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Classiques Garnier

Organiser une histoire universelle Effets de lecture et dispositifs visuels et textuels dans quelques manuscrits de l’Histoire ancienne jusqu’à César

  • Publication type: Article from a collective work
  • Collective work: Les Chroniques et l’histoire universelle. France et Italie (xiiie-xive siècles)
  • Author: Rochebouet (Anne)
  • Abstract: La compilation historique en français qu’est l’Histoire ancienne jusqu’à César est traditionnellement analysée comme une suite de sections depuis les propositions de P. Meyer à la fin du xixe siècle. Envisager ce texte comme une suite d’unités narratives prédétermine cependant l’appréhension de l’organisation générale de cette histoire universelle, que cette contribution interroge pour ses deux premières rédactions à partir des dispositifs visuels mis en place par quelques témoins manuscrits.
  • Pages: 63 to 84
  • Collection: Encounters, n° 537
  • Series: Medieval civilization, n° 46
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406119098
  • ISBN: 978-2-406-11909-8
  • ISSN: 2261-1851
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11909-8.p.0063
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 12-15-2021
  • Language: French
  • Keyword: Mise en page, dispositifs visuels, première rédaction, deuxième rédaction, sections, Paul Meyer
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Organiser une histoire universelle

Effets de lecture et dispositifs visuels et textuels
dans quelques manuscrits
de lHistoire ancienne jusquà César

Le traitement de la matière troyenne est souvent présenté comme le changement majeur existant entre les deux premières rédactions de la compilation dhistoire universelle traditionnellement appelée Histoire ancienne jusquà César1 : la première rédaction, rédigée au début du xiiie siècle2, relate ainsi la chute de la cité troyenne en ayant recours à 64une traduction du De Excidio Troiae de Darès, tandis que la seconde, sans doute mise au point à la cour des Angevins de Naples dans le second quart du xive siècle, se tourne vers une mise en prose du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure. Dautres modifications interviennent entre les deux rédactions (la disparition des parties consacrées à lhistoire des Hébreux, la suppression ou linterversion de certaines sections, en particulier celle consacrée à Alexandre), mais la focalisation de la critique sur la modification que connaît lépisode troyen, seul changement « actif » qui ne relève pas de la suppression3, donne limpression que cet épisode forme une unité discrète, cest-à-dire amovible et remplaçable sans conséquences majeures sur la structure de lensemble.

Cette appréhension du récit troyen comme un élément interchangeable me semble en grande partie fondée sur un effet de lecture entraîné par lhabitude prise, depuis larticle fondateur de Paul Meyer sur lHistoire ancienne, de découper cette dernière en une suite de sections4. Sans négliger le fait que lextension et la cohérence de telles sections se basent bien évidemment aussi sur des critères textuels, la multiplication des numérisations de qualité des manuscrits comme le développement des possibilités daccès à ces reproductions incitent à repenser ces questions en interrogeant à nouveaux frais la composante matérielle : les lecteurs avaient-ils devant eux un ensemble de sections, soit une juxtaposition de récits, tous consacrés à la période antique, mais chacun abordant successivement différentes matières, ou bien une histoire universelle guidée par une perspective principalement linéaire, ou encore une autre forme dorganisation ? Jaimerais ici interroger, à travers quelques exemplaires manuscrits et les dispositifs textuels et visuels quils mettent en place, lorganisation générale de la compilation dans quelques témoins des deux premières rédactions de lHistoire ancienne jusquà César, ainsi que les effets de sens quelle produit. Ce faisant, je me placerai avant tout du côté de la réception en posant des questions relevant de ce quon pourrait appeler une forme de littératie visuelle5 : quelles stratégies 65de lecture sont mises en place par la mise en page et la mise en texte des témoins manuscrits, en fonction de la culture visuelle dans laquelle sinscrit chaque exemplaire, et quelle appréhension du texte et de son sens programment-elles ?

Effets de lecture modernes

Une histoire universelle découpée en sections ?

Je voudrais dabord revenir brièvement sur la genèse de la division moderne de lHistoire ancienne traditionnellement adoptée par la critique. Cette dernière remonte à Paul Meyer, et à son article déjà cité où il distingue sept sections dans la compilation6 ; elle a ensuite été aménagée par lhistorienne de lart Doris Oltrogge7, dont les propositions seront reprises par Marc-René Jung8 : ces changements se concentrent dans la septième et dernière section établie par Paul Meyer, l« histoire de Rome », désormais divisée en cinq unités. On aboutit ainsi aux onze sections que la critique utilise aujourdhui : Genèse (I), Orient I (II), Thèbes (III), Grecs et Amazones (IV), Troie (V), Eneas (VI), Rome I (VII), Orient II (VIII), Alexandre (IX), Rome II (X), conquête de la Gaule par César (XI) ; la courte section finale, inachevée, est présente dans très peu de manuscrits.

Les raisons premières de cette division sont bien sûr pratiques : il sagissait de se retrouver au sein dune œuvre fort longue et pendant longtemps totalement inédite, mais aussi de trouver un critère grâce auquel appréhender les variations ou remaniements auxquels la compilation avait pu, pendant près de trois siècles, donner lieu. Richard Trachsler a ainsi récemment rappelé que le découpage en sections était en partie tributaire de pratiques philologiques visant à classer de (très) nombreux manuscrits selon des critères perçus comme objectifs tout en restant 66facilement opératoires malgré lampleur du texte analysé (la présence ou labsence des unités textuelles, mais aussi leur ordre)9. Au-delà de ce parti-pris méthodologique sur le plan de létude de la tradition textuelle (qui se fera finalement au détriment, sur le long terme, de la comparaison directe des textes), ce qui mintéresse ici est que ce découpage a également infléchi les cadres danalyse à travers lesquels a été envisagée lHistoire ancienne : jusquà très récemment en effet, celle-ci a dabord et avant tout été envisagée comme un enchaînement de différentes sections. Or la délimitation de ces sections comme le fait quelles constitueraient des unités narratives et/ou logiques nont rien dévident, sur le plan de la réalité textuelle comme manuscrite. Les hésitations dune bonne partie des éditeurs de la compilation sur lendroit où débuter (et où finir) lensemble qui fait lobjet de leur travail en sont la meilleure preuve : lédition du récit troyen (section V) de Marc-René Jung commence ainsi avec le dernier paragraphe inclus par Marijke de Visser-van Terwisga dans la section précédente (§ 147 éd. citée) ; de même, lindécision que traduit la numérotation des deux premiers paragraphes de lédition de la section IX par Catherine Gaullier-Bougassas (Ia, Ib, puis seulement II) montre que le début de lunité ne va pas de soi10.

