Préface

Ce livre vient à point nommé. Nos sociétés surinformées et surmédiatisées s’interrogent aujourd’hui, avec quelque inquiétude, et quelques raisons, sur la fiabilité de l’information et, pire encore, sur le degré de certitude des connaissances qu’elles produisent. Dans un univers où la manipulation des données est toujours possible, la confiance n’est pas forcément au rendez-vous, d’autant que les nouvelles technologies transportent, comme si c’était la même chose, le meilleur et le pire, la vérité comme le mensonge, l’information comme la désinformation.

Dans un contexte où la liberté de l’individu devient une norme, la liberté des mêmes individus d’exercer une contrainte psychologique sur autrui, de le manipuler à des fins contraires à ses intérêts, ouvre chaque jour l’espace d’une violence préoccupante, d’autant que le législateur, prompt à faire condamner la violence physique, l’est moins à faire condamner la violence psychologique, toujours plus subtile.

Dans ce cadre, le développement des pratiques commerciales sans autre ambition que le profit laisse la place à des pratiques parfois douteuses visant à forcer la vente grâce à une perturbation de la conscience des consommateurs.

Le renforcement de la démocratie, enfin, comme seule alternative politique du monde moderne, donne à l’opinion et aux pratiques argumentatives, une place désormais centrale dans le débat et la décision politique. La manipulation, cet envers noir de l’argumentation, comme l’avait remarqué, à l’aube de la démocratie, le grand Aristote, n’est jamais loin, pervertissant les fondements même de cette disposition remarquable du lien social.

La possibilité même de la manipulation, de l’information comme des consciences, suscite donc l’inquiétude et provoque une perte de confiance dans les institutions aussi bien que dans les rapports à autrui. Certains, sensibles aux sirènes de la théorie du complot, voient de la manipulation