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Classiques Garnier

Théorie et pratique à l’école d’artilleurs de Séville

  • Auteur lauréat du Prix Turriano 2017 de l’International Committee for the History of Technology et du Prix d’histoire militaire 2017 du ministère des Armées
  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Artilleurs et la Monarchie hispanique (1560-1610). Guerre, savoirs techniques, État
  • Pages : 289 à 355
  • Collection : Histoire des techniques, n° 21
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782406115564
  • ISBN : 978-2-406-11556-4
  • ISSN : 2264-458X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11556-4.p.0289
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/08/2021
  • Langue : Français
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Théorie et pratique à lécole dartilleurs de Séville

Es forzoso que [los artilleros] estén habilitados porque no es como el de soldado que en dándole una pica sale pelear con ella1.

Francisco de Molina, capitaine dartillerie, Séville, 1598.

Introduction

Cette citation du capitaine Francisco de Molina pose directement la question de la formation et des compétences des artilleurs. Faire fonctionner une pièce dartillerie navait en effet rien de trivial car il sagissait dun objet technique complexe dans lusage duquel intervenaient de nombreux paramètres. Un artilleur était avant tout un technicien qualifié. En ce sens, la question des compétences fut au cœur des problèmes générés par la multiplication de lusage du canon à lépoque moderne. Comme le premier chapitre la mis en évidence, le nombre dartilleurs au service de la Monarchie hispanique passa de quelques dizaines à plusieurs milliers en moins dun siècle. Cette transformation constitua naturellement un formidable défi en termes de ressources humaines qualifiées. Comment est-on parvenu à générer et multiplier les compétences en artillerie pour faire face aux besoins croissants de cette puissance politique en pleine construction ? Comment ces milliers dindividus parvinrent-ils à apprendre le maniement de lartillerie ?

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Lapprentissage demeure une question centrale en histoire des techniques, même sil sagit dun thème encore peu étudié. Lintérêt récent pour ce champ de recherche provient principalement de chercheurs en histoire économique interrogeant la contribution de lapprentissage à la croissance économique et à linnovation technique, avec pour horizon intellectuel la révolution industrielle, le progrès matériel et la Grande Divergence2. Lune des idées conductrices de cette littérature consiste à expliquer que les systèmes dapprentissage mis en place à lépoque moderne en Europe ont généré une importante masse de capital humain qualifié qui non seulement eut un impact économique positif sur lEurope occidentale, mais qui fut aussi à lorigine de la révolution industrielle. Cette partie propose dappliquer ce type de raisonnement non pas au champ économique mais aux champs politique et militaire afin de répondre cette question : quels systèmes dapprentissage permirent-ils, à lépoque moderne, de générer le capital humain nécessaire au déploiement dune puissance politique de lenvergure de la Monarchie hispanique ?

Les pratiques dapprentissage étudiées par ces spécialistes de lhistoire économique interviennent toujours dans le cadre socio-institutionnel des corporations de métiers et autres guildes dartisans. Leurs publications invitent notamment à réévaluer positivement le rôle de ces institutions en tant que principaux producteurs de ressources humaines qualifiées à lépoque moderne3. À la fin du Moyen Âge, dans de nombreuses villes dEurope occidentale, lapprentissage de maître à apprenti fut progressivement institutionnalisé par des corporations et des guildes, régulé par des contrats et des règles daccès à la profession garantissant une certaine qualification et stipulant les modalités du transfert 291de compétences4. Ce système dapprentissage revêtait une nature privée puisquil sagissait dun échange économique entre un maître qui transmettait ses compétences et ses savoirs et un apprenti qui le payait en argent et en heures de travail5. Lapprentissage intervenait au sein de lespace de travail, dans latelier, par la pratique du métier. Il impliquait une échelle denseignement très limitée : un maître ne formait que quelques apprentis durant toute sa carrière6. Cette échelle réduite était peu adaptée aux besoins colossaux en artilleurs de la Monarchie hispanique.

Les deux chapitres qui suivent ont pour objet de mettre en évidence lémergence de systèmes de formation technique bien différents de ceux institutionnalisés au sein des corporations. Dans les dernières décennies du xvie siècle, des écoles dartilleurs furent créées afin de faire face aux nécessités grandissantes de la Monarchie hispanique. Or, ces écoles proposaient un paradigme alternatif de lapprentissage technique. Mettant en scène un maître face à des dizaines dapprentis, elles permettaient de transformer léchelle de lenseignement technique. Elles déplaçaient le transfert de compétences du lieu de travail vers un espace spécifiquement dédié à lapprentissage. Placées sous le patronage de lÉtat, ces écoles revêtaient un caractère public bien distinct du cadre traditionnellement privé de lapprentissage technique. Il convient par conséquent danalyser en profondeur le fonctionnement de ces institutions censées générer le capital humain vital au développement dune puissance étatique établie sur plusieurs continents. Pour ce faire, cette partie du livre propose une approche en deux temps : lécole dartilleurs comme institution sera dabord étudiée à travers une étude de cas qui sera ensuite mise en perspective à léchelle de lempire dans le chapitre suivant.

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Séville, la casa de la contratación
et la carrera de Indias

Créée en 1576, lécole dartilleurs de Séville fut sans doute lun des plus clairs exemples dinstitutionnalisation des pratiques denseignement de lartillerie à cette époque. Cependant, situer une étude de cas à Séville, dans les années 1570-1610, nest pas un choix anodin. À cette époque, non seulement Séville était-elle la plus grande ville de la péninsule ibérique, riche cité portuaire entre Méditerranée et Atlantique, mais elle jouait également un rôle particulièrement important dans les dynamiques impériales de la Monarchie hispanique en tant que principale porte vers lAmérique. Lexistence dune école dartilleurs dans cette ville ne saurait être séparée de ces mouvements maritimes dallers-retours réguliers entre Ancien et Nouveau Mondes. Lécole était rattachée à la casa de la contratación, institution contrôlant la carrera de Indias et préparant les convois qui traversaient lAtlantique. Avant toute chose, il apparaît donc nécessaire de présenter brièvement la ville et le complexe technico-institutionnel qui en faisait le principal point dinteraction avec lAmérique.

Les années 1570-1610 correspondent précisément à lâge dor sévillan. Sa situation à la confluence de la Méditerranée et de lAtlantique avait déjà fait de Séville une cité portuaire importante à la fin du Moyen Âge7. Tout un monde capitaliste de banquiers et de marchands sy était développé pendant plusieurs siècles. Enraciné localement par limplication de laristocratie andalouse, il sétendait bien au-delà à travers des réseaux marchands internationaux faits en particulier de Génois, Flamands et Portugais, pour lesquels Séville constituait un carrefour idéal entre les commerces méditerranéen, atlantique et nord-européen8. Mais cest surtout avec laventure américaine du xvie siècle que cette ville connut son essor le plus spectaculaire. En moins dun siècle, sa population se vit multipliée par trois, hissant Séville parmi les principaux centres urbains dEurope9. En tant que grand port commerçant, elle accueillait une importante 293communauté de professionnels de la mer bien implantés dans le quartier extra-muros de Triana et dont la plupart nétaient souvent que de passage. À ces marchands et marins sajoutait également une grande population dartisans dont lactivité contribuait substantiellement à la prospérité de la ville. Séville comptait au xvie siècle un nombre conséquent de gremios (corporations) reflétant la diversité de ses activités parmi lesquelles les principales étaient la céramique, le textile, la construction navale et le savon10.

Le tournant décisif du destin de Séville date des premières années du xvie siècle, lorsque les Rois Catholiques lui concédèrent le monopole du trafic avec le Nouveau Monde. Il sagissait alors pour la Monarchie de concentrer lensemble des flux en un point stratégique afin de percevoir aisément les taxes et contrôler strictement lémigration vers lAmérique. Plusieurs raisons motivèrent vraisemblablement le choix de Séville pour ce rôle11. Dabord, en tant que grand centre financier et marchand, place cambiste de premier plan, cette ville possédait les ressources nécessaires au développement dun commerce transatlantique. De plus, du point de vue de la navigation, elle constituait un point de départ idéal pour bénéficier des alizés, ces vents permettant de gagner lAmérique. Elle avait toutefois un inconvénient de taille. Située à 80 kilomètres de la mer, sur le Guadalquivir, ses eaux étaient trop peu profondes pour permettre à une grande partie des navires transatlantiques de remonter jusquà son port12. En fait, le monopole fit de Séville le centre administratif et financier dun dispositif qui impliquait toute la Basse-Andalousie et plus particulièrement les ports atlantiques de Sanlúcar de Barrameda et Cadix.

Le monopole de Séville fut matérialisé par la création, en 1503, de la casa de la contratación, linstitution chargée de contrôler les flux entre lEspagne et lAmérique13. Ses prérogatives allaient bien au-delà de son activité fiscale de perception des différentes taxes et droits de douanes sur les marchandises14. Cette institution constituait en réalité un organe administratif dépendant du conseil royal des Indes, autorité suprême 294chargée du gouvernement du Nouveau Monde. Elle servait de tribunal particulier de la carrera de Indias, réglant notamment les différents entre marchands15. Ses officiers portaient dailleurs le titre de « juges » et siégeaient au cœur du symbole de la royauté à Séville, lAlcazar, dans la salle des amiraux et les pièces adjacentes. Entre 1508 et 1519, la création des offices de piloto mayor (pilote principal) et de cartografo mayor (cartographe principal) lui conféra une dimension scientifique : à partir de ces dates, la casa de la contratación fut impliquée dans la formation des pilotes, la réalisation de cartes nautiques et la fabrication dinstruments16. Autre aspect souvent négligé de son activité, cette institution était chargée dorganiser la défense de la carrera de Indias, de préparer les convois, dappareiller et déquiper les galions descorte17.

Le commerce entre Séville et lAmérique se développa tout au long du xvie siècle18. La période au cœur de ce chapitre, qui va de 1570 à 1610, correspond précisément à lâge dor du monopole de la carrera de Indias en termes de volumes et de valeur marchande transportée, 295lannée 1608 en détenant le record absolu. Le trafic impliquait chaque année de 100 à 280 navires, entre 30 000 et 70 000 toneladas de marchandises, incluant des produits de grande valeur tels que la cochenille de Nouvelle-Espagne, les perles de Tierra Firme ou encore les tonnes dargent extraites des mines de Potosí. Ces échanges constituaient des quantités très importantes à léchelle de léconomie mondiale de lépoque19. Néanmoins, une telle richesse ne manqua pas dattirer les convoitises : la course, dabord française et barbaresque, puis anglaise et hollandaise, se développa à mesure que le commerce prit de lampleur. Le monopole des trésors américains nécessitait par conséquent un système de protection contre les menaces de corsaires et pirates20.

Comme le premier chapitre la évoqué, à partir des années 1560, la carrera de Indias sorganisa en un système de convois voyageant sous escorte de galions royaux. Chaque année, deux flottes partaient, lune pour la Nouvelle-Espagne (correspondant à lactuel Mexique), lautre pour la Tierra Firme (correspondant approximativement aux côtes du Panama, de la Colombie et du Venezuela)21. À partir des années 1570, ces flottes furent généralement accompagnées dun escadron de six à dix galions, larmada de guarda de la carrera de Indias, financés par une taxe sur les marchandises appelée avería, et dont les équipages étaient au service du roi22. Cette armada puissamment armée jouait un double rôle, escortant les navires de commerce mais aussi transportant avec plus de sécurité largent américain absolument essentiel à la trésorerie de la Monarchie. Des agents de la casa de la contratación supervisaient la préparation de ces convois et soccupaient de la gestion des navires de guerre sous administration royale. La fabrication des pièces dartillerie était réalisée à Séville par la famille Morel, véritable dynastie de fondeurs de canons qui traversa le xvie siècle23. 296Les autres préparatifs incluaient, entre autres choses, le recrutement de léquipage, la constitution des stocks de nourriture, deau, darmes, de munitions, de cordages, de toiles et de nombreux autres éléments indispensables aux longues traversées, ainsi que linstallation et la vérification des pièces dartillerie. Ces opérations étaient généralement réalisées au large de Sanlúcar de Barrameda, à lembouchure du Guadalquivir ou dans la baie de Cadix. Elles impliquaient aussi parfois laide de laristocratie locale. Ainsi, le duc de Medina Sidonia, qui commanda la Grande Armada contre lAngleterre en 1588, participait régulièrement à la préparation des flottes depuis son château de Sanlúcar, en qualité de capitaine général des côtes andalouses24.

Dailleurs, les convois de la carrera de Indias nétaient pas les seules flottes à être appareillées dans ces ports. Comme le premier chapitre la montré, de nombreuses flottes de guerre y furent préparées. On peut citer notamment les expéditions de Floride en 1565-1566, celle au détroit de Magellan de 1581-1584, les différentes opérations de la conquête du Portugal et des Açores (1580-1583) ainsi quune partie de la Grande Armada de 1588. Régulièrement, lorsque des raids anglais ou hollandais menaçaient les côtes andalouses, les Canaries ou les Açores, de petites flottes de secours étaient rapidement mises sur pied pour intervenir25. Enfin, dans les dernières années du xvie siècle, lorsque la Monarchie hispanique construisit son armada del mar Océano, lun des escadrons fut assigné au port de Cadix26. En dautres termes, dans les années 1570-1610, le complexe Séville-Sanlúcar-Cadix jouait un rôle prépondérant dans la préparation des flottes et des armadas de la Monarchie hispanique. Cest précisément cette situation qui explique limportance de lécole dartilleurs qui fut mise en place à Séville à partir de 1576.

Lécole dartilleurs de Séville :
sources et historiographie

Lécole dartilleurs de Séville atteignit sans doute un degré dinstitutionnalisation inégalé par les autres centres de formation de 297cette époque. Il en résulte une abondance relative de sources qui constitue dailleurs une autre justification du choix de Séville comme étude de cas. Mes recherches ont porté principalement sur deux centres darchives, larchivo general de Indias et larchivo general de Simancas, ainsi que, dans une moindre mesure, sur les archives municipales de Séville. Conservant les documents de la casa de la contratación (section contratación) et du conseil des Indes (section indiferente general), larchivo de Indias est celui qui renferme le plus grand nombre de documents concernant le fonctionnement de lécole. Larchivo general de Simancas possède quant à lui des documents du conseil de guerre (section guerra y marina) qui mettent en évidence lintérêt que cette école suscita parmi ses membres ainsi que les tentatives de ce conseil détendre son pouvoir sur cette institution rattachée originellement au conseil des Indes.

Cette documentation sur lécole dartilleurs de Séville a particulièrement attiré lattention des officiers de larmée espagnole qui, à la fin du xixe siècle, ont cherché à constituer une généalogie de leur profession. Cesáreo Fernández Duro, capitaine dans la marine espagnole, a ainsi écrit une histoire en six tomes des aventures militaires espagnoles sur mer27. Ces livres abordent brièvement lenseignement de lartillerie à Séville et transcrivent quelques documents intéressants. De même, le capitaine dartillerie Adolfo Carrasco y Saiz del Campo a publié dans la revue Memorial de Artillería un grand nombre darticles concernant lartillerie espagnole du xvie siècle. Lun de ces articles porte sur lhistoire « des systèmes dinstruction du corps dartillerie » et aborde la question de lenseignement des artilleurs à Séville à travers létude de quelques instructions données aux professeurs28.

Deux courtes études publiées plus récemment ont constitué un point de départ de mes recherches. En 1997, le colonel dartillerie Guillermo Frontela Carreras, autre militaire en quête de généalogie, a publié un article sur lenseignement de lartillerie dépendant du conseil des Indes29. Il sagit à ce jour de létude la plus complète réalisée sur ce sujet, son 298auteur proposant une histoire de lécole depuis sa création en 1576 jusquà la fin du xviie siècle. La principale critique quil est possible de lui faire est quil sappuie surtout sur des documents normatifs, tels que des instructions et des textes législatifs30, laissant de côté la question des pratiques. Quelques années plus tard, lhistorienne des sciences María Isabel Vicente Maroto, collaboratrice des projets de López Piñero31, a publié un article sur les écoles dartillerie dans lequel elle se concentre principalement sur lenseignement à Séville32. Appuyé sur des recherches réalisées aux archives de Simancas, ce travail est intéressant car il révèle les liens entre lécole de Séville et le conseil de guerre. Néanmoins, négligeant les fonds les plus abondants, ceux de larchivo de Indias, il offre une vision de lécole limitée à la période de 1591-1593, lorsque le conseil de guerre en prit le contrôle direct.

Ce chapitre propose un approfondissement de ces travaux en combinant les documents de la casa de la contratación, du conseil des Indes et du conseil de guerre afin doffrir une vision complète du processus dinstitutionnalisation progressive de lécole dartilleurs de Séville qui eut lieu à la fin du xvie siècle. Létude minutieuse des documents utilisés par les études citées précédemment, ainsi que la mise au jour de sources jusquici non étudiées, donnera à ce chapitre un niveau de détails supplémentaire permettant notamment de soulever la question des pratiques réelles. Léchelle réduite de cette micro-analyse permettra de mieux appréhender ce monde local quétait lenseignement de lartillerie à Séville. Il sagira de mettre en évidence la chronologie de cette institution, fortement liée aux enseignants qui prirent part à son développement. En outre, lanalyse des pratiques denseignement révèlera la double nature de la formation des artilleurs, à la fois théorique et pratique, sanctionnée par un examen oral devant un jury. Enfin, cette étude sera également loccasion de sinterroger sur la fréquentation de lécole sévillane, sur les effectifs et profils de ses étudiants.

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Linstitution : une école liée à un office

Attachée à loffice de lartillero mayor (artilleur principal) de la casa de la contratación, la mise en place de lécole dartilleurs de Séville reposa en grande partie sur lactivité de trois hommes qui dirigèrent successivement lécole et y enseignèrent la profession dartilleur. Il sagit dAndrés de Espinosa, premier artillero mayor, qui établit, avec laide du conseil des Indes et de la casa de la contratación, un enseignement public de lartillerie à Séville entre 1576 et 1591. Il fut remplacé dans cette tâche par le docteur Julián Ferrofino, juriste et mathématicien italien originaire de Lombardie, qui mit en place, entre 1591 et 1593, un enseignement dépendant du conseil de guerre. Enfin, Andrés Muñoz el Bueno, qui fut lassistant et lélève de ces deux premiers enseignants, prit leur succession au départ de Ferrofino, et devint artillero mayor pendant plusieurs décennies, assurant ainsi la pérennité de lécole. Un retour sur la chronologie détaillée dinstitutionnalisation de lécole sous laction de ces trois individus permettra de mieux saisir ce que fut lenseignement de lartillerie à Séville.

