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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Les Discours adressés au(x) pouvoir(s)
  • Pages : 407 à 413
  • Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 37
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406167723
  • ISBN : 978-2-406-16772-3
  • ISSN : 2492-0150
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16772-3.p.0407
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/05/2024
  • Langue : Français
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Résumés

NoëllineCastagnez, Laure Depretto et Julien Véronèse, « Introduction »

Les discours adressés au(x) pouvoir(s) sont envisagés sous trois angles successifs qui constituent les trois parties de cet ouvrage : ladresse au Prince, centrée sur la rhétorique délibérative et épidictique et le face-à-face avec le gouvernant ; les formes de la demande (suppliques, requêtes, pétitions), en fonction du régime politique et du type de requérant ; le rôle dintercession et de médiation des porte-paroles.

Pierre-Alain Caltot, « “Patrivmque aperitvr vertice sidvs”. Mise en scène de la comète de César comme discours adressé au Prince dans la poésie latine augustéenne et néronienne »

Apparue en juillet 44 pendant les ludi consacrés à Jules César, la comète de César (sidus Iulium) constitue une occasion de légitimer le pouvoir dAuguste. Les poètes augustéens et néroniens consacrent lévénement en motif littéraire dans la bucolique, lode, lépopée et lélégie et présentent le Princeps en dépositaire de lhéritage des Iulii et de César divinisé. La circulation intertextuelle de ce motif poétique participe ainsi dun dialogue continu entre poétique et politique.

Emilia Ndiaye, « À Memmius ou Lucilius, à Sisebut ou Richard. Quelques adresses dauteurs de traités sur la nature à des hommes de pouvoir »

Dans leurs traités sur les choses de la nature, Lucrèce (De la nature), Sénèque (Questions naturelles) puis, au Moyen Âge, Isidore de Séville (De la nature), Adélard de Bath (Questions naturelles) et Guillaume de Conches (Dragmaticon), naturalistes mais aussi moralistes, adressent leur dédicace à un homme de pouvoir. Nous examinerons la fonction pragmatique de ces adresses, avec leurs procédés topiques, et la stratégie utilisée par chaque auteur pour asseoir sa voix auctoriale face au pouvoir.

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Rosa Benoit-Meggenis, « La parrèsia du moine dans lempire byzantin (viiie-xiiie siècles) »

Notre propos est de montrer que la position spirituelle des moines au sein de la société byzantine les autorisait à sadresser avec liberté et franchise aux plus puissants personnages de larmée, de ladministration impériale et au souverain ; les Vies de saint et les chroniques qualifient cette attitude de parrèsia, terme grec déjà attesté dans les sources antiques, qui désigne la familiarité mêlée daudace que seuls les philosophes pouvaient adopter en sadressant aux élites.

Karol Skrzypczak, « Sadresser au roi en son absence. La première Justification du duc de Bourgogne et la Proposition de labbé de Cerisy (1408) »

La question de labsence du roi se trouve au cœur des enjeux politiques et juridiques du règne de Charles VI (1380-1422). Le meurtre de son frère, Louis dOrléans, en 1407, ouvre une polémique dont les deux discours les plus connus, la Justification du duc de Bourgogne et la Proposition de labbé de Cerisy, prononcés en 1408 dans le cadre de séances solennelles durant lesquelles le roi, leur destinataire principal, fut absent, constituent des témoins privilégiés des paroles adressées au pouvoir.

Bernard Ribémont, « Du prince défunt (Philippe le Bon) au prince successeur (Charles le Téméraire). Ladresse au pouvoir de Guillaume Fillastre, chancelier de lOrdre de la Toison dOr »

La forte personnalité de Philippe le Bon a suscité, après son décès, une série de textes lui rendant hommage et parmi eux, celui de Guillaume Fillastre. Cet hommage présente lintérêt dêtre composé par un « homme du duc », mais qui se trouve dans une position délicate après la mort de Philippe. Son hommage en devient un « chastoiement » pour Charles le Téméraire et est ainsi un témoignage de la transformation du traditionnel planctus en adresse au pouvoir.

Mellie Basset, « Fénelon, conseiller politique du duc de Bourgogne. Étude de la correspondance adressée au prince durant la guerre de Succession dEspagne »

Cette étude propose danalyser les lettres écrites par Fénelon au duc de Bourgogne entre le 7 septembre et le 17 novembre 1708 pour lui donner des conseils politiques, militaires, moraux et spirituels. Il sagit de montrer, à 409travers trois approches (pragmatique, stylistique et rhétorique), que non seulement Fénelon possède lethos du parfait conseiller dévoué, mais aussi quil met en place une panoplie de stratégies oratoires afin que le prince écoute ses mises en garde.

