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Classiques Garnier

Des écoles d’artilleurs pour soutenir un empire

  • Auteur lauréat du Prix Turriano 2017 de l’International Committee for the History of Technology et du Prix d’histoire militaire 2017 du ministère des Armées
  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Artilleurs et la Monarchie hispanique (1560-1610). Guerre, savoirs techniques, État
  • Pages : 357 à 424
  • Collection : Histoire des techniques, n° 21
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782406115564
  • ISBN : 978-2-406-11556-4
  • ISSN : 2264-458X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11556-4.p.0357
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/08/2021
  • Langue : Français
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Des écoles dartilleurs
pour soutenir un empire

En tiempo que los Romanos fueron señores del mundo, tenían unas escuelas en Roma donde se aprendía el termino y prática que los soldados han de tener y, de allí, los sacaban para ir a hazer las jornadas que se ofrezían. Y por ir tan diestros y exercitados, siempre salían vitoriosos, siendo ellos menos que sus enemigos. [] Pareciendo al imperio romano que no había en el mundo quien le pudiese ofender, mandaron que no hubiese más las escuelas de la milizia que solía haber y, en quitando, que las quitaron, en poco tiempo fueron perdidos y sujetos1.

Un « humble soldat » écrivant au roi le 23 décembre 1589.

Introduction

Ce soldat anonyme jouant larbitrista auprès du roi et de son conseil de guerre raconte une histoire qui, bien que très courte, est riche en enseignements. Selon lui, le succès de lempire romain reposait avant tout sur des « écoles » où les soldats recevaient leur formation avant dacquérir une véritable expérience du combat. Lorsque, péchant 358dorgueil, les Romains décidèrent de fermer ces centres de formation militaire, lempire seffondra. De là à faire le parallèle entre lancien empire romain et lactuel empire de Philippe II, il ny avait quun pas… Cette lettre pourrait très bien être interprétée comme exprimant lopinion excentrique dun individu inconnu, mais il savère quelle est conservée au milieu des documents traités par le conseil de guerre durant le mois de décembre 1589. La réflexion sur les rapports entre puissance impériale et formation militaire de cet humble individu attira certainement lattention des têtes de ladministration militaire de la Monarchie hispanique. Dans ce moment de crise qui suivit le désastre de la Grande Armada, le mot escuela (école) revenait de plus en plus fréquemment dans les discussions du conseil. Nul doute que certains de ses membres, si ce nest tous, commençaient à partager lavis de ce soldat anonyme sur limportance de la formation militaire pour soutenir la puissance impériale.

Létude précédente sur lécole dartilleurs de Séville soulève de nombreuses questions quant aux mécanismes de formation des artilleurs au service de la Monarchie hispanique. Il faut le souligner une fois de plus, un tel degré de formalisation et dinstitutionnalisation des pratiques de transmission des savoirs apparaît tout à fait original à cette époque où la grande majorité des connaissances étaient transmises de manière informelle, de maître à apprenti, parfois dans le cadre institutionnalisé dune corporation2. Mais alors, lécole de Séville fut-elle un cas isolé, un cas particulier, même au sein du monde socioprofessionnel de lartillerie ? Si dautres centres de formation des artilleurs existèrent, combien furent-ils ? À quelle date furent-ils mis en place ? Dans quel contexte ? Et doù viennent ces pratiques dexamen et denseignement théorique et pratique ? Sont-elles spécifiques aux artilleurs ?

La mise en place décoles dartilleurs pour soutenir les besoins de lempire espagnol est un sujet méconnu car très peu étudié par lhistoriographie. Certes, ces écoles sont brièvement mentionnées dans 359quelques grandes œuvres3, mais rares sont les historiens qui leur ont consacré plus de quelques lignes. Les récentes publications au sujet des écoles dartilleurs sont pour la plupart le fait de militaires à la recherche dune généalogie du corps dartillerie moderne4. La seule exception notable est le groupe dhistoriens des sciences espagnols construit autour de José María López Piñero5 et incluant Mariano Esteban Piñeiro6 ainsi que María Isabel Vicente Maroto7. Néanmoins, les développements de tous ces auteurs à propos des écoles dartilleurs (en dehors du cas de lécole de Séville) reposent principalement sur le travail de Jorge Vigón8, qui sest lui-même appuyé essentiellement sur des articles écrits par des militaires espagnols à la fin du xixe siècle. Autrement dit, aucun travail approfondi sur des documents darchives na été effectué depuis quAdolfo Carrasco y Sáiz publia en 1887 un long article sur les « systèmes dinstruction du corps dartillerie9 », étude intéressante et pionnière, mais ne citant pas ses sources. Par conséquent, 360ce chapitre propose de retourner aux sources pour comprendre la mise en place et le fonctionnement des écoles dartilleurs de la Monarchie hispanique.

Les paragraphes suivants mettront dabord en évidence que les premières écoles de la Monarchie apparurent dans ses territoires italiens, à Milan et en Sicile. En réalité le concept et le terme décole dartilleurs nétaient en rien innovants ; ils trouvaient leur source dinspiration dans ce qui se faisait au sein des États voisins et notamment à Venise. Néanmoins, cette origine « italienne » des écoles dartilleurs ne doit pas masquer le fait quil y avait, dans la péninsule ibérique, dès le milieu du xvie siècle, des pratiques de formation et dexamen des artilleurs qui, sans revêtir la forme institutionnalisée de l« école », en partageaient un certain nombre de caractéristiques. Le chapitre montrera également que ces pratiques nétaient pas spécifiques au monde de lartillerie et quil existait des examens sous forme de questions dans dautres professions liées à la Monarchie mais aussi liées au monde de lartisanat. Enfin, ce chapitre relatera comment les créations décoles dartilleurs se généralisèrent au lendemain du désastre de lInvincible Armada, la Monarchie hispanique se dotant alors dun important réseau de centres de formation destinés à générer les compétences vitales à ses grands projets atlantiques.

Lorigine italienne
des escuelas de artilleros

Dans la documentation de ladministration militaire espagnole, les escuelas de artilleros, cest-à-dire les écoles dartilleurs, sont pour la première fois mentionnées en relation avec les possessions italiennes de la Monarchie. Dans le duché de Milan, dès les années 1560, des projets décole furent conçus en sinspirant des modèles voisins et en particulier des écoles que les Vénitiens avaient mises en place dans les principales villes de leur territoire. Toutefois, les projets milanais traînèrent en longueur et cest finalement en Sicile quun personnage politique de premier plan, le duc de Terranova, institua à partir de 1575 les premières écoles 361dartilleurs véritablement pérennes. Cette partie vise donc à comprendre la mise en place de ces premières institutions et à sinterroger sur leur origine italienne et sur leur contexte dapparition.

Les premières écoles à Milan
et linspiration vénitienne

Létablissement dune école dartilleurs à Milan fut le résultat dun long processus qui sétendit des années 1560 aux années 1580. La première mention dune école remonte à lannée 1564, lorsquun certain Adrian Verbeque présenta au gouverneur de Milan, Gabriel de la Cueva, duc dAlburquerque, les grandes lignes dun projet de mise en place dune école de cent artilleurs à Milan10. La dimension pédagogique du projet est soulignée par le recours répété au vocabulaire écolier. Non seulement le document de Verbeque emploie-t-il systématiquement le terme de escuela (« école ») pour désigner cet établissement, mais il inclut également les salaires de quatre caporaux para enseñar a los escolares (« pour enseigner aux écoliers »). Contrairement au cas sévillan où lécole avait dabord été conçue comme un office, le projet milanais apparaissait dès lorigine comme une véritable institution de formation. Malheureusement, ce document demeure assez flou quant aux réelles pratiques impliquées dans le cursus, le seul point clair étant que chaque escolar (« écolier ») devait sentraîner au tir deux fois par mois. Ce premier projet mit toutefois beaucoup de temps à voir le jour. En 1567, il reçut lapprobation de deux personnages importants, Gabrio Serbelloni, capitaine et ingénieur militaire de grande renommée, et César de Napoles, le capitaine général de lartillerie du duché de Milan11. En 1569, sur ordre du roi, le duc dAlburquerque lança la mise en place de cette escuela de artilleros, première institution de ce nom que jai pu trouver dans les sources concernant les territoires de la Monarchie hispanique12.

Néanmoins, cette première école dartilleurs neut pas dexistence pérenne. En 1576, le marquis dAyamonte, successeur du duc dAlburquerque au gouvernement du duché de Milan, écrivait que

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lorsque, sur la recommendation dAdrian Verbeque, sa Majesté ordonna il y a quelques années la mise en place et le maintien dune école dartilleurs dans cette ville [], celle-ci fut commencée et lon sy entraîna, mais tout sarrêta parce que certains magistrats ordinaires y firent obstacle13.

Une école dartilleurs fut donc manifestement établie à Milan en 1569, mais les conflits de gestion de lartillerie opposant les agents du roi aux élites milanaises14 résultèrent en sa fermeture, après seulement quelques années de fonctionnement, daprès le capitaine général de lartillerie don Jorge Manrique15. Plusieurs cabos (« chefs descadre »), payés entre quatre et six écus par mois, y avaient été chargés de la formation dun nombre inconnu descolares16. Contrairement au cas de lécole de Séville où les apprentis ne touchaient aucune indemnité durant leur formation, cette première école milanaise offrait comme incitation aux apprentis non seulement la jouissance de privilèges particuliers tels que le port darme mais aussi la perception dun salaire dun écu par mois.