Les premiers pas : lartillero mayor
Andrés de Espinosa (1576-ca.1591)

La création de lécole dartilleurs de Séville peut être datée du mois de février 1576, lorsque le conseil des Indes dépêcha une série dordres relatifs à la mise en place dun enseignement de lartillerie à destination de la carrera de Indias33. En réalité, parler dune école à cette date serait un abus de langage. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre lacception actuelle du mot « école », cette série dinstructions ne créait ni une institution, ni un lieu dapprentissage. Dailleurs, le mot escuela napparaît dans les documents que quelques mois plus tard34. En fait, les ordres de février 1576 créaient, ou plutôt modifiaient les prérogatives dun office, celui dartillero mayor (artilleur principal), en lui octroyant un rôle denseignant. Ils furent envoyés à lindividu en charge de cet office, lartilleur Andrés de Espinosa, ainsi quaux officiers de la casa de 300la contratación qui le supervisaient à Séville. Il est essentiel de remarquer que ce qui, dans les sources, apparaît sous le terme descuela navait en soi aucune existence institutionnelle propre en dehors de lactivité de lartillero mayor. Par conséquent, lhistoire de « lécole » de Séville repose dabord sur létude de ses enseignants, à commencer par Andrés de Espinosa.

Qui était Andrés de Espinosa et sur quels critères fut-il choisi pour enseigner lartillerie à Séville ? Avant de devenir artillero mayor, Andrés de Espinosa était lun des 60 artilleurs de Burgos35. Pour rappel, Burgos était à cette époque un des hauts lieux de la péninsule ibérique en matière dartillerie. Cette ville accueillait lun des lieutenants du capitaine général de lartillerie ainsi que le comptable général de lartillerie. Ses artilleurs jouissaient dune certaine renommée de sorte quils étaient régulièrement cités en exemple dans les documents du conseil de guerre. Andrés de Espinosa joignait à ce statut reconnu une certaine expérience de la guerre. En 1568, il participa aux affrontements qui suivirent la révolte des Morisques dans les Alpujarras36. Plus important encore, il avait effectué des voyages à bord de navires de la carrera de Indias. En 1573, il avait acquis un statut suffisamment élevé pour être invité à transmettre son avis au conseil des Indes concernant lartillerie des flottes37. Lorsque les ordres de février 1576 furent expédiés au nom du roi par le conseil des Indes, ils étaient adressés à « notre artilleur principal de larmada qui patrouille la route et les côtes de mes Indes38 ». En dautres termes, Espinosa était à ce moment-là une sorte de capitaine des artilleurs de larmada de guarda de la carrera de Indias, cet escadron descorte des flottes marchandes qui était chargé dacheminer vers lAndalousie les précieuses cargaisons dargent américain. Ces ordres transformèrent donc son rôle dofficier de la carrera de Indias en enseignant stationné de manière permanente à Séville.

Les instructions de 1576 fournissent également la raison du changement introduit dans le rôle de lartillero mayor :

Puisque il nous a été relaté par vous, Andrés de Espinosa, [] que dans la dite carrera sengagent peu dartilleurs qui soient natifs de Nos Royaumes 301et quil y a grand besoin deux tant pour larmada que pour les flottes qui naviguent aux Indes39.

Cette phrase de justification rend explicite les deux problèmes à lorigine de la mise en place dun enseignement à Séville : dune part, le besoin grandissant des flottes en artilleurs et, dautre part, le risque de recourir aux mercenaires étrangers. Le conseil des Indes était parfaitement conscient de la proportion relativement élevée dartilleurs étrangers au sein de la carrera de Indias. Comme le chapitre précédent la mis en évidence, il sagissait même dune réalité qui commençait à soulever des inquiétudes parmi le commandement castillan. Lidée derrière ce projet était par conséquent de former à lusage des pièces dartillerie des individus originaires des royaumes de Castille et dAragon afin de remplacer les mercenaires que lon jugeait suspects et coûteux.

Cette citation met par ailleurs laccent sur la grande nécessité de ces artilleurs au sein de larmada et des flottes commerciales de la carrera de Indias. La croissance des échanges entre Séville et lAmérique avait sans doute atteint une taille critique pour laquelle il devenait chaque année plus difficile de pourvoir en artilleurs une flotte marchande de plus en plus importante. Sappuyant sur les chiffres de lenquête des Chaunu, la figure 30 situe le moment de la création de lécole dans cette évolution générale du trafic de la carrera de Indias40. De plus, il faut prendre en considération que les années 1570 coïncidèrent avec la mise en place régulière de larmada de guarda de la carrera de Indias41, dont les galions lourdement armés étaient fort demandeurs en artilleurs. Cest dailleurs dans cet escadron quAndrés de Espinosa servait à lépoque. Les instructions de février 1576 ne laissent aucun doute quant au fait quil fut lindividu à lorigine de cette initiative : témoin de premier plan du manque dartilleurs pour la carrera de Indias, il supplia le roi et le conseil des Indes de lui donner une licence denseignement42.

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Fig. 30 – Évolution du tonnage annuel de la carrera de Indias et création de lécole dartilleurs de Séville.
Graphique réalisé à partir des chiffres fournis par Chaunu, Séville et lAtlantique, op. cit. Les valeurs sont
celles des moyennes mobiles sur 7 ans permettant de niveler les fluctuations annuelles.

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Ce changement de fonction dAndrés de Espinosa saccompagna dune importante promotion financière. En tant quartilleur de Burgos, il touchait le salaire habituel de 60 ducats par an. Devenu formateur des artilleurs à Séville, ce chiffre fut plus que quadruplé, sélevant à 250 ducats annuels43. Un tel salaire le rapprochait du statut des lieutenants du capitaine général de lartillerie, payés à lépoque 300 ducats par an et figurant parmi les plus hauts salaires du personnel en charge de lartillerie44. Cette haute rémunération de lartillero mayor témoigne de limportance que les membres du conseil des Indes accordèrent à sa mission denseignement. Ce salaire lui fut même augmenté à 350 ducats en 159045. Toutefois, Andrés de Espinosa eut sans cesse des difficultés pour toucher cette somme. Ainsi, en 1578, le conseil des Indes dut envoyer lordre de payer sans délai tout largent qui était dû à lartillero mayor car ce dernier se trouvait couvert de dettes46. En 1581, Andrés de Espinosa se plaignit à nouveau au conseil quon lui devait plus de 1 000 ducats47. En 1590, on lui devait encore 500 ducats de son salaire48. Ces difficultés récurrentes pour obtenir le fruit de son travail provenaient de la manière dont était financé lenseignement de lartillerie à Séville.

Loffice dartillero mayor était payé non pas par la Monarchie mais par les armateurs et capitaines impliqués dans la carrera de Indias. À ce sujet, les instructions de 1576 précisaient que

le fait davoir cette personne dans cette ville pour le dit effet est au bénéfice général et à lutilité des propriétaires et capitaines de navires qui naviguent la carrera de Indias et qui sont obligés dembarquer des artilleurs aptes. Par conséquent, il est juste que ceux-ci contribuent au paiement du salaire du dit artillero [mayor]49 .

Autrement dit, comme la formation des artilleurs à Séville visait à pourvoir en équipages les navires marchands, chaque bateau de la carrera 304de Indias était censé fournir une petite somme dargent qui devait être reversée à Andrés de Espinosa par luniversidad de mareantes, la corporation rassemblant les maîtres, pilotes et propriétaires de navires de la carrera de Indias. Cependant, ces derniers se montrèrent réticents face à ce nouveau prélèvement et, après quelques protestations, ils parvinrent à modifier les modalités de paiement. Comme un certain nombre dartilleurs formés par Espinosa étaient aussi supposés servir dans les galions de la Monarchie, ils obtinrent du roi quenviron un quart de la somme fût payée avec largent des peines et amendes résultant des verdicts du tribunal de la casa de la contratación50.

Néanmoins, certains propriétaires et capitaines de navires, insatisfaits par cet arrangement, optèrent pour une autre tactique de protestation et retardèrent pendant plusieurs années le paiement de lartillero mayor, espérant certainement le voir renoncer à son office suite au non-paiement dune grande partie de ses gages. En 1586, Andrés de Espinosa, à qui luniversidad de mareantes devait désormais la somme exorbitante de 1 700 ducats, se plaignit une nouvelle fois auprès des juges de la casa de la contratacion qui se décidèrent enfin à agir51. Ils constituèrent une liste de tous les navires et capitaines qui avaient participé à la carrera de Indias depuis la création de lécole et donnèrent lordre à leurs huissiers de procéder au recouvrement de la somme, ces derniers étant autorisés à recourir à lemprisonnement si nécessaire52. Cette mesure provoqua une forte réaction de la part des maîtres et propriétaires de navires qui firent appel de cette décision auprès du conseil des Indes, à Madrid.

Ils constituèrent alors tout un plaidoyer en leur défense. Cependant, il est intéressant de noter quà aucun moment, il ne sagit de remettre en cause lutilité de lartillero mayor. Le problème était plutôt de savoir à qui il revenait de le payer. Les maîtres et propriétaires de navire considéraient que leur contribution à la défense des convois devait se borner à engager et payer des artilleurs, non pas à financer leur formation53. Le bénéfice davoir de bons artilleurs à bord des navires retombait sur eux, certes, mais aussi sur les marchands qui affrétaient leurs marchandises, sur 305le roi qui faisait transiter ses propres richesses et sur les passagers qui se rendaient aux Indes54. Ils proposaient comme solution de financer lenseignement de lartillerie à partir de largent de lavería, cette taxe sur la valeur des marchandises qui servait à financer les galions descorte et larmada de guarda. Finalement, le conseil des Indes opta pour un compromis tenant compte des différents intérêts en jeu : le salaire de lartillero mayor serait payé à hauteur dun tiers par les peines et amendes de la casa de la contratación, à un autre tiers par lavería, et enfin à un dernier tiers par luniversidad de mareantes55. Toutefois, en 1590, la participation des maîtres et armateurs fut à nouveau augmentée à hauteur de la moitié du paiement du salaire de lartillero mayor, lautre moitié étant financée par lavería56. Afin déviter tout retard de paiement, Andrés de Espinosa devait réclamer son salaire à chaque maître de navire avant le départ des flottes, lors de son inspection de lartillerie.

Il est important de noter à cette occasion que lenseignement ne fut pas lunique activité de lartillero mayor. Andrés de Espinosa devait entre autres choses tester les pièces dartillerie et armes à feu en partance pour lAmérique afin de vérifier leur bonne facture57. Il devait également être présent à Sanlúcar et Cadix, au départ et à larrivée des flottes de la carrera de Indias, afin dinspecter lartillerie embarquée58. Ces activités parallèles, qui nécessitaient parfois des déplacements de plusieurs jours, devaient sans aucun doute interrompre régulièrement lenseignement à Séville. Labsence la plus significative fut néanmoins un voyage quentreprit Andrés de Espinosa pendant plus de trois ans. En effet, en juin 1581, le général Diego Flores de Valdés demanda à lartillero mayor de laccompagner dans son expédition de colonisation du détroit de Magellan59. Cette longue période de voyage montre à quel point lexistence de lécole dartilleurs de Séville était, dans ces premières années, intégralement liée à loffice de lartillero mayor. LorsquAndrés de Espinosa accompagna le général Flores, sa qualité denseignant le suivit. On apprend ainsi quil tint une « école » dartilleurs sur le chemin, en particulier à Rio de Janeiro, là où la flotte hiverna, ainsi que 306sur la galéasse capitana de la flotte60. Pendant ce temps, à Séville, aucune structure ne prévoyait de suppléer labsence de lartillero mayor même sil y eut quelques tentatives improvisées en ce sens. Ainsi, en août 1581, le conseil des Indes proposa à deux artilleurs, qui étaient de passage à Séville en direction de Saint-Domingue, de remplacer temporairement Andrés de Espinosa en attendant le départ de la flotte de Nouvelle-Espagne61. Néanmoins, il apparaît clairement que lenseignement de lartillerie cessa de fonctionner à Séville pendant labsence dEspinosa, ce dernier se justifiant, après coup, de ne pas avoir eu le temps de se trouver un remplaçant62.

Malgré cette longue coupure de trois ans et en tenant compte des multiples brèves interruptions dues aux diverses activités de lartillero mayor, il est tout de même possible daffirmer que lenseignement dAndrés de Espinosa à Séville sinscrivit dans la longue durée, perdurant une quinzaine dannées, depuis 1576 jusquà sa mort au début des années 1590. Il est par ailleurs difficile de dater précisément cet évènement. La dernière trace écrite de cet individu est une signature du début de lannée 159163. Or, un document davril 1593 évoque la disparition dAndrés de Espinosa comme un évènement relativement lointain64. Lartillero mayor décéda donc vraisemblablement entre 1591 et 1592, clôturant ainsi la première phase de fonctionnement de lécole dartilleurs de Séville. Cette période fut caractérisée par linexistence dune institution persistante et indépendante de la figure dAndrés de Espinosa. Sa mort aurait pu en ce sens signifier la fin de lexpérience, mais il nen fut rien. Ayant connu un certain succès, lenseignement de lartillerie à Séville se poursuivit, avec toutefois une certaine altération de son fonctionnement due à lentrée en scène dun nouvel acteur : le conseil de guerre.

Le pouvoir au conseil de guerre :
le docteur Julián Ferrofino (1591-1593)

Le conseil de guerre et plus particulièrement lun de ses membres, le capitaine général de de lartillerie Francés de Álava, manifesta rapidement 307de lintérêt pour la création de lécole dartilleurs de Séville. Cela ne surprend guère si lon se souvient des importantes prérogatives que possédait ce personnage en matière dartillerie. Le capitaine général de lartillerie avait autorité sur lensemble des artilleurs de la péninsule ibérique. Il avait également le privilège de leur nomination et de leur renvoi. Néanmoins, comme Andrés de Espinosa et ses élèves étaient rattachés à la casa de la contratación et au conseil des Indes, lui aussi organe suprême de gouvernement, ils échappaient en grande partie au contrôle direct du capitaine général de lartillerie. Lunique rôle qui était dévolu à ce dernier consistait à signer les titres dartilleurs obtenus par les élèves, afin de leur octroyer les privilèges de leur profession. Dans un premier temps, cette situation ne souleva aucun problème du côté du capitaine général. Un an et demi après les débuts de lécole, Francés de Álava en fit la visite et, comme il lécrivit dans une longue lettre au roi, il fut particulièrement enthousiaste à son égard65.

Les relations entre lartillero mayor et le capitaine général de lartillerie senvenimèrent toutefois à partir des années 1580. En juin 1581, Andrés de Espinosa écrivit au roi à propos de létat alarmant dans lequel se trouvait son école66. Ses étudiants lavaient désertée car le capitaine général Francés de Álava refusait de signer leurs cédules privilèges, cest-à-dire le principal signe de reconnaissance de leur statut dartilleur. Selon Espinosa, Álava était en colère contre lui pour avoir court-circuité la hiérarchie : il avait présenté au roi un modèle de construction de pont sans consulter le capitaine général de lartillerie. Le successeur de Francés de Álava, Juan de Acuña Vela, se montra encore plus critique envers lartillero mayor. En 1589, il dénonça les mauvaises pratiques dAndrés de Espinosa et souhaita mettre en place une nouvelle école avec un autre enseignant à sa tête67. Il demanda également au roi dinterdire à Espinosa de nommer des artilleurs sans son autorisation. Ces petites querelles manifestaient la volonté croissante du capitaine général de lartillerie et du conseil de guerre de prendre le contrôle de lenseignement de lartillerie à Séville.

Pour y parvenir, le conseil de guerre joua lun de ses principaux atouts : le docteur Julián Ferrofino. Figure beaucoup moins obscure 308quAndrés de Espinosa, Ferrofino apparaît de manière récurrente dans lhistoriographie des sciences espagnole68. Originaire dAlexandrie, dans le duché de Milan, Julián Ferrofino suivit un parcours universitaire en droit jusquà obtenir un titre de docteur. Il se mit ensuite au service du roi dEspagne en devenant son avocat à la cour de Rome69. En parallèle de ses compétences juridiques, il développa des connaissances en mathématiques et en ingénierie militaire. À la fin des années 1580, il prétendait avoir ainsi enseigné lart de la fortification et de lartillerie à Milan pendant une douzaine dannées. Les documents du conseil de guerre lui attribuent dailleurs parfois, en sus du titre de « docteur », celui d« ingénieur70 ».

En 1589, Julián Ferrofino chercha à entrer directement au service du conseil de guerre de Philippe II. Pour ce faire, il voulut démontrer ses talents en proposant de former plus de 200 artilleurs « si bien instruits et dextres quils pourraient rivaliser avec les individus les plus vieux et expérimentés de cette profession71 ». Avant toute prise de décision, le conseil de guerre souhaita obtenir confirmation de ses compétences. Aussi fut-il examiné à Madrid par Hernando de Acosta, lieutenant du capitaine général de lartillerie, qui le trouva « très docte en mathématiques », « très bon pour former à la théorie72 ». Ferrofino devint dès lors une ressource de grande valeur pour le conseil de guerre qui chercha à en tirer les meilleurs bénéfices. Il fut dabord envoyé à Burgos pour y enseigner lartillerie à partir de lété 158973. Le capitaine général Juan de Acuña Vela avait néanmoins dautres plans pour lui. En novembre de la même année, il demanda au docteur Ferrofino de le rejoindre à 309Malaga quelque temps avant daller enseigner à Cadix et à Séville74. Signe que Ferrofino était une ressource disputée pour sa valeur, le lieutenant Hernando de Acosta réclamait au même moment au roi sa présence à Lisbonne75 mais ce fut finalement le capitaine général qui eut le dernier mot76. Au début de lannée 1590, Julián Ferrofino était à ses côtés à Malaga, profitant de ce grand centre de fonderie des pièces dartillerie pour confronter ses connaissances théoriques à la réalité matérielle77. Durant ce séjour de quelques mois, il enseigna les mathématiques aux artilleurs de la ville78, tandis que Juan de Acuña Vela préparait son transfert à Séville. En juillet 1590, ce dernier demanda notamment aux autorités de Séville de préparer un espace et une pièce dartillerie pour que Ferrofino pût y installer son école79.

La mission denseignement du docteur Ferrofino à Séville commença véritablement en 1591. En février, le capitaine général de lartillerie lui donna une instruction précisant quelques modalités de fonctionnement de cette nouvelle école dépendante du conseil de guerre80. En juillet, de la poudre fut livrée à Ferrofino pour les exercices de tir, ce qui témoigne du début de son fonctionnement81. Les instructions stipulaient – tout comme celles envoyées à Espinosa 15 ans plus tôt – quil sagissait de former des artilleurs originaires des royaumes de Castille et dAragon. Le lien explicite avec la carrera de Indias avait toutefois disparu dans le cas présent car il était peu favorable aux intérêts du conseil de guerre. Par ailleurs, le statut de lenseignant fut augmenté dun cran par rapport à celui de lartillero mayor de la casa de la contratación. La position bénéficiait du prestige de Ferrofino qui collectionnait les titres : « docteur », « avocat du roi à la cour de Rome », « ingénieur ». Ce statut hors norme se traduisait par le salaire très élevé que touchait Ferrofino, qui montait à 40 écus par mois, soit plus de 500 ducats annuels à comparer aux 350 ducats que touchait Andrés de Espinosa82. Avec un enseignant 310dune telle qualité, le capitaine général Juan de Acuña Vela remplissait toutes les conditions pour que les leçons dispensées par son agent supplantassent celles de la casa de la contratación.

