Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Experts avant l’expertise. Une généalogie du conseil et du recours à l’expérience
- Pages : 217 à 220
- Collection : Constitution de la modernité, n° 22
- Thème CLIL : 4127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie éthique et politique
- EAN : 9782406103615
- ISBN : 978-2-406-10361-5
- ISSN : 2494-7407
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10361-5.p.0217
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/05/2020
- Langue : Français
Résumés
Julia Castiglione et Dora D’Errico, « Introduction »
L’introduction interroge l’importance significative qu’a acquise aujourd’hui la notion d’expertise en tant que forme d’édiction des normes collectives mais aussi comme concept opérant de manière transversale dans les sciences sociales. L’introduction expose comment, par le retour sur ses formes embryonnaires au commencement de la modernité, l’ouvrage entend mieux cerner cette réalité au carrefour de la délibération et du conseil, que le recours aux outils numériques tend désormais à faire radicalement évoluer.
Adriana Zangara, « De l’idiôtès à l’expert. L’habileté délibérative en question entre l’Antiquité et le début de l’âge moderne »
L’article questionne le paradigme de l’expertise comme intelligence instrumentale dans le domaine de la délibération et du conseil politique, à deux moments de sa longue histoire : depuis son émergence, dans l’Athènes du ve siècle, à sa fin, dans l’Europe du début de l’âge moderne. Ces deux moments se trouvent reliés par la circulation d’un lien paradoxal entre intelligence et compétence, qui incite à interroger l’évolution du rapport entre savoir et exercice du pouvoir.
Hélène Miesse, « “Il valore della solita virtù di Giuliano”. Giuliano da Sangallo et les fortifications toscanes dans le Carteggio de J. W. Gaye »
Cet article porte sur les formes et limites du conseil dans le domaine de l’architecture militaire, en Toscane au début du xvie siècle. Plusieurs échanges épistolaires relatifs aux interventions de Giuliano da Sangallo dans diverses places-fortes entre 1500 et 1512 permettent d’observer la concurrence des compétences reconnues aux différents intervenants que sont l’architecte, les hommes d’armes et les dirigeants, ainsi que les mots employés pour désigner leurs qualités et attributs.
218Hugo Perina, « Facteurs d’orgues et organistes. Approches combinées de l’expertise instrumentale en Italie à la Renaissance »
L’étude des sources contractuelles des commandes d’orgues en Italie aux xve et xvie siècles montre que l’expert est un intermédiaire nécessaire entre les artisans et les commanditaires ; la réunion d’un jury à la livraison est censée entériner le respect des conditions de fabrication initialement prévues. L’expertise apparaît alors comme un usage contribuant au processus de professionnalisation des facteurs d’orgues et des organistes ainsi qu’à l’élévation du statut de l’instrument.
Julia Castiglione, « Les mots de l’expertise artistique. Stima, giudizio et perizia dans les années de fondation de l’Académie de Saint-Luc à Rome (1593-1620) »
L’étude de la mise en place institutionnelle de l’expertise des tableaux à Rome dans le cadre de l’Académie de Saint-Luc permet d’interroger la contestation de la légitimité à juger les tableaux au sein du champ artistique romain. La comparaison entre les sources normatives et la pratique met en évidence l’émergence d’une compétence similaire auprès de gentilshommes amateurs, spécialistes de la commande et du jugement, dont la méthode et la position sont explicitées par le théoricien Giulio Mancini.
Jean Roger, « La parole du médecin au sein de la cour. Étude du parcours et des écrits de Jean Héroard »
Au sein des cours princières, le savoir et l’expérience dont peut se prévaloir un médecin ne constituent qu’une des multiples dimensions qu’il doit entretenir afin de maintenir sa position. Le respect de l’étiquette propre aux sociétés de cour, la démonstration de sa fidélité au maître de celle-ci sont des qualités indispensables. Parce qu’il est à la fois expert et homme de cour, le médecin, à l’instar de Jean Héroard, peut exercer des missions au-delà des limites apparentes de son office.
Elisa Andretta, « Les médecins et la définition d’un environnement salubre. Expertises sur l’ “état de santé” d’Alcalá de Henares (octobre 1544) »
Des lettres de 1544 entre le futur Philippe II et le conde de Cifuentes portent sur « l’état de santé » de différents sites espagnols ; elles sont accompagnées d’avis rendus par des médecins et des apothicaires. La contribution s’interroge 219sur le contexte de cette demande et sur l’origine des pratiques qu’elle suscite. Reconstruire la procédure et ses différentes configurations sociales et savantes permet de s’interroger sur l’usage d’un tel savoir, y compris en dehors du contexte pour lequel il a été produit.
Renaud Malavialle, « Les historiens de la Monarchie hispanique et l’expertise politique en Espagne dans la première modernité. Revendications et enjeux »
Dans le contexte de l’empire hispanique de Philippe III, les revendications de trois historiens de la monarchie au conseil politique (Herrera, Cabrera et Mariana) renvoient aux conditions d’exercice de cette activité en pleine mutation. L’idée d’une expertise de l’histoire pour éclairer la décision politique s’appuie sur une réflexion engagée par le premier humanisme de Vives. Conseiller le prince s’appuierait ainsi sur une conscience nationale étendue au lectorat des corps politiques modernes.
Solenn Huitric, « La définition de la sphère de l’expert dans la gestion de l’Instruction publique. Rapports de force au moment de la construction de l’administration centrale (1811-1813) »
Cette contribution analyse l’un des cadres d’émergence d’une figure d’expert et les modalités de l’institutionnalisation de son intervention en s’intéressant au début du xixe siècle français. Période de construction de l’État, un focus sur l’Empire permet notamment d’interroger la place faite, dans l’administration du pays – et plus spécifiquement, dans la gestion de l’enseignement secondaire −, aux membres des Conseils institués par Napoléon, entre un rôle consultatif et un rôle décisionnel.
Xavier Tabet, « Cesare Lombroso expert du crime. La constitution d’un savoir de l’anormal en Italie au xixe siècle »
À partir d’une analyse fondée sur l’histoire des pratiques pénales et policières, cette étude tente de dessiner les contours du savoir d’expertise qui se constitue, en Italie, autour du médecin, anthropologue et aliéniste turinois Cesare Lombroso et de certains de ses disciples. Cette expertise criminelle se situe dans le cadre d’un « savoir de l’anormal » de la fin du xixe siècle, fondé sur un ensemble de techniques visant à repérer les marques de la dangerosité, en vertu d’une sorte de sémiologie de la déviance.
220étienne Anheim, « Experts et expertise en Europe (xve-xixe s.). Histoire d’une théorie de la pratique »
La conclusion articule trois dimensions de l’expertise : celle de la genèse et de l’historicité du concept, l’aspect réciproque de la construction de l’expert et de l’expertise, et enfin la dimension politique de cette production, avec en son centre la question de la légitimité. Concevoir l’expertise comme une théorie de la pratique permet de mettre en évidence les mutations de l’ordre social, au sein desquelles les experts jouent le rôle de passeurs d’expérience d’un espace social à l’autre.