Face à ces hésitations, il est intéressant de mettre en perspective les choix qui ont pu guider lélaboration de ces sections. Au moment où Paul Meyer rédige son étude sur lHistoire ancienne et les Faits des Romains, il ne connaît pas, comme il lindique au milieu de son article, le ms. Paris, BnF, fr. 20125, soit le témoin aujourdhui considéré comme le plus proche de létat primitif de la compilation. Il le découvre ensuite, au moment 67des épreuves, alors quil avait déjà choisi de baser son analyse sur deux manuscrits parisiens, le fr. 246 et le naf. 3576, deux exemplaires très proches du point de vue de la mise en page et qui lui avaient dabord semblé figurer parmi les plus anciens témoins conservés :

Si je lavais connu plus tôt [le ms. Paris, BnF, fr. 20125], je lui aurais certainement emprunté les extraits que jai cités daprès le ms. 246, postérieur dau moins trois quarts de siècle. Toutefois le dommage nest pas grand. Car, si le ms. 246 ne représente pas létat primitif de louvrage, il représente du moins, et dune façon satisfaisante, létat dans lequel notre compilation a obtenu le plus de succès. (art. cité, p. 52)

Les subdivisions proposées par Paul Meyer suivent ainsi assez fidèlement les articulations dessinées par la mise en page de ces deux exemplaires parisiens, du moins dans la première moitié de la compilation : les six premières sections correspondent quasi systématiquement à chacune des divisions apparaissant dans les 75 premiers feuillets. On ne rencontre dans les manuscrits que deux marqueurs supplémentaires, non repris par Paul Meyer, lun dans la Genèse, lautre signalant le sort des rescapés troyens après la chute de la cité ; leur élimination cependant sexplique aisément11. Comme les marqueurs darticulation se multiplient ensuite, réduisant les potentielles unités narratives à de très courts ensembles, on peut penser que Paul Meyer a alors renoncé à suivre un découpage qui semblait trop morcelé et a considéré la fin de la compilation comme un seul et même ensemble, lhistoire de Rome « avec lintercalation de divers récits étrangers au sujet principal12 ». Mais cest sans doute 68aussi un autre élément du contexte manuscrit qui le guide dans son choix, que lon retrouve à lœuvre dans le titre dHistoire ancienne jusquà César quil donne à la compilation. Par ce dernier en effet, cest surtout linachèvement du texte quil souligne, ainsi que son rôle, selon lui, de simple introduction, de piètre qualité littéraire de surcroît13, aux Faits des Romains, texte qui suit lHistoire ancienne dans les exemplaires sur lesquels le médiéviste sest focalisé14.

On est assez bien renseigné sur lexécution des deux exemplaires en question : le fr. 246 a été écrit par Matthieu du Rivau entre le premier octobre 1364 et le 13 avril 1365 pour Jean de Berry ; le naf. 3576 aurait lui été copié pour Charles V dans les premières années de son règne par Henri de Trévou, un écrivain royal, cest-à-dire un artisan du livre qui aurait travaillé uniquement pour le cercle royal selon Richard et Mary Rouse15. On a donc ici affaire à une lecture parisienne, aristocratique et de la seconde moitié du xive siècle de lHistoire ancienne, où la compilation est par ailleurs quasi-systématiquement combinée aux Faits des Romains. Il sagit dune réception particulière, sans doute, comme le constatait déjà Paul Meyer, celle qui a connu ensuite en France le plus de succès16, mais cette dernière obéit à une lecture différente de celle proposée antérieurement en favorisant notamment, pour la première moitié de la compilation, sa perception en sections.

Lorsque Doris Oltrogge se penche sur le dossier de lHistoire ancienne du point de vue de lhistoire de lart en étudiant les cycles iconographiques des exemplaires exécutés jusquà la fin du xive siècle, elle ne peut donc que commencer par constater que les sections délimitées par Paul Meyer ne concordent que partiellement avec la structure mise en avant par les initiales et les enluminures des manuscrits qui forment son corpus, à la fois plus restreint temporellement et plus étendu numériquement que celui de son prédécesseur. Elle apporte ainsi les 69aménagements déjà mentionnés qui, sans revenir sur les premières unités, consistent principalement à subdiviser la section finale. Ses propositions mêlent cependant très largement données codicologiques et considérations thématiques, utilisant ces dernières pour mettre de lordre dans les premières : les « livres » (« Bücher ») quelle circonscrit sarticulent en effet selon elle autour des dix principaux sujets abordés par la compilation. Demblée, elle remarque que cette distribution thématique semble poser certaines difficultés, notamment lhistoire de Ninus qui ouvre le deuxième « livre » alors quelle figure déjà, de façon plus détaillée, dans la première section, au début du récit de la vie dAbraham ; elle fait donc de ce premier passage, gênant dans une perspective thématique, une sorte dinterpolation. Finalement, les très grandes variations qui existent dans le dispositif de mise en page des différents témoins considérés (variations dans les cycles iconographiques mais aussi et surtout dans la localisation des initiales) ne lui ont pas laissé dautre choix que de sappuyer sur une logique thématique qui ne guide pourtant ni unanimement, ni de façon identique les dispositifs de mise en page des différents manuscrits.

Marc-René Jung, qui reprend les sections de Doris Oltrogge mais se focalise avant tout sur le texte, apportant notamment quelques précisions sur les sources respectives des différentes sections, en accentue dans le même temps lapproche thématique : sont ainsi implicitement configurés des ensembles dont chacun paraît bien délimité, en fonction dun principe de cohésion thématique (une même matière) ou « généalogique » (une même source principale, ou du moins la même extension en termes de contenu que celle dun texte faisant autorité). Cette logique thématique se retrouve dans les rares subdivisions nouvelles proposées à lintérieur de celles désormais canoniques (ainsi de la section 6b du projet TVOF qui entreprend de régler lincohérence thématique que constituait lénumération des différents souverains assyriens sinsérant entre la mort dÉnée et la fondation de Rome).

Cest donc une logique thématique qui la emporté, notamment parce que les sections de lHistoire ancienne ont été construites en partie au prisme dexemplaires parisiens du xive siècle dont le dispositif paratextuel et visuel était en maint endroit très différent de celui que lon peut trouver dans des manuscrits plus proches de létat primitif du texte, en premier lieu dans le fr. 20125, qui a pourtant servi de base à 70la quasi-totalité des travaux dédition aujourdhui réalisés. La mauvaise adéquation du séquençage proposé a ainsi amené à se reposer sur des marqueurs uniquement textuels et à aménager des marges, parfois très mouvantes, aux différentes sections. Implicitement ces dernières, aussi pratiques soient-elles, nous ont donc invité à penser en termes dunités thématiques – ou, pour le dire autrement, de matières – mais aussi en termes deffets de clôture (ouvrir une section, cest aussi, ensuite, la fermer). Dautres choix de lecture, et donc une autre perception de lagencement de la compilation, sont cependant possibles. Je propose dobserver ici plus en détails, pour commencer, le dispositif mis en place par le ms. fr. 20125.

La première rédaction dans le ms. BnF, fr. 20125

Une histoire universelle sur le mode du continuum

Lexamen conjoint des différentes articulations mises en place par le texte, le paratexte et lappareil décoratif du ms. Paris, BnF, fr. 20125 (formules de clôture et douverture, rubriques, présence, taille et type des initiales et des illustrations, disposition et combinatoire de ces éléments, etc.), en tenant compte à la fois de la cohérence interne du système proposé par le manuscrit comme des habitudes qui sont celles de lépoque et du lieu de production17, montre que ce qui est donné à lire au lecteur médiéval est présenté comme une seule unité textuelle continue, sans sous-ensembles plus ou moins discrets et autonomes.