Lopposition et la discontinuité entre les enseignements dAndrés de Espinosa et de Julián Ferrofino apparaît néanmoins beaucoup moins claire dans les faits. Dabord, rien ne permet daffirmer que ces deux enseignements coexistèrent à Séville. En effet, comme cela a été mentionné plus haut, la dernière trace de vie dAndrés de Espinosa date du mois de janvier 1591 tandis que Ferrofino reçut ses instructions pour aller à Séville le mois suivant. Il est par conséquent tout à fait possible que les deux écoles se soient succédé dans le temps. En outre, la liste des 74 apprentis de lécole de Ferrofino datant du début de lannée 1592 met en évidence un élément de continuité avec lenseignement dAndrés de Espinosa83. Le premier individu de cette liste, Andrés Muñoz el Bueno, prétendait avoir été pendant plusieurs années lassistant dAndrés de Espinosa :

Je dis que jai servi Votre Majesté [] beaucoup de temps dans la ville de Séville en compagnie du capitaine Andrés de Espinosa, qui servait loffice dartillero mayor de la casa de la contratación, demeurant à sa place en son office chaque fois quil sabsentait pour aller au départ des flottes et armadas84.

Ce fut ce personnage fortement impliqué dans lenseignement dispensé par Espinosa qui aida le docteur Ferrofino à recruter des apprentis artilleurs85. En dautres termes, la communauté constituée autour de Julián Ferrofino se construisit à partir déléments de lécole dAndrés de Espinosa peu avant ou peu après sa mort. Lidée dune continuité entre ces deux enseignements est confortée par le fait quAndrés Muñoz el Bueno, qui fut successivement assistant dEspinosa et de 311Ferrofino, prit plus tard la direction de lécole, comme cela va être expliqué plus loin.

La mission de Julián Ferrofino à Séville fut dune durée relativement courte car elle visait à former un nombre limité dartilleurs. En avril 1593, il déclara avoir mené à bien la mission de formation des 200 artilleurs pour laquelle le conseil de guerre lavait engagé86. Il resta dans lattente dune promotion durant quelque temps puis, en septembre 1595, il obtint du roi le poste de professeur de mathématiques à la cour, atteignant ce faisant le point culminant de sa carrière87. Enseigner aux artilleurs de Séville lui servit finalement de tremplin vers les plus hautes sphères de la société, signe de limportance attribuée à cette position. En outre, le séjour de ce mathématicien apporta indubitablement un capital en termes de prestige à lenseignement de lartillerie à Séville et favorisa en ce sens la pérennité de lécole. Lorsquen 1593 Ferrofino déclara avoir terminé sa mission, le conseil de guerre tomba daccord sur le fait quil fallait lui trouver un successeur à Séville, comme en témoigne une annotation derrière la lettre du docteur :

Pour que ces gens aient quelquun qui leur enseigne, et ceux qui souhaiteraient servir dans le futur, quelquun qui les instruise, il conviendrait de nommer un chef artilleur avec un salaire adéquat, en lui attribuant la place dEspinosa88.

Par conséquent, après sêtre emparé du contrôle de lécole dartilleurs de Séville pendant quelque temps, le conseil de guerre était prêt à poursuivre lexpérience en rétablissant loffice initial dartillero mayor de la casa de la contratación laissé vacant par la mort dAndrés de Espinosa.

La consolidation : lartillero mayor Andrés Muñoz
el Bueno (1593-1616+)

La tâche de rechercher un nouvel artillero mayor fut confiée aux juges de la casa de la contratación qui constituèrent tout un dossier sur leur candidat favori afin dobtenir lapprobation du roi89. Constitué entre 312juin et septembre 1593, ce dossier renfermait différentes preuves du parcours professionnel de cet individu, présentant son titre dartilleur, une lettre de recommandation dun capitaine de galère qui avait été son commandant ou encore une lettre attestant de ses bons et loyaux services rédigée par Mateo de Zurita, un des officiers de la casa de la contratación. Enfin, lélément le plus volumineux de ce dossier était constitué dun interrogatoire contenant les réponses de sept individus à un questionnaire sur lexpérience professionnelle du potentiel artillero mayor. Ces dépositions avaient été enregistrées par les scribes de la casa de la contratación, sous le regard des juges de cette institution, favorisant de la sorte lhonnêteté des réponses et les légitimant auprès du roi et de ladministration centrale. En plus de ce dossier sur le parcours du candidat, les officiers de la casa de la contratación assuraient au roi que ce même individu sétait montré le plus habile au concours de tir quils avaient organisé pour pourvoir le poste.

Ce candidat nétait autre quAndrés Muñoz el Bueno, lhomme qui avait aidé le docteur Ferrofino à recruter ses élèves. Labondante documentation réunie par la casa de la contratación permet de reconstituer brièvement son parcours. Né à Castro del Rio, près de Cordoue vers 1554, il avait dabord exercé le métier de charpentier90. À la fin des années 1570, il apprit lusage de lartillerie à Séville avec lartillero mayor Andrés de Espinosa et fut donc impliqué dans lécole dartilleurs dès ses premières années de fonctionnement. Il participa ensuite à quelques grandes opérations militaires. En 1580, il sengagea comme artilleur sous les ordres du capitaine général de lartillerie Francés de Álava afin de prendre part à larmée dinvasion du Portugal commandée par le duc dAlbe. En 1582, il accompagna la flotte du Marquis de Santa Cruz lors de lexpédition de récupération des Açores et participa à la grande bataille navale de lîle de Terceira lors de laquelle la flotte française du général Strozzi fut mise en déroute. Après cette victoire, Andrés Muñoz el Bueno resta pendant un an sur lîle São Miguel et collabora au chantier de rénovation de la forteresse de Ponta Delgada. Enfin, il prit part à la dernière opération militaire denvergure dans les Açores : la conquête de lîle de Terceira durant lété 1583, touchant alors la solde dun artilleur con ventaja, à 10 ducats par mois. Autrement dit, à son retour à Cadix quelque temps plus tard, il était reconnu comme un artilleur vétéran.

313

Andrés Muñoz el Bueno fut alors fortement impliqué dans le fonctionnement de lécole dartilleurs sévillane. Comme cela a été mentionné précédemment, il servit dassistant à lartillero mayor et le remplaça chaque fois que ce dernier sabsentait pour inspecter les flottes à Cadix et Sanlúcar. Lorsque le docteur Ferrofino vint à Séville, non seulement Muñoz el Bueno laida-t-il à constituer un groupe délèves mais il lassista également dans son enseignement durant trois ans. Après le décès dAndrés de Espinosa, il réalisa toutes les tâches habituelles de lartillero mayor concernant la fabrication et les tests de pièces. Autrement dit, Andrés Muñoz el Bueno était à la fois le successeur dEspinosa et de Ferrofino et il fut donc tout naturellement perçu comme le candidat idéal pour reprendre loffice dartillero mayor. Le 8 octobre 1593, le roi donna son accord à la casa de la contratación pour que Muñoz el Bueno enseignât à Séville, avec toutefois seulement la moitié du salaire que touchait Andrés de Espinosa, cest-à-dire 175 ducats par mois. Il sagissait malgré tout dune première victoire pour Andrés Muñoz el Bueno qui se voyait ainsi officiellement reconnu dans son rôle denseignant et de premier artilleur de la casa de la contratación.

Il est légitime de se demander à ce point de la narration pourquoi, après avoir fourni des efforts pour prendre le contrôle de lenseignement à Séville, le conseil de guerre accepta finalement le rétablissement dun office hors de son administration directe. En réalité, cette situation fut le fruit de négociations et de discussions entre le conseil des Indes et le conseil de guerre à la fin de lannée 1593. Au début du mois de novembre, ces deux conseils sétaient mis daccord sur une liste de candidats potentiels pouvant être envoyés à Séville comme capitaine dartillerie91. Parmi ces hommes, le roi choisit Francisco de Molina, qui exerçait alors loffice de lieutenant du capitaine général de lartillerie à Burgos92. Le lieutenant Molina avait derrière lui toute une carrière au service de lartillerie de la Monarchie hispanique, ayant exercé sa charge de lieutenant pendant plusieurs dizaines dannées93. Il était un correspondant régulier du conseil de guerre et lun des officiers 314directement sous les ordres du capitaine général de lartillerie Juan de Acuña Vela.

En dautres termes, le choix denvoyer cet officier vétéran dut certainement satisfaire le conseil de guerre, du moins dans un premier temps. Toutefois, le conseil des Indes parvint à obtenir pour le lieutenant Molina les pleins pouvoirs sur lartillerie et la nomination des artilleurs de Séville94. Comme le fit alors remarquer le capitaine général de lartillerie Acuña Vela, cette mesure coupait dans les faits le lieutenant Molina de lautorité du conseil de guerre95. En conséquence, jusquà la mort de Francisco de Molina et Juan de Acuña Vela dans les premières années du xviie siècle, le conseil des Indes et la casa de la contratación eurent la main mise sur lécole de Séville. Plus tard, le successeur dAcuña Vela, le marquis de San Germán, réussit lui aussi à simmiscer dans le fonctionnement de lécole et fit envoyer lun de ses hommes, Juan Pérez de Argarate96. Cependant, à cette époque, en 1608, lhomme au cœur du fonctionnement de lécole demeurait encore lartillero mayor de la casa de la contratación Muñoz el Bueno97.

Andrés Muñoz el Bueno mit néanmoins plusieurs années à consolider sa position dartillero mayor. Bien quil eût obtenu, en 1593, le consentement du roi pour enseigner aux artilleurs, il tarda longtemps à recevoir la confirmation royale de son titre et ne toucha, entre temps, que la moitié du salaire de son prédécesseur. En 1595, il envoya une requête au conseil des Indes, sans toutefois obtenir gain de cause98. Il réitéra sa démarche lannée suivante avec le soutien des officiers de la casa de la contratación : ces derniers firent parvenir au conseil des Indes le dossier quils avaient constitué en 1593 accompagné de nouvelles lettres de recommandation, justifiant lutilité dAndrés Muñoz el Bueno malgré le travail du capitaine dartillerie Francisco de Molina99. Ce dernier fut dailleurs consulté sur la compétence du 315prétendant, quil approuva100. À force dinsistance, le roi et le conseil des Indes finirent par reconnaître officiellement Andrés Muñoz el Bueno, lui conférant son titre dartillero mayor en novembre 1597, accompagné du salaire de 350 ducats par mois que touchait son prédécesseur Andrés de Espinosa101.

Andrés Muñoz el Bueno fut particulièrement actif à la tête de lécole et il contribua indubitablement à sa consolidation institutionnelle. En 1595, il fit imprimer un programme denseignement précis dont un exemplaire fut envoyé au conseil des Indes102. Il défendit également la communauté des artilleurs face aux autorités municipales de Séville en constituant, avec laide des juges de la casa de la contratación, un volumineux dossier sur le respect des privilèges dartilleurs103. Il développa par ailleurs un enseignement de lartillerie à destination des marins des ports de Basse-Andalousie trop pauvres pour séjourner à Séville, créant ainsi des sortes dantennes locales de lécole sévillane104. Il tâcha également de systématiser les tests de pièces dartillerie embarquées dans les navires de la carrera de Indias avant leur départ pour lAmérique. Pour donner une idée de lampleur de cette tâche, en 1602, il donnait ainsi au conseil des Indes les résultats des tests de 542 pièces dartillerie pour lesquelles 32 sétaient rompues et 20 avaient été jugées peu fiables105. Au début du xviie siècle, il était véritablement parvenu à asseoir son autorité sur lartillerie de la Basse-Andalousie. La meilleure preuve en est la lettre que le capitaine Francisco de Molina écrivit au roi en 1603 afin de se plaindre du pouvoir accumulé par lartillero mayor106. Le vieux lieutenant se sentait alors dépouillé des prérogatives quil avait jadis exercées et, signe de son impuissance, il cherchait à le discréditer en mettant en contraste son propre statut supérieur de noble et de vétéran face à lorigine humble de charpentier dAndrés Muñoz. Cette aigreur du vieux Francisco de Molina ne 316semble toutefois pas avoir eu de conséquences sérieuses sur la carrière de Muñoz el Bueno.

Dans les premières années du xviie siècle, Andrés Muñoz el Bueno fit de lartillerie une affaire familiale. En 1604, il expliqua au roi que trois de ses fils étaient devenus artilleurs et il sollicita à cette occasion la création dun office dassistant de lartillero mayor pour son aîné, Diego López Muñoz el Bueno afin quil laidât dans ses tâches denseignant et quil pût le remplacer pendant ses absences lors de linspections des flottes107. Lobjectif annoncé était que le père formât le fils au métier denseignant et lui transmît loffice à sa mort. Un an après, le roi et le conseil des Indes acceptèrent cette proposition : il fut offert à Diego López Muñoz el Bueno le salaire de 96 ducats par an, financé par la taxe de lavería pour la protection des convois. Le succès de lartillero mayor fut alors à son comble puisque, non content de fournir à son fils une position mieux payée que la plupart des artilleurs, il parvint aussi à obtenir une augmentation pour lui-même de 50 ducats par an, faisant monter son salaire annuel à 400 ducats, cest-à-dire presquà la hauteur de ce que touchait le prestigieux docteur Julián Ferrofino une dizaine dannées auparavant108.

La pérennité de lécole dartilleurs de Séville fut alors assurée pour plusieurs décennies. Andrés Muñoz el Bueno resta en charge de son office au-delà de la chronologie de cette étude. En 1616, il tenta dobtenir une position de capitaine dartillerie pour lun de ses fils qui portait le même nom109. Malheureusement, cette parfaite homonymie introduit une certaine confusion quil nest pas aisé de mettre au clair. En effet, compte tenu de limplication des fils dans lécole, il est difficile, à partir de cette date, dêtre certain que le nom dAndrés Muñoz el Bueno renvoyait au père. Toutefois, que loffice dartillero mayor eût ou non changé de mains, ce même nom sinscrivit dans le temps. En 1627, un manuel dartillerie fut publié par un certain Andrés Muñoz el Bueno110 qui, sil était le même homme que lartillero mayor de 1593, avait alors 73 ans. Cette hypothèse signifierait quAndrés Muñoz 317el Bueno eut une longévité hors norme pour lépoque, décédant en 1635 aux alentours de 80 ans. Loffice dartillero mayor passa alors à un certain Diego Ruiz de Avendaño, témoignant de la poursuite de lenseignement de lartillerie à Séville111. Dailleurs, létude du colonel Frontela Carreras montre que ce même office exista au moins jusquen 1710112. Or, lorsquen 1576, Andrés de Espinosa reçut ses instructions pour enseigner loffice dartilleurs à Séville, rien ne garantissait le futur de son activité. En ce sens, lécole dartilleurs de Séville devint une institution dans la mesure où la continuité de loffice dartillero mayor simposa progressivement comme nécessaire et inscrite dans la longue durée. Il reste cependant encore à savoir en quoi consistait cette activité denseignement de lartillerie des dernières années du xvie siècle et des premières années du xviie siècle.

Pratiques denseignement et dexamen :
le cursus de lécole

Lécole dartilleurs de Séville se construisit autour de lactivité des enseignants Andrés de Espinosa, Julián Ferrofino et Andrés Muñoz el Bueno, dont la mission principale fut denseigner le métier dartilleur à tous ceux qui souhaitaient en faire lapprentissage. En quoi consistait donc cet enseignement ? En confrontant les ordres et discours normatifs aux indices concernant les pratiques, il sagit maintenant de mettre en évidence les trois dimensions essentielles de la formation des artilleurs à Séville : les exercices pratiques de tir sur un terrain dentraînement, lenseignement théorique quotidien et le contrôle des connaissances acquises à travers lexamen des aspirants artilleurs. De la sorte, il sera possible de montrer comment ces trois éléments interagirent afin de constituer une communauté, une sorte de corporation dartilleurs de la carrera de Indias.

318

Enseignement pratique sur le terrain
dentraînement

Lun des principaux éléments constitutifs de lécole apparaît dans les instructions données en 1576 à Andrés de Espinosa :

Par la présente, nous donnons licence et pouvoir à vous, Andrés de Espinosa, pour que vous puissiez constituer un terrero (i.e. terrain dentraînenement) à proximité de Séville, où notre asistente vous lindiquera, afin de manier et faire tirer des pièces dartillerie et enseigner loffice dartilleur113.

Il était donc attendu dAndrés de Espinosa quil mît en place un terrero, un terrain dentraînement où il serait possible de tirer avec des pièces dartillerie. Le roi et le conseil des Indes comptaient sur lasistente de Séville, cest-à-dire le représentant royal auprès de la municipalité114, pour désigner un endroit en bordure de la ville où lartillero mayor pourrait exercer les artilleurs. Cet espace était alors envisagé comme le futur lieu principal de lécole, comme en témoigne la première occurrence du mot escuela. Il sagissait dun rappel fait par le roi aux autorités de la ville afin doctroyer à Espinosa un endroit où « faire son terrain dentraînement » pour quil pût « installer son école115 ». Néanmoins, la mise en place de ce terrain dentraînement naboutit quà lissue dun long processus.

Aucun terrain dentraînement des artilleurs ne vit le jour avant plusieurs années de négociation entre lartillero mayor, le pouvoir royal et les autorités locales. En effet, la municipalité se montra très réticente à lidée davoir un champ de tir dartillerie près de ses murailles. Les plaintes régulières de lartillero mayor au roi et au conseil des Indes dénonçaient clairement la responsabilité des principaux décisionnaires de la ville dans le retard de cette mise en place. En février 1578, le conseil des Indes réitéra sa demande de cession dun terrain pour lécole dartilleurs auprès des autorités de la ville116. En 1581, juste avant 319de partir pour lexpédition vers le détroit de Magellan, Espinosa se plaignit au roi que le lieu dinstallation de son terrain dentraînement navait toujours pas été signalé par la ville117. Quelques mois après son retour en 1584, la situation demeurait inchangée118. Daprès Espinosa, le comte de Barajas, asistente de la ville, avait désigné un lieu mais des personnages locaux importants sétaient opposés à la mise à exécution du projet. Malheureusement, les archives municipales ne semblent pas avoir gardé de traces de ces discussions. Selon toutes probabilités, ces difficultés persistèrent jusquà la mort dAndrés de Espinosa puisque, lorsque le docteur Ferrofino fut envoyé à Séville, le capitaine général de lartillerie Juan de Acuña Vela demanda à ce quil lui fût indiqué un lieu propice à linstallation dun terrain dentraînement pour son école dartilleurs119.

Lexercice de tir était cependant un élément trop essentiel de la formation des artilleurs pour que les enseignants puissent sen passer. La correspondance entre Andrés de Espinosa et le conseil des Indes révèle quen réalité, des exercices de tir avaient bien lieu malgré labsence dun terrain dentrainement officiel près de Séville. Espinosa donnait tout simplement ses leçons pratiques « très loin » de la ville, probablement dans un lieu en pleine campagne où les artilleurs ne gênaient personne120. Une telle situation nuisait toutefois à laffluence des apprentis dont bon nombre perdaient leur motivation à cause des longs déplacements pour se rendre au champ de tir. La question de lemplacement du terrain dentraînement semble néanmoins sêtre clarifiée avec larrivée du docteur Julián Ferrofino. Les lettres du capitaine général Juan de Acuña Vela évoquent lexistence dun champ de tir où furent utilisées une, puis deux pièces dartillerie, mais dont la localisation reste inconnue121.

