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Classiques Garnier

Glossaire

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Contes et Discours d’Eutrapel
  • Pages : 705 à 737
  • Collection : Textes de la Renaissance, n° 225
  • Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN : 9782406097693
  • ISBN : 978-2-406-09769-3
  • ISSN : 2105-2360
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09769-3.p.0705
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 30/12/2019
  • Langue : Français
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Annexe II

Extraits des Memoires recueillis et extraicts des plus notables et solemnels Arrests du Parlement de Bretagne

I. Pièces liminaires des trois livres

N.B. : à quelques exceptions près, je nai retenu que les pièces écrites par Du Fail.

II. Sélection darrêts

Pièces liminaires des trois livres

Du Fail, Memoires recueillis et extraicts des plus notables et solemnels Arrests du Parlement de Bretagne. Divisez en trois livres. Le premier contient les Arrests donnez en lAudience. Le second ceux des Chambres. Le tiers les Meslanges. À Rennes, De limprimerie de Julien Du Clos Imprimeur du Roy, 1579, Avec Privilege. in-4o. Mazarine [3296] ; Arsenal Fol – J – 913

A D. Natalem du Falium Vir. Nob. & Clar. D. de la Herissaye ac in Senatu Britanniae Caelticae Consiliarium,

Ber. Gerad1.

Natalis Rhedonae decus altum, ingensque, Senatus,

Et magna Armorici glorai lausque soli :

678

Tam bene qui iuvenis scripsisti rustica verba,

Unde tibi tantus surgere coepis honos.

Seria dum scribis magni decreta Senatus

Maius ut istud opus Gloria maior erit.

Épître liminaire du Premier Livre

A haut et puissant messier Loys de Rohan, Chevalier de lOrdre du Roy, Prince de Guemené, Comte de Mont Bason, Saincte Maure, et Nouastre, Baron, de la Haye en Touraine : et seigneur de Montauban, et du Vergier.