Hormis en effet les deux premières initiales, seules lettrines ornées sur fond dor (qui ouvrent respectivement le prologue et lincipit, à proprement parler, du texte)18, aucune articulation supérieure aux autres en 71terme de grammaire visuelle ne vient soutenir, pour lœil, un découpage de lHistoire ancienne en différentes matières successives : on relève 37 initiales filigranées bicolores (rouges et bleues) réparties tout au long du manuscrit, qui apparaissent toutes sur le même plan hiérarchique, loin des onze sections habituellement délimitées19. La combinaison de plusieurs éléments paratextuels (par exemple miniature, rubrique et grande initiale filigranée) ne fait pas non plus apparaître de subdivisions qui sapprocheraient de nos sections modernes. Les illustrations fonctionnent en effet en bonne part de manière indépendante des autres éléments. Ainsi seules 20 des 48 illustrations20 se situent en fin de paragraphe, et donc ici juste avant une rubrique ; les autres apparaissent au milieu du corps du texte21. Parmi ces 20 illustrations associées à une délimitation textuelle, 11 seulement précèdent directement lune des 37 grandes initiales filigranées du manuscrit22, et lensemble décoratif ainsi constitué, sauf exception, nest pas utilisé pour marquer une articulation narrative quelle quelle soit. On constate enfin, en observant plus en détail lensemble de ces 11 miniatures, quelles nillustrent que très rarement le contenu des rubriques auxquelles elles sont spatialement associées. La très large majorité des illustrations du fr. 20125 est ainsi indépendante du texte des rubriques, quelles apparaissent ou non à leur côté23.

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Dans lensemble du manuscrit, le lecteur est de ce fait face à un dispositif de mise en page tout à fait cohérent, mais ce dernier ne fait pas apparaître lHistoire ancienne comme un assemblage dunités successives, mais bien comme un ensemble continu, rythmé ou scandé par un certain nombre de jalons. Ce continuum est clairement orienté chronologiquement puisquil souvre textuellement et visuellement sur la création du monde, qui fixe ainsi le point dorigine commun à lensemble qui va suivre24.

Si lensemble nest pas structuré par les sections dont nous avons lhabitude, il nest cependant pas non plus organisé selon une stricte progression chronologique, sur le modèle par exemple des annales, et lappareil décoratif et paratextuel ne le présente pas non plus comme un enchaînement dunités narratives plus resserrées que nos sections : le dispositif, combiné ou non, des initiales et des illustrations ne renforce en effet pas toujours, loin de là, les nœuds textuels marqués par des formules du type « ci commence… », etc. (on ne trouve pas du tout, ou extrêmement rarement, « ci finit… » dans létat le plus ancien de la première rédaction, jy reviendrai). Il ne sert donc que très rarement à souligner le début ou la fin dun ensemble narratif, logique et/ou thématique, y compris à lintérieur de ce que nous voyons comme des sections.

Je ne détaillerai quun exemple représentatif, celui de la Genèse sur laquelle souvre la première rédaction de lHistoire ancienne et qui a lavantage de ne poser aucun problème de délimitation, que ce soit sur le plan textuel ou visuel : lensemble reprend en effet, pour ce qui est du contenu, les éléments traités dans le livre biblique correspondant, de la Création à la mort de Joseph, et sarrête, visuellement, avant une illustration (Ninus trônant) accompagnée dune rubrique et dune grande initiale filigranée, le tout marquant le début des histoires païennes (f. 83a). Dans ce qui 73précède, on relève ainsi neuf initiales filigranées bicolores, très inégalement réparties : sept se rapportent à lhistoire de Joseph (du f. 64a au 81c), qui est ainsi nettement mise en valeur visuellement alors quelle noccupe quune petite vingtaine des quatre-vingt feuillets de lensemble25. Par ailleurs, la première de ces initiales (f. 64a), précédée ici dune rubrique (« Coment la dame triste et dolante se plainst de Joseph a son baron ») et dune illustration (la femme de Putiphar sollicitant Joseph), toutes deux au bas du f. 63d, ne signale pas du tout le début de la vie de Joseph mais se situe au moment où ce dernier, déjà arrivé en Égypte, vient de repousser les avances de la femme de son maître. On voit que les initiales ne servent ici ni à scander une progression narrative à lintérieur de la Genèse (elles ne distinguent aucun jalon entre la fin du déluge, f. 10c, et la mort dIsaac, f. 55c), ni à marquer le début dun ensemble narratif.

Le constat est le même pour les illustrations. La combinaison sur le plan spatial dune grande initiale et dune enluminure se rencontre très rarement au début ou à la fin dune unité narrative : seules cinq des seize miniatures présentes dans la Genèse précèdent une grande initiale bicolore26, et aucune ne se situe au niveau dune articulation textuelle ; toutes au contraire se rencontrent au beau milieu de lhistoire de Joseph27.

Le dispositif visuel a donc beaucoup moins pour objectif de scander une progression narrative que dattirer lattention sur des éléments ou des épisodes dont on peut penser quils sont jugés importants. Il contribue ainsi fortement à orienter la lecture. Une analyse détaillée de lensemble du dispositif dépasserait largement les bornes imparties à cette contribution, mais je voudrais ici marrêter plus particulièrement sur deux points qui mettent en perspective la façon dont lHistoire ancienne est donnée à lire dans le fr. 20125, selon ce fonctionnement qui nest pas basé sur une division en sections.

Les caractéristiques du dispositif adopté invitent dabord à envisager lensemble de lappareil décoratif, et notamment les illustrations, 74comme des lieux de focalisation, qui proposent un parcours de lecture de lHistoire ancienne, parcours complémentaire mais aussi en partie différent de celui du texte, par rapport auquel il met en place dautres liens ou fait surgir dautres mises en relation. Un exemple de ces correspondances se voit dans les enluminures des f. 83c et 185a. Il sagit des deux seuls exemples dun dirigeant représenté seul, assis sur un trône, dans la même posture de trois quarts de profil ; dans le premier cas, à lorée de la section II, il sagit de Ninus (rubrique, en dessous de limage : « Dou rois Ninus, quans ans il regna », et grande initiale bicolore), dans le second de Brutus (lillustration est située au milieu dun paragraphe, dont la rubrique est « Que li co[n]cele sosmirent a Rome grant partie dou monde » ; le paragraphe suivant, f. 185b, commence par une grande initiale bicolore).

