Résumés et présentations des auteurs
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Expressions de la manipulation du Moyen Âge à nos jours
- Pages : 615 à 623
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 5
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812459924
- ISBN : 978-2-8124-5992-4
- ISSN : 2492-0150
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5992-4.p.0615
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/08/2016
- Langue : Français
Résumés et présentations
des auteurs
Mathilde Grodet, « La justice manipulée. Faux témoignages et preuves truquées dans les scènes judiciaires des récits courtois aux xiie et xiiie siècles »
Mathilde Grodet est docteur ès études médiévales de l’université Paris-Sorbonne. Elle a notamment écrit « L’eau et le sang », dans Laver, monder, blanchir (Paris, 2006), « Doubles, dédoublements, redoublements dans le Roman de Tristan de Thomas », dans Tristan et Yseut, l’éternel retour (Amiens, 2013), et « Les scènes de bain épiées dans la littérature et l’iconographie médiévales », dans Visions du corps (Rennes, 2014).
La littérature des xiie et xiiie siècles abonde en scènes judiciaires où le tort l’emporte sur le droit grâce à de faux témoignages et des preuves truquées. Ces manipulations impliquent un questionnement éthique en lien avec les exigences de la morale chrétienne et les évolutions de la justice. La mise en garde contre les apparences et le manque de fiabilité du langage mettent ainsi en évidence la faillibilité de la justice humaine : seul Dieu garantit le vrai, le droit, le juste et le bon.
Alfredo Viggiano, « Les astuces du métier. Manipuler l’écriture judiciaire dans la République de Venise (1580-1620) »
Alfredo Viggiano est professeur en histoire moderne à l’université de Padoue. Il est entre autres l’auteur des « Passions déréglées », dans Récit et justice (Aix-en-Provence, 2014), et il a publié avec Giovanni Florio, Storie di Lonigo. Immagini di una comunità veneta dal XII al XIX secolo (Vérone, 2015).
Cet article traite du lien existant entre les écritures de la justice et le système politique constitutionnel de la République de Venise qui prévoyait que celles-ci soient rédigées avec soin, selon les formalités et les possibles interférences/ manipulations rencontrée au cours de leurs parcours. Le théâtre de ces récits est l’État territorial entre 1580 et 1620 environ ; les protagonistes sont les recteurs des villes, des communautés rurales, les avocats et les procureurs légaux.
Michelangelo Marcarelli, « La manipulation de la vérité dans le contexte judiciaire de la Patrie du Frioul (xvie-xviie siècles) »
Michelangelo Marcarelli est l’auteur de « Pratiche di giustizia in età moderna : riti di pacificazione e mediazione nella Terraferma veneta », dans L’amministrazione della giustizia penale nella Repubblica di Venezia, vol. 2 (Vérone, 2004), « La difesa penale nei tribunali signorili friulani », dans Processo e difesa penale in età moderna. Venezia e il suo stato territoriale (Bologne, 2007).
L’article s’intéresse à la manipulation de la vérité dans le contexte judiciaire et social de la Patrie du Frioul (Terre Ferme vénitienne), caractérisée par de nombreuses juridictions dont les seigneurs jouissaient entre autres du privilège d’administrer la justice criminelle. L’objectif est ici de livrer des exemples sur la façon dont la vérité était manipulée avant le début de la procédure pénale, durant son déroulement et hors des tribunaux du milieu du xvie siècle à la fin du xviie siècle.
Giovanni Florio, « Représentants des villes de la Terre Ferme à Venise durant l’Interdit (1606-1607). Nonces et ambassadeurs citadins entre instances locales et politiques internationales »
Giovanni Florio travaille sur les rapports entre Venise et la Terre Ferme à l’époque moderne. Il a publié « Supplier et dénoncer durant l’Interdit de Venise (1606-1607) : entre fidélité au Prince et intérêts particuliers », dans La Culture judiciaire (Dijon, 2014), et codirigé avec Alfredo Viggiano, Storie di Lonigo. Immagini di una comunità veneta dal XII al XIX secolo (Vérone, 2015).