Monseigneur, Je ne sçay sil vous souvient comme estant à Paris y a environ quatre ans, vous me feistes cest honneur me commander par lun de voz Gentilshommes, le sieur du Mont, vous aller trouver pour conferer et discourir de plusieurs et diverses choses avec vous, estant prevenu de quelque opinion de moy laquelle (peut estre) vous ne trouvastes se rapporter à ce quon pouvoit vous en avoir dict : tant y a quil men souvient bien, et me souviendra encore mieux toute ma vie, que durant le temps que jay eu cest honneur de communiquer aussi privement avec vous, qui fut par trois fois, dautre chose et argument ne me parlastes que de la Justice de Bretagne, quelles loix y estoient introduictes, lobservation dicelles, quelles gens de bien : comme les Ecclesiastiques, comme la Noblesse, comme le tiers estat, se gouvernoient : monstrant par là combien vostre esprit genereux est fertil et abondant, se sachant ainsi joindre à toutes especes dhommes et vocations, pour parler dun jugement merveilleusement résolu et certain de quelque subject que ce soit, et qui se puisse presenter. Ainsi Homere loue son Ulysses, lappellant homme habille, et qui sçavoit sacommoder à tout : ainsi ce grand Capitaine Alcibiades, par une singuliere dexterité desprit, alloit rire et jouer aux Cabarets dAthenes, disputer et picquer Chevaux en la ville de Sparte, et tracasser, escrimer, et senyvrer avec les Traces. Ainsi faisoit Hermogenes lequel rioyt entre les joyeux : ploroit avec les melancholiques : follastroit avec les jeunes, et estoit vieil entre les plus aagez. Ainsi Alexandre le grand escrivoit à son mareschal, comme si jamais il neust fait autre mestier que ferrer Chevaux : quil eust à bien traicter le Cheval que les Atheniens luy avoient donné, le promener tous les jours, luy parer bien les pieds, ne le ferrer après, quil ne feust assez long 679temps, luy fendre les narilles, luy laver souvent la queue, et ne luy laisser prendre trop de graisse. Ainsi Dentatus ce grand chef de larmée des Romains contre Pyrus Roy des Epirotes, lequel avec les despesches, destat, escrivoit à son charpentier Patroclus : quil eust en faisant sa maison, à besongner de bois sec : quil y eust veue et clarté du costé de midy, quelle eust deux fenestres et une porte seullement. Ainsi ce grand Seigneur et vaillant Capitaine Paulus Æmilius, ayant lennemy en teste escrivoit à un sien Mestayer, disoit quil luy envoyoit un bœuf pour accoupler avec lautre blanc. Je tenvoie aussi (disoit-il) la Charrue que tu demandes : laboure donc bien ma terre, fossoye ma vigne, et essargotte bien mes arbres. Donc, Monseigneur, pour satisfaire à partie de la grandeur de vostre esprit tant vif et universel, et voyant quon doit commencer le second jour de Mars prochain à la reformation des Loix et Coustumes de ce pays, jay pensé estre de mon devoir de communicquer au peuple sous la faveur de vostre tresillustre, et tresancien nom de Rohan, plusieurs notables Arrests de ceste Court de Parlement, où jay cest honneur destre Conseiller : lesquels vous pourront donner plaisir en les oyant lire, pour la variété et diversité des choses qui y sont contenues : et reveiller les esprits de Messieurs les commissaires reformateurs desdites Coustumes, deputez par le Roy à cest effect : pour ausquels assister, furent aux derniers estats de ce pays nommez et choisiz plusieurs grands personnages, entre autres deux pour cest Evesché, dont lun est le seigneur Vicomte de Mejusseaume, Chevalier de lordre, Gouverneur et Capitaine de ceste ville, et grand homme de guerre : les sages deportemens duquel audit gouvernement, et du Seigneur de Beaucé son Lieutenant, aussi Chevalier de lordre, monstrent assez de quelle dignité il executeroit une plus grande charge : lautre est le seigneur de Beauvoir Bourg-barré, homme prudent, advisé et dun libre et equitable jugement : que Dieu leur en doint une bonne issue, et que leurs Loix soient telles comme disoit Isocrates, quelles nengendrent aucuns procès. Si fault-il ce pendant (en meslargissant un peu) que je dye ce pays et Duché de Bretagne estre dit à bon tiltre et enseignes, La Province aussi entiere et moins meslée et bigarrée de sang et familles estrangeres, quautre qui soit aux environs delle : ayant depuis unze cens ans en çà, subsisté et soy tenue debout, sans estre courue ne pillée de ses peuples Septentrionnaux et Allemans, qui sont venuz habiter et occuper les Gaulles, Hespagnes et Italie, juxtement après la rupture et dissolution 680de lEmpire Romain. Car environ lan de nostre Seigneur 450 ans, lesdits peuples sestans jectez sur les ruines dudit Empire, qui encore restoient aux Gaulles, les François aians dechassé et mis hors icelles, les Vvandals, Huns, Saxons, et Alains, en sont devenuz les maistres et seuls seigneurs, excepté de ceste Bretagne : laquelle parmy tant de divisions et troubles, na receu aucune alteration ny changement de peuple, jusques-là davoir retenu le propre et naturel langage duquel usoient les anciens Gaullois Aquitaniques (que Pline dit avoir esté appellez Armoriques) et estre celuy quon parle aujourdhuy en nostre basse Bretagne, comme disent Beatus Rhenanus Alleman, Petrus Ramus, et Hottomanus, François, personnages merveilleusement sçavans, et grands recercheurs de lantiquité. Et semble que ceste opinion soit non seulement soustenable, ains du tout necessaire, si on regarde diligemment et de près les Commentaires de Jules Cesar, Cornelius Tacitus, et Polydorus Virgilius en lhistoire dAngleterre. Il y a quelque debat entre les historiographes François et maistre Allain Bouchard qui a dressé nostre Chronique, entant quils disent que le nom de Roy avoir esté perdu et aboly en ce pays lors que Judicaël ou Gicquel se rendit subject et tributaire de Dagobert Roy de France : et que Charlemagne (après avoir fait la guerre en ce pays par lespace de 30 ans) avoit contrainct les Princes diceluy en faire hommage. Bouchard au contraire se defend du tesmoignage de Sigisbert et de Vincent en son miroir historial, et notamment et surtout de lacte et instrument passé entre Loys 8. et Pierre de Dreux surnommé Mauclerc, y a maintenant trois cens trenteneuf ans : par lequel ledict de Dreux issu de la Maison de France et Duc de Bretagne à loccasion de sa femme, dict expressement et par clause particuliere et accordée que oncques Roy ou Duc de Bretagne, auparavant luy, navoit fait hommage ne submission dudit pays, ce que maistre Charles du Moulin docte jureconsulte François confirme, et que Bouchard a dit la verité. Et encores que les Ducs ayent laissé ce nom de Roy après seze Roys tous Chrestiens, leurs predecesseurs, si leurs sont neantmoins demeurez les droicts et habits Royaux, portans couronnes à haults fleurons dune hauteur car les autres Ducs ont seullement un chapeau à simples fleurons ou boutons, comme erigez et faits par quelque Roy, ou autre leur souverain. Et dit lAlciat cest insigne jureconsulte Milanois, quil ny a que quatre Ducs qui se puissent ou doivent egaller et comparer aux Roys, desquels celuy de Bretagne est lun des premiers. La Bretagne, en son extendue, contient 681cent lieues de long, et presque la moitié moins de travers : y a de belles et fortes villes ; et en grand nombre, avec plusieurs ports et havres, comme estant enveloppée et circuite de mer : neuf Eveschez, neuf Barons hauts et puisssans seigneurs : vingtdeux Seigneurs portans bannieres, 35. seigneurs Bacheliers, qui sont (comme dit le Coustumier dAnjou) ceux ausquels ne default que le tiltre de Compte ou Baron et qui ont telle justice que ceux dont ils sont issuz. Trentequatre Abbayes, trentequatre sieges royaux et dix sept mille maisons nobles de compte faict. Ne se fault esbahir des services que les Barons ont faict aux Roys de France, par tant dannées, et avant quils eussent ce bien que leur dame et Princesse Anne fust mariée aux Roys Charles 8. et Loys 12 car ils ont esté en reputation et valeur telle, que quelque Prince qui fust se tenoit bien heureux, voire honoré les pouvoir tenir à sa soulde et gages, comme il se void par noz vieux rolles, et par lhistoire de Froissard autant receues et moins menteuse que nous aions. Si requist le sire de Coucy (dit le bon homme) au roy de France (cestoit Charles le quint) quil luy voulust aider à avoir ses compagnons Bretons qui guerroyent et harroient le Royaume, et il les meneroit en Austriche. Le Roy qui bien vousist que les compagnons fussent en autre part, luy accorda si luy donna ou presta, je ne sçay lequel, soixante mille francs pour departir aux compagnons. Lors se meirent en chemin vers Austriche, et firent mout de maux par tout où ils chevaucherent. Et au fueil. 34 du 2. lib. Le Duc de Bretagne dit quil se defendroit bien tout seul des François si ses subjects comme Rohan, Laval, Glesquin, et Clisson luy obeissoient, et nestoient contre luy. Et incontinent après, Le sire de Concy refusa lestat de Connestable disant que Messire Olivier de Clisson estoit plus suffisant de lestre que nul : car il estoit preux et hardy, homme sage, aimé et cogneu des Bretons, Et au fueil. 109. Si ces Bretons viennent icy (il y avoit deux mille lances qui faisoient six mille testes armées) nous sommes tous morts ou pillez (disoient les Flamens) on leur doit grand finance et ont eu moult de travaux en ce voyage : ils se malcontentent du Roy, et à grand peine les peut on refrener. Au reste les seigneurs et gentilshommes du pays avoient et tenoient un ordre damasser et recuillir leurs subjects et vassaux, par une forme et façon de faire, quils appelloient : droict de menée moitié pour aller en guerre, si besoing estoit, ou pour le jugement de leurs procès et querelles, si aucunes y en avoit : estoient pour cest effect semonds et appellez par un sergent, appellé, lAmeneur : ne leur estant loisible ne permis soy retirer sans permission et congé du Seigneur, 682ou son Lieutenant, attendans le commandement ce quils auroient à faire, et que les affaires du Seigneur, et les leurs quant et quant fussent despeschées : cest ce que veult dire lart. 261. de vieille coust. Nul gentilhomme (dit il) doit estre parforcé faire corvées, fors daller aux armes ou ès plaids, ou en gibier, ou en layde du seigneur, où les autres nobles doivent et souloient aller. Se trouve à ce propos au Chasteau de Nantes en la chambre du tresor des lettres de ce pays, en larmoire merquée I, cassette B. le rolle des chevaliers dost deuz au Prince et presentez au Duc Jan, estant lors à Ploarmel lan 1284 où entre autres, est dict que le seigneur de Chasteau-Briend doit au Duc, pour la terre de Joué, un Chevalier par la menée du seigneur dAncenis : et plus bas que le Seigneur de Clisson doit deux chevaliers dost, pour raison de la terre dHiberic par la menée du seigneur de Rieux. Item le Vicomte de Rohan, neuf chevalier et demy, et trois chevaliers pour le fief de Porhouet, par la menée au Comte de la Marche. Or ce mot de meneur estoit entre les anciens comme Capitaine : Messire Guy de Chastillon (dit le mesme Froissard lib. I. fol 162) estoit meneur et conduiseur de ces gens. Et au feuillet 268. grand Capitaine et meneur de gensdarmes. Lesdits vassaux ainsi amassez ne se retiroient ou departoient de ladite convocation, menée, ou assemblée, sans congé comme estans arrestez, jusques à ce quils fussent delivrez, mis hors, et licenciez de sen aller leur seigneur, ou son lieutenant, dont est venu ce mot delivrance : duquel est parlé au I. art. de nostre Coust. Et quand Jean de Chastel Morant (dit encore Froissard lib. 2. fol. 33.) en veid la maniere, il dist Seigneurs, il vous semble que vostre escuyer soit trop menu, si men baillez un autre à vostre plaisir, et je vous en prie, afin que je parface ce que jay entreprins : car on me feroit tort et vilanie si je men partoye dicy sans faire faict darmes : dont respondirent le Connestable et le Mareschal de lost : vous dites bien vous laurez. Adonc tout a lentour aux chevaliers et escuiers qui estoient là, fut dit quon delivrast le seigneur de Chastel-Morant, et tantost messire Guillaume de Fermiton : Dites luy quil ne se peut partir dicy sans faire fait darmes, et sen voise reposer un petit en sa chaire, et tantost sera delivré. Et a deux fueillets après, retirez vous à Boulongne, et me signifiez vostre venue, tantost et incontinent je men iray vers vous et vous delivreray. Et de fait encore ce jour M. Nicolas Bernard cest homme de bien Advocat à Rennes, ne dit pas. Jay plaidé pour un tel, ains je lay delivré : retenant cela de lancienne façon, et comme il a aprins des vieux. Ceste representation personnelle des Vassaux fut abrogée lan 1441 et au lieu de cela, suffit 683bailler la Tenue par escript, nous estant neantmoins demeuré quelque umbre et image de telles menées aux juridictions et principalement pour le regard du reel, et cas patrimoniaux. Au demeurant il est aisé à voir quaux temps passez y avoit en ce pays bien peu de loix et coustumes escrites : car encore que le Duc Allain, surnommé Fergant, y a 492 ans, ait esté le premier qui establit le Parlement en sa ville de Rennes, principale et capitale du pays, et quil soit escrit quil feist plusieurs constitutions, toutesfois ne se trouve rien de luy que les ordonnances de la mer. En lan 1185. Geoffroy Comte de Richemont en Angleterre, filz du Roy diceluy pays et Duc de Bretagne, à cause de Constance sa femme, publia et meit en avant lassise et façon de partager entre les nobles. En lan 1275, le Duc Jan dit le Comte Roux second du nom, changea et convertit le bail en rachapt, et feit lordonnance des Advocats, que pour lors on appelloit Pledours : neantmoins semble que environ ces temps la, estoient quelques Coustumes et loix non escrites, et en la bouche du peuple et baillée de main en main, comme semblablement ny avoit que peu ou rien du tout par escript en tout le Royaume de France. Desquelles lois ou Coustumes jay recouvert trois recueils dissemblables et differens tant en langage, que texte, dispositions et chapitres. Quoy quen soit la jurisdiction ecclesiastique estoit lors en grand vogue et authorité : car (ce dit larticle 89 de vieille Coustume) La Court seculiere ne peut corriger la Court dEglise, mais celle dEglise peut corriger la seculiere. Si est-ce que ledit de Dreux osta aux Prebstres la tierce partie des biens meubles quils prenoient sur les biens du roturier trespassé, et la reduisit à la neufiesme. Dautre part les Princes dudit pays ne pouvoient lever aucuns subsides ou tailles, sans le consentement des seigneurs, leur advis et conseil, comme dict larticle de ladite Coustume 220. Et se trouve audit tresor de lettres, à larmoire merquée G. Cassette D. comme lan 1376 le Vicomte de Rohan consent estre levé sur ses subjects un escu pourchacun feu. Et à larmoire I. Cassette A. lAbbesse de S. Georges de Rennes consent en lan 1399 que le Duc face lever le fouage sur ses hommes, jusques à trois ans, pour la reedification de Hedé, en larmoire E. y a trois mandemens des ans 1461. 1464. 1450. de la Gabelle appellée le billot, pour estre employée à la fortification de la ville de Guerrande seullement. Voyla à peu près lestat des affaires publiques diceluy temps : au discours duquel furent faicts quelques establissemens de lordre judiciaire par eschantillons et pieces rapportées, jusques à ce quenviron 684lan 1450. lesdites Loix et Coustumes ainsi volentes et courantes, furent arrestées et redigées en escrit par trois hommes notables dicelle saison, qui furent appellez (ainsi quil se void en quelques vieilles Coustumes) Copu le sage, Treal le fier, et Mahé le loyal. En lan 1539. elles furent reformées par commission du grand Roy François2, et en eurent la charge Messieurs maistres François Crespin du pays dAnjou, tier President du Parlement de Bretagne, et Chancelier de monseigneur dOrleans, homme fort instruict aux affaires destat, Nicole Quelain Manceau President aux Enquestes du Parlement de Paris grandement exercé en la practique du Palais, Martin Rusé de la ville de Tours, conseiller audit Parlement et Canoniste fort renommé, Pierre Marec gentilhomme de basse Bretagne, maistre des requestes au Conseil de ce pays, tresbon jureconsulte, les tous Conseillers audit Parlement de Bretagne. Le labeur desquels na esté aggreable à tous, encore quil fust recommendable de beaucoup de parties : car la subtilité des parties favorisée des Advocats, et soustenue des Juges, a de telle façon rendu le texte et liaison des mots ambiguts, disputables, et fascheux, que (comme disoit Gorgias Leontin) telles loix sont plustost suivies par opinion, et à veue de pays, que par resolution certaine et arrestée. Et au lieu quon cuidoit avoir racourcy les procès et mis au petit pied, ils sont maintenant allongez, plus tortueux, brouillez et immortels, et en beaucoup plus grand nombre quils ne furent oncques, se trouve que de cent ou deux cens appellations verbales, qui pouvaient estre en lancien Parlement de ce pays, et quelque deux cens par escrit, il y en a maintenant en celuy qui fut estably et qui commença à seoir en tiltre ordinaire le second jour dAoust 1554. de sept à huict mille verbales, et plus de deux mille sacs penduz et attachez au croc, ceste grande et notable compagnie nen pouvant venir à bout quelque diligence quelle employe à les depescher et vuider. Lon tient et se proposent trois inconveniens qui difficilement se peuvent vuider estre la cause de tout le mal. On allegue ce que disoit maistre Pierre Rebuffus excellent practicien de nostre temps, cest a sçavoir, que la 685multiplicité et nombre effrené des officiers et gens de justice est occasion et cause principale quil ny a presque journal ou arpent de terre en ce roiaume qui ne soit plaidé une fois lan et mis en controverse. Et que les trois sortes et genres daffliction par lesquels Dieu visite les Royaumes, qui sont, peste, famine, et guerre, ne sont tous ensemble assez suffisans et capables pour ruiner ceste Monarchie, si ceste beste de chiquane et procès ny estoit adjoincte. Et à ce propos semble que lexemple et histoire de Mathias Corvintus qui estoit Roy de Hongrie y a environ de quatre vingt dix ans, aura bonne grace en cest endroict, Ce bon Prince se maria à la fille de Ferdinand Roy de Naples, lequel ayant cogneu la simplicité des Loix et droicts dont usoient les Hongrois aux jugemens de leurs affaires, persuada aisément à son gendre davoir tant près sa personne quen ses juridictions ordinaires force jureconsultes et practiciens, pour regler et dresser son Royaume à la mode de celuy de Naples, où rien ne se perdoit par faute de plaider feust jusques à la poincte dune aguillée, avec le petit mot en laureille que telles gens continuellement disputans, debatans et remuans les plus clairs et cogneuz argumens, servoient à la conservation dun estat, et à tenir le peuple en bride peut estre autant voire plus avec leurs plumes et escritoires, quavec les espées de sa noblesse, couleur seulement specieuse et apparente du commancement, mais au fond un advis dangereux, fiscal et tyrannic, Et dit le compte que ce bon Mathias emmena en son pays de Hongrie une longue file et suyte de ces bons personnages, lesquels ny eurent esté plus de deux ou trois ans que tout le Royaume ne fust desbauché, et reduict en feu et en combustion. Et auparavant où il ny avoit que peu de loix non escrites, et quelques procès de necessité, se trouverent tant de commentaires, consultations et interpretations nouvelles, par lartifice de ces compagnons, que le Gentilhomme laissant les armes, lhomme dEglise ses predications, le marchant et laboureur leur negociation et travail de la terre : se pesle-meslerent et envelopperent si bien lun lautre par procès sans que Corvinus les renvoya subtiliser en leur pays, tout ce grand et opulant Royaume de Hongrie sen alloit renversé et gasté.