La répétition du thème, particulier dans le cycle iconographique du manuscrit, invite à mettre en relation ces deux enluminures. Ici, une telle correspondance me paraît exhiber, sur le plan paradigmatique, la structure générale qui gouverne explicitement la compilation, à savoir la translation successive du pouvoir entre quatre empires universels. Cette théorie, qui apparaît chez Trogue-Pompée et se combine, pour les historiens chrétiens, avec le Commentaire sur Daniel de Jérôme, sous-tend en particulier la structure des Historiae adversus Paganos dOrose ; ce dernier la modifie cependant en faisant du premier empire, le babylonien, la préfiguration du dernier, lempire romain, les royaumes macédoniens et carthaginois ne servant plus que détapes de transition amenant lavènement de lempire romain28. Le rédacteur de lHistoire ancienne, dont la structure générale décalque celle dOrose, fait explicitement référence à cet ordonnancement, notamment aux deux endroits où se situent nos deux enluminures, qui marquent ainsi des étapes importantes dans ce processus : limage de Ninus ouvre la section II (Orient I) et se situe donc au moment où, pour lhistoriographie occidentale depuis Eusèbe, débute l« histoire », tandis que Brutus apparaît lors de lun des jalons du transfert progressif du pouvoir vers Rome :

II, § 6 (éd. van Terwisga), rubrique : « La devise dé iiii poissans regnes »

§ 7, rub. : « Que Rome ot tres ce quele comensa, et a ore, la seignorie. »

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[] « Or porrés oïr et entendre tot certainement que, quant Babilonie chaï et sa segnorie, adonc sesleva et ennobli Rome premerainement. » (l. 21-23)

VII, fr. 20125, f. 185a : « Que li co[n]cele sosmirent a Rome grant partie dou monde.

Segnor et dames, cist que je vos ai nomé maintindrent Rome et guovernerent vC ans et xii par lor grans sens et par lor grans proeces, et pluisor autre, que je ne vos ai mie només, ausi lor aiderent. Et par lor sens et par lor forces et par lor proueces firent il tant dedens celui termine, que que il perdissent, que Rome fu dame, poi sen failli, de tot le monde et ot des regnes et des terres les cens et les chevages, ne ne fu qui vers li feïst estor ni bataille. Ens ou quint eage dou munde tindrent ensi com vos oés li concele la cité, et si fu li regnes de Perse de grant renon et de grant poissance trosquatant [illustration : Brutus] quAlixandres li Grans en abati le non et si·n traist la segnorie et le [185b] renom ou regne de Macedonie o il ot esté nés et noris si com les escritures dient et racontent. Mes de ce le lairai ore ester. Si recomencerai de Brutus a parler… »

Cest bien au moment où le texte évoque Alexandre, fondateur du royaume macédonien, quapparaît, comme une sorte de préfiguration, limage. La mise en correspondance visuelle des illustrations souligne ainsi le mécanisme analogique qui veut quau moment où lempire babylonien disparaît, absorbé par les Macédoniens, commence la montée inéluctable de celui qui le remplacera in fine. Sur ce modèle, les illustrations invitent ainsi à une lecture sur le mode paradigmatique qui met en correspondance des événements et des points particuliers dans lensemble du volume.

Le second point sur lequel je voudrais insister en termes dorganisation de la compilation est la présence, visuelle et textuelle, de passages où le récit obéit à un fonctionnement synoptique et/ou synchronique, que lappréhension en sections gomme ou minimise. On trouve en premier lieu, dans le premier tiers de la compilation, trois dispositifs visuels organisés sur deux pages consécutives qui vont à rebours de notre analyse en sections. Parmi ces trois ensembles, on peut par exemple sarrêter sur le second, qui soffre sur une double page, f. 88v et 89r29 : deux initiales bicolores de même taille sy suivent, lune introduisant le constat du caractère endémique des violences à cette époque (f. 88d, rub : « Que li siecles estoit mout mauvais adonques » = § 22, éd. van 76Terwisga), la seconde lançant le récit thébain (f. 89a, rub : « Ci comence de Thebes » = § 23, soit le premier § de la section III) ; entre les deux, au bas du f. 88d, au milieu du premier paragraphe cité, se trouve une miniature organisée en deux registres superposés représentant Jocaste et Laius, puis lexposition dŒdipe enfant. La mise en page souligne ainsi pour lœil comment le récit qui va suivre se greffe en synchronie sur les éléments qui viennent dêtre relatés (« au temps où… alors ») tout en se plaçant clairement dans la continuité directe de ce qui précède, sans rupture. Cest également très net aux f. 123r-v, dans ce qui constitue pour nous la fin de la section IV et le début de la section V, mais où le manuscrit fait lui senchaîner trois initiales filigranées accompagnées de deux illustrations. Dans les deux cas, notre logique thématique nous oblige à attribuer à lune des initiales un rôle plus important quaux autres, alors que la décoration comme les rubriques construisent une zone qui lie les lignes narratives bien plus quelle ne les sépare.

La mise en page prend également soin de signaler pour lœil les passages dont la logique discursive, sur le même principe, obéit à un fonctionnement de type chronographique, cest-à-dire qui vise à situer des événements par rapport à une date, ou à un autre événement relaté. Dans ces passages, les connecteurs temporels qui arriment les informations données au fil des événements connus (notamment « Ou tans cestui… ») sont quasi systématiquement signalés par lemploi dune majuscule, elle-même rehaussée de couleur (de rouge par exemple lors de lénumération des rois assyriens qui termine la section VI, f. 177d-178).

Le dispositif dont jai présenté ici quelques éléments est bien sûr celui dun manuscrit dont il est difficile, aussi proche soit-il de létat primitif du texte, détablir la représentativité en termes dorganisation paratextuelle, et ce dans une tradition dont jai déjà souligné la grande mobilité. On peut cependant noter que le ms. London, British Library, Add. 19669, qui appartient à un groupe dexemplaires réalisés à la fin du xiiie siècle dans la France du Nord, présente un agencement comparable dans ses grandes lignes à celui du fr. 20215 : le récit sy déploie de manière continue, rythmé par sept grandes initiales historiées seulement (Orient I Ninus (§ 1 éd. van Terwisga, f. 54d) et Sémiramis (§ 3 éd. van Terwisga, f. 55a), début du récit troyen (§ 3 éd. Jung, f. 77b), devenir 77des Grecs après la destruction (§ 68 éd. Jung, f. 91d), Neptanabus, père dAlexandre (§ 17 éd. Gaullier-Bougassas, f. 144a), guerre contre Tarente (début de la section X, f. 168b), début des guerres puniques, f. 172a). Lexemplaire a par ailleurs conservé un dispositif visuel en double page, lors du passage de lhistoire biblique au début de lhistoire païenne, qui en renforce donc le caractère de pivot, marquant le double commencement de lHistoire ancienne.

Ces manuscrits proposent à la lecture, que cela soit un reflet du projet originel ou une indication dune réorganisation qui serait le fait dun commanditaire ou dun copiste un peu postérieur, une compilation qui se présente comme une histoire universelle, par son point de départ (lorigine de lensemble du monde connu) comme par la structure densemble qui sous-tend le projet (la translation entre deux empires hégémoniques). Cette histoire universelle se déploie comme un continuum dont lorganisation nest pas entièrement chronologique, mais favorise les correspondances et les systèmes déchos.

