou quil introduit offre une marge daction susceptible dorienter les perceptions : le théâtre sur le théâtre devient le lieu dune (re-)présentation de soi1 et de lautre, où se cristallisent des jeux de rhétorique indissociables denjeux esthétiques mais aussi idéologiques et politiques. Cest dans cette optique, au cours de trois chapitres respectivement consacrés aux auteurs, à l'institution et au public, quil sagira maintenant daborder ce répertoire. En jouant avec 408le référent quil convoque, le théâtre sur le théâtre devient un moyen pour régir lorganisation de lévénement théâtral, pour en ritualiser la séance et pour orienter les voies dinterprétation de la fiction. Il permet ainsi dagir sur les représentations théâtrales, dans tous les sens du terme : au sens concret (« tout ce qui constitue lévénement de présentation scénique »), mais aussi au sens abstrait et mental (« ce que lon se représente être le théâtre »).

1 Voir Erving Goffman, La Présentation de soi, trad. A. Accardo, Paris, Éditions de minuit, 1987.