Plusieurs disent que ce mal dangereux vient par la faulte de Messieurs les gens dEglise, lesquels sçavent bien tondre leurs brebis, et dautre costé les laisser sans pasture, et outre prendre leur part des dixmes, et celle qui appartient aux pauvres de la parroisse, nous laissant iceux sur les bras et crier la faim à noz portes, spectacle horrible et portant avec soi 686condemnation de ceux qui en sont cause, quelque couverture et quelque dispence quils ayent. Monsieur M. Pierre Seguier President au Parlement de Paris, estant Advocat en ladite Court, print conclusions pleines de grand fruict et erudition à la publication de lEdict que le Roy Henry feit lan 1551. contenant defences ne transporter or ne argent en Court de Rome, lesquelles pour la rondeur dicelles, ladicte Court voulut bien estre employées à la verification desdites defences ce quelle na accoustumé de faire. Sera meilleur (dist-il, après avoir parlé de plusieurs belles choses) que les subjects du Roy gardent leur argent, et quils se contentent de la disposition du droict commun, et quils sabstiennent de dispenses lesquelles ne sont pas bien certaines pour la seureté de la conscience, disoit Innocent quart Pape, qui estoit de grant et eminent ssavoir, que les dispences, sans juste cause, nexcusent le peché : cest une couleur aux yeux des hommes, mais devant Dieu estant la couleur effacée, la verité sera plus forte. Et sans doute, vous quiconques soiez, vous mentendez bien qui ne servez ny de doctrine ny dexemple de vertu, respondrez devant Dieu de tous les procès, forces et violences que le peuple souffre, comme nayant fait vostre charge et devoir en lendroict de ceux qui vous sont en garde et tutelle : car si lhomme nest instruict en bonne doctrine de son Curé, et poussé, sollicité à bien faire, par exemple de bonne vie et conversation diceluy, il naura jamais paix en son entendement, ne avec celuy de ses voisins.