La seconde rédaction

Une histoire antique par matières

La seconde rédaction de lHistoire ancienne, comme on la rappelé plus haut, a sans doute été élaborée à la cour des Angevins de Naples dans le second quart du xive siècle30. Comme la première, la critique la découpe en sections, donnant ainsi une première appréhension des modifications quelle présente par rapport à la rédaction précédente ; comme cette dernière, là encore, ses témoins sont cependant loin de tous présenter le même agencement31. Le nombre beaucoup plus réduit de manuscrits qui la conservent permet toutefois de donner 78plus facilement une idée de cette variation. On y lit ainsi Orient I (II), Thèbes (III), Grecs et Amazones (IV), Prose 5 suivie du Roman de Landomatha (V), Eneas (VI), Cyrus et Darius (VIII, sans Judith et Esther), Rome I (VII), [Alexandre (IX)], Rome II (X). La section initiale, Orient I, est absente de seulement trois des dix témoins (London, BL, Royal 20 D I et Stowe 54, ainsi que Paris, BnF, fr. 301) ; tous trois se trouvent cependant, du moins pour Prose 5, tout en haut de la tradition textuelle. Seul le ms. Chantilly, Bibliothèque du château 727 (II à X) donne à lire la section consacrée à Alexandre. Enfin, une partie des exemplaires se terminent avec Rome II, mais un peu plus de la moitié finissent beaucoup plus tôt, soit avec le récit troyen, soit avec la section suivante consacrée à Énée.

Si lon observe le dispositif créé par le texte et le paratexte du manuscrit le plus ancien parmi ceux que nous avons conservés, London, BL, Royal 20 D I (III-X)32, on remarque dentrée de jeu un agencement très différent de celui analysé pour la première rédaction dans le fr. 20125. Hormis labsence, un peu surprenante, dun véritable dispositif liminaire33 ainsi que le caractère en partie composite des grandes initiales, sur le plan du style comme de leur distribution34, on note en effet que des ensembles narratifs sont clairement démarqués sur les plans textuels et visuels. Lillustration, très abondante et surtout située en marge de queue, selon lhabitude italienne, ne joue quun rôle marginal dans les combinaisons déléments soulignant les différentes articulations textuelles ; cest la présence ici despace blanc à lintérieur de la justification qui apparaît comme un outil majeur de hiérarchisation dans la mise en page, en association avec de grandes 79initiales ornées ou historiées (de format, de couleurs et de style variés). Cette utilisation est doublée, sur le plan textuel, par la présence systématique de formules dexplicit, en miroir des rubriques initiales de chaque section35. Le manuscrit dessine ainsi, par ce double dispositif, six unités narratives (III, IV, V-Landomatha, VI-VIII, VII, X). Dans un cas, à lendroit où le Landomatha clôture le récit troyen et où débutent les aventures dÉnée (f. 193d), larticulation semble à la fois souligner la séparation (présence dun explicit, dune rubrique liminaire et dune initiale historiée) et une forme de continuité (absence de blanc : lélément architectural occupant le côté droit de la miniature en marge de queue se déploie sur la partie inférieure de la colonne jusquau texte, absorbant même lexplicit final) ; la présence de lexplicit, rubriqué, me paraît cependant renforcer le caractère délimitatif du dispositif. La mise en page construit ainsi des ensembles qui apparaissent parfaitement clos sur eux-mêmes et sont clairement délimités.

Ce fonctionnement se retrouve assez nettement dans les autres exemplaires de la seconde rédaction. Je me limiterai ici à observer les mss Paris, BnF, fr. 301 et London, BL, Stowe 54, tous deux exécutés à Paris vers 1400 et liés, par leur cycle iconographique et, de façon plus complexe, par leur texte, au ms. Royal36 :

Royal 20 D I

fr. 301

Stowe 54

(III) f. 1r, init. ornée (11 ur)

pas de rub. liminaire.

f. 1r, miniature frontispice occupant les 3/4 sup. (4 registres), init. ornée (7 ur) et bordure encadrante ;

rub : « Ci commence lystoire de Thebes et comment elle fust destruite environ vc et lx ans ains que Rome fust commencee ne fondee »

f. 2a, min. à lint. de la justification (largeur dune col.), petite init. filigranée (3 ur).

pas de rub. liminaire.

80

(IV) f. 21c, expl. en noir, après 2 l. blanches : « Chi finist de Thebes la destruction. Deo gratias, Amen. »

2 l. blanches, rub : « Chi commence listoire de Herculés et de Theseüs » (= fin de la col.)

f. 21d : init. ornée (5 ur).

f. 20d, expl. rubriqué : « Cy finist de Thebes la destruction » (= fin de la col.)

f. 21a, rub : « Ci commence lystoire de ceulz de Athenes et de ceulz de lisle de Crete qui en ce temps se guerroioient, et du commencement du regne de Feminie et de Herculés et de Jason (sic)37 », min., init. ornée (5 ur) et bordure en marge int.

f. 25b, après 2 l. blanches, expl. en noir : « Cy fenist de Thebes la destruction. Deo gratias. »

2 l. blanches, rub : « Cy commence lystoire de Herculés et de Jason (sic) »

5 l. blanches, init. fil. (6 ur).

(V) f. 26b, en noir, après 2 l. blanches : « Explicit de Erculés et de Theseüs » (= fin de la col.)

f. 26v, min. à pleine page

f. 27a, rub : « Cy commence la vraie istore de Troie », init. historiée (7 ur).

f. 24d, 2 l. blanches, expl. rubriqué : « Cy fine lystoire de Herculés et de Theseüs »

4 l. blanches, rub. écrite une ligne sur deux : « Cy aprés sensuit et commence la vraie hystoire de Troye, de quel lignie les roys de Troye furent et qui estora et fonda la cité premierement. », fin de la col. blanche (= 4 l.)

f. 25r, min. à pleine page, f. 25v, init. ornée (6 ur) et bordure marge intérieure.

f. 30b, après 5 l. blanches, en noir : « explicit dErculés et de Theseüs ». fin de la col. blanche (= 15 l.)

f. 30v, min. à pleine page

f. 31a, init. fil. (7 ur), pas de rub. init.

(VI-VIII) f. 193d, à lintérieur de la min. en marge de queue, dépassant dans la col., expl. rubriqué : « Ci finist lystoire de Landomatha »

f. 194a rub : « Ci comence de Eneas qui se parti de Troies et ala en Ytalie », init. hist. (7 ur)

f. 168b, 1 l. blanche, expl. rubriqué : « Ci finist lystoire de Landomacha », 1 l. blanche

rub : « Ci commence de Eneas qui se parti de Troyes et ala en Ytalie », min. sur 2 col., init. ornée (4 ur) en dessous, f. 168a

f. 231c, expl. rub. : « Ci finist listoire de Lendomatha. Ci commence de Eneas et comment il se partit de Troye et comment il vint en Italie » fin de la col. blanche (= 14 l.)

f. 231d, init. fil. (6 ur)

81

(VII) f. 223c, 4 l. blanches, expl. rub très effacé : « [Ci ?] finist les ystoires de [?] fils »

f. 223d, rub : « Ci commence le fondement de la cité de Roume », init. historiée (8 ur)

f. 192c, pas dexplicit

2 l. blanches, rub : « Ci commence le fondement de la cité de Romme »

min., init. ornée (5 ur), bordure marge extérieure.

f. 266c, pas dexplicit.

rub. : « Ci commence la fondacion de Romme. »

min. à lint. de la justification, init. fil. (6 ur)

(X) f. 245d, expl. en noir, après 2 l. blanches : « Ci finrent le fonde-[3 l. blanches]-ment de la cité de Rome », 2 l. blanches (fin de la col.)

f. 246a, rub : « Ci comence la guerre de Tarante et de Rome dont furent moultes battailles »

init. ornée (7 ur), encadrement.

f. 208c, expl. rubriqué : « Ci fine le fondement de la cité de Rome », 1 l. blanche.

rub : « Ci commence la guerre de Tarante et de Rome dont furent maintes batailles »

min., init. ornée (4 ur), bordure marge extérieure

f. 288c, expl. rubriqué : « Ci fine le fondement de Romme », fin de la col. blanche (= 11 ur)

f. 288d, petite init. fil. (2 ur).

f. 363b, expl. final

f. 294d, expl. final

f. 414b, pas dexpl. final.