Au xvie siècle, les principales villes de la Terre Ferme se dotèrent d’un représentant fixe (nonce) à Venise destiné à seconder les ambassadeurs pour la défense des intérêts citadins auprès du Prince. Cet article prête ainsi attention aux aspects infra-institutionnels de l’activité de nonce en considérant sa capacité à agir en qualité de médiateur des instances locales auprès du patriciat vénitien et des réseaux de patronage durant l’Interdit de 1606-1607.
Antoine-Marie Graziani, « Quelle est la valeur exacte d’un témoignage ? La manipulation du témoignage dans la documentation judiciaire dans la Corse moderne »
Antoine-Marie Graziani est professeur d’histoire moderne à l’université de Corse. Ses recherches ont trait à l’histoire de la Méditerranée occidentale du xvie siècle
au xviiie siècle. Spécialiste de l’histoire corse à l’époque moderne, il est l’auteur d’Andrea Doria : un prince de la Renaissance (Paris, 2008) et de l’Histoire de la Corse (Paris, 2009) ; il a dirigé l’Histoire de la Corse (Ajaccio, 2013).
La manipulation du témoignage dans la Corse à l’époque génoise est le plus souvent la résultante d’une décision personnelle et plus souvent collective de tromper les juges. Elle est permise par la norme et par le jeu des autorités, qui permettent de désigner comme podestat des gens partiaux et, pour mener les enquêtes, des subalternes. La manipulation correspond à une situation où l’État comme les élites développent un double jeu total qui caractérise la justice en Corse au cours de l’époque moderne.
Frédéric Chauvaud, « Les prestidigitateurs du mensonge. Dissimulateurs, forbans et escrocs devant les tribunaux (vers 1825 – vers 1935) »
Frédéric Chauvaud est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers. Il a publié La Chair des prétoires (Rennes, 2010), dirigé l’Histoire de la haine. Une passion funeste, 1830-1930 (Rennes, 2014) et codirigé Les Vénéneuses. Figures d’empoisonneuses de l’Antiquité à nos jours (Rennes, 2015) et L’arrestation. Interpellations, prises de corps et captures depuis le Moyen Âge (Rennes, 2015).
Entre 1825 et 1935, les tribunaux ont donné une place inusitée aux astucieux et autres manipulateurs. Les chroniqueurs judiciaires utilisent une grande variété de mots pour les désigner. Comme pour la psychiatrie, les savoirs sur le monde des escrocs et des manipulateurs se fait à partir d’études de cas. De la sorte, Allemayer, surnommé « le Rocambole moderne », Thérèse Humbert, désignée comme la « Grande Thérèse » et quelques personnalités du scandale de Panama permettent, pour les courriéristes des tribunaux, de cerner à la fois l’évolution de la « tromperie » tout en donnant une idée plus précise des formes variées de l’escroquerie.
Natalia Neverova, « Être “un homme bon” ou un bon manipulateur. Les traités sur les devoirs de l’ambassadeur au xvie siècle »
Natalia Neverova est membre de l’équipe EA 4270 CRIHAM (université de Limoges). Elle prépare une thèse intitulée « Le monde des diplomates européens à Prague et à Strasbourg (fin xvie-début xviie siècle) ». Elle a publié « Les envoyés français et russes auprès de la cour impériale : la place du silence dans les affaires diplomatiques (fin du xvie siècle) », dans Parole au Silence (Limoges, 2012).
L’article analyse le phénomène de manipulation dans les négociations diplomatiques au xvie siècle à travers les ouvrages consacrés aux devoirs de l’ambassadeur. Cette analyse met en lumière l’idée que la vertu de l’ambassadeur ne serait pas mise en question même en cas de recours à une stratégie de manipulation, si cela est nécessaire, pour mener à bien une mission juste.
Aurore Chéry, « Louis XVI, l’ami des Rousseau du ruisseau. Une histoire de la presse et du roi de France au xviiie siècle »
Aurore Chéry est, depuis novembre 2015, docteur en histoire moderne à l’université Lyon III et membre du laboratoire LARHRA. Elle travaille sur l’image du roi de France dans la seconde moitié du xviiie siècle. Elle a coécrit Les Historiens de garde. De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national (Paris, 2013).