Laure Depretto, « Écrire en disgrâce. Bussy-Rabutin sadresse au roi-lecteur »

Les écrits de Bussy-Rabutin sessaient à toutes les formes de ladresse au roi, de la plus directe et la plus normée (le placet) à la plus indirecte (le discours à sa famille). Comme actions pour retrouver la faveur, ils ne prévoient pas les lecteurs quils affichent pourtant comme destinataires : ni les enfants, ni la postérité, mais bien le roi. Et pas nimporte quel roi : moins le roi de grâce que le roi-lecteur. Ils témoignent ainsi de létroite relation entre mode de publication et signification.

Jeanne-Marie Jandeaux, « Le discours familial auprès du pouvoir royal et de ses représentants dans les dossiers denfermement pour correction au xviiie siècle »

Dans la seconde moitié du xviiie siècle, des familles éplorées sadressent au roi pour le supplier de leur accorder un ordre pour faire enfermer un parent dont la conduite déviante menace leur honneur. Leur objectif est de convaincre et apitoyer le monarque, de démontrer que seule une lettre de cachet peut les sauver. La réception favorable de ce discours dramatique par ladministration royale est contrebalancée par la voix de laccusé qui sérige en victime dun arbitraire familial et royal.

Éric Derennes, « Des femmes interpellent les Chambres en faveur de la duchesse de Berry (1832-1833) »

En 1832, la duchesse de Berry provoqua un soulèvement légitimiste dans certains départements de la France qui se solda par un échec et son emprisonnement à Blaye. Une campagne de pétitions fut aussitôt lancée pour demander sa libération. Parmi les signataires, des centaines de femmes se distinguèrent, notamment à travers des pétitions exclusivement féminines. Au-delà de « faire nombre », elles entrèrent dans le débat politique et affirmèrent une opinion publique genrée autonome.

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Oriol Luján, « Moyens de domination ou démancipation ? Une analyse comparée des pétitions adressées au Parlement en France et en Espagne au xixe siècle »

Ce texte examine le langage utilisé dans des pétitions au Parlement des citoyens français pendant la monarchie de Juillet (1830-1848) et de leurs homologues espagnols dans les premières décennies du règne dIsabelle II (1837-1854). En dépit des limites à la participation politique dans ces pays, il conclut que les pétitionnaires ont utilisé les pétitions pour exiger le respect des droits que la Constitution et les différentes législations leur accordaient.

David Bellamy, « Écrire à lÉlysée sous la présidence de René Coty (1954-1959) »

Létude du courrier reçu à lÉlysée sous la présidence de René Coty (1954-1959) permet de mieux connaître le rapport entre les citoyens et le chef de lÉtat avant le passage à une nouvelle République qui modifie profondément la culture politique du pays. Il manifeste que les Françaises et les Français attendent déjà beaucoup du premier magistrat de la République, personnalité éminemment populaire.

Grégoire Le Quang, « Toucher le cœur de lÉtat. Les lettres adressées au président de la République pendant lenlèvement dAldo Moro (mars-mai 1978) »

Lenlèvement dAldo Moro au printemps 1978 ouvre en Italie une période dincertitude. Les lettres envoyées au président de la République permettent dentrouvrir une fenêtre sur la manière dont les citoyens ont pu simpliquer dans cet épisode dramatique. Elles démontrent une variété de stratégies rhétoriques pour sadresser le plus efficacement possible au chef de lÉtat, laissant entrevoir une parole singulière et touchante qui tranche avec les représentations publiques de lAffaire Moro.

Claire Hugonnier et Geneviève Bernard Barbeau, « “Votez contre”, ou quand un mouvement contestataire sadresse aux pouvoirs étatiques. Le cas du collectif Marchons Enfants ! »

La loi française visant à ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires a soulevé une vague de contestation sous 411la bannière du collectif « Marchons Enfants ! ». Parmi les actions mises en œuvre, les opposants et opposantes écrivent aux personnes qui détiennent le pouvoir dinfluencer le processus législatif. Nous nous intéressons aux particularités de cette forme dexpression militante du point de vue des sciences du langage.