Il y en a dautres (comme estoit loppinion de ce docte et sage gentil homme M. Jean du Han Procureur general du Roy en ce pays) qui afferment resolvement et à plat, que telle frequence de plaidoirie et chiquanerie vient de ce que les gentilshommes ont depuis les cent ans derniers, à la plus part laissé ladministration et exercice de la justice, le maniement de laquelle principalement pour les judicatures leur appartient privativement à tous autres, comme il se void aux art. de 184.736.280. de la vieille Coustume, et aux 10.37.46. de la derniere et en lestablissement fait par le Duc Jean lan 1270, où les Chevaliers mesmes et Escuyers plaidoyent les causes du peuple. Nul pledeour (dit lordonnance) pourra prendre dun homme le jour que cinq solz, pour pledoyer en un conseil venable, de venir et sen aller. Et si len le vient querre, il est tenu aller où le plet sera, faisant despens, cest assavoir, au Chevalier sept solz, à lEscuyer trois solz, à lhomme de pied 12 deniers, Et si celuy a qui le fera, veust ly payer ses cousts de aller et de venir, il ne peut prendre que 5 solz pour la cause. Par ladite vieille Coust. art. 303. Les gentilshommes doivent estre Priseurs et scavoir les droicts et Coustumes. Et 687article 155. Nul vilain doit estre creu de fait de Court ne sur fiefs nobles. Et dit Froissard vol. 12. fol. 206. Je vous ordonneray un bon Capitaine, loyal et preudhomme, qui vous gardera, gouvernera, et fera justice a tous. Or ès temps passez, les Capitaines nestoient autres que nobles, baillans grosses cautions de leurs charges, cela se trouve aux vieils registres de ce pays au I. livre fol. 9. se void que le procès criminel dun seigneur, est leu par un Chevalier devant un Prince, et les Barons et nobles du Royaume qui le jugerent à mourir. A loccasion desquelles loix, reglemens et façons de faire, fut donné arrest au conseil privé du Roy François premier du nom, lan 1544 entre les Bourgeois de Rennes et les Advocats nobles de ladite ville, ayans esté cottisez et imposez en certaines taillées, par lequel lesdictes impositions furent rejectées, comme ne derogeant lexercice de la justice, en ce pays, à lestat et condition de la noblesse, car en France les gens de justice sont comprins entre ceux du tiers estat : et aussi estoit lintention de ce dict grand Roy François, comme dist le Seigneur de Roche fort aux estats tenuz à Orleans lan 1560. de remettre lestat de justice entre les mains des gens nobles, entreprise certainement digne dun tel Roy, comme aiant lesdits nobles un je ne sçay quoy dhonneur, naturellement empraint et attaché par-dessus les autres conditions et estats, cela provenant dune generosité et hautesse de sang comme les Medecins mesmes ont escrit, le prenans des raisons naturelles, et de Plato en son Alcibiades, et dAristote au 3. des Politiques. Cestoit la raison pourquoy les Lacedemoniens gardoient si curieusement les femmes de leurs Roys, afin que la race et sang de leur posterité nen feussent falsifiez et corrompuz. Aristote au 2. livre des Politiques ne veult autres Seigneurs et Juges aux respubliques que ceux qui sont de noble generation : et se mocque des Lacedemoniens, lestat desquels fut ruyné par avoir mis gens non nobles et de basse condition aux gouvernemens et functions publiques. Dionysius Halicarnasseus écrit que Romulus distribuant et mettant par ordre la republique de Romme, divisa et separa les nobles davec le peuple, ausquels seullement et non aux autres, il permist le magistrat et estat de judicature, ce que Solon avoit jà pieçà et auparavant establi en la ville dAthenes. Et dit Lampridius que lEmpereur Heliogabalus fut diffamé entre autres choses ce quil avoit contre la façon ancienne, creé et mis au Senat hommes non nobles : et au contraire il loue et exalte souverainement lEmpereur Severus de ce quonques il ne souffrit autres officiers et magistrats que ceux qui estoient nobles et dancienne race. On na jamais tenu pour nobles 688personnes ceux qui sont batteurs et meurdriers de pauvres gens, larrons, menteurs, ou couards3 : mais ceux qui sont doux et courtois aux bons et vertueux, rudes aux meschans, et sur tout faisans justice à leurs subjects, les aimans et traictans doucement comme vous, Monseigneur, estes reputé par tout ce Royaume comme un vray patron et exemplaire de vertu, où se doit conformer et rendre toute nostre Noblesse, le prenant du plus grand jusques au plus petit. Que sil plaisoit au Gentil-homme et homme dEglise combatre entre eux dune saincte jalousie à qui mieux feroit et diroit aux paroisses où ils sont (car quelque chose quil en soit, lexemple est le seul gouvernement du peuple, lequel est tout tel que son superieur) semble que Dieu nous deschargeroit de tant de maux et calamités que nous portons. Je confesse et ne se peut nier que petit à petit beaucoup de gens ont entré et se sont fourrez parmi les nobles, les uns par une entresuyte et multiplication de robes longues en leurs familles, estimans par telles qualités (qui ne sont que privileges et exemptions personnelles, et durant la vie seulement) estre le vray moyen de gaigner pays et estourdir la verité. Les autres par sentremettre aux affaires des grands, et ainsi petit à petit se substraire et desrober du commun populaire : Le grand Roy François en son Edict des Legionnaires veut quun Soldat ayant bien faict, soit rescompensé dun anneau dor, que selon la continuation de ses vaillances, il monte de degré en degré, jusques à estre Capitaine : mais encore cela est esteint par sa mort : et sil veut rien faire pour sa posterité il doit prendre lettres du Roy à cest effect fondées sur la valeur de son corps, comme sont telles vieilles lettres dennoblissement, données anciennement par les Princes de ce pays, tousjours fondées sur les prouesses et faicts darmes des impetrans et non sur autre cause. Si par lissue de ladite nouvelle Coustume, qui se doit faire, estoit supplié au Roy quil fust aussi procedé à nouvelle reformation des gens nobles, non par comperes et commeres, ains loyaument et sans abus, sen ensuyvroit quatre grans biens. Le premier que le pauvre peuple nauroit tout le faix des tailles à porter, ains seroient de la mesme partie avec eux, ceux lesquels depuis cent ans ont contrefaict les nobles au moyen des actes et collusions domestiques, et quelques pauvres Damoiselles quils peuvent avoir en leur maison. Le second seroit occasion de descharger la conscience de telles personnes malheureuses et mauvaises, qui oublians et doù ils sont et quils sont, font perdre le droit appartenant à leurs enfans en leurs successions, leur 689faisant croire quils sont descenduz de lassise au Comte Geoffroy, et que laisné doit avoir et recuellir le tout de la succession, Le tier, que les maisons nobles qui sont les arcs-boutans et forteresses de ce Duché tout maritime et subject au hazard et incursions estrangeres, niroyent pas si aisement entre les mains des gens du tiers estat, comme elles ont accoustumé : aussi que lestat de la marchandise le plus innocent et libre de tous, qui est le quatriéme, cesse au moyen que les enfans estans chargez de gros offices, delaissent le trafic, voire jusques à desavouer à peu près leurs pauvres peres. Ceux qui veulent brouiller et disputer, feroient volontiers en cecy (a fin que tousjours tout fust confondu, et que la verité ne veint jamais en avant) comme fist Herode ce meurdrier signalé et infame, lequel brusla les papiers et registres où estoient contenuz les races et familles des Hebrieux, estimant par là reduire leur estat à equalité et quon eust pensé que ses predecesseurs eussent esté de quelque grand tribu et race, combien quil ne fust quun vilain, et filz dun Marguillier du temple dApolo. Les Romains gardoient curieusement (comme dit Capitolinus en la vie de Marcus Antoninus surnommé le Philosophe) que les conditions et estats neussent enjambé les uns sur les autres. Et dit que ledit Empereur Antonin publia une Ordonnance par laquelle estoit commandé à toutes personnes declarer par devant les Greffiers de quelles conditions et races ils estoient, à ce que cela tint lieu de preuve à ladvenir, pour les qualités du peuple : Si telles choses estoient effectuées en cedit pays seroient abbatus tout dun coup les plus grands procès qui y soient, principalement pour le partage des nobles. Et dautre costé si messieurs les Ecclesiastiques tenoient ordinairement le peuple en haleine par exemple de bonne vie, et sainctes predications, luy remonstrant le jugement de Dieu contre les contempteurs de ses commandemens, quil fault mourir, et rendre compte de toutes noz actions devant sa divine Majesté, pour certain une autre grande partie desdits procès tomberoit delle mesme. Ce sera quand il plaira à nostre Seigneur, et ce pendant et attendant ce quil luy plaira nous departir en ces piteux et difficiles temps où nous sommes, je le suppliray quil luy plaise par sa bonté infinie vous donner, Monseigneur, accomplissement de vos bons et saincts desirs, et que je demeure à tousjours en vostre bonne grace et faveur.