Le constat déchec de cette première expérience menée en 1569 par Adrian Verbeque et le duc dAlburquerque incita quelques années plus tard le nouveau gouverneur, le marquis dAyamonte, et son capitaine général de lartillerie, le même Jorge Manrique, à proposer un nouveau projet décole. En 1576, le marquis écrivit au roi à propos des avantages quil y avait à disposer dune telle institution17. En 1577, le roi et son conseil dÉtat donnèrent leur accord pour quun nouveau projet décole vît le jour18. Signe de lavancement du projet, en mars 1578, le marquis dAyamonte envoya à Madrid les règles de fonctionnement dune nouvelle école dartilleurs que lui avait remises le capitaine général de lartillerie don Jorge Manrique19.

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Ce dernier document fournit de précieuses informations sur le fonctionnement théorique de lécole. Comme dans le cas de Séville, la formation sadressait à des individus en milieu de parcours professionnel. En effet, pour intégrer lécole, les apprentis (toujours escolares dans les sources) devaient avoir entre 25 et 40 ans. La problématique de la loyauté au roi était également essentielle puisquon ne pouvait participer aux leçons quà condition dêtre né dans un territoire vassal de Philippe II et de lui jurer une exclusivité de service. Comme dans le premier projet dAdrian Verbeque, cette école était censée accueillir 100 apprentis. À sa tête, un directeur touchant six écus par mois était en charge « denseigner toutes les choses appartenant à lart de lartilleur20 ». Il était en quelque sorte un équivalent de lartillero mayor de Séville, mais il était en plus secondé dans sa tâche par quatre cabos de escuadra (« chefs descadre »), chacun chargé de la formation particulière de 25 apprentis. Chaque escadre devait se réunir au moins une fois par semaine tandis que lensemble des apprentis devait se réunir au moins une fois par mois « pour sentraîner ». La présence dun terrain dentraînement, comme dans le cas sévillan, ne faisait absolument aucun doute. En revanche, les règles de fonctionnement de lécole nexplicitaient pas clairement lexistence dun enseignement théorique séparé des pratiques de tir. Enfin, cette formation était, comme à Séville, sanctionnée par la pratique de lexamen dartilleur. En effet, les règles de lécole spécifiaient que laccès aux postes rémunérés dartilleur était conditionné par le passage dun examen devant le capitaine général de lartillerie.

Cet ensemble de cent apprentis était censé constituer une sorte de réserve dans laquelle la Monarchie pouvait puiser ses futurs artilleurs selon ses besoins. En effet, les règles précisaient que, si une place dartilleur se libérait dans lune des garnisons du duché de Milan, le meilleur des apprentis aurait la possibilité de lobtenir. Cette règle visait avant tout à générer de lémulation dans le but daméliorer les compétences de chacun. De plus, la Monarchie se réservait le droit 364de disposer deux selon son bon vouloir en cas de nécessité puisque les règles stipulaient que

ceux qui joignent lécole doivent jurer de servir Sa Majesté aussi bien ici quà tout endroit où il y aurait besoin de les envoyer, selon les nécessités, sans faire aucune résistance21.

Autrement dit, ces apprentis pouvaient être recrutés en préparation des grandes opérations militaires, lorsque les besoins en artilleurs se faisaient soudainement plus pressants. En contrepartie de cette obligation, et en incitation à leffort dapprentissage, les élèves de lécole bénéficiaient de privilèges assez proches de ceux des artilleurs de la péninsule ibérique22. On leur octroyait notamment le droit de porter des armes ainsi que des exemptions de taxes dont la valeur était estimée par le capitaine général de lartillerie à environ deux écus par an et par individu.

Ce projet décole ne vit toutefois pas le jour avant plusieurs années. En effet, lorsquen 1583, le duc de Terranova arriva à Milan en tant que nouveau gouverneur, il décrivit au roi létat catastrophique dans lequel se trouvait lartillerie, ajoutant quil manquait dartilleurs et que très peu dentre eux connaissaient suffisamment leur art23. Le capitaine général de lartillerie qui était toujours le même don Jorge Manrique, proposa une nouvelle fois quon mît enfin à exécution le projet24. Terranova mena semble-t-il son enquête, rassemblant des documents relatifs aux premiers projets décoles et envoya un dossier au roi, en 1585, insistant sur limportance de cette institution25. Cette démarche porta sans aucun doute ses fruits, puisque lécole dartilleurs de Milan existait encore en 1596, même si, malheureusement, les détails de son fonctionnement restent inconnus26. Mise en place par lauteur du projet de 1578 à partir des documents de 1569, il est tout de même raisonnable démettre lhypothèse que son fonctionnement se rapprochait de celui décrit précédemment par les règles de 1578.

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Les difficultés engendrées par la mise en place de cette école milanaise qui sétala sur une vingtaine dannées ont par bonheur généré une certaine quantité de documents permettant de mieux comprendre les origines de linstitution. Dabord les raisons de louverture de cette école apparaissent de manière univoque. À Milan, comme à Séville, lécole fut ouverte pour éviter le recours aux artilleurs étrangers, en particulier allemands27. Comme le troisième chapitre la mis en évidence, Milan était un avant-poste de recrutement des artilleurs de Haute Allemagne et les gouverneurs successifs furent pour la plupart confrontés aux difficultés de recruter ces artilleurs étrangers, de contrôler leurs aptitudes et de les conserver au service de la Monarchie hispanique28. Adrian Verbeque, linitiateur du premier projet, en avait certainement fait lexpérience puisquil était un spécialiste reconnu de ces recrutements, comme le montre cette lettre du roi au duc de Terranova :

Le manque dartilleurs quil y a par ici nous fait regarder du côté du comté de Tyrol et dautres régions où lon pourrait recruter un certain nombre dentre eux [] et comme Adrian Verbeque est familier de ces régions et de ce type de démarches pour sen être occupé dautres fois [] vous pourrez lenvoyer29.

Dailleurs, qui était cet individu qui fut le premier à proposer un projet décole dartilleurs ? Son nom, probablement « Verbeke », porte à croire quil était dorigine flamande. Depuis le début des années 1560 jusquà la fin du siècle, il servit le roi dans le duché de Milan en qualité de lieutenant du veedor general, lofficier royal supervisant la gestion quotidienne de lappareil militaire milanais30. De plus, comme la citation précédente le met en évidence, Adrian Verbeque était impliqué dans le recrutement des mercenaires allemands, tâche pour laquelle il fut parfois envoyé sur place, en tant que commissaire de montre31. Il est tout à fait possible que son projet décole fût inspiré de ce quil vit lors de ses déplacements dans les territoires dautres princes.

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Dautres indices permettent didentifier les sources potentielles dinspiration de ce projet à lextérieur des territoires de la Monarchie hispanique. Ainsi en 1569, le projet soutenu par le duc dAlburquerque était bien de créer une école de cent artilleurs « comme lont les Vénitiens et dautres princes en Italie32 ». En 1576, le rayon dinspiration sétait élargi puisquon souhaitait créer une école dartilleurs « comme cela se fait en Allemagne dans de nombreuses cités libres et en Italie, dans les terres des Vénitiens et autres33 ». En 1585, encore, le duc de Terranova réitérait le recours à lexemple des « États voisins et dautres dEurope » qui possédaient déjà ce type dinstitutions34. Ces divers témoignages révèlent donc que des écoles dartilleurs existaient dans certains États italiens et allemands avant les années 1570. Le duché de Milan, plaque tournante des armées de la Monarchie hispanique entre la péninsule italienne et lAllemagne, constituait un avant-poste dobservation des pratiques dadministration militaire des États voisins. Les agents tels quAdrian Verbeque, Jorge Manrique et les gouverneurs successifs de Lombardie furent aux premières loges de lapparition de ces écoles dartilleurs, et ils nhésitèrent pas à sen inspirer pour le service du roi dEspagne. Une brève comparaison avec les écoles de la République de Venise, modèle dinspiration le plus récurrent dans les sources, mettra clairement en évidence les nombreuses ressemblances avec les écoles dartilleurs créées sous Philippe II.

La République de Venise fut très probablement le premier État à ouvrir des écoles dartilleurs35. En effet, lexistence dune école réunissant les artilleurs de la ville de Venise remonte à lannée 150036. Deux années plus tard, une école de trente apprentis fut mise en place à Vérone, puis des efforts furent réalisés en 1506 pour en ouvrir une à Padoue37. Dans 367les années 1570, le phénomène avait pris une certaine ampleur et de telles écoles étaient en place dans toutes les grandes villes de Terra Ferma telles que Brescia, Vicenza, Bergame, Udine, Orzinuovi, Trévise, Crema. Des centaines dartisans charpentiers, maçons, forgerons et tailleurs de pierre y recevaient une formation les préparant à servir dans la flotte vénitienne et dans ses nombreuses forteresses en Méditerranée38. Comme dans le cas de lEspagne, une relation explicite peut être établie entre lexistence de ces centres de formation dartilleurs et le maintien dun vaste empire maritime39. Malgré une relative abondance de sources qui nattendent que dêtre dépouillées, ces écoles vénitiennes ont très peu attiré lattention des historiens. Néanmoins, un rapide aperçu de leur fonctionnement suffira à mettre en évidence les ressemblances avec les projets de lécole de Milan, ainsi quavec les pratiques de lécole de Séville.

Les pratiques denseignement en usage dans les écoles vénitiennes napparaissent clairement dans la documentation quaprès plusieurs décennies de fonctionnement. En effet, dans le vocabulaire administratif vénitien, le mot scuola renvoyait avant tout aux confréries, ces associations rassemblant des individus autour du culte à un saint patron. Par conséquent, à la création de lécole en 1500, il est difficile didentifier précisément si le terme de scuola renvoyait déjà à lidée dun lieu de formation et de transmission des savoirs ou bien sil sagissait simplement dune confrérie dartilleurs dédiée au culte de Sainte Barbe40. Cependant, entre les années 1530 et 1570, un faisceau dindices permet de mettre en évidence lexistence des trois composantes de lenseignement identifiées dans le cas de lécole de Séville : un enseignement pratique sur un terrain dentrainement, une formation théorique à lart de lartilleur et, enfin, la pratique de lexamen dartilleur sous forme de questions.