La théorisation d’une désacralisation de la monarchie au cours du xviiie siècle a longtemps laissé supposer que l’image royale était en déshérence à la veille de la Révolution. Cet article cherche à montrer comment Louis XVI s’est efforcé de contrôler son image et de manipuler l’opinion publique. Pour cela, il s’est essentiellement appuyé sur la presse, en apportant discrètement son soutien à certains titres et en entretenant des rapports de proximité avec des journalistes influents.
Romain Courapied, « Jean Lorrain et l’écriture-pharmakon. À propos d’une chronique jugée en correctionnelle pour outrage aux mœurs »
Romain Courapied est docteur en lettres modernes à l’université Rennes 2 – Haute-Bretagne. Membre du CELLAM, il a soutenu une thèse intitulée « Le traitement esthétique de l’homosexualité dans les œuvres décadentes face au système médico-légal : accords et désaccords sur une éthique de la sexualité » (2014), et publié « Mensonges de l’intention d’auteur en période décadente », Postures, no 15 (Montréal, 2012).
« Autour de ces dames – une vieille histoire », chronique de Jean Lorrain publiée le 28 décembre 1891 dans L’Écho de Paris, évoque la question du lesbianisme et celle de l’infanticide, thèmes au potentiel transgressif qui n’expliquent pas à eux seuls le procès intenté pour outrage aux mœurs. Au moment où les critiques fin-de-siècle pointent les dangers d’une littérature corruptrice, il semble bien que ce soient les manipulations esthétiques de l’auteur qui dérangent.
Anne-Marie Baranowski, « La manipulation dans les romans d’espionnage de John Le Carré (1960-1980) »
Anne-Marie Baranowski est professeur de littérature anglaise à l’université d’Angers. Elle est l’auteur de Conquête du Mouvement et Recherche de Soi. L’Imaginaire chez K. Ph. Moritz (1756-1793) (Berne, 1996), thèse de doctorat soutenue en 1992 à l’université de Haute-Normandie, et a dirigé Le Prêtre, entre sacralité et humanité (Angers, 2011).
Chez John Le Carré, la manipulation est un ressort essentiel. Destinée à détruire l’adversaire à distance, elle figure également l’expression des rivalités au sein des Services secrets britanniques, opposant les tenants d’un passé glorieux et les représentants d’une modernité politicienne et démagogique. Quel que soit l’adversaire, c’est une arme mortelle, amorale, mais, ironiquement, les manipulateurs ne sont que des exécutants manipulés, puis rejetés, par l’État qu’ils servent dans l’ombre.
Emmanuelle Danblon, « Par-delà le vrai et le faux. Fictions et illusions en rhétorique »
Emmanuelle Danblon est professeur de rhétorique à l’université libre de Bruxelles. Elle dirige le groupe de recherche en rhétorique et argumentation linguistique (GRAL). Elle a publié plusieurs ouvrages sur la rhétorique, parmi lesquels L’Homme Rhétorique. Culture, raison, action (Paris, 2013).
Dans cet article, on cherche à renverser la perspective sur la rhétorique à propos de la manipulation. Si la fiction peut être vue comme ferment de la manipulation, en particulier dans l’expérience de la propagande, elle peut aussi être considérée comme le levier de la figuration des expériences ineffables. Il y va d’une reconsidération du rôle cognitif et finalement éthique de la fiction pour la vie publique.
Loïc Nicolas, « La rhétorique est-elle une technique de manipulation ? Réflexions sur une accusation et ses limites »
Loïc Nicolas est docteur en rhétorique, collaborateur à l’université libre de Bruxelles, membre du GRAL. Ses travaux portent sur la pensée de Chaïm Perelman et l’histoire des théories de l’argumentation. Il a codirigé Les Rhétoriques de la conspiration (Paris, 2010), Polémique et Rhétorique (Bruxelles, 2010), Paradoxes de la transgression (Paris, 2012) et Rhétoriques de l’exemple (Besançon, 2014).
Le but de cet article est de questionner le discrédit séculaire attaché à la rhétorique et d’analyser la terreur que ses techniques et méthodes ne cessent d’inspirer. Nous tâcherons de mieux comprendre le rapprochement opéré d’ordinaire entre pratique de la rhétorique et manipulation des esprits. Il s’agira alors de présenter de l’ancien « art de persuader » un autre visage, et de signaler sa valeur profonde autant que son efficacité dans la gestion des affaires humaines, notamment en démocratie.