Escrit à nostre hostel de la Herissaye ce premier jour de Febvrier, 1576.

Par vostre tresobeissant serviteur, NOEL DU FAILL.

690

Préface du Second Livre

A Nosseigneurs des trois estats de ce pays de Bretagne.

Nosseigneurs, il y a vingtquatre ans passez dès le jour dAoust dernier, que le Parlement ordinaire que vous aviez par tant dannées poursuivy, requis, et sollicité, vous fut ottroyé : avec tel succès et issue, que après Dieu, et aussi voz sages deportemens, on peult dire la tranquillité, et seureté publiques qui avoient esté chassées et bannies des autres provinces de ce Royaume, pendant le cours des guerres civiles, avoir trouvé place et sejour en ceste seule contrée, par le moien de ceste grande Justice souveraine : vous de vostre part apportans pour ce mesme œuvre et respect, lesprit damytié concorde, et obeissance : et où grace à Dieu, ne sest trouvé en seze ans que ceste desbauche a duré, encore quil y eust des esprits assez remuans de part et aultre, un seul desordre remarquable où sil y en a eu quelque apparence, que incontinent elle nait esté supprimée et exteincte. Si quelquesfois messeigneurs les Lieutenans du Roy en ce pays, ès mains desquels est la puissance des armes, recevoient advertissemens, esventoient ou descouvroient quelques desseings et entreprises seditieuses, incontinant ils entroient en icelle Court, pour illec dun commun advis communiquer et resouldre laffaire qui se presentoit, de laquelle ils sortoient tellement contens et satisfaicts, que, ou peut estre leurs deliberations eussent esté violentes, elles se trouvoient alterées, amorties, et reduictes au poinct le plus equitable, et mieux receu en toutes bonnes polices qui est de sçavoir au vray et senquerir de la verité des choses, ouïr les parties, et ne se fonder et prendre appuy sur conjectures, impressions, et premier rapport quon faict, qui fut laccroissement de nos premiers Roys, lesquels accompagnez en leur conseil [202] de quatre gentils-hommes vieux, sages, et experimentez : escoutoient les plainctes de leurs provinces et subjects, et la grande perfection de ce grand Roy Loyz douziéme appellé à bonnes enseignes pere du peuple, lequel soustint plus lestat de sa Monarchie en sa majesté et grandeur, par ce seul mot de latin, audi partem, oy la partie, quil avoit ordinairement en la bouche, que avec ses ordonnances, de gens darmes, qui furent les plus belles et furieuses qui fussent lors en toute lEurope. Ainsi et par telles maximes, ceste Court de Parlement representant le Roy nostre souverain magistrat, en oyant les parties en leurs 691procès et querelles, et bien souvent en personne, et de vive voix : a essayé par toutes sortes et diligences evacuer et nettoyer les differents du peuple, quelles trouva à son advenement en grand et effrené nombre, et qui croissoient de jour à autre, pour navoir esté tastées au vif : ne recerchées, les nœuds et difficultez principalles, qui ont esté resveillées depuis peu de temps. Bien avoient les grands jours que nous appellions, Parlement, qui tenoient chacun an au mois de Septembre, osé (car il fault dire ainsi) et sestoient enhardiz juger quelques appellations, comme dabus, environ lan mil cinq cens trente cinq. Et après par quelques arrests esclarcy à demy les rentes constituées à prix dargent, et faict certains petits reglemens et polices : de façon que les quelques Advocats et aultres gens de Justice, estoient bien-heureux davoir une douzaine darrests de ceste marque en leurs estudes : pour les monstrer à leurs cliens, avec grande ceremonie et un singulier profit, faisant valoir telle marchandise et monter à tel pris quils vouloient : au fait et disposition desquels ils tiroient et faisoient venir la pluspart de leurs consultations et advis, Et si quelquesfois ils estoient imprimez (comme ils lont esté) le peuple couroit après et en estoit si affamé quil nestoit pas habille homme qui ne les achetast, les notast de sa main, les leust à ses voisins : et que par toutes les assemblez populaires ils ne fussent disputez, reverez, et uniquement aimez. Et pour dire vray les jugemens et arrests des courts de Parlement [203] sont et doivent estre estimées et tenuz Oracles, et choses tressainctes, ne fust que lordre et ceremonie quon tient à iceux, debatre, opiner, mynuter et dresser, joinct la presence de Dieu qui est, et assiste volontiers où il est question de separer la verité davec le mensonge. Et tout ainsi quon void aux sacrés Bibles que les enfans dIsraël fournissoient pour la structure et bastiment du sainct Tabernacle, les uns de lor, autres de larain, les moins riches de lhuylle, des peaux de moutons, du bois, ainsi en ces deliberations les uns apportent pour la confirmation de leurs advis, de belles et sentencieuses authorités des anciens jureconsultes, entremeslans la diversité des langues, autres les beautés des autheurs moraux, ou bien la multiplicité des leçons tant aux lettres sainctes que prophanes, avec lexperience et practique : autres et la pluspart du tout ensemble accompagné dun jugement solide et nerveux, et de plusieurs opinions qui ont couru, il sen faict une, à laquelle inclinant ceste grandassemblée, et de ces plusieurs discords (comme disoit Pythagoras) est composé et tissu un bon accord, que nous appellons 692Arrest : Or estant receu Conseiller enladicte Court lan mil cinq cens soixante unze, après avoir esté juge au siege Presidial de Rennes, honorable compagnie et de valeur, par le temps de dixhuict ans, je neu rien plus recommendable que de voir et fueilletter les arrests dicelle Court, pour tirer du labeur de tant dhonnestes et sçavans hommes, beaucoup desquels sont à present decedez, ce que plus servoit et saccommodoit aux jugemens difficiles, et questions douteuses des affaires et procès de nostre pays. Et tout ainsi que les avettes vont sucçant les fleurs qui leur sont plus propres en la composition de leur miel, ainsi ay recuilly et prins dune infinité de besongne, que jay trouvée aux papiers et registres civils dicelle Court, par vingtquatre ans, de mille a douze cens arrests. De lexhibition et communication desquels je sçay bien que les bonnes gens men sçauront bon gré, comme le peuple Romain feist à Cn. Flavius davoir descouvert et monstré le livre [204] des actions formules et choses jugées, qui leur avoit esté longuement caché. Ce que ma encore plus acheminé et poussé à publier cecy au peuple, mon pays, et mes amys, a esté que un petit eschantillon et tablettes darrests que je donné deux ans sont, à monsieur le Prince de Guemené, sur le bruit que vous faisiez proceder à la reformation des Coustumes de ce pays, fut tant bien receu, que lImprimeur fut contrainct les remprimer encore une fois après la premiere edition et sy remettoit de rechef pour la troisiéme sinon que je luy ay donné la copie toute entiere, Je vous exhortoye par lespitre que jaddressoye audit sieur de Guemené, comme un bon concitoyen ne doit rien dissimuler qui touche le public, à passer oultre à ladite reformation de vos Coustumes qui en ont bien besoing en plusieurs endroicts, et à quoy vous servira beaucoup ce present recueil dArrests, ce que je fay encores de present, et par mesme moien supplier le Roy que bons et veritables commissaires, gens choisiz, soient deputez pour cercher et verifier les usurpations que quelques particuliers ont fait depuis cent ans sur vostre noblesse : chose qui revient à la grande foulle et oppression des povres gens du tier estat : sur le dos desquels passe tout le faix et charge des tailles et impositions, lesquels commissaires, eussent aussi sceu et entendu par les rolles, departemens, et assiettes des tailles les deniers qui ont esté levez depuis vingt ans en ce pays, quon estime innombrables, et nestre venus la moitié ne entrez au coffre du Roy, et aussi peu emploiez où ils estoient destinez : Aussi que la portion des dixmes des paroisses qui est deue aux povres dicelles leur eust esté 693rendue, afin quils neussent moien de sortir dicelles paroisses pour aller çà et là, errans et vagabondans, occasion et source de tant de gens oisifs, menans une vie si vilaine, impudique et desbordée, que tous ceux qui ont quelque sentiment en ont pitié et horreur tout ensemble.