Dabord, les artilleurs de la scuola de Sainte Barbe de Venise se réunissaient régulièrement pour des sessions de tir sur cible. Ainsi, dès les 368années 1530, des concours de tirs au fauconneau furent organisés deux fois par an entre les artilleurs de lécole de Venise et ceux des autres écoles de Terra Ferma41. En 1570, le livre de la scuola précisait que le premier dimanche de chaque mois, les artilleurs devaient sexercer au tir lors de ce qui sappelait un palio, cest-à-dire un concours lors duquel il y avait probablement un prix à gagner pour les meilleurs tireurs42. En 1571, lorsque le conseil des Dix fit imprimer des règles pour lécole, il donna un statut institutionnel à cette pratique du palio organisé le premier dimanche de chaque mois et réunissant les 300 artilleurs de lécole43. Signe de la volonté dimplication de lÉtat dans cette école-confrérie, la Sérénissime fournissait même la poudre nécessaire à lexercice, qui avait lieu, selon Mallet et Hale, sur le champ de SantAlvise, au bord de la lagune44. En outre, cette pratique sinscrivit dans le temps puisquelle figurait encore dans les règles de 1607 imprimées par les provéditeurs à lartillerie45. En plus de ces concours mensuels, les règles de 1571 prévoyaient des réunions de tous les artilleurs de lécole sous forme de montres lors desquelles chaque individu devait tirer avec une pièce dartillerie devant les membres du conseil des Dix et les provéditeurs à lartillerie46. En 1607, les règles apportèrent les précisions suivantes quant au déroulement de ces deux montres annuelles :

Lon doit faire chaque année deux montres sur le Lido, en présence au moins dun Illustrissime Seigneur Provéditeur, lors desquelles en démonstration, les artilleurs devront sexercer à tirer avec six fauconneaux, en tirant à terre à une distance de 300 ou 400 pas et, lors de la seconde montre, ils tireront sur une cible en mer à une distance de 400 pas47.

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Comme dans les cas de Séville et de Milan, lenseignement théorique est plus difficile à distinguer dans les sources. Le livre de la scuola indiquait en 1573 que douze chefs descadre étaient obligés de réunir leurs artilleurs deux fois par mois pour leur « enseigner les choses relevant de lartillerie48 ». Ces réunions bimensuelles par petits groupes de 25 individus étaient sans doute loccasion déchanger des connaissances sur un plan plus théorique que les sessions de tir du dimanche. Les règles de 1607 reprenaient cet élément denseignement bimensuel en petit comité tout en y ajoutant une composante supplémentaire :

Que le chef des artilleurs de cette ville soit tenu en hiver comme en été de réunir chaque soir chez lui le nombre dartilleurs quil estimera adapté, afin de leur enseigner et de les examiner dans toutes les choses de lart49.

Ces réunions en fin de journée chez le principal maître artilleur de la ville nétaient sans rappeler les deux heures quotidiennes de leçons que lartillero mayor proposait aux apprentis artilleurs de Séville. La terminologie employée dans ce document suggère quil y avait bien un enseignement théorique dans cette école vénitienne au plus tard à partir du début du xviie siècle.

La pratique de lexamen paraît quant à elle remonter aux premières années de fonctionnement de la scuola. Un règlement de 1507 stipulait que pour être admis en tant que maestro bombardiero (« maître artilleur ») au sein de la confrérie, il était nécessaire dêtre « examiné sur les choses appartenant à lart50 ». Puis les règles de la communauté fusionnèrent progressivement avec les structures de lÉtat qui employait ses membres. Ainsi, en 1533, le conseil des Dix, mécontent de lincompétence de 370certains artilleurs sur ses galères, demanda à tout artilleur de lécole de passer un examen en présence dun député de larsenal51. Ces individus devaient y démontrer leurs compétences dans le maniement de lartillerie et la confection des artifices de feu. En 1539, la réglementation se durcit : tout artilleur au service de la Sérénissime était obligé de passer un examen devant le provéditeur à lartillerie et différentes autorités techniques telles que le chef des artilleurs, les fondeurs et les officiers en charge de la poudre52. Les règles de lécole publiées en 1571 expliquaient sans ambigüité que le passage du statut de scolari à celui de maestri (cest-à-dire dapprenti à maître) était sanctionné par un examen53. Enfin les règles de 1607 précisaient que chaque apprenti disposait dune durée de six mois pour passer son examen, renouvelable seulement une fois en cas déchec54. Ce même document spécifie que les chefs descadre devaient quant à eux passer un examen propre à leur fonction de formateur et que lun dentre eux devait être présent lors des examens dartilleur. Quant à la nature de cet examen, elle nous est fournie par un document des archives particulières de Giacomo Contarini portant le titre d« examen qui se fait aux artilleurs à larsenal55 ». Bien que sans date, ce document remonte probablement aux années 1593-1595, lorsque Contarini fut provéditeur à larsenal56. Or, il présente une série de questions à poser aux artilleurs accompagnées des réponses attendues, ce qui nest pas sans rappeler les preguntas y repreguntas faites aux apprentis artilleurs de Séville devant les juges de la casa de la contratación. À Venise, comme à Séville, le contrôle des compétences des artilleurs était avant tout un contrôle de connaissances.

Par ailleurs, il faut noter que les similitudes entre lorganisation des écoles vénitiennes et les projets de lécole de Milan sont flagrantes. À Venise, lécole fut placée sous lautorité dun directeur qui nétait autre 371que le chef des artilleurs de larsenal57. Toutefois, la taille de lécole, rassemblant 300 artilleurs, rendait la mission denseignement difficile à réaliser pour un seul homme. Cest la raison pour laquelle il était secondé par douze « capi di squadra », chefs descadre, chacun à la tête dun groupe de 25 individus58. Il sagissait précisément du chiffre indiqué en 1578 dans le projet de lécole dartilleurs de Milan proposé par le capitaine Jorge Manrique59. Il ny a ici que peu de place pour la coïncidence. Le projet de création dune école dartilleurs à Milan sinspirait clairement du modèle des voisins vénitiens. Le vocabulaire employé par les agents de la Monarchie hispanique traduisait en castillan les vocables vénitiens scuola/escuela, scolari/escolares, capi di squadra/cabo de escuadra, etc. Le système de rémunération du projet milanais reprenait presque à lidentique celui de la Sérénissime où le directeur et les chefs descadre recevaient un salaire, tandis que les apprentis bénéficiaient simplement de privilèges, notamment le port darmes ainsi quune exemption de taxe denviron deux ducats60. Lidée que lécole de Milan fût une sorte de réserve dartilleurs dont lÉtat pouvait se servir selon ses besoins correspondait aussi précisément au rôle des écoles vénitiennes. À Venise, les artilleurs devenus maîtres après avoir passé leur examen étaient prioritaires pour les postes de garnisons en Terra Ferma61. De même, tous les membres des écoles dartilleurs avaient un devoir de service et ne pouvaient sabsenter sans autorisation des provéditeurs à lartillerie62. Autrement dit, les projets successifs dimplanter une école dartilleurs à Milan furent autant de tentatives dintégrer à ladministration militaire de Lombardie une institution vénitienne que certains agents du roi dEspagne considéraient comme particulièrement intéressante.

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Le modèle vénitien des écoles dartilleurs sexporta-t-il en dehors du duché de Milan ? Lintérêt du cas milanais réside dans le fait que les sources révèlent un lien explicite entre les projets de création dune école dartilleurs et les institutions en place dans les États voisins au premier chef desquels figuraient les Vénitiens. Les informations concernant ces écoles circulaient toutefois très probablement dans tout lempire à travers divers moyens. Dabord, il faut rappeler limportante circulation des individus. Comme la montré le troisième chapitre, les flottes atlantiques employaient une certaine proportion dartilleurs vénitiens qui durent sans aucun doute parler de ces institutions63. Comment évaluer par exemple linfluence dun certain Maestro Gerónimo, vénitien dorigine, qui servait en tant que condestable sur les principaux galions de la carrera de Indias64 à lépoque de la création de lécole de Séville ? Vu sa position remarquable parmi les artilleurs des flottes transatlantiques, il connaissait certainement Andrés de Espinosa, lhomme à lorigine de la création de lécole sévillane, qui avait lui aussi servi dans les mêmes flottes. Dailleurs, quelques années après la création de lécole, on retrouvait ce même Maestro Gerónimo sur le terrain dentraînement65. Des informations sur les écoles dartilleurs furent également échangées entre les têtes de ladministration militaire de la Monarchie, puisque les gouverneurs successifs de Milan informèrent le roi et les conseillers madrilènes de leurs initiatives. Un exemple plus tardif (1604) de tels échanges apparaît dans une lettre du capitaine général don Juan de Acuña dans laquelle il raconte sêtre inspiré dun papier du gouverneur de Milan pour réformer certaines écoles dartilleurs de la péninsule ibérique66.

