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Classiques Garnier

[Introduction à la première partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Camps nazis. Réflexions sur la réception littéraire française
  • Pages : 25 à 26
  • Collection : Littérature, histoire, politique, n° 2
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812445446
  • ISBN : 978-2-8124-4544-6
  • ISSN : 2261-5903
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-8124-4544-6.p.0025
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 28/09/2012
  • Langue : Français
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Lévénement tel que je le conçois se définit comme larticulation entre une réalité vécue par un sujet (individuel et collectif) et un univers de réception auquel il nadvient quà travers une construction médiatique et symbolique. Cest dire quil ny a pas dévénement sans témoins pour qui il vient à se manifester, au même titre quil ny en a pas pour une collectivité sans supports matériels de communication aptes à le manifester. Si ces supports donnent forme à lévénement, ils sont aussi une manière de le catégoriser et de linscrire dans des cadres sémantiques particuliers : le commentaire et la quête du sens sont indissociables des conditions techniques et factuelles de saisie et de représentation.

Le temps de louverture des camps implique une confrontation avec lénormité dun événement qui excède de toutes parts les repères traditionnels du réel et du rationnel, et qui va vite toucher un large public à travers des modes de publicité spécifiques, qui valident sa réalité hyperbolique jusquici en attente dun réel processus dattestation. Ainsi cest à limage photographique (et plus globalement à limage analogique) que reviendra la tâche de faire partager au plus grand nombre et avec la plus grande efficacité possible les informations relatives à louverture des camps.

Sil est juste de considérer avec Pierre Nora que tout événement est pour une grande part le produit dune intention et dune politique médiatiques (dans le cas présent dune politique volontariste de diffusion des images des camps), il est tout aussi juste de considérer que lévénement est également toujours adressé à un ou des sujets qui le vivent ou le constatent, qui en sont les acteurs ou les victimes. Lévénement doit être envisagé comme une réalité bicéphale dont il faut étudier conjointement les deux aspects. Cest pourquoi je voudrais au cours de cette première partie prendre pour objet le trajet qui fait de lévénement une réalité vécue avant dêtre une réalité communiquée, montrée et témoignée. Dans la perspective dune généalogie mémorielle, il apparaît indispensable de revenir en détails sur le temps de la communication et de la découverte, où sont nés les premiers éléments de représentation et de compréhension des camps et du génocide. Ce moment séminal de la connaissance implique également une articulation voire une concurrence 26entre différents types de média et différents régimes discursifs susceptibles de le prendre en charge pour lui donner forme et sens. Il sagit en ce sens de mettre en relief les principes de hiérarchisation et de catégorisation à lœuvre dans la communication de lévénement pour arriver à déterminer les fondements dune mémoire des camps et du génocide nécessairement partielle, appelée à être discutée, complétée et remodelée au gré de lévolution des contextes mémoriels et historiques.