Ce nest que sous la direction dAndrés Muñoz el Bueno que le terrain dentraînement simplanta véritablement dans le paysage périurbain de Séville. En effet, en 1604, lartillero mayor soumit au conseil des Indes le projet daplanissement et de réalisation dune plateforme sur le petit 320monticule appelé La Voleta, à côté de la Puerta de la Carne, la porte de Séville la plus proche de lAlcazar122. Cet emplacement, situé dans le quartier extramuros de San Bernardo, avait déjà un lien étroit avec lartillerie puisquil sagissait du lieu où la famille Morel fabriquait des canons pour la carrera de Indias123. À lépoque dAndrés Muñoz el Bueno, la fonderie de Juan Morel possédait trois fours servant à produire larmement des galions et des navires marchands avant leur départ pour lAmérique124. La proximité entre le terrain dentraînement et la principale fonderie de Séville nétait sans doute pas le fruit du hasard. Pour rappel, lune des missions de lartillero mayor consistait à tester les pièces dartillerie en partance pour le Nouveau Monde, cest-à-dire (en grande partie) celles produites par les Morel. Or, au début des années 1590, ces tests étaient supposés avoir lieu sur le fameux terrero, le terrain dentraînement125. Il était par conséquent assez judicieux dinstaller ce terrain à côté de la fonderie. Cest aussi ce qui transparaît dans une lettre de Muñoz el Bueno conservée aux archives municipales de Séville, dans laquelle lartillero mayor demandait à ce que lui fût signalé un terrain « pour tester les pièces dartillerie et exercer au tir ses disciples126 ». Ce document nest malheureusement pas daté mais son résultat fut selon toute probabilité la cession de cet espace près de la fonderie des Morel. Finalement, la Monarchie accepta de financer le projet à hauteur de 100 ducats, incluant la construction dune maisonnette en bois pour ranger les pièces dartillerie et les munitions utilisées durant les exercices de tir127.

Le principal objectif de ce terrain était de permettre aux artilleurs de sentraîner à la pratique du tir dartillerie. Pour cela, dès lépoque dAndrés de Espinosa, les enseignants disposaient dune ou deux pièces 321dartillerie dune livre de calibre, cest-à-dire parmi les plus légères de lépoque128. Les exercices de tir prenaient quant à eux une dimension agonistique mise en scène à travers des concours de tir sur cible avec des prix à gagner, généralement des paires de gants129. Si ces concours possédaient incontestablement un caractère ludique, ils revêtaient également un enjeu de taille dans la formation des apprentis artilleurs puisque ces derniers devaient gagner plusieurs prix avant dêtre en mesure de demander leur titre dartilleur.

Ce terrain était tout autant un lieu dentraînement quun lieu de rencontre autour duquel se réunissait la communauté des artilleurs. À lépoque du premier artillero mayor Andrés de Espinosa, labsence dun terrain proche de la ville empêchait sans doute des réunions trop fréquentes. À lépoque du docteur Julián Ferrofino, les sessions de tir avaient lieu les jours de fête130. Cette fréquence était toujours en place quelques années plus tard, sous la direction dAndrés Muñoz el Bueno, qui réunissait les artilleurs sur le terrain dentraînement tous les dimanches et jours de fête131. Il semble par conséquent raisonnable daffirmer que les exercices de tir se déroulaient une fois par semaine, toujours un jour férié, de sorte que tous pussent participer, même ceux qui exerçaient une profession en parallèle de leur formation. Par ailleurs, il est important de remarquer que ces sessions de tir réunissaient non seulement les apprentis artilleurs mais aussi des artilleurs confirmés séjournant à Séville. Par exemple, lapprenti artilleur Juan Gutiérrez gagna durant lannée 1581 un total de six prix, dont quatre furent remportés sur des artilleurs professionnels parmi lesquels figurait un vétéran de la carrera de Indias, le chef artilleur vénitien Maestro Gerónimo132. Le terrain de tir était donc fréquenté par un certain nombre dartilleurs confirmés qui venaient sentraîner et tester les futures recrues. Le terrero était en ce sens un lieu et un moment essentiels de lécole en tant que communauté dartilleurs et dapprentis.

322

Fig. 31 – Gravure de Séville, Braun et Hogenberg, Civitatis orbis terrarum vol. IV, 1588. En rouge, quartier extra-muros
de San Bernardo, emplacement probable du terrero après 1604. Document provenant des collections
de lInstitut Géographique National dEspagne (Fondos del IGN, CC-BY 4.0. ign.es).

323

Enseignement théorique

Le second élément essentiel de la formation des artilleurs, lenseignement théorique, napparaît pas clairement à lépoque dAndrés de Espinosa. Selon les instructions de 1576, lartillero mayor était censé enseigner et discuter de lart de lartillerie chaque jour, deux heures le matin et deux heures laprès-midi133. Or, linexistence dun terrain dentraînement proche de Séville forçait alors Espinosa et ses apprentis à se déplacer loin de la ville pour leurs exercices de tir. Une telle contrainte paraît peu compatible avec le caractère quotidien de lenseignement tel quil était prescrit dans les instructions. Même si les preuves manquent, il faut par conséquent émettre lhypothèse dune séparation concrète, dès cette époque, entre les exercices de tir qui avaient lieu une fois par semaine loin de la ville, et lenseignement prodigué tous les jours par Espinosa. Selon toutes probabilités, ces leçons quotidiennes se déroulaient quelque part dans lenceinte de Séville ou dans ses environs immédiats. Il faut par ailleurs noter que, même si Andrés de Espinosa était un vétéran et un homme de terrain, il possédait certaines connaissances théoriques et mathématiques qui lui permirent de proposer quelques projets darchitecture : le fameux modèle de construction dun pont qui lui valut linimitié du capitaine général Francés de Álava134 ainsi que le tracé dun fort lorsquil accompagna le général Diego Flores sur les côtes sud de lAmérique135.

Il faut toutefois attendre lépoque de Julián Ferrofino pour que la distinction entre leçons théoriques et exercices de tir apparaisse explicitement dans les documents. Cela a bien entendu à voir avec le profil de cet individu grâce auquel la composante théorique de lenseignement est clairement mise en avant dans les sources. Julián Ferrofino était issu du monde universitaire ; les documents du conseil de guerre lui adjoignent les titres de « docteur », « mathématicien ». Une certaine anecdote racontée par le capitaine général de lartillerie Juan de Acuña Vela lors du séjour de Ferrofino à la fonderie de Malaga met bien en évidence le contraste entre son fort bagage théorique et son inexpérience de la guerre et de larmement :

324

Il a été fort nécessaire quil vienne ici et quil voie et touche de ses propres mains certaines choses de lartillerie parce quil a réalisé quil y avait des différences avec ce quil croyait tenir pour certain et vérifié par les mathématiques136.

En dautres termes, Ferrofino eut son premier vrai contact avec des pièces dartillerie peu de temps avant darriver à Séville. Il ny fut donc pas envoyé pour enseigner le fruit de sa longue expérience du maniement du canon mais bien pour parler de théorie et de mathématiques.

Cette dualité entre théorie et pratique rejaillit en juillet 1592 dans un échange entre le roi et Ferrofino à propos de lacquisition de deux nouvelles pièces dartillerie pour le terrain dentraînement. Le fauconneau alors utilisé lors des exercices de tir était inutilisable, vraisemblablement suite à un incident de tir :

Le docteur Julián Ferrofino est venu me rendre compte de létat dans lequel se trouve lécole dartilleurs de Séville. En substance, il dit avoir une liste de 74 artilleurs dont 50 sont si bien formés quils peuvent déjà très bien servir dans cet art, tandis que 130 autres ont été instruits dans la théorie mais que, souhaitant poursuivre lécole, il lui a manqué la pièce dartillerie et les munitions nécessaires137.

Ainsi, labsence dune pièce dartillerie en état de fonctionner navait pas empêché le docteur Ferrofino de former 130 artilleurs « à la théorie » même sil leur manquait encore la composante pratique de leur formation.

À cette époque, la distinction entre leçons théoriques et exercices de tir était alors marquée physiquement par une répartition de lenseignement entre deux professeurs. Les différentes tentatives dAndrés Muñoz el Bueno pour obtenir le titre dartillero mayor entre 1593 et 1597 informent sur le rôle quil joua à lépoque de Ferrofino :

325

Je me suis occupé daider le dit docteur Ferrofino à rassembler et former les dits artilleurs avec une pièce dartillerie dans la campagne, mettant en application les règles que le dit docteur donnait et enseignait par la théorie138.

Autrement dit, entre 1591 et 1593, le docteur Julián Ferrofino enseignait les « règles » de lartillerie aux apprentis tandis quAndrés Muñoz el Bueno, homme dexpérience en artillerie, dirigeait les exercices de tir sur le terrain dentraînement. La dualité était également marquée spatialement. Les sessions de tir avaient lieu hors les murs alors que les leçons de Ferrofino se déroulaient à lintérieur de la ville.

Cette distinction claire entre leçons théoriques et exercices de tir se poursuivit sous la direction dAndrés Muñoz el Bueno. Ce dernier argumentait régulièrement en faveur de limportance de combiner le couple théorie-pratique afin de former adéquatement les artilleurs139. En outre, la division spatiale se précisa. Comme cela a été précisé plus haut, le terrain dentraînement sétablit près de lenceinte de Séville, dans le quartier de San Bernardo. Les cours furent quant à eux donnés dans différents bâtiments à lintérieur de la ville. Dans un premier temps, lartillero mayor enseigna les règles de lartillerie durant quatre mois dans « luniversité » de la ville140. Cette expression assez vague peut se référer à lun des collèges de luniversité de Séville, créée au début du xvie siècle141. Cette hypothèse serait intéressante car elle révèlerait des liens jusquici invisibles entre deux univers de savoirs relativement séparés. Toutefois, le plus probable est que le document faisait référence à luniversidad de mareantes, lassociation des armateurs, capitaines et pilotes de la carrera de Indias, qui faisait concurrence à la casa de la contratación concernant léducation des pilotes142. Toutefois, quelle que fût cette « université », 326Andrés Muñoz el Bueno opta rapidement pour une solution indépendante : il proposa de donner ses cours dans sa propre maison, dans le quartier riche et commerçant de San Vicente, près du Guadalquivir143. Enfin, au début du xviie siècle, lartillero mayor consacrait une partie de son salaire à la location dune maison spécifiquement dédiée à ses leçons144. Ce loyer représentait sans doute un poids financier non négligeable pour Muñoz el Bueno ; aussi la Monarchie accepta-t-elle à partir de 1614 de lui verser 120 ducats par an pour louer ce local, finalisant de la sorte linstitutionnalisation de lespace de lécole dartilleurs145.

Lexamen dartilleur

La formation théorique et pratique des artilleurs était sanctionnée par le passage dun examen dont la procédure était déjà décrite dans les instructions données en 1576 à Espinosa146. Dabord, selon ce texte, les aspirants artilleurs devaient remplir un certain nombre de conditions avant de passer cette épreuve. Concernant leur formation théorique, il leur était demandé davoir suivi quotidiennement, pendant au moins deux mois consécutifs, les leçons de lartillero mayor. Afin de valider leurs acquis pratiques, il leur fallait gagner trois prix lors des compétitions de tir sur le terrain dentraînement, dont au moins deux dentre eux devaient être remportés sur des artilleurs reconnus. Lorsquun apprenti réunissait ces conditions, il pouvait demander à passer lexamen dartilleur. Cette épreuve prenait place dans lune des salles de la casa de la contratación, autrement dit dans lAlcazar de Séville, symbole du pouvoir royal. Elle se déroulait sous le regard de lun des juges de cette institution et réunissait lartillero mayor ainsi quun petit groupe dartilleurs « examinés », cest-à-dire ayant déjà passé lexamen avec succès. Ces instructions de 1576 précisent également la nature de lépreuve, sans toutefois spécifier son contenu. Il sagissait de « preguntas y repreguntas », cest-à-dire dune série de questions que les artilleurs présents posaient au candidat. Si ses réponses se montraient insuffisantes, lapprenti devait reprendre le processus dapprentissage à zéro et retourner pendant deux mois aux leçons de lartillero mayor. Si au contraire il répondait avec satisfaction, il 327devenait alors un artilleur « examiné », acquérant le titre et les privilèges allant de pair. Son examen faisait également lobjet dun compte rendu permettant au pouvoir royal denregistrer lévènement, le statut acquis et lidentité de la personne concernée.

Certains de ces comptes rendus conservés à Séville permettent de confronter le discours normatif de 1576 aux pratiques réelles147. Ces documents, dont la forme était pour ainsi dire standardisée, montrent que la procédure décrite précédemment était presque systématiquement respectée. Lorsquun apprenti souhaitait passer lexamen, il se présentait devant les officiers de la casa de la contratación avec une lettre signée par lartillero mayor attestant quil remplissait bien les conditions requises. Cette lettre, généralement recopiée ou attachée à chaque compte rendu, fournissait quelques caractéristiques didentification de lindividu – âge, lieu de naissance, nom des parents, brève description physique – confirmait quil avait bien assisté pendant au moins deux mois à lenseignement de lartillero mayor et précisait quelquefois le nom des artilleurs contre lesquels il avait remporté ses prix sur le terrain dentraînement. Certaines circonstances particulières autorisaient parfois un apprenti à passer lexamen sans ce dernier pré-requis. Ainsi, en 1600, Lazaro Gutiérrez Guerra fut admis à lexamen sans avoir pu faire ses preuves sur le terrain dentraînement par manque de poudre disponible, mais lartillero mayor se porta garant de ses compétences, les ayant vues à lœuvre à plusieurs reprises lors de tests de pièces dartillerie148.

Ayant la preuve que les conditions dadmission étaient remplies, les officiers de la casa de la contratación convoquaient alors quelques jours plus tard, à lAlcazar, lartillero mayor et, quelquefois, une poignée dartilleurs examinés. Une pièce dartillerie était amenée, accompagnée de quelques instruments en bois et en métal, afin que le candidat pût montrer comment sen servir – sans faire feu bien entendu. Un scribe de la casa de la contratación enregistrait les circonstances de lépreuve, précisant quels juges, officiers et artilleurs étaient présents. Le déroulement de lexamen nétait malheureusement pas retranscrit en détail, le compte rendu se bornant généralement à dire que le candidat avait 328satisfait laudience en répondant aux preguntas y repruntas, cest-à-dire aux questions successives qui lui avaient été adressées. Enfin, le nom et lidentité de lheureux candidat étaient enregistrés dans un livre à part et la casa de la contratación lui délivrait une lettre dattestation de passage de lexamen (carta de examén) lui permettant dembarquer comme artilleur dans nimporte quel navire de la carrera de Indias. En dautres termes, la pratique de lexamen dartilleur suivait scrupuleusement les prescriptions données par le conseil des Indes en 1576.

Doit-on pour autant en conclure que tous les artilleurs de la carrera de Indias étaient passés par cette épreuve ? Telle eût été la volonté des enseignants mais ils étaient néanmoins incapables dexercer un contrôle absolu sur lembauche des artilleurs par les capitaines de navire. Les limites du pouvoir de lartillero mayor transparaissent dans une lettre du conseil des Indes à la casa de la contratación datant de 1584 :

Aux postes dartilleurs vont beaucoup de personnes qui ne le sont pas et qui ne savent pas user de lartillerie, ce qui est un inconvénient aussi important quon peut limaginer. Aussi conviendrait-il que [] lordre soit donné que personne ne puisse voyager vers ces régions (i.e. lAmérique) au poste dartilleur dun navire marchand ou darmada sans être vu et approuvé par Andrés de Espinosa ou la personne qui exercerait son office dans cette ville149.

Une vingtaine dannées plus tard, la situation navait guère changé : Andrés Muñoz el Bueno expliquait au roi en 1602 que le nombre dartilleurs examinés était insuffisant et que, par conséquent, les capitaines de la carrera de Indias étaient forcés de recourir à des individus non examinés150. Pour pallier ce problème, et comme il était de son devoir dêtre présent au départ des flottes pour inspecter les pièces dartillerie, Muñoz el Bueno proposait de donner sur place (à Sanlúcar ou Cadix) une formation minimale accélérée à ces prétendus artilleurs151. Autrement 329dit, même si lexamen à la casa de la contratación avait vocation à être la seule et unique clé dentrée aux postes dartilleur des navires en partance pour lAmérique, cette règle ne fut dans les faits jamais appliquée de manière stricte et systématique.

En outre, plusieurs documents évoquent certaines pratiques de corruption lors des examens qui mettent en doute lintégrité de la procédure. Ainsi, en 1589, le capitaine général de lartillerie Juan de Acuña Vela accusa lartillero mayor Andrés de Espinosa de vendre ses examens pour quatre reales, permettant de cette manière à des individus de passer illégalement en Amérique152. Il faut toutefois se garder de prendre ces accusations pour argent comptant. Il est nécessaire de rappeler quà ce moment-là, Juan de Acuña Vela voyait dun mauvais œil que lartillero mayor échappât à son contrôle. Ces accusations servaient en ce sens au capitaine général à réclamer au roi lautorité directe sur une personne qui, sans aucun contrôle, causait du tort à la Monarchie. Il existait pourtant bel et bien un contrôle de lartillero mayor. Les comptes rendus dexamens conservés montrent une présence quasi-systématique des juges de la casa de la contratación. Cétaient eux que lon chargeait de veiller à lintégrité de la procédure. En leur présence, la corruption devenait certainement plus compliquée. Toutefois, à ce niveau-là encore, il exista quelques exceptions. Dans les dernières années du xvie siècle, les officiers de la casa de la contratación laissèrent le capitaine Francisco de Molina passer les examens sans leur surveillance. Lexpérience fut catastrophique et les individus reçus comme artilleurs savérèrent être des gens de mauvaise vie ignorant totalement lusage du canon153. Ces quelques exceptions nempêchent pas moins de confirmer la règle générale : la plupart des examens durent se dérouler comme les quelques centaines de comptes rendus conservés à Séville les dépeignent.

Ces pratiques dexamens sont particulièrement intéressantes car elles révèlent la double nature de lépreuve conduisant au titre dartilleur. En effet, comme lenseignement, lexamen comportait des dimensions à la fois pratiques et théoriques. Toutefois, dans le cas de lexamen, lépreuve pratique, à savoir le pré-requis de gagner des concours de tir, était en 330quelque sorte subordonnée à lépreuve théorique (la série de questions) qui, elle seule, portait le nom d« examen ». Autrement dit, lexamen dartilleur de la casa de la contratación accordait une place et un statut particulier aux connaissances vis-à-vis des compétences. Pour devenir un artilleur « examiné », il ne suffisait pas de réaliser une performance de tir mais il fallait surtout montrer ce que lon savait à travers un échange verbal. Ce chapitre maintient close, à dessein, la porte de cette vaste question des savoirs qui ne sera ouverte que dans la dernière partie du livre. Par ailleurs, il est pertinent de se demander si ces examens furent une spécificité de la casa de la contratación. Pour rappel, cette institution était responsable de la formation des pilotes et des maîtres de navire ; des examens y étaient pratiqués pour ces professions à des périodes antérieures à celle des artilleurs154. Sur ce point, le prochain chapitre tâchera délargir le cas sévillan en mettant en perspective ces pratiques dexamen des artilleurs à travers les différents territoires de la Monarchie hispanique. Une dernière question mérite pour lheure dêtre au moins en partie abordée.