Enfin, limprimerie contribua également à la diffusion du modèle vénitien. Lun des traités dartillerie les plus connus de lépoque, publié à Milan par Luis Collado en 1592, proposait ainsi des règles de fonctionnement pour les écoles dartilleurs67. Sa manière de traiter du sujet montre quà son époque, les écoles dartilleurs étaient devenues des institutions relativement courantes. Collado, expliquait ainsi quen général, 373ces écoles possédaient un terrero, terrain de tir denviron 300 pas de long, doté de cibles en bois. Un cabo maestro ou chef instructeur était chargé de superviser les tirs, mais aussi de donner un enseignement théorique aux élèves. Un majordome, souvent sans salaire, était responsable du matériel. Il gagnait sa vie en vendant la poudre et les balles aux apprentis qui souhaitaient pratiquer en dehors des cours, ainsi quaux nombreux aventuriers ayant un goût pour lartillerie et souhaitant simplement tirer pour le plaisir, sans faire partie de lécole. Enfin, Luis Collado fournissait un ensemble de règles de vie pour cette communauté, dont un certain nombre dœuvres pieuses dédiées au culte de Sainte Barbe, ce qui démontre une fois de plus lintrication entre lieu denseignement et confrérie religieuse. Or, à la fin de son exposé, Luis Collado couvrit de louanges le modèle vénitien des écoles dartilleurs, le meilleur selon lui, et sans aucun doute sa principale source dinspiration. Son traité, écrit en castillan, adressé au roi Philippe II et tiré à de nombreux exemplaires, contribua sans doute à diffuser dans lempire espagnol le concept décole dartilleurs qui avait émergé en Italie quelques décennies plus tôt. Néanmoins, comme la suite de ce chapitre le montrera, lapparition des écoles dartilleurs dans lempire espagnol fut un phénomène complexe, dépassant le seul emprunt aux écoles vénitiennes.

Le duc de Terranova, promoteur décoles
en Sicile et à Milan

La mise en place décoles dartilleurs pérennes dans les États italiens de la Monarchie hispanique fut le résultat de laction dun personnage politique de premier plan : Carlo dAragona e Tagliavia, duc de Terranova. Né à Palerme vers 1530, Carlos de Aragon, comme il est souvent nommé dans les sources castillanes, venait de la très haute aristocratie sicilienne, descendant dune branche bâtarde de la famille royale des Aragon de Sicile68. Son père, Juan de Tagliavia, seigneur de Castelvetrano et marquis de Terranova, avait assumé à deux reprises le rôle de président et capitaine général du royaume de Sicile. Carlos 374était quant à lui parvenu à collectionner les titres puisquil était devenu prince de Castelvetrano69, duc de Terranova, marquis dAvola et comte de Borghetto. Il était sans aucun doute lun des personnages les plus puissants de Sicile, portant les titres de Grand Amiral et de Grand Connétable du conseil de Sicile70. Ses réseaux sétendaient bien au-delà de son île natale puisquil était un proche du puissant entrepreneur génois Gian Andrea Doria, perçu comme lun des cinq principaux acteurs du « parti de la guerre » au conseil dÉtat du roi Philippe II, à Madrid71. Il jouissait indéniablement de la confiance de son souverain quil servit en tant que président de Sicile72 entre 1566 et 1568, et entre 1571 et 1577, puis en tant que vice-roi de Catalogne (1581-1582) et enfin en tant que gouverneur du duché de Milan de 1583 à 1592. Lorsquen 1578, lempereur Rodolphe proposa de présider, à Cologne, une réunion avec les députés des États rebelles des Pays-Bas en vue dune pacification, ce fut le duc de Terranova que Philippe II choisit comme son représentant pour mener les négociations73. Preuve ultime de la satisfaction de ses services, il obtint du roi, en décembre 1585, le collier de lordre de la Toison dOr74. La relation de confiance entre Philippe II et cet homme à la carrière politique exceptionnelle est perceptible dans une lettre que le monarque écrivit de ses propres mains au duc en 1589 pour annoncer quil offrait à ce grand serviteur de la Monarchie de nombreuses grâce à ses descendants :

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La grande satisfaction que jai de votre personne peut se reconnaître dans la confiance que jai toujours eu en vous, et pour continuer de la sorte, je veux maintenant user avec Vous de mots que juse avec peu de gens75

Lintérêt de ce puissant personnage pour les écoles dartilleurs émergea dans un contexte précis de crise au milieu des années 1570. Le duc de Terranova avait commencé sa carrière au service de la Monarchie hispanique par la voie militaire, prenant part à lentreprise dAlger en 1541 puis aux guerres en Allemagne et dans le nord de la France jusquà la fin des années 155076. Entre 1566 et 1568, il obtint son premier véritable rôle politique important, celui de président de Sicile, assumant, sans en avoir le titre, la fonction de vice-roi. En 1571, juste après la victoire de Lépante, il fut nommé pour la seconde fois à cet office77. Or, la Sicile joua alors un rôle clé davant-poste en Méditerranée dans ces dernières années daffrontement avec lEmpire Ottoman. Dans lespoir de tirer quelques bénéfices de la faiblesse des forces navales ottomanes suite aux lourdes pertes subies à Lépante, des projets de conquête de ports dAfrique du nord furent discutés parmi les principaux acteurs du gouvernement de Philippe II78. La cible choisie fut la ville de Tunis, située juste en face de la Sicile, lieu stratégique permettant un verrouillage de la Méditerranée occidentale. Qui plus est, malgré la conquête de la ville par les Ottomans en 1569, les Espagnols étaient parvenus à conserver la forteresse de La Goulette contrôlant laccès de Tunis à la mer. La Monarchie souhaitait donc y renforcer sa position. À lautomne 1573, le héros de Lépante, don Juan dAutriche, partit à la tête dune armée de plus de cent galères et conquit la ville sans difficulté79. Il y laissa une importante garnison, placée en partie sous le commandement de lingénieur Gabrio Serbelloni, qui sétait proposé de construire une forteresse près de la ville, le reste des hommes étant confié au gouverneur 376de la Goulette, Pedro Portocarrero80. Cependant, du fait de la proximité entre Tunis et la Sicile, lapprovisionnement et la sécurité de ces deux forteresses étaient placés sous la responsabilité du président de Sicile, le duc de Terranova81.

La crise survint toutefois en 1574, lorsquune gigantesque flotte ottomane fut envoyée pour chasser les Espagnols de Tunis et la Goulette. Ces deux places fortes étaient de taille tout à fait exceptionnelle, considérées comme imprenables par les experts de lépoque. Leur artillerie sy comptait en dizaine de pièces82 et don Juan dAutriche y avait laissé, après la conquête de Tunis, une garnison de 8 000 hommes83. Cependant, les effectifs envoyés par la Grande Porte étaient encore dune toute autre échelle : selon un esclave échappé des galères turques, une armée de plus de 50 000 hommes avait été embarquée sur près de 250 navires de guerre, transportant plus dune centaine de pièces de batterie84. Les Turcs arrivèrent le 13 juillet 1574 et se déployèrent en vue dun long siège. La détresse des défenseurs face à lavancée inexorable de cette immense armée est perceptible à travers la correspondance que purent entretenir Gabrio Serbelloni et Pedro Portocarrero avec le duc de Terranova, grâce au courage de quelques individus qui parvinrent régulièrement à se glisser, de nuit, par barque, entre les galères du blocus ottoman85. Subissant de lourdes pertes, complètement débordés par les forces ottomanes, ces deux commandants ne cessèrent de demander en vain une aide extérieure86. Après seulement quelques semaines de siège, le 25 août, 377larmée ottomane lança un dernier assaut qui emporta la Goulette, laissant seulement 73 survivants parmi les 2 800 hommes que comptait à lorigine la garnison87. Le 13 septembre, Gabrio Serbelloni rendit à son tour le fort quil venait de construire à Tunis quelques mois plus tôt.

Il savère que, lors de ce siège, la problématique de disposer dun nombre suffisant dartilleurs apparut comme un enjeu essentiel. La forteresse de la Goulette disposait au début de lannée 1573 de 34 artilleurs, un maître artilleur et un capitaine dartillerie, auxquels le duc de Terranova ajouta en avril 1573 un renfort de dix artilleurs siciliens88. Cependant, lors des combats, ces artilleurs furent systématiquement pris pour cibles par les tirs ottomans. Le 26 juillet, le commandant Pedro Portocarrero informa ainsi Terranova quil avait perdu déjà deux artilleurs sans compter les blessés89. Le 6 août, il ne lui restait plus que neuf artilleurs, et le fort de Tunis nen avait plus que huit, de sorte quil devenait difficile, daprès le commandant Portocarrero, dutiliser lartillerie90. Ce constat alarmant fut réitéré de vive voix par le capitaine Pedro de Loaysa qui, après sêtre échappé du siège le 9 août 1574, confirma au duc de Terranova quil ny avait plus que huit artilleurs survivants à la Goulette91. Malgré des ressources et une marge de manœuvre limitées, Terranova chercha des solutions de secours. Vers le 10 août, il envoya durgence à la Goulette, dans une petite embarcation, huit artilleurs sous le commandement du capitaine Federico Venusta dont le duc louait les aptitudes92. La relation dun ragusain échappé du camp turc confirma à Terranova que lenvoi de ces artilleurs contrecarrait la tactique des Turcs qui cherchaient à réduire à néant la capacité de feu 378de la Goulette et qui, soudainement, souffraient en particulier de lun dentre eux – sagissait-il du fameux Venusta ? – « faisant de nombreux artifices de feu93 ». Entre temps, Terranova avait préparé lenvoi de deux galères, quil était prêt à risquer afin de faire entrer en renforts dans la Goulette 300 soldats et 21 artilleurs, chiffre quil navait pu atteindre, selon ses dires, quau prix de grands efforts94. Parties le 16 août, ces galères souffrirent de mauvais vents et ne purent parvenir à destination avant la prise de la Goulette le 25 août95.