Cela faisant, Nosseigneurs, vous ne serez plus incertains en vos loix et façons de vivre et si arresterez le cours à tant de nouveaux et affamez officiers, sera vostre noblesse reglée avec le tiers estat, les larrons et pilleurs de peuple cogneus, corrigez, et punis : et si ne verrez pas un seul pauvre à votre porte, tesmoignages certains à la posterite que vous aurez ces grands et politiques negotiateurs et tresprudens mesnagiers pour la descharge de vos consciences.

A Dieu.

SECOND LIVRE DES ARRESTS NOTABLES DU PARLEMENT DE BRETAGNE DONNEZ DES CHAMBRES.

Pièces liminaires du tiers livre des Arrests :
Discours sur la corruption de nostre temps.

[327]

A monsieur du faill conseiller du roy en sa court de Parlement de Bretagne

Non, ce nest point à vous, race infame et perverse

De plaideurs obstinez, que nostre grave Autheur

Veult ores consacrer leffect de son labeur :

Ce nest point, dis-je, à vous quun tel œuvre saddresse.

Ne à vous qui debout de langue piperesse

Cherissez le mensonge et les procès affin

De les perpetuer et les rendre sans fin,

Comme si ne vouliez quils prinssent jamais cesse.

Cest donques à ceux-là qui pourchassent la mort

Du trouble, du procès, du litige et discord,

Et qui sont ennemis de noises immortelles :

Ils apprendront icy, par ses beaux jugemens

Retrancher le long cours de tous nos differens,

Veu les Arrests donnez sur pareilles querelles.

694

Sur le mesme subject.

Lors quon sestoit acquis quelque gloire bien ample

Remportant dun combat et le pris et lhonneur,

Pour marque on appendoit les armes du vainqueur

Au lieu plus éminent qui fust dedans le Temple.

Quand de nos Peres vieux la façon je contemple,

Je les loue en cela quils estoyent desireux

De laisser un portrait de leurs faits genereux

A la posterité, pour luy servir dexemple.

Aussi nostre Senat desirant faire ainsi

Comme les Anciens, presentement ici

Ses armes il append au Temple de Memoire :

Armes certainement dont il a combatu,

Et mille et mille fois à ses pieds abbatu

Ce monstre de Procès, remportant la victoire.

P. Mahé Advocat en la Court.

TIER LIVRE DE MESLANGES DES ARRESTS DONNEZ AU PARLEMENT DE BRETAGNE TANT EN LAUDIENCE QUE CHAMBRES, DELAISSEZ ET OBMIS CY DESSUS DES PLUS SINGULIERES MATIERES.

[331]

DISCOURS SUR LA corruption de nostre temps4

Chacun parle de Dieu, et sçait que la vengeance,

De son bras criminel, suit de près nostre offence,

Mais ce sçavoir pourtant ne nous donne terreur,

Ainsi quil le faudroit, pour laisser nostre erreur.

Je vay aux lieux plus saincts, et quelquefois escoute

La voix qui faict trembler de nos temples la voute,

Qui ne nous meut en rien non plus que les rochers

Le sont aux cris aigus des deplorez Nochers.

695

Car lusurier est là de nos biens la sangsue,

Qui void monté en lair nostre maistre qui sue,

Detestant son peché : qui ne laisse pourtant

Daller sur interests, interests augmentant.

Lassassin y survient lennemy de nos vies,

Contre qui ce Prescheur arme mille furies :

Qui cache neantmoins le poignard dans la main,

Pour, embrassant quelquun, luy planter dans le sein.

Limpie est tout auprès, lennemy de nos ames

Contre qui ce docteur allume mille flames :

Qui ne delaisse pas de couver dedans soy

Quelques poincts monstrueux encontre nostre foy.

Et ce mesme Prescheur, lequel ainsi fouldroye,

Qui nous faict de la mort et de lenfer la proye,

Souvent a de coustume encor quil dise bien,

De ce quil va preschant, ne faire du tout rien.

Du Han loracle sainct non de nostre Bretagne

Mais de tout lunivers, que cest Ocean baingne,

Helas ! combien de fois estant à ton Launay,

Mas-tu veu souhaitter navoir point esté nay ?

[332] Nay en ce meschant siecle, en ceste aage ferrée,

Où nous voions au ciel la vertu resserée,

Sans que tant seulement lombre de ce beau corps

A nous umbres des dieux, paroisse icy dehors ?

Encor que ta maison soit le plus vray modelle

Que nous aions çà bas dune maison tresbelle,

Et que par ce moien tu dois bien estre autant

De ce sort malheureux quaucun homme contant :

Si as-tu souhaitté trouver une province

Où comme dessus nous le vice ne fust prince,

Où on en donnast point aucune authorité,

Sinon à la vertu, et à la verité.

LArabe dusurier seroit lors pitoyable,

Le Corsaire assassin auroit le cœur ployable,

Le mescreant douteux à Dieu se rejoindroit,

Et leloquent prescheur feroit ce quil diroit.

Quant aux autres estats les hommes de Justice,

696

Du profond de leur cœur, banniroient lavarice :

Les nobles pourchassans la reformation

Ne seroient tenaillés daucune ambition,

Les parjures marchants nauroient en leur langage

Vous en paierez ceci, ou cela davantage,

Il ny auroit quun mot : comme il ny ha jamais.

Quune verité seule en tous nos dits et faicts.

Il me souvient un jour que Bernard ce preudhomme

Saddressoit à Barbaye, afin de sçavoir comme

Provenoit ce desordre, attendu quautre fois

Nous nestions si meschans du temps du grand François.

Et plus qui lestonnoit, quil y ha tant doffices

Tant de nouveaux estats, tant de nouveaux supplices,

Pour punir les mesfaicts qui nestoient en son tans,

Quil failloit noz pechez estimer bien plus grans, [333]

Et Barbaye nostre ami lequel ha la science

De tous les bons autheurs, avec lexperience,

Jettoit tout sur les grands, comme sur ceux qui ont

De leurs pauvres subjects, le patron sur le front,

Et, comment ? disoit-il, le Prelat quil fault suivre,

Cest cestuy-la quon void plus debordeement vivre :

Le noble Magistrat ordonné de là hault,

Cest celuy dentre tous qui communement fault,

Reformons tout cela et quon voie le Prebstre

Exemple de bonté estre tel quil doit estre,

Charitable, devot, hospitalier, et sainct :

Dieu sera vivement de nos ames emprainct.

Que le noble en après doucement se comporte,

Et que pour la faveur de lespée quil porte

Comme petit tyran ne mange son vassal,

Cest le second moien pour trionfer du mal.

Ce noble, mon du Han, comme prudent et sage

Soubs un chesne sera juge de son village,

Appaisant un chacun punissant les exces,

Et vuidant leurs debatz sans forme de procès.

A dieu, si cela est, ceste trouppe pourprée,

Quon void administrer la justice sacrée,

697

Dans les palais dorés. A Dieu les Advocats,

Les offices nouveaux et les nouveaux estats.

Quoy donc dira quelquun que servira ton livre,

Ton recueil des Arrests quil ne faudra plus suivre

Quand ce beau temps viendra quon gardera la foy

Et le noble sera de ses subjects la loy ?

Ce sera un tableau on lon verra portraitte

Tandis que nous vivrons la faulte quon a faicte :

Ce pendant si ton age à le voir ne suffit,

Pren ce livre tousjours et en fay ton profit.

Le fol na Dieu

Arrêts

[1] EXTRAICTS DES PLUS SOLENNELS ARRESTS CIVILS, DONNEZ en la Court de Parlement de Bretagne.

Livre I. ARRESTS DAUDIENCE

[86]

Du 18. dudit mois [mars 1567].

Entre Claude Anger sieur de Crapado, et René de La Mote.

