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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Les Centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge
  • Auteurs : Giannini (Gabriele), Gingras (Francis)
  • Pages : 7 à 9
  • Collection : Rencontres, n° 136
  • Série : Civilisation médiévale, n° 16
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812447525
  • ISBN : 978-2-8124-4752-5
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4752-5.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/02/2016
  • Langue : Français
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Avant-propos

Le projet de recherche international Lire en contexte à lépoque prémoderne. Enquête sur les recueils manuscrits de fabliaux (2010-2014), financé par le Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada, par le Fonds National pour la Recherche Scientifique en Suisse et par la Deutsche Forschungsgemeinschaft en Allemagne, a mis au centre de sa démarche les véhicules de la transmission écrite des fabliaux, à savoir la quarantaine de manuscrits et de fragments arrivés jusquà nous contenant un ou plusieurs spécimens du genre. Décrire la composition et lagencement de chacun dentre eux au Moyen Âge, leur cadre typologique de référence et lorientation littéraire et culturelle dans laquelle sinscrit leur réalisation, telle a été la tâche prioritaire de léquipe du projet, composée de spécialistes expérimentés et de jeunes chercheurs rattachés aux universités de Montréal, Genève, Zurich et Göttingen1. Bien entendu, ce long mais stimulant labeur devait poser à la base la datation de chaque témoin et son ancrage dans un contexte géographique et socio-culturel aussi précis que possible. Ce préalable na pas été contourné. Le démontrent les préoccupations et objectifs qui marquent lun des premiers aboutissements du projet, le numéro thématique de la revue Études françaises paru en 2012 (t. 48/3). Les membres de léquipe ont cependant été confrontés à un écueil de taille : lincertitude et parfois même le caractère contradictoire de nos connaissances entourant la question capitale des centres de production des manuscrits vernaculaires à lépoque médiévale.

Malgré les avancées notables que les études des codicologues, des paléographes, des philologues, des historiens du livre et des spécialistes de la décoration et de lenluminure ont permis daccomplir au cours des trente dernières années, force est de constater que, pour les manuscrits

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vernaculaires et a fortiori pour les manuscrits français, les contours des aires et des centres de production demeurent flous, faiblement marqués et somme toute instables, notamment en ce qui concerne le cœur de notre corpus : les recueils littéraires du xiiie siècle et de la première moitié du siècle suivant. Nombre de facteurs concourent à ce sentiment dimprécision : la nature souvent inachevée ou opaque des recueils (libelli, recueils cumulatifs, recueils composites), le rôle encore mal défini du livre vernaculaire jusquau début du xive siècle, la précarité des lieux de conservation au fil des siècles (notamment sur le continent), les résultats parfois peu probants auxquels arrivent les analyses linguistiques, le manque de coordination entre les spécialistes des différentes composantes du manuscrit (écriture, décoration, illustration, textes) et la circulation parfois difficile des résultats produits dans chaque domaine de spécialité.

Sans prétendre résoudre ici cet ensemble de problèmes, dont lorigine est bien souvent in re et les issues enchevêtrées, nous avons choisi de concentrer nos efforts sur la question des centres de production de nos recueils, chacun selon ses créneaux délection et sa perspective heuristique, et de confronter nos doutes, nos acquis et nos hypothèses au sujet de témoins individuels ou de constellations cohérentes au cours de journées détude organisées à lUniversité de Montréal les 24 et 25 octobre 2013. À lapproche de cette rencontre, il nous a paru vital dinviter des spécialistes confirmés travaillant habituellement sur dautres ensembles de manuscrits, selon différents angles dapproche et à la lumière de compétences variées, afin quils puissent nous éclairer en proposant de nouvelles méthodes et en ouvrant de nouvelles pistes danalyse.

Sans trop de surprise, deux aires décisives, aussi bien pour la composition des récits brefs et des fabliaux que pour leur rayonnement jusquen 1350, se taillent la part du lion : le Nord-Est doïl et lespace anglo-normand. Au sein de ce dernier, des suggestions nouvelles de localisation sont proposées par Maria Careri, à la lumière du travail de fond qui a conduit à la récente publication du catalogue illustré des manuscrits français du xiie siècle, tandis que deux jeunes chercheuses de léquipe, Beatrice Barbieri et Isabelle Delage-Béland, se sont penchées sur certains spécimens insulaires comportant également des fabliaux, parmi une masse parfois impressionante de textes dont linterprétation globale reste difficile. Du côté de la Picardie et de ses abords, la multitude de centres très actifs entre 1250 et 1320 environ et la difficulté – endémique,

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dans bien des domaines – den cerner avec assurance les caractéristiques et lignes de force individuelles nont pas empêché daborder sous un nouveau jour la production réelle ou supposée de quelques centres : Arras, entre mythe historiographique et réalité matérielle (Olivier Collet), Soissons et son ancien diocèse, au-delà des volumes consacrés à Gautier de Coinci (Gabriele Giannini), Tournai, à la lumière des témoins du Reclus de Molliens (Ariane Bottex-Ferragne). Suivent des contributions où, laspect géo-culturel étant moins urgent ou mieux défini dès le départ, des interrogations plus fines peuvent être formulées : le sujet du recueil composite, à partir de deux spécimens dialoguant à distance (Gaëlle Morend-Jaquet), les questions dinterprétation que soulève une tradition manuscrite circonscrite et solidaire, celle de Watriquet de Couvin (Julien Stout), ou les perspectives se dégageant dune considération renouvelée des mises en prose illustrées, vers le milieu du xve siècle, dans latelier du Maître de Wavrin (Isabelle Arseneau). Les actes se closent sur létude par Alison Stones de lillustration des témoins de fabliaux, avec le double intérêt de soulever ainsi des problèmes dattribution et de permettre de tisser dautres types de liens entre les manuscrits.

Sans vouloir apporter des réponses définitives à la question fondamentale des centres de production des manuscrits médiévaux, ces actes ont lambition dattirer le regard sur un aspect qui reste essentiel à toute enquête portant sur la littérature médiévale et sa réception et, au final, de poser quelques jalons pour lhistoire du livre vernaculaire au Moyen Âge.

Gabriele Giannini

Francis Gingras

Note : sauf indication contraire, les fabliaux (titres, textes, variantes) sont cités daprès le Nouveau recueil complet des fabliaux, éd. par Willem Noomen et Nico van den Bogaard, 10 t., Assen-Maastricht, Van Gorcum, 1983-1998, désigné par le sigle NRCF.

1 Il sagit, suivant lordre alphabétique, de Beatrice Barbieri, Ariane Bottex-Ferragne, Olivier Collet, Isabelle Delage-Béland, Gabriele Giannini, Francis Gingras, Serena Lunardi, Gaëlle Morend-Jaquet, Olaf Posmyk, Julien Stout et Richard Trachsler.