Quel sens donner à lapparition de cette pratique de lexamen à Séville ? Lintérêt du point de vue de la Monarchie hispanique a déjà été souligné. La mise en place dun enseignement répondait au déficit chronique dartilleurs, en particulier suite au développement des flottes atlantiques de protection des convois. Lexamen constituait en ce sens une sorte de garantie de compétence et de qualification allant tout à fait dans lintérêt de lÉtat. Dans cette perspective, on pourrait croire que la mise en place de ces examens fut le résultat dun pouvoir coercitif fort. Néanmoins, il est difficile daffirmer que le processus dinstitutionnalisation de lécole décrit précédemment fut imposé du haut vers le bas, du pouvoir central vers les individus. Ce fut bien Andrés de Espinosa qui, tandis quil était capitaine des artilleurs de larmada de guarda de la carrera de Indias, suggéra la création dun enseignement de lartillerie à Séville. De plus, lécole naurait jamais perduré sans un certain engouement local. Par conséquent, linstitutionnalisation des pratiques dexamen fut au moins autant un mouvement de bas en haut que de haut en bas. Mais alors, comment expliquer ce phénomène ?

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La réponse à cette question réclame de faire un léger détour par lanthropologie et la notion de rites de passage, qui, appliquée à la pratique de lexamen, lui donne un éclairage intéressant. Cette notion fut développée au début du xxe siècle par lethnologue Arnold Van Gennep qui publia une étude sur les rites accompagnant les grands changements détat, dâge ou de position sociale dans diverses sociétés traditionnelles155. Les rites de passage y sont présentés comme un enchaînement dactions symboliques, codifiées, ayant une forte dimension sacrée, et que Van Gennep divise schématiquement en trois grandes phases : la séparation davec le monde antérieur, le moment du seuil où lindividu balance entre deux univers et enfin lagrégation dans le nouveau groupe.

La formation des artilleurs à Séville et lépreuve de lexamen peuvent, dans une certaine mesure, être assimilées à un rite de passage. Dailleurs, Van Gennep lui-même évoquait dans son livre les similitudes entre ces rites des sociétés traditionnelles et les cérémonies dentrée dans certaines professions de son temps156. Linscription aux leçons de lartillero mayor serait en ce sens la phase préliminaire de séparation davec le monde antérieur. Il sen suivrait une longue phase de seuil de plusieurs mois dapprentissage durant laquelle lindividu flotterait entre deux mondes, celui des artilleurs et celui du reste de la société, des profanes. Cette phase trouverait son apex lors de lépreuve de lexamen, lorsque lindividu était véritablement sur le point dentrer dans le groupe. Enfin, lagrégation au nouveau groupe passerait par lémission du titre dartilleur, de la carta de examén et lenregistrement dans des livres archivés. La sacralité du rite ne proviendrait pas, dans ce cas, dune quelconque autorité religieuse mais résulterait de la présence de hauts officiers du roi, les juges de la casa de la contratación, et du lieu même de lépreuve, lAlcazar royal de Séville. Le rôle des sacra, les objets sacrés du rituel, serait ici endossé par les instruments dartilleur en bois et en métal, combiné à la présence dune pièce dartillerie.

Cette comparaison ne prend tout son sens que si elle est mise en perspective avec les travaux de Victor Turner, anthropologue britannique qui, dans les années 60 et 70, approfondit la notion de rites de passage 332de Van Gennep157. Selon Turner, ces rites de passage interviennent dans la constitution de ce quil nomme des communitas, des groupes sociaux fondés sur des liens horizontaux entre individus prétendant à une certaine uniformité, en contraste avec les structures qui définissent les liens sociaux verticaux et hiérarchiques de la société. Turner fait remarquer quà force dinteraction avec les structures verticales, les communitas tendent à se normaliser, à sinstitutionnaliser et à devenir elles-mêmes une partie de la structure.

La mise en place des examens dartilleurs à la casa de la contratación serait en ce sens la clé de voûte dun processus de construction et de normalisation dune communitas dartilleurs de la carrera de Indias. En même temps quil limitait laccès au statut dartilleur, lexamen délimitait un groupe social, une communauté unie par des liens sociaux horizontaux. La frontière qui fut érigée entre ce groupe dindividus et le reste de la société se construisit sur lélément productif essentiel de lécole dartilleurs : les savoirs. De ce point de vue, lécole de Séville fut autant un dispositif de formation des artilleurs quun appareil de construction communautaire. La construction de cette communitas ne put se faire que via une hybridation avec les structures de pouvoir déjà en place et susceptibles dêtre intéressées par les savoirs possédés par ce groupe. En loccurrence, ces structures furent celles de ladministration royale, le roi, son conseil des Indes et la casa de la contratación. Cette puissante structure fournissait aux artilleurs de Séville les moyens de leur démarcation : une certaine légitimité de leurs pratiques, une protection contre les structures sociales en compétition telles que les autorités locales, ainsi que de largent et des moyens matériels. Autrement dit, lécole dartilleurs de Séville fut une sorte de corporation qui, contrairement à la plupart de celles-ci, ne se construisit pas en relation avec les autorités de la ville mais choisit plutôt de lier son destin au pouvoir central de la Monarchie.

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Une communauté dartilleurs

Lécole dartilleurs de Séville fut donc un groupe dindividus qui se réunit, grâce aux structures de la Monarchie hispanique, autour de lobjectif commun de la transmission des savoirs sur lartillerie. Il convient maintenant de sintéresser plus en détail à cette communauté dapprentis artilleurs, afin didentifier leurs profils et de cerner leurs effectifs. Il sagit de comprendre dans quelle mesure lécole permit de transformer léchelle de lapprentissage technique afin de faire face aux besoins exponentiels de la carrera de Indias mais aussi de saisir les similitudes et différences entre les profils des étudiants fréquentant lécole et ceux des artilleurs dont les carrières ont été analysées dans le précédent chapitre. Cette brève étude sociologique sur les apprentis artilleurs de Séville se conclura par un questionnement concernant le coût de la formation, qui contribua dans une certaine mesure à sélectionner les profils des participants.

Un changement déchelle
de lapprentissage technique

Lun des aspects les plus innovants de cet apprentissage technique à lécole était sans aucun doute le changement déchelle quil produisait par rapport au système traditionnel des corporations et des guildes dartisans. À Anvers, dans la plupart des métiers, un maître formait généralement quelques apprentis au cours de sa carrière, parfois jusquà une vingtaine158. En comparaison, les performances de lécole dartilleurs de Séville en termes de production de compétences étaient incommensurables. Entre 1576 et son départ pour le détroit de Magellan en 1581, Andrés de Espinosa avait formé 120 individus qui avaient passé lexamen avec succès159. Autrement dit, dans les premières années de fonctionnement, lenseignement de lartillerie à Séville concernait deux douzaines dapprentis chaque année. Cette moyenne devrait cependant être revue à la hausse car Espinosa expliqua juste avant dembarquer dans lexpédition de 1581 que 50 apprentis étaient prêts à passer lexamen mais quils ne lavaient pas encore fait car le capitaine général de lartillerie Francés de 334Álava refusait de signer leurs titres dartilleur, suite à une dispute quil avait eue avec lartillero mayor160. En incluant ces individus, il faut admettre que lécole dEspinosa formait plus dune trentaine dartilleurs par an.

Les chiffres concernant lactivité du docteur Ferrofino sont quant à eux plus précis. Entre son arrivée en 1591 et le début de lannée 1592, il avait réuni autour de lui 74 apprentis artilleurs dont les archives ont conservé une liste détaillée161. Toutefois ces inscrits ne représentaient que le noyau dur dun groupe plus large puisque quelques mois plus tard, Ferrofino évoquait, à côté de ces 74 inscrits, 130 apprentis formés à la théorie mais à qui il restait encore à travailler sur la pratique et les exercices de tir162. Enfin, au début de lannée 1593, il considérait sa mission à Séville terminée puisquil avait formé 200 artilleurs parfaitement capables163. En considérant que son activité sétala sur environ deux ans, du début de lannée 1591 au mois davril 1593, la moyenne dartilleurs formés sous sa direction séleva à une centaine par an. Il sagissait par conséquent dun saut quantitatif important par rapport aux premières années dexistence de lécole.

Lordre de grandeur dune centaine dartilleurs formés par an se poursuivit sous la direction dAndrés Muñoz el Bueno. En 1595, ce dernier affirmait avoir formé 300 artilleurs depuis le départ du docteur Ferrofino deux ans plus tôt164. En 1602, quatre capitaines de navires et deux officiers de la casa de la contratación saccordaient sur le chiffre de 1500 artilleurs formés par Muñoz el Bueno depuis quil tenait loffice, dont 800 étaient alors en service au sein des navires de la carrera de Indias et dans les forteresses des Indes165. Ces chiffres signifiaient quenviron 150 artilleurs sortaient chaque année de lécole sévillane à la fin du xvie siècle. Pour une communauté professionnelle de lépoque, il sagissait de chiffres considérables, même dans une grande ville comme Séville. En 1561, les cens et documents juridiques indiquent quil y avait à Séville un peu plus de 100 charpentiers et 200 cordonniers166. Autrement dit, 335à la fin du xvie siècle, lartillero mayor formait chaque année léquivalent dun corps entier dune profession courante de cette grande ville.

Lanalyse sérielle des comptes rendus dexamens permet dobtenir avec plus de précisions les variations annuelles et mensuelles des effectifs de lécole. Larchivo general de Indias conserve en effet une série de 593 procès verbaux dexamens dartilleurs enregistrés à la casa de la contratación entre mai 1599 et juillet 1607167. Le volume dexamens dartilleurs pour les années 1604, 1605 et 1606 confirme les chiffres annoncés précédemment : entre 110 et 160 personnes étaient formées chaque année par lartillero mayor168. En revanche, le faible nombre dexamens enregistrés pour les années 1600 à 1603 est assez déconcertant. Il pourrait résulter dun problème de conservation de sources car rien ne garantit que la série soit complète. Plus probablement, ce creux dactivité révèle certainement une crise temporaire de lécole de Séville. En effet, en octobre 1601, le conseil des Indes avait été informé que :

lartillero mayor Andrés Muñoz el Bueno a écrit que peu de gens se présentent aux entraînements à loffice de lartillerie et que, là où il y avait par le passé toujours plus de soixante apprentis, il ny en a même pas une vingtaine aujourdhui. La cause en est que, comme ils bénéficient de tant de privilèges en sengageant comme soldats auprès de la milice de cette ville, tout le monde veut en profiter puisquil y a moins dobligations, et ils ne souhaitent plus être artilleurs169.

À cette époque, lécole de lartillero mayor souffrait de la concurrence résultant de la récente mise en place dune milice dinfanterie sévillane offrant des privilèges équivalents à ceux des artilleurs, mais avec moins de contraintes. En outre, le respect des privilèges dartilleurs rencontrait à Séville, comme ailleurs, une certaine résistance des pouvoirs locaux. Face à cette situation de crise, Andrés Muñoz el Bueno et les officiers de la casa de la contratación résolurent de renforcer lapplication des privilèges et constituèrent un dossier contenant des témoignages de capitaines de la carrera de Indias afin de défendre lintérêt de lécole auprès 336du roi170. La démarche fut couronnée de succès puisque le 21 novembre 1603, le roi promulgua une ordonnance protégeant spécifiquement les artilleurs examinés à la casa de la contratación171. La stratégie ne tarda pas à produire leffet escompté et lactivité de lécole revint au niveau des dernières années du xvie siècle, cest-à-dire à plus de cent individus formés par an.

La série de comptes rendus des années 1600 à 1607 montre également que les examens tendaient à être regroupés dans le temps sous forme de sessions lors desquelles plusieurs candidats étaient successivement examinés. Ces sessions avaient généralement lieu une fois par mois, parfois deux voire même trois fois lorsquil y avait beaucoup de candidats. Cette fréquence élevée résultait sans doute du cursus relativement court de lapprentissage : il faut ici rappeler que les règles de lécole prévoyaient seulement deux mois de formation au minimum, ce qui signifiait quil y avait très régulièrement des apprentis prêts à passer le test final. Par ailleurs, grouper les examens lors de sessions permettait certainement de limiter les efforts, car lépreuve requérait la présence dun juge officier de la casa de la contratación et dune pièce dartillerie quon amenait à lAlcazar de Séville spécialement pour loccasion. Pour la période 1600-1607, la vaste majorité des examens eurent lieu doctobre à mai, ce qui laisse penser que lactivité de lécole était interrompue durant les mois dété, lorsque les flottes étaient en mer. Parfois, à la fin du printemps, les derniers examens de la saison avaient dailleurs lieu à Sanlúcar de Barrameda, juste avant le départ dune flotte172. À lautomne, dès le retour des premiers équipages, lenseignement et les examens reprenaient. Ce rythme dactivité de lécole, calqué sur celui de la carrera de Indias, résultait certainement du profil des apprentis, dont la plupart servaient à bord des navires transatlantiques.

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Fig. 32 – Rythme annuel des examens à lécole dartilleurs de Séville.
Données concernant 593 examens de la période 1600-1607. Source : AGI CT leg. 4871.

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Fig. 33 – Schéma représentant lévolution approximative des effectifs dapprentis à lécole dartilleurs de Séville.

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Profils des apprentis

Sur les navires de la carrera de Indias, les postes dartilleurs décédés en cours de voyage revenaient souvent à des marins et des soldats formés au maniement du canon après avoir servi en tant quassistant-artilleur173. Ces postes dassistants représentaient dailleurs la principale forme dapprentissage de lartillerie avant la création de lécole174. Lorsque, en 1576, lenseignement de lartillerie fut mis en place à Séville, il fut naturellement pensé comme étant principalement destiné à ces mêmes marins et soldats de la carrera de Indias. Ainsi, lune des règles dadmission à lécole était que lindividu

ait réalisé au moins un voyage aux Indes en tant que marin ou artilleur dun navire ou bien soldat dun galion descorte, et quil puisse le prouver175.

Incontestablement, de nombreux hommes de la carrera de Indias assistèrent aux leçons de lartillero mayor. Les deux seuls comptes rendus dexamen de lannée 1581 ayant été préservés concernent des candidats qui avaient déjà voyagé en Amérique, lun en tant que marin, lautre sans précisions176. Pour la période 1600-1607, les marins représentaient un tiers des individus passant lexamen tandis que la proportion de soldats était significativement inférieure (14 %)177. Lécrasante majorité des apprentis avait cependant une expérience des voyages transatlantiques puisque, aux effectifs de marins et de soldats, il faut ajouter 22 % dindividus pour lesquels les sources mentionnent leur participation à la carrera de Indias sans spécifier leurs antécédents professionnels.

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Fig. 34 – Antécédents professionnels de 355 apprentis de lécole
dartilleurs de Séville (période 1600 à 1607). Source : AGI CT leg. 4871.

Dès ses premières années de fonctionnement, lécole fut également fréquentée par un important contingent dindividus issus des milieux artisans. Ainsi, lors de sa visite en 1577, le capitaine général de lartillerie Francés de Álava remarqua que la majorité des personnes qui assistaient aux leçons dAndrés de Espinosa étaient des maîtres charpentiers, maçons et forgerons178. Lannée suivante, la législation de lécole sadapta à cette réalité : désormais, lartillero mayor pouvait recevoir à lexamen des individus qui navaient jamais effectué de voyage au Nouveau Monde, du moment quils étaient artisans179. Ces profils dapprentis présentaient certainement un intérêt dans la mesure où ils combinaient des compétences souvent très utiles à bord dun navire (charpentier, forgeron) ou dans une forteresse (maçon, serrurier). À lécole de Séville, ces artisans représentèrent cependant une minorité. Les statistiques des individus reçus à lexamen dartilleur pour la période 1600-1607 révèlent une proportion de 13 % dartisans, pour la plupart charpentiers, maçons et forgerons180.

Il faut néanmoins noter que la liste des 74 premiers inscrits aux leçons du docteur Ferrofino révèle une écrasante majorité dartisans, pour la 341plupart charpentiers ou maçons181. Néanmoins, cette mainmise apparente des artisans sur lécole à lépoque du docteur Julián Ferrofino sexplique en partie par les mécanismes dinscription des apprentis. Chaque inscrit devait fournir deux garants, cest-à-dire des personnes reconnues dans le milieu local des artilleurs et témoignant de connaître lindividu en question. En tant quassistant du défunt artillero mayor, le premier de la liste, Andrés Muñoz el Bueno, fut apparemment dispensé de cette formalité. En revanche, il se porta garant de chacun des 73 autres inscrits, ce qui signifie quil les connaissait tous. Certains de ces hommes étaient des connaissances de longue date. Cétait le cas de Juan Ruiz de Baltodano, quatrième de la liste, qui était un ami de Muñoz el Bueno depuis plus de dix ans et qui lavait suivit en 1582 et 1583 lors de la bataille des Açores et de la construction dun fort sur lîle de São Miguel182. La plupart des seconds garants étaient dautres individus de lécole, lun des plus récurrents étant Pedro de Arganda, second de la liste, lui-même introduit par Muñoz el Bueno et Juan Morel, le principal fondeur de canons de Séville. En dautres termes, la communauté dapprentis artilleurs qui se constitua autour du docteur Ferrofino en 1591-1593 était un groupe damis et de connaissances réunis autour dindividus possédant un important réseau social à Séville, tels que Muñoz el Bueno et Arganda. En sachant que ces deux individus étaient respectivement charpentier et maçon, il ny a donc rien détonnant à trouver tant dindividus issus des métiers du bois et de la pierre. Pour se constituer, lécole dartilleurs sappuyait donc en grande partie sur des réseaux socioprofessionnels préexistants.

Il faut par ailleurs noter que la formation proposée à lécole sadressait uniquement à des adultes. Linstruction de 1576 adressée à Andrés de Espinosa stipulait quil fallait être âgé de vingt ans minimum pour pouvoir passer lexamen dartilleur183. La seule exception à cette règle semble avoir été le fils dAndrés Muñoz el Bueno qui obtint sans doute une dérogation grâce à la position de son père et passa lexamen dartilleur à lâge de dix-huit ans184. La moyenne dâge des candidats reçus à lexamen 342était bien plus élevée, se situant autour de 29 ans. Certains semblaient même plutôt à la fin de leur carrière, comme ce soldat vétéran, Gonzalo Pérez Galván, qui passa lexamen dartilleur à lâge de 55 ans185. Sur ce point également, lécole dartilleurs différait du système dapprentissage technique traditionnel au sein duquel les apprentis étaient formés dans leur prime jeunesse186. En réalité lâge des apprentis de lécole nétait que légèrement inférieur à celui des artilleurs engagés sur les galions de la Monarchie187. Si lon compare la distribution proportionnelle par classes dâge, le pic daffluence se situait, pour les apprentis comme pour les artilleurs, dans la catégorie des 30-34 ans. Néanmoins, à lécole, la proportion dindividus âgés de 20 à 29 était bien supérieure. À léchelle de la carrière dun individu, la mise en place de lenseignement à Séville accéléra donc quelque peu laccès à la profession dartilleur.

