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Classiques Garnier

Résumés

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résumés

Antoine Derouet et Simon Paye, « Introduction »

Le terme dingénieur évoque à la fois une figure sociale emblématique du monde industriel et une profession au prestige social élevé. Malgré les évolutions du système productif, le prestige rattaché aux métiers dingénieur semble rester intact. Dautant que la désindustrialisation saccompagne dune croissance soutenue des effectifs dingénieurs. Faut-il considérer limage de lexpert technique comme un anachronisme ? Que penser alors du fait que le métier dingénieur reste en grande partie lié au secteur industriel ?

Pieter Raymaekers, « Between capital and labour. The social turn of the Belgian engineering profession in the second half of the nineteenth century »

Portant son regard sur le « social turn » des ingénieurs belges dans la seconde moitié du xixe siècle, ce chapitre souligne limportance des questions « économiques et sociales » dans la construction du groupe. Encouragée par certains acteurs du groupe, la prise de conscience des problèmes sociaux engendrés par les activités industrielles devient progressivement un trait constitutif de lidentité de lingénieur, légitimant en retour sa position dominante dans la division sociale du travail.

Nathalie Hugot-Piron, « Limprobable unité des ingénieurs. La période de lentre-deux-guerres »

Ce chapitre sintéresse aux organismes de représentation des ingénieurs français durant lentre-deux-guerres, à travers les très vives luttes syndicales qui animent cette période de profonde reconfiguration du groupe professionnel. Il retrace lémergence dun espace de représentation des ingénieurs où saffrontent différents groupements dont laction tend à délimiter les contours du groupe tout en posant ses principes légitimes de segmentation, structurant « limprobable unité des ingénieurs ».

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Jaume Valentines-Álvarez, « Unity and heterogeneity within the “great family” of industrial engineers. Profession, economics and ideologies during the Second Spanish Republic (1931-1939) »

Ce chapitre sintéresse aux relations des ingénieurs avec le monde politique en se focalisant sur lévolution des ingénieurs catalans durant la Deuxième République espagnole. Il interroge le rapport à lÉtat du groupe professionnel sous langle de lengagement partisan, questionnant également les effets de linstauration dun nouveau régime politique dont ils sont amenés à devenir les cadres techniques, devant en réaliser les orientations tout en bénéficiant dune reconnaissance nouvelle.

Darina Martykánová, « La profession, la masculinité et le travail. La représentation sociale des ingénieurs en Espagne pendant la deuxième moitié du xixe siècle »

Ce chapitre étudie la redéfinition du travail au cours du xixe siècle, se focalisant linvestissement de cette question par les ingénieurs à mesure que se développe leur groupe. Éclairant les liens entre la transformation des significations du travail et la redéfinition de la « masculinité hégémonique », il souligne la marque du genre dans la genèse du groupe professionnel, en mettant à jour le développement des discours dexclusion des femmes de laccès aux professions délite.

Christel Palant-Frapier, « Architectes et ingénieurs dEurope de lEst en France après la Seconde Guerre mondiale. De la migration aux stratégies daction »

Ce chapitre pose son regard sur une figure suggestive du professionnel marginalisé : les architectes et les ingénieurs originaires des pays dEurope centrale et orientale en France après la Seconde Guerre mondiale. Pratiquant leur activité à lintersection de larchitecture et de lingéniérie, ils ont contribué à la circulation de compétences et de pratiques, tout en façonnant la frontière entre ces deux groupes, sur laquelle ils se situaient.

Simona Talenti, « De nouveaux savoirs architecturaux pour les ingénieurs civils italiens entre les xixe et xxe siècles »

Ce chapitre prend pour objet les relations entre les ingénieurs et les architectes en Italie entre les xixe et xxe siècles. En envisageant cette question sous 355langle des savoirs architecturaux, il met en évidence la plasticité des corpus de connaissances et les possibilités de leur appropriation par des groupes dexperts distincts. À travers létude des formations, il souligne lenjeu que constitue la définition des programmes dans la délimitation cognitive et institutionnelle des groupes.