Les conséquences immédiates de la perte de ces deux forteresses furent un traumatisme important mêlé à des craintes dune invasion ottomane, en particulier en Sicile qui se trouvait si proche du lieu des combats. Informé dans les moindres détails de ce qui sétait passé à la Goulette, le duc de Terranova était alors parfaitement conscient de la vulnérabilité de lîle dont il avait le commandement. En complément des plans préventifs du conseil dÉtat (envoyés depuis Madrid) visant à renforcer les garnisons siciliennes et napolitaines96, Terranova lança quelques procédures durgence pour la défense du royaume97. Portant principalement sur lartillerie et les munitions, ses ordres montrent quil avait clairement su tirer une leçon des combats à la Goulette : il était indispensable de disposer dartilleurs qualifiés en nombre suffisants. Il envoya lingénieur Locadello inspecter les effectifs dartilleurs de toutes les forteresses et le lieutenant dartillerie Baldassare Gago leur faire passer un examen pour vérifier leurs compétences98. Au même moment, il demanda à Locadello « dessayer de faire une école dartilleurs99 ». Le duc de Terranova était donc manifestement au courant, en 1575, de lexistence de ce type dinstitutions, preuve que le concept circulait en Italie.

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En contraste complet avec le cas de Milan, en Sicile, face à lurgence de la situation, le projet de création dune école dartilleurs devint une réalité en deux mois à peine. Début janvier 1575, une école dartilleurs ouvrit à Palerme100. Terranova expliqua au roi quil aurait souhaité mettre à la tête de cette école le fameux Federico Venusta quil avait envoyé en renfort à la Goulette, mais que, étant donné que ce dernier était captif des Ottomans, il avait résolu de confier cette tâche à deux artilleurs espagnols, Pedro de Iniesta et Martín García. Or, il spécifia que ces hommes, tous deux servant au château de Palerme, « avaient été formés à la discipline de Milan101 ». Il faut sans doute déduire de ces mots que ces deux individus avaient pris part à la première école de Milan, celle de 1569, qui navait fonctionné que quelques années.

Il faut en outre remarquer que les règles de lécole de Palerme ressemblaient grandement à celles du projet milanais et donc, par extension, à celles pratiquées à Venise102. Dabord, le vocabulaire employé était très semblable, puisquon parlait dune scuola dartiglieri et que les apprentis étaient désignés sous le terme de scuolari. Comme à Milan, il sagissait de former cent artilleurs, mais à Palerme la structure dencadrement était plus réduite puisquil ny avait que deux enseignants (appelés maestri et non pas capi), au lieu de quatre plus un directeur à Milan. Comme à Venise, lécole jouait aussi le rôle de confrérie dédiée au culte de Sainte Barbe et le recrutement visait principalement des artisans forgerons, charpentiers, maçons, fondeurs, fabricants darmes103. Comme à Venise, à Milan et, plus tard, à Séville, lécole devait disposer dun terrain dentraînement sur lequel des sessions de tir partiellement financées par la Monarchie devaient régulièrement avoir lieu. Preuve quil y avait des cours théoriques séparés des exercices de tir, les maîtres de lécole devaient également « enseigner par des leçons la profession et doctrine du bon artilleur104 », sappuyant sur un programme denseignement prédéfini dans les règles de création de lécole105. Enfin, leur formation 380était sanctionnée par le passage dun examen devant les maîtres de lécole ainsi que le lieutenant du capitaine général de lartillerie. Comme dans les autres exemples décoles, les apprentis jouissaient du privilège de port darmes, ainsi que de quelques exemptions, très proches, en réalité, de celles octroyées aux artilleurs de la péninsule ibérique, ce qui pourrait être le résultat de la participation active des deux maîtres espagnols à lélaboration des règles de lécole. Enfin, ces artilleurs étaient bien censés constituer, comme à Milan et à Venise, une réserve dartilleurs disponibles selon les besoins de la Monarchie puisque les apprentis devaient jurer de servir sur terre ou sur mer nimporte où la cour royale de Sicile le leur ordonnerait106.

Non seulement cette institution sinscrivit-elle dans le temps, mais son succès fut confirmé par louverture dautres écoles siciliennes. Ainsi, en 1591, il y avait des écoles dartilleurs à Palerme, à Messine, à Trapani et à Syracuse107. Probablement créées dans les années qui suivirent louverture de lécole de Palerme, ces écoles avaient été logiquement établies dans les principales garnisons de lîle, celles qui possédaient le plus grand nombre de pièces dartillerie108. Ces institutions constituaient dimportantes réserves dartilleurs compte tenu de la modeste taille du territoire. Ainsi, en 1591, le personnel de lécole de Palerme, initialement composé de deux maîtres, avait été augmenté dun cabo de escuela, cest-à-dire un directeur décole109. Ce développement laisse supposer que les effectifs initiaux de lécole, dune centaine dapprentis, avaient été probablement dépassés dans les années suivantes, justifiant lemploi dun troisième homme. À Trapani, le directeur de lécole, Alonso de Salamanca, dorigine espagnole et faisant partie des rares survivants du siège de la Goulette, enseignait avec laide dun autre maître à un ensemble de 70 apprentis110. Avec le même encadrement, lécole de Messine devait sans doute accueillir un nombre comparable délèves. Enfin, celle de Syracuse était probablement de taille plus modeste, avec seulement un maître décole. En dautres termes, ces quatre écoles représentaient 381une importante réserve denviron 300 artilleurs non payés, mais deux à trois fois plus nombreux que les artilleurs payés par la Monarchie en garnison sur lîle111.

Pourquoi ce territoire disposait-il de tant décoles à lheure où la menace ottomane déclinait sensiblement ? Dabord, il faut noter que, malgré la diminution de la pression ottomane, la Sicile resta le principal avant-poste méditerranéen de la Monarchie hispanique. Ainsi, en 1591, le comte dAlba de Liste, qui occupait la fonction de vice-roi, justifiait le maintien de ces écoles par le fait que cette île constituait une « frontière » avec lempire ottoman112. À cette époque, la Sicile disposait de plusieurs grandes forteresses et dun escadron de douze galères qui requéraient un certain nombre dartilleurs113. En outre, le conseil de guerre du roi reconnaissait que ces écoles, et en particulier celle de Trapani, étaient également cruciales dans la lutte contre lintense activité des corsaires dAfrique du nord114. Enfin, générant un surplus dartilleurs à léchelle locale, ces écoles permettaient dalimenter les grands projets darmada mis sur pied sur les côtes ibériques. Des contingents dartilleurs siciliens furent ainsi régulièrement envoyés en Andalousie, en Galice ou à Lisbonne, pour servir dans les équipages des galions. Par exemple, au début de 1587, le vice-roi envoya en Espagne une douzaine dartilleurs lors des préparatifs de la Grande Armada115. De tels envois durent se répéter car les documents mentionnent souvent des groupes dartilleurs siciliens embarqués à bord des différentes armadas116. Par conséquent, il est possible de conclure que ces écoles siciliennes assuraient un double rôle, constituant une réserve défensive locale, tout en participant aussi à leffort général de développement de la puissance navale atlantique de la Monarchie hispanique.

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Il faut par ailleurs insister sur le rôle décisif du duc de Terranova dans la mise en place des écoles dartilleurs, en Sicile comme, plus tard, à Milan. Le succès et la rapidité de mise à exécution du projet de lécole de Palerme doivent sans aucun doute être attribués à ce personnage politique de premier plan qui disposait dun pouvoir local important. En 1583, Terranova arriva avec le titre de gouverneur117 à Milan où, comme cela a été expliqué plus haut, les projets douverture dune école dartilleurs avaient traîné en longueur depuis près de vingt ans. Dès les premiers mois, il manifesta au roi la nécessité douvrir une école, signe quil était particulièrement sensible à limportance stratégique de la formation des artilleurs :

Il me paraît fort nécessaire [] que tous les artilleurs sexercent régulièrement et aient une école, pour quils enseignent à dautres que lon pourra ainsi assigner aux postes vacants118.

Avec laide du capitaine général de lartillerie don Jorge Manrique, Terranova reconstitua lhistorique des projets de création décoles dartilleurs à Milan. En 1585, il envoya au roi tout un dossier à ce sujet, afin dobtenir un soutien politique et financier de Madrid119. Il y a fort à parier que nulle autorité locale nosa sopposer à un projet qui était poussé par un homme arrivé au sommet de sa puissance – il reçut le collier de la Toison dOr exactement à la même période120. Le poids politique de ce grand personnage conjugué à son intérêt particulier pour la formation des artilleurs – acquis suite au siège traumatique de la Goulette en 1574 – expliquent sans doute pourquoi ce gouverneur de Lombardie réussit là où ses prédécesseurs avaient échoué. Une école dartilleurs fut donc créée à Milan, qui existait encore une dizaine dannées plus tard, en 1596121.

En 1604, la formation des artilleurs du duché de Milan prit une nouvelle échelle puisque le comte de Fuentes, alors gouverneur, fit ouvrir 383trois nouvelles écoles dans les principales garnisons du territoire : à Pavie, Alexandrie et Crémone122. Leur fonctionnement, bien que peu détaillé dans les sources, suivait le concept habituel de formation dartilleurs sans salaire mais jouissant de privilèges et servant de réserve dès que le besoin se faisait sentir. En tout, avec lécole de Milan, les quatre centres de formation constituaient une réserve de deux cents artilleurs non payés, venant sajouter aux quelques dizaines dartilleurs payés servant dans les garnisons du duché123. Ainsi, au début du xviie siècle, la Sicile et la Lombardie sétaient dotées chacune de quatre écoles dartilleurs servant à la fois des objectifs défensifs locaux et permettant dalimenter partiellement les flottes atlantiques extrêmement demandeuses en artilleurs. Pendant ce temps, le modèle des écoles dartilleurs sétait également exporté dans dautres territoires de la Monarchie hispanique, à limage de Séville. Il sagit par conséquent maintenant de comprendre comment sest développé et institutionnalisé lenseignement de lartillerie dans dautres espaces du vaste conglomérat dÉtats réunis sous lautorité du roi dEspagne.