Fig. 35 – Comparaison de lâge des apprentis de lécole de Séville et des artilleurs en activité. Pour les artilleurs en activité, les données concernent 570 individus et ont été reprises de la figure 20. Pour les apprentis, les données concernent 654 individus et proviennent de AGI CT leg. 4871 et AGS GYM leg. 351/283.

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Un autre chiffre ne manque pas de surprendre à propos du profil des candidats. Environ 16 % dentre eux affirmaient avoir déjà servi en tant quartilleurs de la carrera de Indias avant de suivre lenseignement de lartillero mayor. Ainsi, Gaspar de los Reyes, homme de 27 ans originaire de Triana, avait effectué, selon Andrés Muñoz el Bueno, sept voyages aux Indes comme marin et deux en tant quartilleur188. Ce type de profils montre la coexistence des deux systèmes dapprentissage, celui informel à bord des navires et celui institutionnalisé de la casa de la contratación. Gaspar de los Reyes, comme plusieurs dizaines dapprentis de mon échantillon, avait sans doute appris à manier lartillerie à bord des galions de la carrera de Indias, en tant quassistant-artilleur (ayudante) et était parvenu à obtenir à deux reprises une place dartilleur malgré labsence de reconnaissance officielle de son statut par la casa de la contratación. Cependant, suivre lenseignement de lartillero mayor et passer lexamen officiel était vraisemblablement attractif pour tous ces artilleurs non-reconnus. Le titre dartilleur décerné par les officiers de la Monarchie hispanique contribuait sans doute à renforcer leur position en tant que spécialistes de lartillerie à bord des navires. Mais surtout, ce statut officiel dartilleur « examiné » permettait de jouir des privilèges que le roi accordait à tous les artilleurs de la péninsule ibérique.

Comme dans le reste de la péninsule ibérique, lune des principales motivations de ces hommes à devenir artilleur fut la possibilité de jouir des privilèges de la profession. Conscients de cette réalité, les enseignants de lécole luttèrent auprès du gouvernement madrilène pour que leurs élèves puissent bénéficier des privilèges dartilleur. Andrés de Espinosa mais aussi Julián Ferrofino sollicitèrent du roi lobtention des fameuses cédules des privilèges signées par le capitaine général de lartillerie189. Au début du xviie siècle, comme il en a été fait mention précédemment, le non-respect récurrent de ces privilèges par les autorités de Séville avait produit un creux de fréquentation de lécole, conduisant Andrés Muñoz el Bueno à constituer un épais dossier en défense des preeminencias190. Ces différents documents révèlent également quun certain nombre délèves ne servaient pas comme artilleurs 344après leur examen ; ils se contentaient de jouir des privilèges tout en continuant leur activité dartisan. Ils étaient néanmoins censés servir la Monarchie à chaque fois que le besoin se manifestait, constituant en quelque sorte une milice sévillane dartilleurs. En cas durgence, cette réserve était rapidement prête à laction. Lorsque, en 1596, une flotte anglaise fondit sur Cadix pour la mettre à sac, le capitaine Francisco de Molina put rapidement disposer de 105 artilleurs de Séville afin de mener une contre-offensive191.

Enfin, pour compléter lexposé il faut mentionner les capitaines et pilotes de la carrera de Indias qui participèrent aux leçons dartillerie. Le phénomène apparaît clairement dans le dossier constitué par Muñoz el Bueno pour défendre les privilèges des artilleurs de Séville192. Ainsi, le premier témoin interrogé, Miguel de Valdés, capitaine dun galion de la carrera de Indias pendant plus de 26 ans, affirma que :

il sait et a vu que le dit Andrés Muñoz el Bueno, artillero mayor, a enseigné et enseigne dordinaire publiquement dans cette ville de Séville le dit art, leçon à laquelle ce témoin sest trouvé à de multiples reprises193.

De même, le second témoin, le capitaine Juan de Morales, affirmait savoir de quoi il parlait car « il fréquentait la maison de lartillero mayor et son école194 ». Par ailleurs, les comptes rendus des années 1600 à 1607 enregistrent une douzaine de pilotes, deux maîtres et deux capitaines de navire ayant passé lexamen dartilleur195. Daprès la municipalité du port dAyamonte, ces « pilotes, capitaines et propriétaires de navires » passaient lexamen pour pouvoir bénéficier des privilèges dartilleurs196. La petite ville se plaignait du nombre grandissant de cette population privilégiée, armée et surtout chez qui il était impossible, en vertu de ces privilèges, de loger les nombreux soldats en transit entre lAndalousie et le Portugal. Le capitaine Francisco de Molina, alors coresponsable 345des examens avec lartillero mayor, ne démentit pas la situation. Au contraire, il la justifia en expliquant que, comme ces hommes étaient en charge du recrutement de léquipage, ils devaient avoir de solides connaissances en artillerie afin dêtre capables de distinguer les bons artilleurs des mauvais. Lécole dartilleurs de Séville fonctionna par conséquent comme un espace de socialisation pour les hommes de la carrera de Indias, où les commandants pouvaient non seulement recevoir une formation en artillerie mais aussi rencontrer leurs futurs membres déquipage.

Une communauté dEspagnols ?

Pour rappel, lune des principales motivations à la mise en place dun enseignement de lartillerie à Séville fut la volonté daugmenter la proportion dartilleurs espagnols au sein des équipages de la carrera de Indias. Les instructions envoyées à Andrés de Espinosa en 1576 insistaient particulièrement sur ce point : lartillero mayor ne devait enseigner son art quà des individus originaires des royaumes de Castille et dAragon197. Il faut toutefois noter que cette clause ne semble pas avoir été respectée à la lettre lors des premières années de fonctionnement de lécole. Lun des deux comptes rendus dexamen de cette période concerne un certain Juan Gutiérrez, qui venait de la ville dAnvers198. Il avait par ailleurs remporté une compétition de tir contre un certain Maestro Gerónimo, qui selon ce document était un « artilleur examiné » que dautres sources identifient comme originaire de Venise199. Par conséquent, il était parfaitement possible, à cette époque, de passer lexamen dartilleur de la casa de la contratación sans être né ni en Castille ni en Aragon.

Par ailleurs, les informations contenues dans les comptes rendus dexamens des années 1600-1607 ainsi que dans la liste des inscrits à lenseignement du docteur Ferrofino permettent de dresser une cartographie de lorigine de plus de 600 apprentis200. Lun des résultats les plus frappants est limplantation fortement locale du recrutement 346des apprentis. Près dun tiers dentre eux étaient en effet originaires de la ville même de Séville ou bien de sa voisine Triana. Un autre tiers des effectifs était fourni par la région environnante, depuis les ports atlantiques de Sanlúcar de Barrameda et Ayamonte jusquaux villes de Cordoue, Malaga et Grenade. Cette attraction locale de lécole avait été désirée dès lorigine du projet puisque les ordres royaux de 1576 demandaient aux juges de la casa de la contratación de propager la nouvelle de la création de lécole aux villes de Malaga, Cadix et aux territoires alentours afin que les individus intéressés pussent accourir à Séville201. Cette proportion très élevée dAndalous sexplique autant par la proximité de lécole que par limplication massive de ces hommes dans la carrera de Indias.

Le dernier tiers des apprentis était constitué dindividus ayant émigré à Séville depuis diverses régions de la péninsule ibérique. Les multiples ports du Pays Basque (Bilbao, Saint-Sébastien, Portugalete) et des Cuatro Villas (Santander, Laredo, San Vicente de la Barquera, Castro Urdiales) constituaient lune des principales régions dorigine des apprentis artilleurs. Le phénomène était cependant moins marqué que dans létude prosopographique du chapitre précédent puisque, en tout, seulement 8 % des individus provenaient de cette côte septentrionale de lEspagne. En revanche, le centre de la péninsule ibérique était bien mieux représenté puisque plus dune centaine dapprentis (18 % de léchantillon) venaient de villes et de villages de Vieille et de Nouvelle Castille ainsi que dEstrémadure. Au sein de cette tendance générale, aucun centre de recrutement ne se distingue significativement des autres, les grandes villes telles que Tolède ou Valladolid ayant contribué seulement légèrement plus que les petits bourgs et villages. À cette participation castillane il fallait également ajouter la contribution dautres régions habituées de longue date à fournir des artilleurs à la carrera de Indias, notamment Barcelone, Palma de Majorque et les îles Canaries.

Au total, les données révèlent que 96 % des artilleurs de lécole respectaient la règle initiale requérant dêtre natif des royaumes de Castille ou dAragon202. Cela signifiait que lécole de Séville acceptait, 347dans une moindre mesure, quelques étrangers. Le spectre de recrutement était toutefois incomparablement moins large que parmi les équipages des armadas royales dont les artilleurs venaient véritablement des quatre coins de lEurope, comme le chapitre précédent la mis en évidence. Dans le cas de lécole sévillane, la plupart des apprentis qui nétaient originaires ni de Castille ni dAragon demeuraient tout de même des sujets du roi dEspagne. Ainsi, on trouvait parmi les effectifs de lécole huit Portugais, quatre Napolitains, quatre Siciliens, deux Sardes et deux Anversois. Les véritables étrangers sans aucun lien de vassalité ne furent que quatre : un Vénitien, un Génois, un Ragusain et un Écossais. Avant dêtre admis, tous ces individus avaient fait lobjet denquêtes et de procédures de contrôle menées par la casa de la contratación. Par exemple, en 1606, lartillero mayor refusa denseigner à Johan Alvárez de Gúzman, né à Anvers mais habitant à Séville depuis lâge de cinq ans et marié à une sévillane. Ce dernier se plaignit aux juges de la casa de la contratación, produisit des témoins afin de démontrer quil était parfaitement intégré à la vie sévillane, quil était un vecino, cest-à-dire un citoyen résident de Séville et il finit par obtenir gain de cause203. À lépoque, prouver sa vecindad, son appartenance à la communauté locale, permettait à un étranger de revendiquer les mêmes droits que les natifs de Castille204. En ce sens, lécole dartilleurs de Séville nétait pas strictement réservée aux Castillans et aux Aragonais, mais elle effectuait une forme de contrôle, excluant ceux des étrangers qui nétaient pas capables de démontrer leur intégration locale. Il faut aussi noter que lécole devint un instrument dexclusion au sein de la carrera de Indias. En 1603, lartillero mayor dénonça ainsi au roi la présence dans larmada de guarda dun chef artilleur italien qui navait pas été examiné et le conseil des Indes exigea son remplacement immédiat205.

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Fig. 36 – Origines géographiques de 601 apprentis de lécole dartilleurs de Séville.
Carte réalisée par lauteur. Sources : AGI CT leg. 4871 et AGS GYM leg. 351/283.

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Le coût de la formation dartilleur

Dès les instructions envoyées à Andrés de Espinosa en 1576, la Monarchie hispanique afficha sa volonté de proposer une formation ouverte à tous ceux qui souhaitaient apprendre lart de lartilleur206. Les leçons nétaient pas véritablement publiques puisque, comme cela vient dêtre exposé, certains critères de sélection relatifs à lorigine géographique et professionnelle des apprentis étaient appliqués avec plus ou moins de rigueur. Cependant, une fois reçu lassentiment de lartillero mayor pour suivre les cours, les étudiants navaient pas à payer leur formation qui était, en ce sens, gratuite. Comme cela a été précisé plus haut, le salaire de lenseignant était couvert, dans des proportions qui varièrent selon les époques, par la Monarchie ainsi que par luniversidad de mareantes, la corporation rassemblant les maîtres, pilotes et propriétaires de navires de la carrera de Indias. Par conséquent, lorganisation du financement de lécole était en total adéquation avec les profils plutôt humbles des apprentis. Toutefois, suivre la formation à Séville engendrait des coûts indirects qui filtrèrent, dans une certaine mesure, les individus pouvant accéder à lécole dartilleurs.

Le premier de ces coûts indirects concernait la poudre et les munitions utilisées lors des exercices pratiques de tir. En cohérence avec son projet de vouloir former tous les individus qui souhaitaient apprendre lartillerie, la Monarchie fournissait une certaine quantité de poudre noire pour ces exercices, afin de promouvoir la participation des apprentis les plus pauvres. Sous Ferrofino, ce montant semble avoir atteint 400 livres par an, permettant de tirer environ 400 tirs annuels207. Ce geste de générosité du monarque était toutefois loin de suffire à la consommation de poudre, en particulier à lépoque dAndrés Muñoz el Bueno, lorsque plus dune centaine dapprentis étaient formés chaque année. Ce dernier sen plaignit au conseil des Indes car certains de ses élèves navaient dautre choix que dabandonner le terrain dentraînement faute de moyens pour payer la poudre et les boulets208. Cet élément constitua donc une limite importante au caractère gratuit de la formation dartilleur proposée à Séville.

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Lautre coût indirect, non-négligeable, dune formation à lécole dartilleurs de la casa de la contratación résultait des dépenses relatives au séjour en ville. La durée minimale de formation pour pouvoir passer lexamen sélevait à deux mois, ce qui signifie que, pour bon nombre dindividus, le passage à lécole dartilleurs sétalait sur plusieurs mois. La problématique de séjourner à Séville durant une si longue période était très différente selon les trajectoires des individus. Dabord, il vient dêtre montré quun tiers des apprentis étaient originaires de Séville même ou bien de Triana, sa voisine de lautre côté du Guadalquivir. De plus, même sil est vrai que lécole rassemblait des individus natifs des quatre coins de la péninsule ibérique, comme la carte de la figure 36 le met en évidence, un certain nombre dentre eux résidaient déjà à Séville lorsquils sinscrivaient à lécole. Le fait apparaît clairement sur la liste des 74 apprentis de Ferrofino en 1592 : bien que certains dentre eux fussent nés dans dautres villes, quasiment tous ces hommes étaient des artisans installés à Séville, avec le statut de officiel de résident (vecino)209. Pour ces individus natifs ou résidents locaux, lenjeu essentiel pour suivre la formation était sa compatibilité avec leur activité professionnelle. Cest sans doute la raison pour laquelle Andrés Muñoz el Bueno proposait deux sessions quotidiennes pour ses cours, lune la journée, lautre le soir210. Il en allait de même pour les exercices de tir qui avaient uniquement lieu, il faut le rappeler, les dimanches et jours de fête.

De même, parmi les nombreux marins et soldats qui suivirent les leçons de lartillero mayor, il est important de se souvenir quune vaste majorité travaillait déjà à bord de navires de la carrera de Indias et devait justifier davoir traversé lAtlantique au moins une fois. Même sils étaient natifs de provinces lointaines, bon nombre de ces hommes sétaient installés à Séville ou Triana, comme résidents. Durant lhivernage des flottes, ils disposaient de quelques mois pour suivre la formation proposée par lécole dartilleurs. Durant ce temps mort, une partie de ces individus vivaient grâce aux gains accumulés lors de la traversée tandis que dautres devaient avoir une activité professionnelle annexe compatible avec les horaires des leçons. Cette situation explique parfaitement le rythme 351annuel des examens qui, comme la figure 32 la précédemment mis en évidence, connaissait un creux dactivité durant la période estivale, après le départ annuel des flottes pour lAmérique.

Cependant, un certain nombre des marins de la carrera de Indias résidaient dans les ports atlantiques dAndalousie tels que Huelva, Sanlúcar de Barrameda, Ayamonte ou Puerto de Santa María. Aussi, venir à Séville pour quelques mois de formation représentait-il un coût trop important pour une partie dentre eux. Cest la raison pour laquelle des enseignements furent mis en place localement dans ces ports. À la fin du xvie siècle, le lieutenant dartillerie Francisco de Molina avait ainsi placé à Ayamonte un sergent artilleur chargé dentraîner les artilleurs locaux211. Quelques années plus tard, il fut décidé que lartillero mayor irait temporairement enseigner en personne lartillerie aux marins dAyamonte et de Sanlúcar de Barrameda :

De nombreux marins originaires du comté de Niebla, du marquisat dAyamonte et de Sanlúcar renoncent à prendre part à lécole et à lexamen dartilleur parce quils sont pauvres et ne peuvent séjourner à Séville, loin de leurs maisons. [] Jai donc décidé quil était bien que Vous, Andrés Muñoz el Bueno, au moment où votre absence de Séville aura le moins de conséquences, vous rendiez aux dits lieux pour y enseigner lartillerie et instruire les dits marins, en emmenant à cet effet une pièce dartillerie qui est en votre pouvoir pour exercer les artilleurs, ainsi que de la poudre212.

Par conséquent, au début du xviie siècle, lenseignement de lartillero mayor se déplaçait, avec tout le matériel (pièce dartillerie, poudre et munitions comprises), quelques semaines par an vers les ports de la côte atlantique, afin de former à la profession dartilleur des hommes ayant une expérience de la mer.

Enfin, il faut également admettre quune proportion inconnue dapprentis venaient à lécole dartilleurs sans être résidents ni avoir demploi à Séville ou dans la carrera de Indias. Ainsi, Bartolomé de Paz, 352soldat au château de Lisbonne, avait obtenu du roi un congé pour aller à Séville afin de soigner une certaine maladie213. Durant sa convalescence, il décida de sinscrire à lécole du docteur Ferrofino et obtint son titre dartilleur. La source ne dit pas avec quels moyens il vivait au quotidien durant sa convalescence : avait-il de largent de côté ? était-il allé se soigner à Séville parce quil avait de la famille sur place ? Ou bien avait-il même inventé cette histoire de cure afin dobtenir la licence du roi pour rejoindre Séville et son école, renommée parmi les cercles militaires de Lisbonne ? Il est impossible de saisir de manière exhaustive la multitude de trajectoires et de situations qui conduisirent plus dune centaine dindividus chaque année à suivre lenseignement dispensé dans cette école. Ce qui apparaît de manière certaine, ce sont les efforts fournis par les enseignants, souvent soutenus par la Monarchie, afin de rendre la formation dartilleur accessible à la fois aux artisans de Séville et aux hommes de la carrera de Indias, qui étaient les deux principaux groupes auxquels cet enseignement était destiné.

Conclusion

Pour conclure sur cette école de Séville, il est important de revenir sur les débouchés des apprentis et leur adéquation avec les objectifs initiaux de pourvoir en artilleurs espagnols les convois américains. Il faut tout dabord savoir quil est difficile de connaître précisément les débouchés de lécole. Bien que lenseignement fût principalement envisagé pour la carrera de Indias, les artilleurs formés à Séville pouvaient suivre dautres voies. Un certain nombre dentre eux poursuivaient leur activité dartisan, faisant partie, à Séville, dune milice dartilleurs de réserve employée uniquement en cas dextrême nécessité. Les documents évoquent également dautres débouchés. Le capitaine général de lartillerie Francés de Álava suggérait ainsi en 1577 quune partie de ces artilleurs fussent envoyés en garnison dans les différentes forteresses des côtes dAndalousie, dAfrique du nord et dAmérique214. En 1602, les 353capitaines de la carrera de Indias appelés à témoigner affirmaient avoir vu un certain nombre dartilleurs formés à Séville servir dans les ports fortifiés du Nouveau Monde tels que la Havane et Carthagène des Indes, ainsi que dans des forteresses dEspagne215.