La mere de lintimé avoit esté deterrée deux ou trois fois par les gens de lappellant, en lEglise dAuvrenay. Y avoit eu procès lequel fut accordé entre le frere aisné de lintimé et ledit appellant. Lintimé puisné nonobstant ledit accord met en procès ledit appellant par devant le juge de Nantes, en reparation desdits torts et injures, et consequemment de lenfeu et preeminences, quil pretend en ladite Eglise.

Lappellant dit quil nest pas recevable, attendu que toutes actions tant actives que passives sont à laisné du noble. Il a transigé avec laisné de lintimé qui est noble, consequemment deboutable.

Lintimé confesse quils sont nobles : confesse la Coustume : mais que son frere ne luy a peu prejudicier in sepulcro familiari, auquel il est aussi bien fondé comme luy : que la Coustume sentend des choses qui reçoivent division, et non en chose individue, comme en cecy. Plus quon 698ne doit par lordonnance avoir esgard aux accords qui sont faicts sur crimes, comme laccord dentre parties a esté faict.

Le juge dict que lintimé est bien recevable. Ce qui est confirmé.

[94]

Du 19. Aoust oudit am. [1567]

Entre Jean le Clerc et lheritier du sieur du &tc.

Ledit Sieur avoit coupé une main à lappellant, lequel ne sen seroit osé plaindre, pour ce quil estoit tousjours menacé : et auroit cedé son interest à un tier. Après ledit Sieur mort, lappellant conclud contre son heritier a reparation. Lheritier dict que contre le delinquant, lappellant na intenté son action, consequemment non recevable par la Coustume art. 189. Item que lappellant a cedé son droit, quil a beu et mangé avec ledit sieur, sest reconcilié.

Lappellant dict que lintimé est tenu pour linterest du deffunct de delictis l. unic. ex delict. Defunct. Par les Docteurs c. locix de rap. et incend. c. fin. de sepult. Io. Fab. in §. poenales institu. De perpet. et temp. act. Dict tousjours lavoir veu ainsi juger en France. Semper durante causa perpetua metus. Il estoit menacé destre bruslé, sil se plaignoit. Il ceda veritablement son interest par force : contre lequel il ha lettres relevantes. Il a aussi quelque fois parlé audict Sieur, mais oderint quem metuunt.

Les juges de Rennes disent quil est non recevable en sa demende. La Court dict quil est mal jugé : et quil est bien recevable.

[135-136]

Du 17. Septembre 15755.

Dominique de Salarin sieur dudit lieu, prend lettres en forme de requeste civile contre larrest donné contre luy le 18. dAoust 1572. au profit de son frere Guillaume de Salarin confirmatif de sentence donnée par les juges de Vennes en Mars precedent, par laquelle lesdits juges auroient jugé le partage de la succession commune par egalles portions. Ses moyens sont, que ledit Guillaume a faict donner larrest le 18. de Septembre 1572. combien quil feust encor en temps de fournir saluations contre les contredicts dudit Guillaume qui estoient du 15. jour precedent, car les trois jours doivent estre pris late. Y avoit 699aussi requeste expediée par laquelle estoit permis a luy demendeur en requeste civille de faire, extraicts en la Chambre des Comptes, daultant quil estoit question dun partage et gouvernement advantageux. Vray quil estoit dit sans retardement. Au fond quil avoit de belles lettres et anciennes pour la verification dudit partage advantageux, jà par luy produictes. Et autres quil avoit recouvertes, et quil navoit peu recouvrer pour la necessité du temps des troubles qui avoit couru. Et que par la decision de Paul Cast. 325. un defendeur aiant trouvé actes de nouveau, encore quil ait du dol de sa partie, peult tousjours venir à retractation des choses jugées, et arrests. Et que cela nauroit lieu pour le demendeur qui doit estre instruict de toutes ses pieces. Il avoit produit un acte judiciel du 12. Octobre 1447. par lequel sur la demende que faisoit Guyon de Salarin à Allain de Salarin son frere heritier principal et noble de feu Jean de Salarin leur pere commun, davoir son partage en ladite succession quil ne pretend, que pour sa substantation et aliment Disant navoir dailleurs dequoy maintenir son estat. Lautre acte est une transaction faicte sur ceste demende de lhuictiesme de Mars suivant, par laquelle le partage est assis à ce juveigneur en noble comme en noble, et en partable comme en partable : cest à sçavoir (dict lacte interpretant ceste clause, En noble comme en noble, et en partable comme en partable) son bien-faict ès heritages nobles, et testée ès heritages parables. Les actes quil a trouvé de nouveau est un mandement du Duc Jean de lan 1421. par lequel ledit Seigneur donna à Jean de Salarin son [136] Chambellan et Chevalier la confiscation dun appellé de la Haye, qui avoit esté partisan dOllivier de Blois ses freres et complices, qui prindrent ledit Duc à Chantoceaux. Autre acte le date duquel ne se peult aisement lire, porte que Guyon de Salarin donne à son frere Alain tout ce quil ha, soit par bien faict ou autrement. Autre de lan 1444. contenant la vente de certains heritages tenuz en juveigneurie de Allain de Salarin. Autre du 29. Mars 1464. par lequel lEvesque de Vennes appellé Ludovicum de Salarin filium Alani et illius haeredem principalem et nobilem. Autre par lequel lun de ses predecesseurs est appellé valet, lequel mot emportoit anciennement un tiltre dhonneur, et grade comme ceux qui estoient les plus prochains de la personne de leur maistre. Ce mot estant composé de va, et lez, qui est à dire, au près, comme allant au près de celuy avec lequel il estoit. Et ainsi lont escrit ceux qui ont recerché le fond et etymologie de noz 700noms. Car on void souvent en Froissard ce mot de lez, signifier auprès. Et bien souvent quand deux hommes chevauchent coste à coste, il dit. Et si chevauchoit delez luy. Et ainsi disons nous lAbbaye de sainct Melaine lez Rennes, sainct Germain des prez lez Paris. Quelz Valets estoient comme gardes de la personne du Prince, et qui nestoient autres que Gentils-hommes. De là est venu que quelquun a esté repris grandement davoir appellé Britones, Latrones, pour estre larrons : car ce mot entre les anciens estoit prins comme Laterones, quasi clauderent latus principis. Ce qui estoit propre aux puisnaiz et juveigneurs de ce païs : et lesquels furent depuis appellez Archers. Les predecesseurs des parties ont eu alliance en de grandes et notables maisons de ce pays. Ce ne sont pas de petits partages controuvez et faicts depuis lan 1539. car cela resisteroit à la Coustume qui fut reformée en cest an là, qui desire et veult quon se soit gouverné en tels partages le temps passé, qui ne peult estre moindre que de cent ans auparavant ledit an 1539. ou quelque peu moins. On y void les mots en noble comme en noble, lesquels comme il se void au procès verbal de la reformation de ladite Coustume, sont entenduz de lAssise au Comte Geoffroy, se voyent les mots heritier principal, le mot de bien-faict, le mot de juveigneur. Cette qualité de Valet de Chevalier, ne reste donc rien pour declarer et regler le partage advantageux, et selon lAssise du Comte Geoffroy.

Guillaume de Galarin dit que larrest est juste, donné sans precipitation, dautant que le temps pour fournir saluations estoit competant : joinct quil y a six ans quil poursuyt son droict naturel. Quil se monstre veritablement un partage advantageux de lan 1444. mais cest un acte seul. Quant au mot de Chevalier apposé en lun desdicts actes, cest une qualité qui ne passe aux heritiers, et que de plusieurs Chevaliers la succession est partagée per capita : ce sont qualités accidenteles, quae cum persona extinguntur, et rem non afficiunt. Pour le regard de lacte qui na point de date, il est manifestement nul, auth. ut praepo. no. imp. Quil ny a dol de sa part, qui est le seul fondement de la requeste civile. [137]

La Court aiant esgard aux Lettres Royaux en forme de requeste civille obtenues par le demendeur, a remis et remet les parties en tel estat quelles estoient lors et auparavant larrest, contre lequel ledit demendeur sest pourveu, et sans despens de linstance desdites lettres, attendu la qualité des parties.

701

Livre III. [337]

Tier livre de meslanges des arrests donnez au Parlement de Bretagne, tant en laudience que Chambres, delaissez et obmis cydessus, quautres singulieres matieres.