Ida Porfido, « “La vie des autres a toujours valeur d’exemple”. Quelques figures d’imposteur dans la littérature française d’aujourd’hui »
Ida Porfido est enseignant-chercheur de littérature française à l’université de Bari et membre du Groupe de Recherche sur l’Extrême contemporain. Elle a publié Jules Vallès et la mise en scène du Peuple de la Commune (Fasano-Paris, 1998). Ses recherches portent sur la production romanesque sous l’Occupation nazie en France et sur les problèmes liés à la traduction littéraire de textes étrangers.
L’Imposteur de F. Marchand, Alice Kahn de P. Klein, Tarnac de R. Millet sont trois romans français qui dessinent le portrait de l’imposteur aujourd’hui. Autant de « postures » narratives qui, d’un côté, paraissent refléter la condition de l’individu postmoderne en proie aux affres de l’identité ; de l’autre, dévoilent le potentiel démystifiant du genre, en s’attaquant aux différents milieux représentés, et donnent libre cours à la créativité de l’artiste en tant que démultiplicateur de possibles.
Erika Thomas, « Beyond Citizen Kane (Simon Hartog, 1993). Une histoire peu glorieuse de l’empire Globo et de quelques-unes de ses manipulations »
Erika Thomas est professeur des médias, de la culture et de la communication à l’université catholique de Lille. Elle a notamment publié Les Telenovelas entre fiction et réalité (Paris, 2003) et Le Cinéma brésilien, du cinema novo à la retomada (Paris, 2009). Elle a aussi codirigé avec Bernard Leconte, « Écrans et politique », Les Cahiers du Circav, no 16 (Paris, 2004).
Beyond Citizen Kane met en perspective une vie politique brésilienne médiatisée depuis les années soixante par un des groupes les plus influents : le conglomérat médiatique Organizaçoes Globo dont TV Globo constitue le pivot central. Dénonçant les liens du groupe avec la dictature militaire, rappelant son financement illégal par le groupe de presse américain Time-Life, le documentaire considère les manipulations politiques de TV Globo en examinant ses constructions et justifications discursives.
Hanna Sonkajärvi, « Les inspecteurs frauduleux des navires. Les stratégies de survie et d’enrichissement des commissaires de l’Inquisition dans la province de Biscaye aux xvie et xviie siècles »
Hanna Sonkajärvi enseigne à l’Universidade Federal do Rio de Janeiro (Brésil). Ses projets ont trait à la coordination du commerce dans le Pays basque et aux litiges commerciaux au Brésil. Elle a publié Qu’est-ce qu’un étranger ? (Strasbourg, 2008) et « Aperçu sur l’économie de la désertion dans les Pays-Bas autrichiens au xviiie siècle », Histoire, économie & société, no 30, 3 (Paris 2011).
Cette analyse permet d’appréhender comment les commissaires de l’Inquisition dans la province de Biscaye aux xvie et xviie siècles, chargés de visiter des bateaux, ont su profiter des normes et des institutions concurrentes. Le conflit se manifeste à plusieurs échelles (interindividuelle, intra-inquisitoriale, interinstitutionnelle), et les commissaires apparaissent ainsi comme de grands manipulateurs de personnes et de biens dans la province de Biscaye au début des Temps modernes.
Sylvio Hermann De Franceschi, « Adultération de la foi et fausse religiosité. Le jésuite corrupteur de Chrétienté et manipulateur de religion en France au début du xviie siècle »
Sylvio Hermann De Franceschi est directeur d’études à l’EPHE, « Sciences religieuses », membre statutaire du laboratoire d’études sur les monothéismes, et professeur d’histoire moderne à l’université de Limoges. Il est entre autres l’auteur de La Crise théologico-politique du premier âge baroque. Anti-romanisme doctrinal, pouvoir pastoral et raison du prince (Rome, 2009) et de La Puissance et la gloire (Paris, 2011).