Pratiques denseignement et dexamen
dans la péninsule ibérique

Si le développement précédent sest attaché à mettre en évidence lémergence des premières écoles dartilleurs en Italie, cette seconde partie se propose quant à elle de déplacer la focale de lanalyse vers la péninsule ibérique. Il sagira dans un premier temps de montrer que, bien que les sources nemploient pas le terme descuela, des pratiques de formation et dexamen des artilleurs relativement proches de celles décrites dans les écoles italiennes existaient déjà en Espagne depuis au moins le milieu du xvie siècle. Ceci indique donc quil nest pas possible détablir un lien généalogique certain entre les écoles dartilleurs italiennes et espagnoles. Par conséquent, dans un second temps, cette partie souhaite sinterroger sur les différentes sources dinspiration potentielles 384des pratiques en usage parmi les artilleurs dEspagne, en observant ce qui se passait pour dautres professions telles que les pilotes ou certains groupes dartisans. De cette manière, il devrait apparaître clair que les pratiques denseignement et dexamen dartilleurs émergèrent dans un contexte élargi de transformation, à la Renaissance, des pratiques dapprentissage parmi de nombreuses professions.

Des pratiques denseignement et dexamen
avant les écoles

En Espagne, à lexception notable du cas de Séville, lexpression escuela de artilleros ne se rencontre pas dans les sources avant la fin des années 1580. Il ne faudrait toutefois pas en conclure que les artilleurs dEspagne ne recevaient aucune formation avant cette date. En réalité, depuis au moins le milieu du xvie siècle, certaines places fortes de la péninsule ibérique organisaient un entraînement des artilleurs en garnison et la pratique de lexamen se retrouve même mentionnée dans des documents du début du xvie siècle. Par conséquent, pour comprendre lémergence des écoles dartilleurs, il est nécessaire de prendre la mesure de ce que furent ces pratiques denseignement et dexamen avant lexistence décoles à proprement parler.

Le meilleur exemple dexistence dun centre de formation dartilleurs sans emploi du mot escuela est certainement la garnison de Burgos. Comme le second chapitre la montré, le château de Burgos, en plus daccueillir une fonderie, était un lieu central dadministration de lartillerie124. Un corps de 60 artilleurs, appelés « de Burgos » parce quils étaient attachés à cette garnison, jouissaient du salaire du roi moyennant le respect dun certain nombre de règles dont lobjet principal était lentraînement. Il sagissait dune pratique institutionnalisée vers les années 1540 et qui demeura presque inchangée tout au long du xvie siècle125. Ces 60 artilleurs étaient divisés en trois groupes de 20, chacun sous lautorité dun chef descadron. Un système de rotation obligeait chaque groupe à être présent quatre mois de lannée, de sorte quil y avait toujours 20 artilleurs à Burgos.

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Or, cette présence à Burgos se justifiait non pas par les impératifs de défense du château mais par lobligation quavaient ces artilleurs de sentraîner126. Les sources insistent de manière récurrente sur le fait quils devaient abilitarse, cest-à-dire se rendre aptes à la profession. Des détails sur le contenu de cet entraînement apparaissent clairement dans les sources. Ainsi, les artilleurs devaient voir comment les pièces étaient fabriquées dans la fonderie et comment la poudre était préparée par les spécialistes présents à Burgos. Mais surtout, ils devaient sentraîner au tir dartillerie sur un terrain dentraînement, le terme le plus courant dans les sources, exercitarse, faisant référence à des exercices pratiques. En outre, les nouveaux venus devaient rester non pas seulement quatre mois mais toute une année, afin de se perfectionner dans lart, jouissant de la moitié du salaire des autres. Autrement dit, dans sa logique de fonctionnement, la garnison dartilleurs de Burgos tendait à se rapprocher du système des écoles que lon trouvait dans les territoires italiens. Dabord, comme dans les écoles italiennes, lune des motivations principales des participants était de bénéficier de privilèges. La première grande ordonnance royale sur les privilèges des artilleurs en Espagne (1553) concernait spécifiquement ceux de Burgos127. Qui plus est, lobjectif annoncé était là aussi de constituer une réserve dartilleurs prêts à servir dans les grandes opérations militaires de la Monarchie128. Et cest exactement ce qui se passait dans les faits. Ainsi par exemple en 1580, trente artilleurs de Burgos furent appelés à joindre larmée dinvasion du Portugal129. De même, un groupe de vingt artilleurs de Burgos, sous le commandement du maître Juan Zorrilla fut embarqué dans lun des plus grands galions de lInvincible Armada130. On retrouve encore trente dentre eux en 1591 dans larmée destinée à réprimer le soulèvement de lAragon131.

Burgos nétait pas la seule garnison à servir de centre de formation pour les artilleurs. Ainsi les comptes des années 1550 de la garnison de 386Barcelone affichent des dépenses mensuelles de poudre donnée aux artilleurs para exercitarse y abilitarse132. Toujours avec le même vocabulaire, dans les années 1570, des documents comptables révèlent que les artilleurs de Fontarrabie, Saint-Sébastien et Pampelune avaient des dépenses mensuelles de poudre para su abilitación, ce qui indique que des exercices de tir y avaient lieu133. Il est par conséquent manifeste que ces grandes garnisons de la frontière pyrénéenne opéraient également comme des centres de formation, possédant chacune entre vingt et trente artilleurs. Ces contingents constituaient bien sûr un élément défensif important de ces forteresses face au royaume de France. Néanmoins, ils jouaient parfois aussi, tout comme Burgos – et les écoles italiennes – le rôle de réserve à la disposition des grands projets de la Monarchie. Ainsi, le chef des artilleurs de Fontarrabie dut former et accompagner un contingent dartilleurs dans larmada de Santander préparée et avortée en 1574134. De même, Pedro de Veynca, artilleur de la garnison de Saint-Sébastien, participa à la bataille des Açores (1582) et à la Grande Armada (1588) dans lescadron de Guipúzcoa de Juan Martinez de Recalde135. Autre exemple, un groupe dune dizaine dartilleurs de Pampelune fut embarqué dans une flotte réunie au Ferrol en 1589 en protection des attaques anglaises136.

En outre, la plupart des petites garnisons, même si elles ne généraient pas de surplus dartilleurs, mettaient tout de même en jeu des pratiques dentraînement impliquant des sessions de tirs sur cible. Les documents comptables prouvent en effet que, dès les années 1570, dans de petites places telles que Estella en Navarre (3 artilleurs) ou encore Gibraltar (7 artilleurs), des exercices de tirs avaient régulièrement lieu afin dentraîner les artilleurs137. De même, une ordonnance royale de 1580 obligeait tous les ports fortifiés des Indes à disposer dun terrain dentrainement au tir pour leurs artilleurs :

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Nous ordonnons aux gouverneurs et capitaines généraux des ports où il y aurait des forteresses ainsi quaux châtelains quils fassent très attention à ce que dans chaque fort il y ait un terrero (terrain dentraînement) où les artilleurs puissent régulèrement sexercer au tir138.

Il faut par conséquent considérer que les pratiques de tir sur un terrero étaient relativement courantes dans la plupart des places fortes de la Monarchie dans la seconde moitié du xvie siècle. Ces modestes garnisons assuraient le rôle de centre de formation à lartillerie à une échelle locale tandis que les grandes garnisons de Burgos et de la frontière pyrénéenne, parce quelles étaient capables de générer des surplus de main dœuvre qualifiée, servaient les desseins de la Monarchie à plus grande échelle.

Enfin, un modèle alternatif de formation des artilleurs existait à Malaga. Comme le second chapitre la montré, cette ville était le principal centre de production dartillerie dEspagne139. La Monarchie y entretenait également une milice de 50 artilleurs qui servaient sans salaire, uniquement pour bénéficier des privilèges dartilleurs140. Daprès le capitaine général de lartillerie, la plupart dentre eux travaillaient en ville comme charpentiers, menuisiers, maçons ou forgerons et se rassemblaient pour lentraînement certains dimanches. Or, ce contingent dartilleurs ne constituait pas seulement une garnison défensive bon marché. Ils étaient en effet parfois réquisitionnés pour participer à certaines opérations, comme ce fut le cas en 1579, lorsque le capitaine général Francés de Álava demanda à une trentaine dentre eux de servir dans lentreprise dinvasion du Portugal141. Bien que le mot escuela ne soit pas prononcé dans les sources, ce système dorganisation des artilleurs de Malaga fait bien entendu étrangement penser au fonctionnement des écoles italiennes.