Dans le fr. 301, la mise en valeur des unités textuelles est encore accentuée par lutilisation dun appareil décoratif très homogène, permettant une hiérarchisation claire des éléments du décor, comme par des choix esthétiques propres au contexte de production du manuscrit : lensemble de la mise en page obéit à un principe de clôture de la justification qui tend à en bannir les espaces blancs (par lutilisation massive, entre autres, de bouts-de-ligne), ce qui fait dautant plus ressortir les lignes blanches le cas échéant. Lensemble dessine les mêmes six ensembles que dans le ms. Royal, comme on le voit dans le tableau ci-dessus38. Ces derniers se retrouvent, de manière un peu moins assurée, dans le ms. Stowe 54, où lagencement des différents éléments du décor apparaît beaucoup 82plus hétérogène, et la hiérarchie parfois ambiguë. La présence despaces blancs structure cependant bien, là aussi, des unités39.

Cette volonté de délimitation dunités anime toute la seconde rédaction, où elle peut se traduire par lutilisation de moyens différents : dans le ms. Chantilly, Bibliothèque du château 727, cest ainsi la table des matières liminaire qui distingue très précisément treize « livres » dans la compilation. Cette appréhension de lensemble du texte, très différente de celle mise à jour dans la première rédaction telle que la transmet le fr. 20125, se retrouve également dans certains choix textuels, et ce notamment dans des parties reprises à la première rédaction, qui relèvent de lécriture chronograhique. Les passages, après la mort dÉnée, consacrés aux rois assyriens jusquà Prochas, dont nous avons parlés plus haut, sont par exemple très abrégés dans la seconde rédaction. On constate, en comparant avec la version du fr. 20125, dont il est cependant difficile dévaluer le degré de proximité textuelle avec celle qui a servi de modèle à la seconde rédaction, quon na pas ici affaire à une abbreviatio mécanique, mais qua disparu tout ce qui ne se rapportait pas aux Assyriens et aux Hébreux :

fr. 20125, f. 177d-178

Royal, 20 D I, f. 213d

« Or le lairai ester des Hebrius et des Sichonieins et de Michenes et dAthenes et des Egyptieins les nons des rois a nomer, et des Latins ausi qui ci dedens regnerent, si com je vos ai dit ariere, por la trop grant anuiance,

« Or lairay ester des Hebrius et des autres,

si dirai des Assirieins tant solement por tost revenir a la matere des Romains, cest a Procas en cui tans lor segnories finerent.

ains dirai des Assyriens qui regnerent en Assyre.

83

Aprés Mitreus regna as Assirieins Tautanés, vinteseismes rois, xxxii ans. Ou tans cestui fu Troies arse et destruite, et li fill Hector revindrent a Ilion – cest al maistre chasteau de Troies – et si en chacerent a force, par laïe dElenus, lor oncle Anthenor et tote sa progene et il retindrent la contree.

Premiers regna Mistreus xxii ans ; au tenps de cestui fu Troye arse et destruite et li fil Hector revindrent el mestre castel Ylion de Troye et en cachierent par force lor oncle Anthenor, et retindrent la contree.

Aprés regna as Assirieins Teutenus xl ans. Ou tens cestui funda Ascanius, li fiz Eneas, la cité dAlba dont Albaniein orent a non li peuple, quar bien sachés que cil de Laurente orent a non Latin por le roi Latinus qui fu lor sire, et cil dAlbe Albaniein, et Romain cil de Rome quant la cités fu fundee.

Aprés regna es Assyriens Terrenus ;

Puis regna en Assire Tineus xxx ans. Ou tans cestui []

puis regna Cyneus xxx ans. []

Aprés Dercilus fu rois as Assirieins Eupales xxxviii ans. Ou tans cestui funda Salemons le riche temple en Jherusalem, et bien sachés que tres ce que Moÿses et li fill Israël essirent dEgypte ot dusques a Salemon, le fill le roi David, cest quil estora le temple, cccc ans et lxxx si com li livres des rois conte et tesmoigne. E tres la doloive dusques a Moÿsen qui passa la mer Roge ot m et cccc ans et xlvii sans faillance, et tres Adam dusques au doloive ot mm et cc et xlii ans. »

Aprés regna Eupalles xxxviii ans. En ce temps fonda Selemons son temple en Jherusalem, et sachiés que des fils Israël jusques a Salemon ot iiiic lxxx ans, et de Moÿses jusques au deluge ot m cccc xlvii ans et des Adam jusques au deluge ot iiM ccxlii ans. »

Ainsi, dune écriture synoptique qui visait, sur le modèle dEusèbe-Jérôme, à situer les événements des grands règnes les uns par rapport aux autres, en ayant comme fil conducteur le règne des Assyriens, on est passé à une simple liste de souverains dont lobjectif est purement de contextualiser la suite du récit, consacrée à lhistoire de la Perse. En dehors de la notation sur Troie, seules les mentions des Hébreux ont été conservées, car elles servent de cadre de datation, mais ils napparaissent plus comme lun des peuples parmi ceux des différents règnes de lhistoriographie antique.

84

Contrairement à la première rédaction de lHistoire ancienne, organisée comme un continuum qui allie fonctionnement linéaire et tabulaire, ce que montre la mise en page et la mise en texte de témoins proches de létat primitif du texte, et en premier lieu le fr. 20125, la seconde rédaction nest pas une histoire universelle. Il sagit dune histoire organisée par matières où la succession des quatre règnes universels telle quelle apparaît dans la première rédaction est très affaiblie, et ne structure en tout cas plus la compilation. Ce faisant, elle est bien agencée par sections narratives, qui nont pas forcément les mêmes délimitations que celles que nous utilisons traditionnellement, mais que le dispositif visuel, participant pleinement au projet du texte, met clairement en valeur.