[383] Du douziesme dOctobre 1574

René Bernier escuyer fils de ce vaillant et brave Capitaine Latay, et damoiselle Louyse Goujon sa femme, vendirent lan mil cinq cens soixante huict à monsieur M. Pierre de la Chapelle Conseiller en la Court la terre de la Chapelle Bernier, pour en jouyr tout ainsi quen jouissoient feuz Messires Marc et Charles Bernier.

Ledict de la Chapelle trouvant quil sen failloit bien quatre cens livres de rente que toutes lesdictes terres promises fussent audict lieu de la Chapelle Bernier, met en procès ladite Goujon pour suppler audict contract et faire ladicte rescompense. En lan mil cinq soixantedix le douziéme jour de Mars, fut accordé et transigé que pour lesdits suppleement et rescompense ladicte Goujon bailloit audict de la Chapelle la terre du Poudouvre tenue prochement de la seigneurie de Becherel. Et pour lexecution dudict accord ledict de la Chappelle choisit domicille en la ville de Rennes chez maistre Nicolas Bernard. Et au mesme instant est par ledict de la Chapelle accordé à ladicte Goujon une faculté et grace de recouvrer sadite terre de Poudouvre luy rendant la somme de dix mil livres dedans quatre ans prochains.

Le dixiéme de Mars mil cinq cens soixante quatorze ladicte Goujon faict adjourner la veufve dudict de la Chapelle tutrice de ses enfans, en la maison dudit Bernard, en demende et offre dudict retraict conventionnel, et pour y proceder luy donne assignation au premier jour dAvril suyvant.

Maistre Robert le Marchand qui estoit fermier de ladite seigneurie de Becherel lors de ladicte transaction conclud vers ladicte Goujon à payement des ventes de ladicte transaction à quoy elle est condamnée par les juges de Rennes, dont est appellé. Et disoit quen contract deschange, il ny a ventes, et quen ce cas ce nestoit queschange, elle baille sa terre de Poudouvre pour le fournissement et recompense qui estoient deuz audict de la Chapelle : que ladicte terre de la Chapelle Bernier fut vendue uti optimus fundus est, et comme elle estoit, le Roy en a eu les ventes. Seroit donc desraisonnable que ladicte terre du Poudouvre supplantée en lheritage qui restoit fust subjecte à ventes : lesquelles 702en tout evenement ne sont deues à lintimé qui nest plus fermier de Becherel : mais il y a autre chose, car le retraict conventionnel a esté executé dedans le temps de la grace. [384]

Le Marchant intimé respondoit que cest à luy que les ventes sont deues encore quil ne soit plus fermier, quecumque cum gerimus ex contractu nostro originem trahunt l. quaecumque ff. de act. et oblig.l. si is qui in potestate sit § postea quam ff. quod via ut cl. eodem argumento. La confiscation appartient au fermier lors de la sentence par la decision notable et arrest allegué per Boer. decis. 7. Outre que la grace et faculté passoit le douziéme de Mars 1564 et toutesfois le remboursement nest faict quen Avril ensuivant où la veuve dudit sieur de la Chapelle tutrice de ses enfans, aussi ne faict-il au seigneur auquel le devoir des ventes estoit acquis. Quant à ladjournement pour rembourser, il ne vault rien, et est defectueux en tout : car il nest faict ne à personne ne domicile : quant à celuy qui a esté choisi chez le bon homme Bernard, il nestoit que pour lexecution de ladicte transaction. Plus loffre faicte audict Bernard nestoit vallable, car il navoit charge de la recevoir, ne y pourvoir aussi quil ny a offre reelle, et nen doit estre creu le sergent.

Lappellante dict que lintimation faicte dedans le temps de la grace, est bonne, et que ladjournement du sergent faict foy de loffre, comme il a esté jugé par arrest au profit de la Dame de Vaucouleur contre ma Dame de Martigues, et en la mesme seance de Febvrier pour Yvon le Vendeur, contre Marie le Blays, conforme à la disposition du droit in l. fin. C de praescrpt. 30. vel 40. ann. selon laquelle une seulle citation faicte dedans le temps suffit pour interrompre toute prescription. Quant au domicile, il estoit pour tout, tant pour lexecution de ladicte transaction, que de ladicte contre-lettre, ou acte de ladicte grace et actus incontinenti fact a Maz et Ars contractui insunt.

Fut dict que les parties corrigeroient leurs pledoyez, et au Conseil. Et le vingtsixiesme de Mars mil cinq cens soixante dixsept, fut dit mal jugé, et lintimé, debouté de ses demandes, fins et conclusions.

[475] Du 20. Novembre 1568. en la Tournelle6.

Renée Faucheux pour adultere par elle commis, fut condamnée par le Lieutenant de Rennes à estre pendue et estranglée, dont elle appella. Son mary sous la cause dappel presente requeste à ce que sa femme luy 703eust esté rendue, à laquelle il pardonnoit de bon cueur pour lamour de Dieu la desiroit avoir en sa maison, et avec elle mesnager, sans luy faire mauvais traictement, ne luy imputer la faute par elle faicte.

Fut ladite Faucheux declarée atteinte dudit crime dadultere, condamnée faire amende honorable en laudience de ladite Court, nuds piedz, à genouz, tenant une torche ardente du poids de deux livres de cire, et illec confesser que mal et iniquement elle sestoit portée en la fidelité et loyauté quelle devoit à son mary, dont elle sen repend, et requiert pardon à Dieu, au Roy, justice, et sondit mary. Ce fait ladite Faucheux foettée par les carrefours de ceste ville de Rennes, après laquelle execution pourra ledit mary reprendre ladite Faucheux si bon luy semble.

Et declare ladite Court que tous adulteres seront doresnavant puniz de peine de mort, sans distintion de sexe. Et à ce quaucun nen pretende cause dignorance, ordonne le present arrest estre envoyé par tous les sieges presidiaux de ce ressort, et autres jurisdictions inferieures, pour y estre publié, registré, et diligemment observé.

Cette pauvre malheureuse ne voulut jamais croire conseil que le sien, dont mal luy en print : et disoit à ce propos la vieille Coustume, art. 313.

Femme si doit garder lhostel, le feu et les enfans, et tout : aussi ne luy doit len donner conseil daller en lieux qui ne seroient honestes, et luy [476] doit len delyer baux et veilles, et toutes autres mauvaises compagnies. Gillette Gauscher condamnée destre pendue pour avoir commis adultere, larcin, et davoir attempté à la personne de son mary, et ses heritiers privez des droicts de communité maritaux, et autres quils pourroient pretendre sur les biens de sondit mary.

Lan 1578 le 27 Octobre une damoiselle de Poictou en surnom de Vaugirard aiant laissé son mary et paillardé avec son mestayer, eut la teste tranchée à Rennes et le mestayer pendu et estranglé.

1 Il sagit de Bernard de Girard, seigneur du Haillan (1535-1610), « grand Historiographe » qua cité Eutrapel au chapitre 4 (f. 26ro) ; au chapitre 35 (f. 219ro), Polygame se souvient de conversations quil a eues avec lhistorien.

2 La réforme du droit breton est décidée en 1539, année des grands efforts législatifs. « Sans être déshonorant, le travail des réformateurs de 1539 [une commission formée de trois Parisiens et de deux Bretons] se révèle à lexpérience fort peu efficace, dans la mesure où ses faiblesses engendrent de nombreux procès. Noël Du Fail le souligne en 1580 dans une formule justement nuancée, plus équitable sans doute que la grande sévérité de Bertrand dArgentré », A. Croix, Lâge dor de la Bretagne, 1532-1675, Rennes, Ed. Ouest-France, 1993, p. 41.

3 Le texte donne ici : « cauard » que je corrige en : « couard ».

4 Ce discours est donné par Jean Assézat, dans son édition des Œuvres facétieuses de Du Fail, t. 2, p. 386-388 ; le poème est présenté en une série de quatrains.

5 Il sagit dun long arrêt portant sur une question dhéritage ; la situation est traitée dans sa dimension historique avec plusieurs évocations du passé.

6 Cet arrêt traite dun cas dadultère ; Du Fail laccompagne dun commentaire.