Les pratiques denseignement au sein de ces garnisons étaient-elles donc équivalentes à celles en usage dans les véritables escuelas de artilleros ? La réponse est de toute évidence positive concernant la dimension pratique de lenseignement. Tout comme les écoles, les garnisons 388dartilleurs réunissaient apprentis et vétérans autour de sessions de tir sur un terrain dentraînement. En revanche, la dimension théorique de lenseignement est, comme toujours, plus difficile à cerner. Le cas de la garnison de Perpignan offre quelques éléments de réflexion intéressants à ce sujet. Faisant partie du système de défense contre le royaume de France, la forteresse de Perpignan était lune des plus lourdement armées de tous les territoires de lempire espagnol, possédant près de 120 pièces et une garnison de 36 artilleurs pour sen occuper142. Comme dans les autres garnisons, les documents comptables attestent, dès les années 1560, de lexistence dexercices de tir pour les artilleurs environ une fois par semaine143. Par chance, ces documents sont accompagnés dune instruction de 1560 fournissant des indications sur les détails de la formation des artilleurs144. Il y est inscrit notamment que les sessions de tir seffectuaient habituellement avec des pièces très légères, de type falconete, mais que, pour que offrir aussi une expérience avec dautres armes, certains exercices intégraient des pièces plus lourdes de type sacres ainsi que des mortiers. De plus, leur formation allait au-delà du seul exercice de tir puisquils devaient également sentraîner à fabriquer de la poudre et étaient encouragés à pratiquer la construction de mines remplies dexplosifs pour saper les murailles. Enfin, en accompagnement de ces documents se trouve un feuillet de quelques pages dans lequel ont été couchées par écrit de nombreuses connaissances sur lart de lartilleur145. La présence de ce feuillet aux allures de manuel dans un ensemble de documents plus généralement dédiés à lentraînement des artilleurs laisse penser quen plus dun enseignement purement pratique, oral et gestuel, des connaissances étaient construites, formalisées, discutées, échangées au sein de ces forteresses146. Néanmoins, dans les garnisons, cette composante plus théorique de la formation des artilleurs neut certainement pas de caractère formel ni systématique avant les dernières années du xvie siècle, au moment où le mot escuela devint partie intégrante du vocabulaire des officiers militaires de la Monarchie, comme cela sera montré plus loin.

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Troisième pilier de la formation proposée dans les écoles en Italie et à Séville, la pratique de lexamen remontait au début du xvie siècle en Espagne. La première mention de cette pratique se trouve dans linstruction de 1501 donnée à Mosen San Martín, proveedor et veedor general del artillería (ancêtre de loffice de capitaine général de lartillerie) qui avait la charge

dexaminer tous les fondeurs, artilleurs, bombardiers et tireurs, pour renvoyer ceux dentre eux quil ne trouverait pas abiles (capables)147.

Lofficier à la tête de lartillerie des Rois Catholiques disposait donc de cette prérogative de lexamen permettant de séparer le bon grain de livraie, cest-à-dire didentifier les artilleurs abiles de ceux qui ne létaient pas. Néanmoins, linstruction suggère quil sagissait plus dune procédure de vérification après coup que dun rituel de passage systématique auquel tout individu devait se soumettre pour obtenir un poste dartilleur. Il faut en outre noter que dans les faits, cette prérogative de lexamen dartilleur était déléguée à des subalternes. Ainsi par exemple, en 1545, Francisco de Rojas, lieutenant du capitaine général de lartillerie, fut envoyé faire passer des examens aux artilleurs des garnisons de Fontarrabie et Saint-Sébastien148.

Il est peu probable que cette pratique de lexamen ait eu un caractère systématique dès la première moitié du xvie siècle, mais son usage se répandit de sorte quelle devint souvent la norme pour obtenir une place dartilleur dans la seconde moitié du xvie siècle. Notons dabord que la prérogative octroyée à Mosen San Martin en 1501 figura plus tard dans les instructions de tous les capitaines généraux de lartillerie149. Cette prérogative se traduisait dans les faits par un contrôle des compétences des individus accédant aux postes dartilleurs. Ainsi par exemple, dès les années 1560, les artilleurs de la forteresse de Perpignan devaient systématiquement passer un examen devant des artilleurs vétérans afin de valider lacquisition de leur office150. Au château San Felipe de 390Mahon, sur lîle de Minorque, les artilleurs devaient régulièrement passer un examen en présence du veedor – cest-à-dire du contrôleur royal151. Lexamen était même en vigueur dans les petites garnisons, telles que Salses, avec seulement quatre artilleurs152. En outre, cette pratique nétait pas répandue que dans les places fortes mais aussi au sein des armadas : en 1586, tandis que le capitaine Juan Martínez de Recalde recrutait ses équipages pour préparer un nouvel escadron de galions, il demanda au roi quon lui fournît un homme capable dexaminer les artilleurs153. Enfin, certains cas particuliers montrent limportance que le haut commandement accordait à cette pratique dans les dernières décennies du xvie siècle. À Pampelune, le conseil de guerre exigeait des aspirants aux places dartilleurs le passage dun examen devant le vice-roi de Navarre, premier représentant du roi sur place154, ce qui nétait pas sans rappeler les examens à Séville, qui avaient lieu, quant à eux, devant les juges de la casa de la contratación155. En dautres termes, le contrôle des compétences des artilleurs devint, durant le xvie siècle, non seulement une prérogative théorique du pouvoir royal mais une pratique courante jugée nécessaire par le haut commandement militaire.

Les raisons du développement de cette pratique de lexamen sont multiples. Dabord, du point de vue de la Monarchie et du conseil de guerre, lexamen était bien évidemment perçu comme un moyen de contrôler les compétences dhommes placés à des postes à la fois dangereux et essentiels. Cet enjeu de la fiabilité des artilleurs augmenta proportionnellement au nombre dartilleurs au service de la Monarchie hispanique. Non seulement le risque devenait généralement plus élevé du 391fait de la prolifération de lartillerie, mais encore la pression grandissante exercée sur un ensemble de ressources humaines limitées forçait à recourir à des individus dont la fiabilité et les compétences étaient douteuses. La pratique de lexamen tâchait de fixer de la sorte une limite basse de recrutement, garantissant un minimum de sécurité et defficacité dans lutilisation de lartillerie. Il ne faudrait toutefois pas exagérer cette interprétation considérant lexamen comme un moyen de contrôle social par le pouvoir monarchique. Les artilleurs furent probablement complices de ce changement. Le chapitre précédent sur lécole de Séville a en effet tenté de fournir une interprétation socio-anthropologique à cette pratique sapparentant à un rite de passage. Dans cette perspective danalyse, la pratique de lexamen peut être interprétée comme un artefact fabriqué par les artilleurs eux-mêmes, construisant une communauté, une corporation sintégrant et fusionnant avec les structures, alors émergentes, de ladministration militaire de la Monarchie. Lexamen, pratique liminale, était un puissant instrument de distinction sociale permettant de justifier un accès au service rémunéré du roi ainsi que la jouissance de nombreux privilèges socio-économico-juridiques. Mais alors, quelle était la nature de cette limite entre lartilleur et le profane mise en place par la pratique de lexamen ?

Il est difficile de cerner avec précision le degré dhomogénéité des pratiques dexamens dartilleurs. Malheureusement, bien que les mentions dexamens soient fréquentes dans les sources, la forme et le contenu de la procédure ne sont pour ainsi dire jamais décrits. Il faut toutefois noter quune phraséologie caractéristique se développa autour de ces pratiques, suggérant, dune part, leur fréquence et, dautre part, leur relative homogénéité. Dabord, le contrôle des compétences était désigné, en castillan, par un unique mot, examen – parfois sous la forme desamen – et ses variantes verbale (examinar) et qualificative (examinado). Le résultat attendu de ce contrôle était presque toujours exprimé avec les mêmes termes dans les sources qui viennent dêtre citées : un examen était mené pour savoir si un individu était abil y suficiente ou sil avait la suficiencia y abilidad pour être artilleur. À ce couple venait parfois se greffer dautres mots tels que platico ou esperto, renvoyant eux aussi aux aptitudes de lartilleur. À Palerme, le capitaine général de lartillerie, qui était en charge, daprès les règles de lécole dartilleurs, dexaminer les nouvelles recrues, employait exactement les 392mêmes expressions pour qualifier cette activité156. De même, ces mots sont précisément ceux qui étaient utilisés dans les comptes rendus dexamens dartilleurs à Séville157.

Comme le chapitre précédent la mis en évidence, les examens dartilleurs prenaient, à Séville, la forme de questions et réponses portant sur les savoirs du candidat. Faut-il déduire de cette ressemblance de vocabulaire que la pratique de lexamen transformait partout le contrôle des compétences en contrôle des connaissances ? Certains détails présents dans les sources permettent de mettre en doute la spécificité du cas sévillan sur ce point. Ainsi, à Perpignan le 16 mars 1563, les artilleurs Juan Navarro et Toribio de Escobedo procédèrent à lexamen de Pasqual de Vera, enregistrant lacte de la manière suivante :

Nous examinons Pasqual de Vera pour vérifier sil est abil y suficiente (capable et compétent) afin de servir sa Majesté au poste dartilleur quil vient dobtenir et il doit donc montrer comment il tire et sil connaît toutes les autres choses relevant du service de lartillerie158.

Ce document met clairement en évidence que le candidat devait non seulement savoir faire feu avec une pièce dartillerie, mais quil devait aussi posséder les connaissances adéquates. De même, le veedor (inspecteur) de Minorque expliquait au conseil de guerre en 1589 quil avait plusieurs fois assisté aux examens de lartilleur Sébastian Soler, et que ce dernier avait toujours « bien rendu compte de ce quil était obligé de savoir en raison de son office159 ». Il semble par conséquent raisonnable dadmettre que la pratique de lexamen consistait à vérifier les aptitudes dun individu à travers un contrôle de ses connaissances au moins tout autant que de ses compétences.