Anne Rochebouet

Université Paris-Saclay, UVSQ, DYPAC, Versailles

1 Cette compilation historique inachevée, qui sétend de la Création jusquaux premières campagnes de Jules César en Gaule, na encore fait lobjet que déditions partielles. Sont éditées, pour la première rédaction, la Genèse (The Heard Word: a Moralized History. The Genesis Section of the “Histoire ancienne” in a Text from Saint-Jean dAcre, éd. par Mary Coker Joslin, Jackson, University of Mississippi Press, 1986 [Romance monographs]), Assyrie-Thèbes-Minotaure & Amazones (Histoire ancienne jusquà César (Estoires Rogier). Édition partielle des manuscrits Paris BnF, fr. 20125 et Vienne ÖNB 2576, éd. par Marijke de Visser-van Terwisga, Orléans, Paradigme, 1995 [Medievalia]), Troie (La légende de Troie en France au Moyen Âge, éd. par Marc-René Jung, Basel – Tübingen, Francke, 1996 [Romanica Helvetica], p. 358-430), Perse (LHistoire ancienne jusquà César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille. Lhistoire de la Perse, de Cyrus à Assuérus, éd. par Anne Rochebouet, Turnhout, Brepols, 2015 [Alexander Redivivus]), Alexandre (LHistoire ancienne jusquà César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille. Lhistoire de la Macédoine et dAlexandre le Grand, éd. par Catherine Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2012 [Alexander Redivivus]), Rome (Christophe Pavlidès, « LHistoire ancienne jusquà César (première rédaction), étude de la tradition manuscrite. Étude et édition partielle de la section dhistoire romaine », thèse pour le diplôme darchiviste-paléographe, École nationale des chartes, 1989) ; pour la seconde rédaction, la version dun témoin tardif et inachevé (dOrient I jusquà Troie) a été récemment éditée par Yorio Otaka (LHistoire ancienne jusquà César (deuxième rédaction), éd. daprès le ms. OUL 1 de la bibl. de lUniv. Otemae (anc. Phillipps 23240), Orléans, Paradigme, 2016 [Medievalia]), ainsi que la section Troie (Le Roman de Troie en prose, Prose 5, éd. par Anne Rochebouet, Paris, Classiques Garnier, 2021 [Textes du Moyen Âge] ; enfin, le projet TVOF (The Values of French Language and Literature in the European Middle Ages), porté par Simon Gaunt (Kings College, London), propose une transcription annotée en ligne dun témoin de chacune des deux premières rédactions (Paris, BnF, fr. 20125 et London, BL, Royal 20 D I), voir https://tvof.ac.uk/ (consulté le 14/04/2021).

2 Sur la datation de lHistoire ancienne, voir désormais Francesco Montorsi, « Sur lintentio auctoris et la datation de lHistoire ancienne jusquà César », Romania, 134 (2016), p. 151-168.

3 Ce changement est par ailleurs massif du point de vue du volume : on passe par exemple de 25 feuillets (sur 375 au total) dans le ms. Paris, BnF, fr. 20125 à 167 feuillets (sur 363 au total) dans le ms. London, BL, Royal 20 D I.

4 « Les premières compilations françaises dhistoire ancienne », Romania, 14 (1885), p. 1-81.

5 Tout en gardant à lesprit le poids potentiel des réalités pragmatiques (disponibilité des cycles iconographiques, des textes, contraintes techniques, etc.) comme celui de possibles filiations généalogiques (influence du modèle, etc.).

6 Genèse (I), Premiers temps de lAssyrie et de la Grèce (II), Thèbes (III), Le Minotaure, les Amazones, Hercule (IV), Troie (V), Énée (VI), Histoire de Rome (VII).

7 Die Illustrationszyklen zur « Histoire ancienne jusquà César » (1250-1400), Francfort, P. Lang, 1989, p. 11-12.

8 La légende [], op. cit., p. 337-340.

9 Richard Trachsler, « Lhistoire au fil des siècles. Les différentes rédactions de lHistoire ancienne jusquà César », Transcrire et/ou traduire. Variation et changement linguistique dans la tradition manuscrite des textes médiévaux, éd. par Raymund Wilhem, Heidelberg, Winter, 2013, p. 77-95. On peut dailleurs noter que la critique ne sest que très peu interrogée sur le nombre et la délimitation des sections, après la réfection minime proposée par D. Oltrogge et reprise par M.-R. Jung, se focalisant sur le nombre (et la dénomination) des rédactions du texte (deux, trois, voire quatre) auxquelles les différentes combinaisons des sections, justement, avaient pu donner lieu.

10 Sur le plan matériel, aucun des manuscrits utilisés par lédition concernée ne présente dailleurs, à lendroit où commence le § Ia, darticulation visuelle hiérarchiquement supérieure : le lecteur doit attendre le § 17 dans le manuscrit de base (Paris, BnF, fr. 20125, f. 226c), ainsi que dans deux des quatre manuscrits de contrôle (Dijon, BM 562 et Bruxelles, KBR 10175) ; dans les deux derniers manuscrits (London, BL, Add. 15268 et Paris, BnF, fr. 9682), larticulation se trouve au § II, tandis que le témoin du texte remanié quest Wien, ÖNB, 2576 la situe au § Ib (f. 92a).

11 Dans le premier cas, lexplicit « Cy fine le livre Genesis » (fr. 246 f. 34a et naf. 3576 fo 55a) constitue a posteriori la totalité de lensemble précédent comme une unité et relègue donc à un rang secondaire larticulation située auparavant (Meyer, art. cité, p. 37 ; cette première articulation correspond au début du troisième âge, § 137 éd. Joslin, fr. 246 f. 9b et naf. 3576 f. 28c) ; je noterai au passage que les deux manuscrits donnent à lire une version particulière pour toute la fin de la Genèse, à partir de léquivalent du § 453 éd. Joslin (fr. 246 f. 31a et naf. 3576 f. 51d) : les rubriques, où sajoute la mention « selon la Bible », laissent supposer que le texte est en partie inspiré dune bible en français, dont serait peut-être aussi copié lexplicit. Dans le second cas, le lecteur est confronté à lenchaînement de deux articulations potentielles (deux initiales ornées, fr. 246 f. 57d et 58a), elles-mêmes situées quelques paragraphes seulement avant une nouvelle subdivision (initiale ornée + illustration, fr. 246 f. 58b = début de la section VI) : cest sans doute le redoublement du premier dispositif de mise en page, inédit jusqualors dans les deux exemplaires, qui la disqualifié comme marqueur darticulation textuelle.

12 Art. cité, p. 46.

13 Voir ibid. p. 2 et 36.

14 Pour lanalyse du texte. Sil renonce à sa première idée selon laquelle lHistoire ancienne aurait été rédigée pour servir dintroduction aux Faits (ibid., p. 52), le lien entre les deux textes reste cependant pour lui fondamental. Il propose par exemple de voir dans au moins une partie des exemplaires où les Faits ne suivent pas lHistoire ancienne des tomes dépareillés, les deux textes réunis étant souvent répartis en deux volumes distincts (p. 49).

15 Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200-1500, Turnhout, Brepols, 2000, t. II, p. 51-52 et 95.

16 Au moins sur le plan de la mise en page et de la mise en livre ; les modifications que connaît le texte nont cependant jamais été étudiées.

17 Le lieu de production du fr. 20125 ne fait pas lobjet dun consensus, la critique lui attribuant soit, à la suite dHugo Buchtal, une origine française à partir dun modèle ultramarin, soit une provenance acconéenne dans la continuité des travaux de Jaroslav Folda (pour une synthèse des arguments, je me permets de renvoyer à LHistoire de la Perse, éd. citée, p. 16-19). Le manuscrit est accessible via Gallica (ark:/12148/btv1b52505677c, consulté le 14/04/2021).