Néanmoins, le débouché principal évoqué par la plupart des documents était sans aucun doute constitué par les flottes de la carrera de Indias et de larmada de guarda chargée du transport de largent américain. En 1586, les juges de la casa de la contratación faisaient léloge du travail dAndrés de Espinosa en faveur de la carrera de Indias en ces termes :

Ont été examinées de nombreuses personnes natives de ces royaumes qui servent Votre Majesté dans cette navigation des Indes, tant dans les navires darmada que dans ceux de commerce216.

Cependant, il est possible daffirmer quà cette époque lécole ne formait pas assez dartilleurs pour satisfaire pleinement la forte demande des convois transatlantiques. En effet, dans la même lettre, les officiers ajoutaient que, en raison du nombre important de navires, il était encore nécessaire de recourir aux artilleurs étrangers, en particulier dans les galions du roi. De plus, il savère que les plaintes des officiers andalous quant au manque dartilleurs se poursuivirent jusquau début du xviie siècle malgré lintense activité de lécole217. Pour saisir la raison de ce manque persistant, il est absolument impératif de tenir compte du fait que, même si les effectifs de lécole augmentèrent, les besoins en artilleurs eux aussi saccrurent. Le volume de la carrera de Indias fut en effet plus que doublé entre la création de lécole en 1576 et les premières 354années du xviie siècle218. En outre, la mise en place à partir de 1590 dun escadron de larmada del mar Océano attaché au port de Cadix ajouta un peu plus de pression sur ces ressources humaines disputées. Aussi, bien que lécole fut incapable de satisfaire entièrement la demande en capital humain de cette flotte de guerre grandissante, elle contribua sans doute néanmoins à rendre son déploiement possible.

Au xvie siècle, parmi les différentes initiatives dinstitutionnalisation dun enseignement de lartillerie, lécole dartilleurs de Séville connut sans aucun doute lun des plus francs succès. Cette réussite se manifesta dabord par la pérennité de son enseignement qui, établi progressivement de manière continue dans les dernières décennies du xvie siècle, perdura au moins jusquau début du xviiie siècle. Dès ses premières années de fonctionnement, lécole avait suscité un certain enthousiasme de la part du capitaine général de lartillerie Francés de Álava219, mais cest surtout lengouement des partis prenants de la carrera de Indias qui fournit lindice le plus clair de son succès. En 1586, lorsque les maîtres et armateurs de navires rédigèrent un plaidoyer pour éviter davoir à payer 1 700 ducats de salaire quils devaient à Andrés de Espinosa, ils ne souhaitèrent à aucun moment remettre en cause la légitimité de lactivité de lartillero mayor. Au contraire même, ils affirmaient que lenseignement de lartillerie était un « bien universel » dont les bénéfices retombaient sur tous220. Cette conception du bénéfice public de lenseignement de lartillerie était déjà présente dans les mots dEspinosa lui-même en 1584 et fut reprise dans une réponse du roi à lartillero mayor221.

Le seul qui, dans cette affaire, sexprima contre Andrés de Espinosa fut le contrôleur de lavería. Il se retrouvait soudainement à devoir payer lartillero mayor à un moment où les dépenses de défense des convois augmentaient de manière exponentielle – lavería connut dailleurs une faillite quatre ans plus tard222. Pour lui, lactivité dAndrés de Espinosa nétait pas absolument vitale à la protection des convois car

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Pour quil y ait des artilleurs, il nest pas nécessaire quil y ait des maîtres de lartillerie car sans eux il y a bien eu de très bons artilleurs, et puisque lon a bien navigué depuis tant dannées sans avoir de maître dartillerie, on pourrait continuer ainsi223.

Néanmoins, ces remarques laissèrent les membres du conseil des Indes totalement indifférents. Ils confirmèrent leur verdict, forçant ladministration de lavería à financer la formation des artilleurs.

Lopinion des partis prenants de la carrera de Indias était encore favorable à lécole une quinzaine dannées plus tard. En 1602, lorsque lartillero mayor Muñoz el Bueno sentit son école menacée suite au non-respect récurrent des privilèges dartilleurs par les autorités sévillanes, il put compter sur plusieurs capitaines de la carrera de Indias et deux juges de la casa de la contratación pour témoigner de limportance cruciale de son rôle pour la sécurité des convois vers lAmérique224. Ainsi, un quart de siècle après sa mise en place, lenseignement de lartillerie à Séville paraissait être devenu indispensable aux yeux du commandement de la carrera de Indias. Entre temps linstitionnalisation des pratiques de formation des artilleurs sétait généralisée au sein de lempire espagnol.

1 AGI CT leg. 746/4. « Il est indispensable que [les artilleurs] soient formés parce quil nen est pas de même que du soldat qui, du moment quon lui donne une pique, part combattre avec. »

2 Epstein, Stephan R., « Craft Guilds, Apprenticeship and Technological Change in Preindustrial Europe », The Journal of Economic History, vol. 58, no 3, 1998, p. 684-713. Epstein Stephan R., Prak, Marteen (éd.), Guilds, Innovation and the European Economy, 1400-1800, New York, Cambridge University Press, 2008. Prak, Marteen, Van Zanden, Jan L.(éd.), Technology, Skills and the Pre-Modern Economy in the East and the West, Leiden ; Boston, Brill, 2013. Mokyr, Joel, The Gifts of Athena : Historical Origins of the Knowledge Economy, Princeton, N.J. ; Oxford, Princeton University Press, 2002.

3 Epstein, Stephan R., « Craft Guilds, Apprenticeship and Technological Change in Preindustrial Europe », op. cit. De Munck, Bert, Technologies of Learning. Apprenticeship in Antwerp Guilds from the 15th Century to the End of the Ancien Régime, Turnhout, Brepols, 2007. Epstein, Stephan R., Prak, Marteen (éd.), Guilds, Innovation and the European Economy, 1400-1800, op. cit.

4 De Munck, Bert, Technologies of Learning, op. cit. Deceulaer, Harald, Jacobs, Marc, « Qualities and Conventions. Guilds in 18th Century Brabant and Flanders : an Extended Economic Perspective », dans Guilds, Economy and Society, Séville, Fundación Fomento de la Historia Económica, 1998, p. 91-107. Brooks, Christopher, « Apprenticeship, Social Mobility and the Middling Sort, 1550-1800 » dans The Middling Sort of People. Culture, Society and Politics in England, 1550-1800, Barry, Jonathan, Brooks, Christopher (éd.), Londres, The MacMillan Press, 1994, p. 52-83. Farr, James R., Artisans in Europe, 1300-1914, op. cit. Mackenney, Richard ; Tradesmen and Traders, op. cit.

5 De Munck, Bert, Technologies of Learning, op. cit. p. 50.

6 De Munck affirme par exemple quà Anvers, un maître formait en moyenne au cours de sa carrière 5 à 7 apprentis, chiffre qui sélevait au maximum à une vingtaine dindividus, ibid. p. 46 et 211.

7 Collantes de Teran Sanchez, Antonio, Sevilla en la Baja Edad Media : la ciudad y sus hombres, Séville, Sección de Publicación del Excmo. ayuntamiento, 1977.

8 Bernal, Antonio Miguel, La financiación de la Carrera de Indias (1492-1824), op. cit. Bernal Rodríguez, A.M., Collantes de Terán Sánchez, A., « El puerto de Sevilla, de puerto fluvial medieval a centro portuario mundial (siglos xiv-xvii) », op. cit. Pike, Ruth, Enterprise and Adventure, op. cit.

9 Sentaurens, Jean, « Séville dans la seconde moitié du xvie siècle : population et structures sociales. Le recensement de 1561 », Bulletin Hispanique, Tome 77, no 3-4, 1975, p. 321-390.

10 Morales Padrón, Francisco, Historia de Sevilla Tomo III : La ciudad del Quinientos, Séville, Secretariado de Publicaciones, Universidad de Sevilla, 1977, p. 145.

11 Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit., tome 8-1, p. 161-192.

12 Perez-Mallaína, Pablo, Spains Men of the Sea, op. cit., p. 3.

13 Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit., Tome 8-1, p. 167 et suivantes.

14 Acosta Rodríguez, Antonio, González Rodríguez, Adolfo, Vila Vilar, Enriqueta (éd.), La Casa de la Contratación y la navegación entre España y las Indias, Séville, Universidad de Sevilla, CSIC, Fundación El Monte, 2003. Díaz Blanco, José Manuel, Así trocaste tu gloria. Guerra y comercio colonial en la España del siglo xvii, Madrid, Marcial Pons, 2012.

15 Fernández Castro, Ana Belem, « Juzgar las Indias. La práctica de la jurisdición de la Casa de la Contratación de Sevilla (1583-1598) », thèse soutenue à lInstitut Universitaire Européen, Florence, 2015.

16 Collins, Edward, « Francisco Faleiro and the Scientific Methodology at the Casa de la Contratación in the Sixteenth Century », Imago Mundi, the International Journal for the History of Cartography, vol. 65, no 1, 2013, p. 25-36. Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain », thèse soutenue à luniversité Wisconsin-Madison, 2001. Vicente Maroto, Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, « La Casa de Contratación y la Academia Real matemática » dans Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, Siglo xvi y xvii, José María López Piñero (éd.), Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002, p. 35-50. Plus généralement sur lactivité scentifique de la casa de la contratación, voir Barrera-Osorio, Antonio, Experiencing Nature, op. cit. Cañizares Esguerra, Jorge, Nature, Empire and Nation, op. cit.

17 Cette dimension militaire de la casa de la contratacion est souvent négligée par lhistoriographie, comme le rappelle Alvárez Nogal, Carlos, « Instituciones y desarrollo económico : la Casa de la Contratación y la Carrera de Indias (1503-1790) » dans La Casa de la Contratación y la navegación entre España y las Indias, Acosta Rodríguez, Antonio, González Rodríguez, Adolfo, Vila Vilar, Enriqueta (éd.), Séville, Universidad de Sevilla, CSIC, Fundación El Monte, 2003, p. 21-51. Lactivité militaire de la casa de la contratación est pourtant omniprésente dans les tomes des Chaunu : Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit.

18 Ce trafic est analysé en détail dans les milliers de pages de lœuvre des Chaunu. Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit. Voir aussi García-Baquero González, Antonio, La Carrera de Indias : suma de la contratación y océano de negocios, Séville, Algaida, 1992.

19 Flynn, David O., Giraldez, Arturo, « Born again : Globalizations sixteenth century origins », Pacific Economic Review, vol. 13, 2008, p. 359-387. Aram, Bethany,Yun Casalilla, Bartolomé (éd.), Global Goods and the Spanish Empire, 1492-1824. Circulation, Resistance, Diversity, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015.

20 Martínez Ruiz, Enrique, La defensa del Imperio, 1500-1700, op. cit.

21 Perez-Mallaína, Pablo, Spains Men of the Sea, op. cit. p. 9-10. Les rythmes des voyages sont analysés en détail dans les volumes de Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit. Pour une étude détaillée des navires constituant ces convois, voir aussi Serrano Mangas, Fernando, Función y evolución del galeón en la carrera de Indias, op. cit.

22 Phillips, Carla R., Six Galleons for the King of Spain, op. cit. Cespedes del Castillo, Guillermo, La avería en el comercio de Indias, op. cit.

23 Goodman, David C., Power and Penury, op. cit., p. 113. Morales Padron, Francisco, Historia de Sevilla Tomo III : La ciudad del Quinientos, op. cit., p. 157.

24 Salas Almena, Luis, Colaboración y conflicto, op. cit.

25 À titre dexemple, voir la flotte de huit navires de guerre légers assemblée par le duc de Medina Sidonia en 1590 pour faire face aux menaces de raid dans les Açores. AGS GYM leg. 280/232 et 237.

26 Goodman, David C., Spanish Naval Power, 1589-1665, op. cit., p. 9.

27 Fernández Duro, Cesáreo, Disquisiciones náuticas, Madrid, Impr. de Aribau y c.a (sucesores de Rivadeneyra), 1876-1880.

28 Carrasco y Saiz, Adolfo, « Apuntes sobre los sistemas y medios de instrucción del cuerpo de artillería », Memorial de Artillería, serie 3a, Tomo XVI, p. 392-408, p. 609-616, et Tomo XVII, p. 423-433, p. 544-556, p. 622-643, p. 733-741, Madrid, 1887.

29 Frontela Carreras, Guillermo, « La enseñanza de la artillería dependiendo del Consejo de Indias », Militaria, Revista de cultura militar, no 10, 1997, p. 277-290.

30 Le travail repose en partie sur la Recopilación de leyes de los reinos de las Indias : mandadas imprimir y publicar por la Majestad Católica del rey Don Carlos II, nuestro señor., Madrid, Impr. por Julián de Paredes, 1681.

31 López Piñero, José María (éd.), Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, Siglo XVI y XVII, Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002.

32 Vicente Maroto, María Isabel, « Las escuelas de artillería en los siglos xvi y xvii », Quaderns dhistòria de lenginyera, V, 2003-2002, p. 1-9.

33 AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 3 (20/02/1576), fol. 5v-6v (25/02/1576), fol. 7r-8r (28/02/1576).

34 AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 108r (18/11/1576).

35 AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 160r (22/03/1577).

36 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

37 AGI IG leg. 1956, lib. 1, fol. 141 (11/08/1573).

38 « Nuestro artillero mayor de la armada que anda en guarda de la carrera y costas de las mías Indias » AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 3 (20/02/1576).

39 « Por cuanto por parte de vos Andrés de Espinosa [] nos ha hecho relación que en la dicha carrera andan pocos artilleros que sean naturales de estos Nuestros Reinos y que se padece mucha necesidad de estos así en la armada como en las flotas que navegan a las dichas Indias », AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 3 (20/02/1576).

40 Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit., tome 6, p. 335 et suiv.

41 Goodman, David C., Spanish Naval Power, 1589-1665, op. cit., p. 3.

42 AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 3 (20/02/1576).

43 AGI CT leg. 5784 lib. 1, fol. 182v-183r (22/03/1577).

44 AGS GYM leg. 88/250 (17/08/1578).

45 AGI CT leg. 5784 lib. 3 (05/11/1590).

46 AGI IG leg. 1969 fol. 194v-195r (23/09/1578).

47 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

48 AGI CT leg. 5784 lib.3 (05/11/1590).

49 « El haber esta persona en esa ciudad para el dicho efecto es general beneficio y utilidad de los dueños y maestres de naos que navegan en la Carrera de Indias, que son obligados a llevar en sus naos artilleros personas diestras y es justo que contribuyan para la paga del salario del dicho artillero », AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 6v (25/01/1576).

50 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 160v (22/03/1577).

51 AGI ESCRIBANIA leg. 1070A/1, « Pleito entre Espinosa, artillero mayor y los mareantes » (année 1586).

52 Ibid.

53 AGI ESCRIBANIA, leg. 1070A/1, fol. 64r.

54 Ibid., fol. 65r.

55 Ibid. fol. 95r (02/10/1586).

56 AGI CT leg. 5784 lib. 3 (05/11/1590).

57 AGI IG leg. 1969 fol. 85 (24/02/1578).

58 AGI IG leg. 2006 (21/11/1584).

59 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

60 « En el camino, tuvé escuela y platica en la galeaça y en el Rio de Guenero donde hinverno la armada », AGI IG leg. 2006 (année 1584), sans num. de folio.

61 AGI IG leg. 739/354 (12/08/1581).

62 AGI IG leg. 1952 lib. 3 (22/02/1586).

63 AGI CT leg. 5784 lib. 3, fol. 61v (11/01/1591).

64 AGS GYM leg. 395/103 (30/04/1593).

65 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).

66 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

67 AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).

68 López Piñero, José María, Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, Siglo XVI y XVII, op. cit. p. 137-143. Martínez Ruiz, Enrique, Felipe II, la ciencia y la técnica, Madrid, Actas, 1999, p. 125-126. Un ouvrage récent propose une biographie de Julián Ferrofino : Silva Suárez, Manuel, Técnica e ingeniería en España – Tomo 1 : El Renacimiento, Saragosse, Real Academia de Ingeniería, Institución « Fernando el Católico », Prensas universitarias de Zaragosa, 2008. Toutefois, cette biographie ne semble pas fiable dans la mesure où il y est affirmé que le docteur Ferrofino enseignait à Burgos depuis 1574, ce que démentent plusieurs des sources consultées ici.

69 AGS GYM leg. 263/224 (sans date, année 1589).

70 AGS GYM leg. 262/284 (27/06/1589).

71 « Instruiría 200 y más artilleros tan cumplidamente enterados y platicos en la profesión que puedan concurrir con los mas viejos en este ministerio », AGS GYM leg. 263/224 (sans date, année 1589).

72 Ibid.

73 AGS GYM leg. 263/115 (01/08/1589).

74 AGS GYM leg. 277/8 (22/11/1589).

75 AGS GYM leg. 254/179 (03/12/1589).

76 AGS GYM leg. 280/255 (18/01/1590).

77 AGS GYM leg. 281/230 (12/02/1590).

78 AGS GYM leg. 284/265 (09/05/1590).

79 AGS GYM lib. 57, fol. 36v/37r (29/07/1590).

80 AGS GYM leg. 351/284 (08/02/1591).

81 AGS GYM lib. 63, fol. 54v (02/07/1591).

82 Le salaire de Ferrofino est précisé dans AGS GYM leg. 351/284 (08/02/1591). Pour obtenir la conversion entre écus et ducats, il faut considérer quun écu valait 400 maravédis et un ducat valait 375 maravédis.

83 AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

84 « Digo que yo he servido a Vuestra Majestad [] mucho tiempo en la ciudad de Sevilla en compañía del capitán Andrés de Espinosa que servía el oficio de artillero mayor en la dicha Casa de Contratación, quedando, siempre que él iba a los despachos de las armadas y flotas, en su lugar en el dicho oficio », AGI IG leg. 2007 (03/11/1595).

85 Andrés Muñoz el Bueno se porta garant de chacun des 73 apprentis de la liste de 1592, prouvant ainsi quil les connaissait tous AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592). Par ailleurs, plusieurs témoins confirment que Muñoz el Bueno fut lhomme qui recruta les apprentis pour Ferrofino dans le dossier « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del oficio que está vaco por Andrés de Espinosa », AGI IG leg. 2007.

86 AGS GYM leg. 395/103 (30/04/1593).

87 AGI IG leg. 426 lib. 28, fol. 222v-223v (30/09/1595).

88 « Para que esta gente tenga quien les enseñe, y los demás que quisiesen servir delante, quien les instruyese, convendría nombrar para cavo con salario competente proveyéndole en la plaza de Espinosa », AGS GYM leg. 395/03 (30/04/1593).

89 « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del oficio que está vaco por Andrés de Espinosa », AGI IG leg. 2007.

90 Voir les informations dans la liste AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

91 AGS GYM leg. 387/665 (07/11/1593).

92 Voir la réponse du roi à la consulta précédente, ibid.

93 En 1589, il prétendait être au service du roi depuis 56 ans. AGS GYM leg. 263/16 (20/02/1589).

94 AGS GYM leg. 365/83 (04/03/1594).

95 Ibid.

96 Coll. Navarette, vol. 23, doc. no 50 (05/02/1608), p. 302.

97 « Porque Andrés Muñoz el Bueno, Artillero Mayor de la dicha Casa de la Contratación es el que ha enseñado y habilitado a todos los dichos artilleros, lo haréis vos juntamente con él », ibid.