Odile Henry, « Entre le patronat et lÉtat. Ingénieurs et ingénieurs-conseils en quête de modèles dorganisation professionnelle (1922-1936) »

Ce chapitre interroge léchec des projets français de création dordre professionnel dingénieurs au cours de lentre-deux-guerres. Véritable socio-génèse de « lespace de la représentation politique » des ingénieurs, cette analyse souligne le rôle fondamental des pôles antagonistes que sont les ingénieurs-conseils et les organisateurs-conseils, dont les principes dopposition structurent les controverses sur lorganisation de la profession, empêchant durablement lunion des ingénieurs et des « conseils ».

Alexandra Bidet, « Les ingénieurs de “lEntreprise postale” dans lentre-deux-guerres. Mathématiciens ou hommes pratiques ? »

Ce chapitre porte sur un groupe peu connu, les ingénieurs de lEntreprise postale, qui, bien que cantonné dans un périmètre institutionnel très délimité, a néanmoins exercé un pouvoir discret dans un secteur important de léconomie nationale. En diffusant des façons de faire et de penser, ils ont instillé une approche particulière de léconomie du téléphone et de sa gouvernance, exerçant, de leur position relativement isolée, une influence indirecte sur la gestion des PTT.

Roland Lardinois, « Lespace social des écoles dingénieurs en Inde. Entre lÉtat et le marché »

Cette enquête montre le peu de prise du groupe professionnel sur les transformations contemporaines de lenseignement des ingénieurs en Inde. À linverse, il souligne le rôle des régulations juridiques et institutionnelles mises en place par lÉtat, ainsi que limportance de la compétition entre les écoles dingénieurs, quelles soient publiques ou privées, pour sapproprier la ressource clé que constituent les étudiants, à la fois en terme deffectifs mais aussi de « qualité » scolaire.

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Ferruccio Ricciardi, « Les ingénieurs aux prises des outils de gestion. Réflexions depuis le cas italien (1930-1960) »

Ce chapitre porte sur les enjeux professionnels de lessor de la gestion en Italie au milieu du xxe siècle. À mesure que se succèdent les paradigmes gestionnaires, les ingénieurs sont écartés des fonctions de contrôle, de coordination et de supervision, au profit de nouvelles figures professionnelles : psychologues, consultants, controllers, managers et cadres administratifs. Émerge alors une nouvelle configuration, au sein de laquelle lidentité professionnelle des ingénieurs est déstabilisée.

Céline Assegond, « Lenseignement de la photographie à lÉcole des ponts et chaussées (1858-1911). Une technique valorisante au service dun corps professionnel en ascension »

Cette étude sintéresse à linscription dans le programme de lÉcole des ponts et chaussées dun enseignement de photographie en réponse à lusage croissant de cette nouvelle technique. Elle montre que cette formation, insuffisante pour garantir de véritables compétences en photographie de chantier, a pour effet daffirmer la supériorité des praticiens spécialisés, tandis que les ingénieurs sen saisissent comme un nouvel outil de promotion de leur profession.

Gaëtan Flocco, Lucie Goussard et Sébastien Petit, « Les ingénieurs face aux transformations du système productif. Des réactions contrastées aux légitimations partagées »

Ce chapitre sintéresse aux façons dont les ingénieurs réagissent aux transformations de lorganisation du travail, mettant à jour la variété des conduites : critique, dissidence, adaptation, conformité, déni, indifférence. Au-delà de ces réactions contrastées, les ingénieurs semblent cependant partager un discours commun, qui tend à produire une légitimation des transformations en cours dans leur entreprise.

Antoine Derouet et Simon Paye, « Conclusion générale »

En 1921, Félix Liouville présente une proposition de loi visant à instaurer un ordre des ingénieurs. En 2013, Julien Roitman ouvre un débat national au sein de la profession sur la création dun ordre des ingénieurs. Cette prétention 357à réguler la profession dingénieur aura agité le monde ingéniérial français à différentes périodes. La réémergence périodique de cette ambition montre combien la question de la capacité dagir des ingénieurs sur la trajectoire historique de leur groupe est porteuse denjeux.