18 Par leur taille, leur type comme par les couleurs utilisées, ces deux initiales se distinguent nettement des éléments décoratifs qui suivent : le prologue (fo 1a) souvre, après une rubrique, sur une initiale ornée sur fond dor occupant 3/4 de la largeur de la colonne et 10 unités de réglure (ur) de hauteur ; le texte proprement dit (f. 3b), après une rubrique également (f. 3a), débute en haut de page par une initiale ornée sur fond bleu et or occupant toute la largeur de la colonne sur 13 ur ; cette initiale est par ailleurs précédée dune illustration de lhexaméron. Le début du texte est ainsi clairement marqué.

19 Ces initiales, qui occupent entre 4 et 9 ur, sont réparties comme suit (je garde, pour des raisons pratiques, la division « habituelle » en sections) : I : 9 (f. 10c, 55c, 64a, 69d, 70c, 75c, 76c, 77a, 81c), II : 3 (83a, 83c, 88d), III : 1 (89a), IV : 4 (117c, 119b, 119d, 123a), V : 5 (123b, 123d, 125a, 128a, 146c), VI : 3 (148c, 156c, 175d) ; VII : 2 (179b, 185b) ; VIII : 2 (199b, 205b), IX : 1 (226c) ; X : 6 (258d, 264a, 282a, 302a, 312d, 359d), XI : 1 (369d).

20 Je nai pas intégré dans ce décompte lillustration liminaire dont le statut est évidemment particulier.

21 Les illustrations ne sont donc que très peu placées en fonction des articulations du texte ; leur disposition sur la page paraît en revanche en partie contrainte par des raisons esthétiques et/ou pratiques (elles se situent en majorité en haut ou en bas dune colonne).

22 Quatre miniatures par ailleurs ne se situent pas à la fin dun paragraphe mais sont séparées par quelques lignes seulement dune grande initiale ; la mise en page choisie sabstient donc de les associer directement.

23 On peut signaler le cas particulier du suicide de Didon (f. 156c), seule illustration encadrée de deux mentions rubriquées, dont aucune ne se rapporte à limage. La seconde rubrique introduit le paragraphe directement à la suite de lenluminure ; la première (« Que mout dura la dolors ansois que li cors fust ars et mis en cendre quar tuit cil de la cité lamoient mout si come lor bone dame, dont il estoit grans domages quele avoit ensi perdue la vie ») ne constitue pas une légende de limage, qui représente Didon se poignardant alors que les navires dÉnée séloignent de Carthage. Le texte rubriqué pourrait, en faisant référence à la douleur ressentie par les Carthaginois, indiquer les émotions que les lecteurs du manuscrit (et auditeurs du texte) devraient ou pourraient ressentir à lissue du récit.

24 Sur le rôle de lillustration liminaire comme dispositif mémoriel convoquant lexpérience visuelle du lecteur, voir Anne Rochebouet, « Structure narrative, mise en page et modèle biblique dans lHistoire ancienne jusquà César », Écrire la bible en français au Moyen Âge et à la Renaissance, éd. par Véronique Ferrer et Jean-René Valette, Genève, Droz, 2017, p. 593-608.

25 Elle est par ailleurs illustrée par 9 des 17 illustrations consacrées à la Genèse.

26 Lillustration liminaire est toujours exclue de ce décompte. Je nai pas non plus comptabilisé la mort dIsaac (bas du f. 55b), ni celle de Jacob (bas du f. 81b) : outre que ces deux enluminures ne se situent pas en fin de paragraphe et ne sont ainsi pas directement suivies par une grande initiale (qui apparaît respectivement au f. 55c et 81c), les deux éléments ne peuvent être associés par lœil puisquils se situent chacun sur une double page différente.

27 F. 63d-64a déjà citée, 69d, 70c, 75c-d, 76d-77a.

28 Orose, Histoires contre les Païens, éd. et trad. par Marie-Paule Arnaud-Lindet, Paris, Les Belles Lettres, 1990-1991, t. 1, p. XLV-LVIII.

29 Le premier se trouve au f. 83r-v ; il correspond au début de la section II (§ 1 et 3, éd. van Terwisga).

30 Cest le lieu et la date dexécution du plus ancien témoin qui nous la conserve, London, BL, Royal 20 D I. Selon toute probabilité, elle aurait été mise au point pour la cour angevine ; il est plus difficile de juger de la date de composition de la cinquième prose, qui y est insérée, mais qui aurait pu circuler de manière indépendante comme cest le cas de trois des autres proses troyennes, bien diffusées en Italie.

31 Sans compter les variations qua pu connaître le texte à lintérieur de ces unités, et quil est plus difficile denvisager.

32 Accessible en ligne : http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_20_d_i_fs001r (consulté le 14/04/2021).

33 La section Thèbes débute ainsi par une simple initiale ornée de 11 ur, sans même de rubrique initiale. On est tenté de supposer que la section II, qui se serait terminée par un explicit suivi de la rubrique liminaire de la section suivante, comme cest le cas partout ailleurs dans le manuscrit, figurait dans un cahier qui aurait disparu. Le lieu textuel le plus mis en valeur dans le manuscrit conservé nest ainsi pas son ouverture, mais le fo 246, soit le début de la section X.

34 Pour ce qui est du style et du vocabulaire iconographique, on observe un changement ponctuel aux f. 246 et 251 ; en termes de distribution, la section troyenne, qui occupe un peu moins de la moitié du manuscrit, apparaît beaucoup plus scandée pour lœil que les autres ensembles : elle contient 24 des 28 initiales historiées et 4 des 10 initiales ornées présentes dans lensemble du manuscrit.

35 Ces explicits ne figuraient pas dans la première rédaction, mis à part lexplicit général, souvent cité parce quil fait une liste des sujets abordés par le texte qui ne renvoie plus, dans les deux exemplaires de la seconde rédaction quil clôture, à leur contenu effectif.

36 Accessibles en ligne, fr. 301 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100225070 (consulté le 14/04/2021) ; Stowe 54 : https://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=stowe_ms_54_fs001r (consulté le 14/04/2021).

37 Jusquà « Feminie », cette rubrique reprend en fait celle de la première rédaction.

38 Labsence despace blanc à la fin du récit thébain sexplique sans doute par une contrainte technique ponctuelle (on se trouve en bas de page). Les deux différences principales avec le ms. Royal sont la première page, construite ici véritablement comme un ensemble frontispice et donc comme larticulation la plus importante du volume, et la mise en page du début de la seconde destruction à lintérieur du récit troyen (V) : cette dernière est pratiquement mise en valeur comme une section à part entière.

39 On peut hésiter entre 5 et 6 unités : le Landomatha paraît en partie séparé du récit troyen proprement dit (présence de 18 lignes blanches, soit toute la fin de la colonne, juste avant son début, f. 228b, mais le récit précédent ne se termine pas pour autant par un explicit), tandis que la section VII semble envisagée dans la continuité des aventures dÉnée (au f. 266c, labsence dexplicit clôturant lensemble VI-VIII amène logiquement une absence despace blanc, mais le début de la section VII est cependant marqué par une illustration de la largeur dune colonne intégrée à la justification, un dispositif que lon ne retrouve dans le manuscrit que pour le début de la section III).