Le présent article s’intéresse à la figure du jésuite manipulateur au sein du discours propre à l’anti-jésuitisme français du début du xviie siècle. Dès la manifestation publique de son influence, la mouvance anti-jésuite en France ne s’en est pas tenue à attaquer la Compagnie de Jésus pour ses agissements politiques, mais elle a aussi dénoncé l’entreprise d’adultération et de manipulation de la religion à quoi les jésuites se sont prétendument attachés.
Olivier Caporossi, « Philippe IV et le faux monnayage hispanique. De la manipulation à la subversion »
Olivier Caporossi est maître de conférences en histoire moderne à l’université de Pau et des pays de l’Adour, et membre de l’École des hautes études hispaniques.
Il a codirigé avec Bernard Traimond La Fabrique du faux monétaire du Moyen Âge à nos jours (Toulouse, 2012) et dirigé l’Histoire de la police des étrangers : les expériences atlantiques (xive-xxe siècle) (Paris, 2015).
Les manipulations monétaires de Philippe IV dégradèrent l’autorité de la parole royale. La promesse du roi, protecteur de l’ordre social, pouvait devenir le mensonge d’une tyrannie d’exercice. En promouvant la confusion entre la désobéissance à la loi du prince et le crime du faux monnayage, la législation et la propagande royales défendirent la souveraineté monétaire de la couronne. L’exercice de cette dernière impliqua donc des rapports ambigus entre le roi, la justice et la société.
Annastella Carrino, « Comment être malhonnête sans briser le lien social. Acteurs, institutions et pratiques de l’échange dans l’espace tyrrhénien du xviiie siècle »
Annastella Carrino est professeur d’histoire moderne à l’université de Bari. Elle est l’auteur de Parentela, mestiere, potere (Bari, 1995), La città aristocratica (Bari, 2000) et a dirigé Territorio e identità regionali (Bari, 2002). Elle a publié plusieurs articles sur la Méditerranée, dont « Ressources “nationales” et ressources locales. Les “Génois” sur les routes tyrrhéniennes », The Historical Review, no 7 (Paris, 2010).
On propose ici des exemples d’interaction complexe entre acteurs, institutions et normes dans l’espace tyrrhénien de la seconde moitié du xviiie siècle. L’écart vis-à-vis des normes apparaît contrôlé, « apprivoisé » ; les pratiques, même illégales, présentent une régularité et prévisibilité permettant la réalisation d’entreprises communes et efficaces, et définissent des normes « de fait » que les institutions elles-mêmes favorisent, en se les appropriant.
Stéphane Le Bras, « Quand la manipulation est la norme. Pratiques, enjeux et dynamiques dans le commerce des vins languedociens (1900-1960) »
Stéphane Le Bras est agrégé et maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Clermont-Ferrand II. Il a publié « Les viticulteurs languedociens face à la politique communautaire », dans Mouvements paysans face à la politique agricole commune et à la mondialisation (Rennes, 2013) et « De l’emprise locale à l’influence nationale », dans Les Organisations patronales et la sphère publique (Rennes, 2013).
Dans un contexte de crises et de dérives poussant l’État à réguler le marché, le négoce des vins languedociens est particulièrement concerné. Il pratique en
effet de nombreuses manipulations qui, si elles sont monnaie courante dans la profession, se heurtent à plusieurs problématiques, dissimulant en réalité d’autres enjeux bien plus subtils : la fraude et la réputation des acteurs. Dès lors, avec le renforcement législatif et judiciaire, le négoce doit composer avec de nouvelles exigences.
Jacques Amar, « La manipulation comme phénomène juridique. Le cas de la fiscalité »
Jacques Amar est maître de conférences à l’université Paris-Dauphine et membre du comité de rédaction de la revue Controverses (www.controverse.fr). Il est l’auteur des ouvrages intitulés De l’usager au consommateur de service public (Aix-en-Provence, 2001) et Les Identités religieuses dans le miroir des droits de l’homme. Contribution à une sociologie des droits de l’homme (Paris, 2013).
La présente contribution tente d’esquisser les spécificités contemporaines des phénomènes de manipulation des règles, afin d’éluder l’impôt. Elle montre comment les règles relatives à la libre circulation des individus et les textes en matière de droits de l’homme servent à justifier les comportements délictueux. Il en découle un profond bouleversement de l’ordre social au sein duquel le droit pénal tend à se substituer à la règle fiscale.