Aller au contenu

Classiques Garnier

Faire écho

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Les Écritures paradoxales de la passion. Pour Bernard Alazet
  • Auteurs : Calle-Gruber (Mireille), Degenève (Jonathan), Ogawa (Midori)
  • Résumé : Mettant en exergue le séminaire de Bernard Alazet « Questions de voix », l’introduction place le volume collectif sous le signe du « faire écho ». S’annonce ainsi un livre en résonances avec les recherches d’Alazet sur la fabulation romanesque et ses champs d’énonciation problématiques. La traversée de diverses œuvres contemporaines conduit à ce constat : le roman, c’est la passion de la littérature en partage.
  • Pages : 9 à 10
  • Collection : Carrefour des lettres modernes, n° 10
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406089797
  • ISBN : 978-2-406-08979-7
  • ISSN : 2494-7520
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08979-7.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/11/2020
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Écho, voix, littérature, fabulation, roman
9

Faire écho

F8L01 Bernard Alazet, Questions de voix

Le récit moderne, sans renoncer à sinscrire dans une entreprise romanesque, interroge sa capacité à construire du narratif et appréhende le champ de lénonciation comme un objet problématique. On envisagera la question de la voix narrative à travers une forme de récit spécifique, le récit érotique, qui met particulièrement bien en scène ce questionnement représentatif de la modernité en littérature. Textes au programme : Alain Robbe-Grillet, La Jalousie (Minuit) ; Marguerite Duras, LHomme assis dans le couloir (Minuit) ; Marguerite Duras, La Maladie de la mort (Minuit) ; Jean Genet, Querelle de Brest (Gallimard, ‘‘LImaginaire’’)

(Programme Master 2013-2014)

Sous cet intitulé au descriptif et au corpus variables, le séminaire annuel offert par Bernard Alazet en Master Lettres Modernes, naura cessé denseigner à dresser loreille aux dispositifs du récit : à ses tonalités, ses timbres, ses silences.

Ce biais lui permet, certes, dexplorer les formes-frontières de la narration moderne, le récit érotique, ou celui des différences sexuelles et de landrogyne, le récit tenté par le poétique, le récit carcéral et le déconstruit, ou plus précisément, celui dune œuvre « se défaisant à mesure quelle se poursuit », ainsi que le note Genet1.

La question des voix du texte, cest surtout façon pour Bernard Alazet de saventurer au plus troublant de la littérature, et de décliner inlassablement le spectre des é/motions qui nous habitent à notre insu, non pas ce que disent les mots mais ce quils ne disent pas, et moins des tons différents quune instabilité tonale généralisée : comme une absence, une somnolence, distraction ou fulgurance, un fausset soudain, la sourdine, lassourdissement jusquà « la fadeur des mots2 », 10la présence de leffacement, ce qui fait « ombre interne » (Duras)3, et moins le discours amoureux que la dérobée du désir, moins le registre des sentiments que lécriture du soupir4, lépiphanie de la phrase, le « fading des voix » (Barthes)5.

Au moment venu de lui exprimer notre reconnaissance, et la dette quenvers lui nous avons du don de ses travaux, nous avons choisi de faire écho et doffrir à Bernard Alazet un livre de résonances : Les Écritures paradoxales de la passion. Il sagit de faire écho doublement : en retravaillant le motif-Alazet selon dautres diagonales ; en préférant à une construction toute-savante le dispositif énergétique de la suite fuguée. Où les essais sont réunis ci-après selon la scansion informelle de mots de passe : « intime », « phrase », « amour », « biais », « ombres », « désir », « jeux de mains ».

Ce sont autant de passages vecteurs damitié, dadmiration, de gratitude, de complicité, bref, de partage : celui de la passion de la littérature.

Cest-à-dire et cest Compagnie de Beckett qui donne ici la phrase denvoi qui fut citée naguère par Bernard Alazet : la passion de tout ce qui fait « la fable dun autre avec toi dans le noir. La fable de toi fabulant dun autre avec toi dans le noir6. »

Nous tenons à remercier chaleureusement Nao Sawada (Université Rikkyô) et Minako Kono (Université Rikkyô). Nous publions les manuscrits de Marguerite Duras avec laimable autorisation de Jean Mascolo et grâce au concours diligent dAlbert Dichy de lIMEC. Nous les remercions aussi chaleureusement.

Mireille Calle-Gruber,
Jonathan Degenève
et Midori Ogawa

1 Jean Genet, Fragments et autres textes, Paris, Gallimard, 1990, p. 77.

2 Bernard Alazet, « De la fadeur des mots », in Bernard Alazet, Christiane Blot-Labarrère et Robert Harvey (éd.), Marguerite Duras. La tentation du poétique, Paris, PSN, 2002, p. 85-95.

3 Marguerite Duras, Entretiens avec Michelle Porte, Le Camion, Paris, Minuit, 1977, p. 124.

4 Bernard Alazet, « Une écriture du soupir », in Marguerite Duras, rencontres de Cerisy, Écriture, 1944, p. 83-98.

5 Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, coll. « Points », p. 49.

6 Bernard Alazet, « De la fadeur des mots », art. cité, p. 95.