Quentin Verreycken, « As moost Cristen prynce whos clemens is to be noted. Tempérer la grâce du roi en Angleterre et en France (xiiie-xve siècles) »

Instrument majeur dans la construction de lautorité royale en Angleterre et en France à la fin du Moyen Âge, le pouvoir de pardonner est aussi une pratique controversée. Dès le xive siècle, loctroi régulier de lettres de rémission et de pardon est dénoncé au sein des assemblées représentatives des deux royaumes, ce qui contraint les monarques à promulguer une législation encadrant leur droit de grâce. Il en résulte un dialogue entre souverains et sujets autour de lexercice du pouvoir royal.

Laurent Bourquin, « Se plaindre au gouverneur. Les requêtes présentées au duc de Nevers pendant les guerres de la Ligue (1589-1594) »

Les requêtes adressées pendant la Ligue au gouverneur de Champagne expriment linquiétude des notables qui sont confrontés aux violences de guerre. Elles témoignent aussi dune exigence de justice, notamment chez les nobles royalistes qui réclament protection et arbitrage. Elles permettent enfin de négocier, voire de contester lautorité royale à travers son dépositaire. Ce faisant, les requêtes contribuent, avec dautres outils, à faire évoluer lespace public à la fin du xvie siècle.

Antoine Ropion, « De la supplique au manifeste public. Les adresses au pouvoir des ouvriers en soie lyonnais (1744-1793) »

À partir dune sélection de mémoires ou brochures publiés entre 1749 et 1790 par les ouvriers en soie lyonnais, cette étude veut éclairer les conditions de formation et de mobilisation de ce qui est aujourdhui identifié comme l« idiome corporatif », en le considérant non plus comme le creuset dune idéologie, mais avant tout comme une ressource dont la souplesse illustre et favorise la capacité dadaptation des travailleurs à la perpétuelle et complexe négociation des conditions de travail.

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Pierre Allorant, « Discours adressés aux préfets. Cibles ou médiateurs, de Napoléon à la Libération ? (1800-1945) »

Incarnation de lautorité de lÉtat à la tête du département, seul grand corps de hauts fonctionnaires en province avec les ingénieurs des Ponts, les préfets attirent les manifestations de mécontentement, tant contre le régime et le gouvernement en place quà légard de leur comportement personnel ou de couple : leur vie publique, réceptions, bals et déplacements sont scrutés par lopinion provinciale.

Erwan Pointeau-Lagadec, « Demander ou sopposer au changement de statut légal du cannabis par voie de presse. De “Lappel du 18 joint” à “Lappel des 80 parlementaires Les Républicains” (1976-2021) »

En France, lusage du cannabis est interdit depuis le vote de la loi du 31 décembre 1970. Six ans plus tard, 150 personnalités publiaient dans Libération le premier appel à la dépénalisation du produit, inventant du même coup une tradition toujours vivace : linterpellation du pouvoir par voie de presse au sujet du statut légal du cannabis. Sappuyant sur lanalyse de 28 requêtes du même type, notre travail entend contribuer à létude du débat public sur les drogues en régime de prohibition.

Noëlline Castagnez et Laélia Véron, « Dix “emmurés vivants” de Clairvaux réclament à lÉtat français le rétablissement de la peine de mort. Sadresser au pouvoir quand on est détenu »

En 2006, une pétition, signée par dix détenus incarcérés à la maison centrale de Clairvaux, fait sensation : elle réclame le rétablissement de la peine de mort. Nous nous proposons, en retraçant lhistoire de la conception, des circulations, des lectures et des réponses de/à sa lettre, danalyser ce texte comme exemple de lambiguïté de la saisie discursive du politique par ceux qui nen ont, a priori, ni la légitimité, ni la possibilité légale ni les moyens matériels : les détenus.

Nolwenn Duclos, « La question prioritaire de constitutionnalité »

Prévue à larticle 61-1 de la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité peut sanalyser comme un discours du justiciable adressé 413au pouvoir juridictionnel, qui porte sur la violation, par une disposition législative, des droits et libertés que la Constitution lui garantit. Elle est aussi un discours du Conseil constitutionnel qui, lorsquil répond à la question qui lui est posée par le justiciable, sadresse simultanément aux pouvoirs juridictionnel, exécutif et législatif.

Michel Offerlé, « Épilogue. Pourquoi et comment comprendre celles et ceux qui écrivent aux autorités »

Cette synthèse sur les discours dadresse aux pouvoirs évoque dabord les questions de méthode, les difficultés du comparatisme, puis sintéresse aux destinataires, aux contraintes et aux stratégies des acteurs, à la réception des discours par les autorités lisant les requêtes, enfin à leur efficacité politique. Elle propose de nouvelles pistes dinvestigation, concernant dune part le cas de la prière à Dieu, dautre part des problématiques liées au genre des requérants (gender studies).