98 AGI IG leg. 2007, lettre accompagnée de tout un programme denseignement (03/11/1595).

99 Cest dailleurs sous sa forme retravaillée de 1596 que ce dossier a été préservé dans les archives sous le titre : « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del oficio que está vaco por Andrés de Espinosa », AGI IG leg. 2007.

100 La demande du roi se trouve dans AGI IG leg. 1952 lib. 4, fol. 117 (03/01/1597). La réponse de Molina dans AGI IG leg. 2007 (23/01/1597).

101 « Titulo de Artillero Mayor de la Casa de Contratación de Sevilla para Andrés Muñoz el Bueno », AGI IG leg. 1952 lib. 4 fol. 178v (01/11/1597).

102 AGI IG, leg. 2007.

103 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007, (année 1602).

104 AGI IG leg. 1957, lib. 5, fol. 242v (31/01/1602) et fol. 244 (02/02/1602).

105 Ibid. fol. 243 (31/01/1602).

106 AGI IG leg. 2007 (19/09/1603).

107 AGI IG leg. 1953, lib. 5, fol. 283 (25/09/1604).

108 AGI CT leg. 5784, lib. 3, fol. 135-136 (16/11/1605).

109 AGI FILIPINAS leg. 5/133 (20/02/1616).

110 Andrés Muñoz el Bueno, Instrucción y Regimiento para que los marineros sepan usar de la artillería, Malaga, Juan Rene, 1627.

111 AGI IG leg. 434 lib. 7, fol. 93-94 (21/06/1635).

112 Frontela Carreras, Guillermo, « La enseñanza de la artillería dependiendo del Consejo de Indias », op. cit., p. 290.

113 « Por la presente damos licencia y facilidad a vos el dicho Andrés de Espinosa para que podáis hacer terrero junto de Sevilla, donde por el nuestro asistente de ella os fuere señalado, para poder jugar y disparar piezas de artillería y enseñar el dicho ministerio de artillero », AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 3r (20/02/1576).

114 Morales Padrón, Francisco, Historia de Sevilla Tomo III : La ciudad del Quinientos, op. cit., p. 210-214.

115 « Que se le señalase y diese sitio junto a esa ciudad donde pudiese hacer terrero [] para que pueda poner su escuela », AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 108r (18/11/1576).

116 AGI IG leg. 1969, fol. 87 (24/02/1578).

117 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

118 AGI IG leg. 2006 (21/11/1584).

119 AGS GYM lib. 57, fol. 36v-37r (20/07/1590).

120 « A donde ahora se va a disparar es muy lejos », AGI IG leg. 2006 (21/11/1584), « va a enseñar el jugar de la dicha artillería muy lejos de esa ciudad », AGI IG leg. 1952 lib. 2, fol. 190r (11/12/1584).

121 AGS GYM leg. 351/284 (08/02/1591), AGS GYM lib. 63 fol. 87v (10/07/1592).

122 AGI IG leg. 1953, lib. 5, fol. 243v-244r (14/01/1604).

123 Il sagissait approximativement de lemplacement de lactuelle Fabrica Reál de Artillería construite au xviiie siècle, Morales Padrón, Francisco, Historia de Sevilla Tomo III : La ciudad del Quinientos, op. cit., p. 157. Ocerin, Enrique de, Apuntes para la historia de la Fabrica de artillería, Séville, Imprenta de la Fábrica de Artillería, 1966, p. 14-16.

124 AGI IG leg. 1952, lib. 4, fol. 101v-102r (03/11/1596).

125 « La prueba y exsamén de la artillería que se ha probado en el terrero », AGI IG leg. 2007, (10/09/1593).

126 « Cada día se ofrecen ocasiones de pruebarla [artillería] y no hay terrero diputado para poderlo hazer. Pido y suplico a Vuestra Señoría se sirva de mandar señalar sitio que sirva de terrero para lo susodicho y para que los artilleros se puedan exercitar en tirar », AMS Sección IV Tomo 5, doc. 41 (sans date).

127 AGI IG leg. 2007, sans num. (09/06/1604).

128 Voir p. 48.

129 Voir les descriptions de ces concours dans les procès verbaux des examens dartilleurs, AGI CT leg. 4871.

130 AGS GYM leg. 351/284 (08/02/1591).

131 AGI IG leg. 1952, lib. 4, fol. 89 (11/07/1596) et leg. 2007 (02/03/1600).

132 Voir le procès verbal de lexamen de Juan Gutierrez, AGI CT leg. 4871. Maestro Geronimo apparaît comme condestable dans la liste de recrutement du galion amiral de la flotte de Nouvelle-Espagne en 1574, AGI CT leg. 2937.

133 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 8r (28/02/1576).

134 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

135 « Hizo el deber en su oficio y trazo el fuerte y le puso en defensa », AGI IG leg. 2006 (pas de date, probablement 1584).

136 « Ha sido muy necesario que el haya venido aquí y haya visto y tocado con las manos algunas cosas de la artillería porque ha visto haber diferencia de lo que él tenía por muy cierto y averiguado por la matemática », AGS GYM leg. 281/235 (25/02/1590).

137 « El doctor Julián Ferrofino ha venido a darme cuenta del estado en que tiene la escuela de los artilleros en Sevilla que en sustancia dice que tiene alistados hasta 74 artilleros y que los 50 de ellos tiene tan platicos que pueden muy bien servir en este arte y otros 130 habilitados en la teórica y que queriendo continuar la escuela le ha faltado la pieza de artillería y munición que para ello ha menester », AGS GYM lib. 63 fol. 87v (10/07/1592).

138 « Me ocupé en ayudar al dicho doctor Ferrofino a juntar y hacer diestros los dichos artilleros con une pieza de artillería en el campo, poniendo en execución las Reglas que el dicho doctor por theórica daba y enseñaba », AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (03/11/1595). Voir aussi, dans le même legajo, les témoignages confirmant cette affirmation dans le dossier « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del oficio que está vaco por Andrés de Espinosa ».

139 « Las liçiones y estudio no serán provechosos si con la práctica y exercicio no se experimenta », AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (02/03/1600).

140 « Después que el dicho Doctor hizo ausencia de la dicha ciudad de Sevilla, yo les torné a leer y referir todo lo que él les había leído lo cual hice 4 meses dentro de la universidad de la dicha ciudad », AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (03/11/1595).

141 Morales Padrón, Francisco, Historia de Sevilla Tomo III : La ciudad del Quinientos, op. cit., p. 286-290.

142 Ibid., p. 88.

143 AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

144 AGI IG leg. 1953 lib. 5, fol. 108 (20/03/1601).

145 AGI CT leg. 5784 lib. 3, fol. 200 (11/12/1614).

146 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 7r-8r (28/02/1576).

147 AGI CT leg. 4871. La plupart de ces comptes rendus datent de 1600-1606 bien que les deux plus anciens remontent à 1581 et confirment ainsi la forme de ces pratiques dès lépoque dAndrés de Espinosa. Pour des exemples dexamens, voir lannexe I.

148 Ibid. (04/05/1600). Cette anecdote montre dailleurs que les tests de pièces sintégraient bien à lenseignement pratique.

149 « En plazas de artilleros van muchas personas que no lo son ni saben usar del artillería y es de tan grande inconveniente como se podrá considerar y que así convendría que [] se diese orden como ninguno pasase a aquellas partes en la dicha plaza de artillero en las naos de armada y merchante sin que sea visto y aprobado por él [Andrés de Espinosa] o la persona que ejerciere su oficio en esa dicha ciudad », AGI IG leg. 1952 lib. 2, fol. 287v (05/12/1584).

150 AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (16/01/1602).

151 « Pues yo asisto en los puertos de Sanlúcar y Cádiz a los despachos de las armadas y flotas []convendría que Vuestra Majestad mande a los dichos visitadores que no consientan ni den lugar a que ninguna persona se aliste en plaça de artillero sin que primero haya asistido conmigo algunos días », ibid.

152 AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).

153 « Algunos días que se hizo fuera de esta casa y sin asistencia del juez de ella por solo el dicho capitán Francisco de Molina se examinaron muchas personas faltos de crédito y llenos de defectos », AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (31/10/1600).

154 Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain » op. cit. Vicente Maroto, María Isabel, Estebán Piñeiro, Mariano, « La Casa de Contratación y la Academia Reál matemática », op. cit.

155 Van Gennep, Arnold, Les rites de passage, Paris, Mouton et Maison des Sciences de lHomme, 1969.

156 Ibid., p. 146-147.

157 Turner, Victor, The Ritual Process : Structure and Anti-Structure, New York, Aldine de Gruyter, 1995. Turner, Victor, Dramas, Fields, and Metaphors : Symbolic Action in Human Society, New York, Cornell University Press, 1974.

158 De Munck, Bert, Technologies of Learning, op. cit. p. 46 et 277.

159 AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581).

160 Ibid.

161 AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

162 AGS GYM lib. 63, fol. 87v.

163 AGS GYM leg. 395/103 (30/04/1593).

164 En accompagnement dune lettre du 09/11/1595 : « he habilitado después que sirvo el dicho oficio 300 hombres », AGI IG leg. 2007, sans num. de folio.

165 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007, sans num de folio (année 1602).

166 Sentaurens, Jean « Séville dans la seconde moitié du xvie siècle : population et structures sociales. Le recensement de 1561 », op. cit., p. 337.

167 AGI CT leg. 4871. Les informations concernant ces 593 apprentis ont été retranscrites dans la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.

168 Voir le schéma de lévolution des effectifs dapprentis (fig. 33).

169 « El artillero mayor Andres Muñoz el Bueno ha escripto que acude muy poca gente al exercitarse en aquel ministerio del artillería y que donde solía aver de sesenta pláticantes arriba, agora no ay veinte a causa de que como gozan de tantas preeminencias alistandose por soldados de la milicia dessa ciudad acuden todos a aquello por ser con menos obligaciones y dexan de ser artilleros », AGI IG leg. 1957 lib. 5 fol. 236v (09/10/1601).

170 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007, sans num. de folio (année 1602).

171 Une copie manuscrite de cette ordonnance se trouve au cœur du legajo dexamens dartilleurs : AGI CT leg. 4871.

172 « En la ciudad de Sanlúcar de Barrameda a 22 del mes de Junio de 1605, ante el señor Don Antonio López de Calatayud contador mayor juez official por su Magestad de la Casa de la Contratación de las Indias de la ciudad de Sevilla, con asistencia de Andrés Muñoz el Bueno, artillero mayor por su Magestad de las flotas e armadas que se despachan a las Indias, por ante mí, Pedro de Chaves, escribano propietario de la dicha Casa de la Contratación que estoy en esta dicha ciudad de Sanlúcar con el dicho contador en el despacho de la flota que este presente año se despacha a Nueva España general Alonso de Chaves Galindo, se hizo traer ante el dicho contador una piezuela de bronce y otros instrumentos tocantes al arte para examinar artillero. Pareció Tomas Rodríguez, natural de Badajoz en Estremadura, hijo de Gerónimo… », AGI CT leg. 4871.

173 Voir p. 218. Pour des cas de marins et soldats devenus artilleurs en pleine traversée de lAtlantique, voir les nombreux exemples dans AGI CT leg. 3937 et AGI CT leg. 3915.

174 Pour la formation sur le terrain de ces individus, voir ce quécrivait le général Pedro de Zubiaur : AGS GYM leg. 378/98 (08/11/1593). Voir aussi « Orden e instrucción del modo y manera que se ha de tener para pelear en el Mar », Coll. Navarrete, vol. 22, doc. no 47 (année 1575).

175 « Haya hecho a lo menos un viaje a las Indias por marinero o artillero de alguna nao o soldado de la nao capitana o almiranta y constando de ello », AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 7r (28/02/1576).

176 Examén de Juan de Toro (19/04/1581), de Juan Gutierrez (19/05/1581), AGI CT leg. 4871.

177 Voir figure 34. Données provenant de AGI CT leg. 4871, consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.

178 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).

179 Ley XXII, 11/03/1578, Recopilación de leyes de los reinos de las Indias, op. cit., Tomo III, p. 297.

180 Voir la base de données consultable sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.

181 AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

182 Juan Ruiz de Baltodano témoigna en effet en 1593 devant les juges de la casa de la contratación afin que Muñoz el Bueno pût obtenir le poste dartillero mayor. Voir « Andrés Muñoz el Bueno, artillero, sobre que se le haga merced del oficio que está vaco por Andrés de Espinosa », AGI IG leg. 2007.

183 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 7r.

184 Andrés Muñoz el Bueno, examen du 12/03/1604, AGI CT leg. 4871.

185 Examen du 19/04/1605, AGI CT leg. 4871.

186 Selon James Farr, la plupart des apprentissages commençaient entre les âges de 12 et 20 ans : Farr, James Richard, Artisans in Europe, 1300-1914, op. cit. p. 35.

187 Voir figure 35. Données consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.

188 Examen du 05/10/1605, AGI CT leg. 4871.

189 Pour Espinosa, voir AGS GYM leg. 114/202 (24/06/1581). Pour Ferrofino, voir AGS GYM leg. 370/313 (12/1592).

190 Voir le dossier « expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007.

191 AGI CT leg. 746/4 (année 1598).

192 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007 (31/07/1602).

193 « Sabe y ha visto que el dicho Andrés Muñoz el Bueno artillero mayor ha leído y lee de ordinario en esta ciudad de Sevilla el dicho arte de su oficio públicamente a la cual lición este testigo se ha hallado muchas veces », ibid.

194 « Lo sabe este testigo por ser capitán y persona que trata con ellos [los artilleros] y los conoce y acude a casa del dicho artillero mayor y a su escuela », ibid.

195 AGI CT leg. 4871.

196 AGI CT leg. 746/4 (année 1598).

197 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 7r (28/02/1576).

198 AGI CT leg. 4871, examén de Juan Gutierrez (19/05/1581).

199 AGI CT leg. 2937 (année 1574).

200 AGI CT leg. 4871 et AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592). Voir les données consultables sur https://cadmus.eui.eu//handle/1814/68555.

201 AGI IG leg. 1968 lib. 21, fol. 3 (20/02/1576).

202 Cest-à-dire sur un échantillon de 601 apprentis dont les informations sont disponibles dans les documents : AGI CT leg. 4871 et AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

203 Le cas est détaillé au milieu des comptes rendus dexamens, AGI CT leg. 4871 (07/11/1606).

204 Sur ce thème, voir Herzog, Tamar, Defining Nations : Immigrants and citizens in Early Modern Spain and Spanish America, New Haven, Yale University Press, 2003.

205 AGI IG leg. 1953 lib. 5 fol. 228v-229 (30/08/1603).

206 AGI IG leg. 1968, lib. 21, fol. 3 (20/02/1576), fol. 5v-6v (25/02/1576), fol. 7r-8r (28/02/1576).

207 Deux quintaux de poudre livrés au docteur Julián Ferrofino au milieu de 1591, AGS GYM lib. 63, fol. 54v (02/07/1591). Daprès le capitaine Francisco de Molina, Ferrofino recevait chaque année 4 quintaux de poudre pour les exercices de tir, AGI IG leg. 74/82 (22/06/1598).

208 « Las personas que acuden aprender esta arte son gente muy pobre [] los cuales sienten mucho haber de comprar la pólvora, balas con que han de tirar y a esta causa dejan de acudir al terrero que tanto importa », AGI IG leg. 2007, sans num. (09/04/1604).

209 AGS GYM leg. 351/283 (06/03/1592).

210 « Que el dicho artillero mayor sea obligado a tener escuela publica en que lea y enseñe el arte del artillería todos los días dos horas, una de 3 o 4 de la tarde, otra después de anochecido por que los oficiales y gente ocupada que no puede acudir entre dia se aproveche de la liçion de la noche », AGI IG leg. 2007 sans num. de folio (03/11/1595).

211 AGI CT leg. 746/4 (année 1598).

212 « Muchos marineros naturales del condado de Niebla, marquesado de Ayamonte y Sanlúcar dejan de acudir a la escuela y examen de artilleros por ser pobres y no poder asistir fuera de sus casas en Sevilla [] He tenido por bien que Vos el dicho Andrés Muñoz el Bueno en el tiempo que menos falta pueda hacer vuestra ausencia de la dicha ciudad de Sevilla, salgáis por los dichos lugares a platicar el artillería y habilitar los dichos marineros llevando para ello la pieza de artillería que tenéis en vuestro poder para exercitar los artilleros y alguna pólvora », AGI IG leg. 1957 lib. 5, fol. 242v (31/01/1602).

213 AGS GYM lib. 63, fol. 200v (17/07/1593).

214 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).

215 « Les ha visto este testigo ir sirviendo en las flotas y armadas de su Mag. de la Carrera de Indias y en los puertos y presidios della y mucho número de gente la que anda en el servicio y en los presidios » (capitaine Juan de Morales), « los ha visto y conocido residir en los presidios de la Havana y Cartagena » (capitaine Miguel de Valdés), « ha visto este testigo grande número y copia de artilleros en las armadas y flotas que van a las Indias y en los presidios dellas y en los de España » (capitaine Sancho de Beurco), AGI IG leg. 2007 (31/07/1602).

216 « Se han examinado muchas personas naturales de estos reinos que sirven a Vuestra Magestad en esta navegación de las Indias así en las naos de armada como en las de marchantía », AGI IG leg. 2006 (23/03/1586).

217 Le conseil des Indes à la casa de la contratación : « la falta que hay de artilleros para las armadas y flotas de las Indias », AGI IG leg. 1957 lib. 5 fol. 242v (31/01/1602). Le duc de Medina Sidonia au roi : « la falta de marineros y artilleros y artillería es la que Vuestra Majestad sabe, que tantas vezes se ha dicho para estas armadas », AGS GYM leg. 655/282 (06/11/1606).

218 Voir p. 294-295 et 302.

219 AGS GYM leg. 82/174 (27/10/1577).

220 « El exercicio de artilleria que enseña el dicho capitan resulta en bien universal destos Reynos y de todos los tratantes y navegantes en las Indias e yslas », AGI ESCRIBANIA leg. 1070A, fol. 88v.

221 « Dizen que no les toca a ellos solos y mirado bien tienen razón pues este exercicio es bien universal », AGI IG leg. 2006 (21/11/1584). Réponse du conseil des Indes : AGI IG leg. 1952 lib. 2, fol. 286v (05/12/1584).

222 Le taux davería passa de 1,7 % de la valeur des marchandises en 1585, à 4 % en 1587, puis à 8 % en 1591, année où sa gestion fut cédée en contrat privé, Chaunu, Huguette, Chaunu, Pierre, Séville et lAtlantique, 1504-1650, op. cit., Tome 1, p. 208.

223 « Para que haya artilleros no es forçoso que haya maestros de artillería que sin él ha habido y hay muy buenos artilleros y como se ha navegado de tantos años a las Indias sin que hubiese maestro de artillería, se podrá navegar de aquí adelante », AGI ESCRIBANIA leg. 1070A, fol. 98v (21/10/1586).

224 « Expediente sobre las exenciones de los artilleros de la Casa de la Contratación », AGI IG leg. 2007 (31/07/1602).