393

Il faut par ailleurs souligner lintime relation, dès la première moitié du xvie siècle, entre la pratique de lexamen et la formation donnée aux artilleurs. Par exemple, en 1545, trois artilleurs du roi furent envoyés à Fontarrabie pour former quelques individus de cette garnison160. Pendant quatre mois, ils devaient « leur montrer comment tirer avec les pièces dartillerie, comment fabriquer de la poudre et bien dautres choses requises pour loffice dartilleur161 ». Passé ce délai, ces trois enseignants étaient censés sassurer que chacun de leurs élèves était abil y suficiente – synonyme dexamen, même si le mot ne figure pas dans la source – et renvoyer ceux qui ne le seraient pas. Dailleurs, ce lien indissociable entre enseignement et examen trouve un écho étymologique dans le vocabulaire employé puisque lentraînement et la formation des artilleurs dans les garnisons étaient souvent désignés par le vocable abilitación tandis que lexamen jugeait de labilidad du candidat. Ainsi, dans le courant du xvie siècle, formation et examen devinrent deux faces dune même pièce. Toutefois, apparaissant plus tôt dans les sources, la pratique de lexamen semble avoir été une force motrice dans la mise en place de structures de formation des artilleurs. Ce fut clairement le cas à Milan, où les examens dartilleurs se pratiquaient bien avant létablissement définitif de lécole162. Dautre part, même après la création de lécole milanaise, les pratiques dexamen sétendaient au-delà du cadre de lécole puisquen 1589, lingénieur Luis Collado dut par exemple examiner à Milan des artilleurs engagés en Allemagne et envoyés en Espagne163.

En dautres termes, les écoles qui émergèrent dans les années 1570 à Séville, à Milan et en Sicile, puis dans les années 1590 dans la péninsule ibérique, furent donc bien souvent construites à partir de pratiques et même de structures déjà en place depuis au moins le milieu du xvie siècle. Certes lencadrement de la formation des artilleurs nétait pas aussi formalisé, systématique ni institutionnalisé que dans le cas des écoles dartilleurs, mais force est de constater que de nombreux éléments de 394fonctionnement de ces écoles existaient antérieurement. Dans la plupart des garnisons de lempire espagnol, un enseignement pratique avec des sessions de tir sur un terrain dentraînement (le terrero) fut mis en place dans la seconde moitié du xvie siècle. Parfois, cet enseignement intégrait même une dimension théorique, comme cétait manifestement le cas à Perpignan. En outre, les plus grandes garnisons de la péninsule ibérique incarnaient le rôle des futures écoles, générant des surplus dartilleurs utilisables par la Monarchie lors de ses grandes opérations militaires. Ces ressemblances entre garnisons et écoles prouvent combien il est difficile didentifier et de délimiter des structures denseignement encore fort malléables et relativement hétérogènes car en processus de construction. Enfin, il faut insister sur limportance de lexamen dans ce phénomène de construction. Cette pratique était laboutissement de la formation, son objectif, et cest sans aucun doute autour delle que sétablit lenseignement. Cest la raison pour laquelle il paraît important, avant de sintéresser à la mise en place des écoles dans les années 1590, de sinterroger sur la diffusion de cette pratique. Dans quelle mesure lexamen fut-il spécifique au monde de lartillerie ?

Une culture de lexamen des connaissances
à la Renaissance ?

Les artilleurs ne furent pas les seuls individus soumis à lexamen au sein de ladministration militaire de la Monarchie hispanique. Ainsi par exemple, en 1577, le capitaine général de lartillerie Francés de Álava émit des doutes quant aux compétences de Diego Sobrino, fondeur de boulets pour le compte de la Monarchie. Le conseil de guerre, qui considérait quune certaine inimitié entre les deux hommes remettait en question lobjectivité du général, demanda à « faire la preuve et lexamen de son abilidad (compétence)164 ». Il sagit ici précisément du vocabulaire employé pour décrire les examens dartilleurs. En outre, comme dans le cas des artilleurs de Séville, lexamen impliquait des démonstrations à laide dinstruments165. Le fondeur devait démontrer ce quil « savait devant quelquun capable de le comprendre166 ». Par conséquent, ce contrôle des compétences consistait là aussi, en un contrôle des connaissances.

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Il est essentiel de remarquer que de tels examens navaient rien dexceptionnel au sein des milieux techniciens au service de lempire espagnol. Ainsi, en 1591, le roi ordonna que les maîtres artisans de la grande fabrique darmes de la Monarchie à Eugui, en Navarre, ne pussent être admis sans passer un examen devant des pairs et en présence du directeur de la fabrique, Lope de Elio167. Ce dernier était censé organiser ces examens, choisir les juges et donner des titres dexamens (carta de examen) après lépreuve. Enfin, le monarque justifiait cette ordonnance par la coutume, affirmant que cétait ainsi que lon procédait pour les autres artisans. Même les ingénieurs militaires étaient parfois concernés par ce type de pratiques. En 1589, le napolitain Marco Antonio Nicoletta, servant alors comme soldat dans une compagnie dinfanterie à Lisbonne, prétendait avoir consacré beaucoup de temps à létude des mathématiques, de la science des mesures, des machines et des fortifications168. Il demandait au conseil de guerre à être examiné par des ingénieurs militaires afin dobtenir une place dassistant dingénieur169. Ces multiples indices permettent démettre lhypothèse que la pratique de lexamen sétendait, à la fin du xvie siècle, à une grande partie des professions techniques de ladministration militaire, pour la plupart rassemblées sous lautorité du capitaine général de lartillerie170. Le rôle de grand contrôleur des compétences techniques joué par ce puissant personnage est dailleurs confirmé dans les instructions reçues par Francés de Álava en 1572 et Juan de Acuña Vela en 1586171.

Le capitaine général de lartillerie nétait toutefois pas la seule autorité suprême de contrôle des compétences au sein de la Monarchie hispanique. La casa de la contratación assurait aussi cette fonction en ce qui concernait lorganisation des convois de la carrera de Indias, puisque, comme le chapitre précédent la mis en évidence, les examens dartilleurs à Séville avaient lieu sous la supervision et lautorité des juges de cette 396institution, dans le cadre dun programme de formation mis en place en 1576. Il faut mentionner à ce propos que, déjà bien avant cette date, la casa de la contratación était impliquée dans des pratiques denseignement à destination de techniciens absolument essentiels au développement du trafic américain : les pilotes172. Afin dêtre guidé et de suivre en toute sécurité les routes maritimes de lAtlantique et des Caraïbes, chaque navire embarquait alors au moins un de ces experts en navigation. Dès 1508, un homme tenant loffice de piloto mayor de la casa de la contratacion était responsable de la formation de ces pilotes. Létude dAlison Sandman révèle que, dans la première moitié du xvie siècle, de grandes disputes eurent lieu concernant la nature de cette profession173. Dun côté, les tenants de la pratique, pour la plupart pilotes vétérans, affirmaient que le pilotage était un art sapprenant par lexpérience de la navigation. Face à eux, les tenants dune approche plus « théorique », désignés par Sandman comme « cosmographes », défendaient la toute-puissance des mathématiques et de lastronomie appliqués à la navigation. Or, le triomphe de cette seconde posture se manifesta, selon Sandman, par linstitionnalisation de pratiques dexamen liées à de lenseignement : en 1552, le conseil des Indes instaura une chaire de cosmographie dépendant de la casa de la contratación et dispensant des leçons quotidiennes aux pilotes174. De la sorte, la conception de ce quétait le pilotage de navire glissa progressivement du statut de compétence acquise par lexpérience en mer à celui de connaissance apprise en classe et validée par un examen. Il faut par ailleurs noter que, dans la seconde moitié du xvie siècle, les maestres (maîtres) de la carrera de Indias devaient se soumettre exactement aux mêmes obligations de suivi des cours de cosmographie et de passage dun examen théorique175. Lexplication réside dans le fait que, sur la 397plupart des navires de commerce, les maestres étaient non seulement en charge de la gestion de léquipage et des marchandises, mais ils disposaient de lautorité suprême en matière de navigation et pouvaient remplacer le pilote en cas dindisposition ou de décès176.

La procédure de lexamen de pilote, relativement bien connue pour la seconde moitié du xvie siècle, reflète le statut particulier acquis par la connaissance sur la compétence177. La pratique de cet examen peut-être mieux saisie à travers un exemple caractéristique : celui du candidat Antón Sánchez, datant de lannée 1580178. Son dossier rassemblait plusieurs dizaines de pages manuscrites, la plupart constituant une enquête sur lorigine, lexpérience et les mœurs du candidat. Lexpérience de la navigation était nécessaire au passage de lexamen puisquun certain nombre de personnes devaient témoigner du fait quAntón Sánchez avait participé à la carrera de indias pendant plus de six années. Elle nétait néanmoins pas suffisante. Le dossier de Sánchez contenait également un certificat de Rodrigo Zamorano, lhomme en charge des leçons de cosmographie, indiquant que le candidat avait bien assisté à ses cours pendant 60 jours. Sánchez fit alors auprès du piloto mayor Alonso Chavez la demande dêtre examiné en tant que pilote de la route de Nouvelle-Espagne. Ce dernier convoqua dans une des salles de lAlcazar de Séville dix-huit pilotes experts de cette navigation pour le jour de lexamen, fixé au 13 novembre 1580. Le contenu de lexamen est inconnu car le procès verbal spécifie que les pilotes réunis ce jour jurèrent de garder le secret179. Cette source précise néanmoins quil fut demandé à chaque pilote de poser au candidat trois questions, les plus difficiles possibles180. Puis, les pilotes réunis autour du piloto mayor votèrent pour ou contre la validation du candidat. Comme ce dernier obtint la majorité des voix, il 398reçut son titre de pilote de la route de Nouvelle-Espagne, inclus dans ce même dossier car Antón Sánchez le rendit à la casa de la contratación une dizaine dannées plus tard. Comme son mauvais état de conservation en témoigne, ce titre remis en 1580 avait de toute évidence grandement souffert des voyages de son propriétaire, qui souhaitait en obtenir une copie en meilleure état.

La description précédente met en évidence le rôle particulier joué par les connaissances dans la vérification des compétences techniques des pilotes. Il faut bien saisir la transformation à lœuvre : dans la seconde moitié du xvie siècle, la preuve ultime des compétences en navigation ne se faisait plus sur un navire mais dans lune des salles de lAlcazar de Séville, face aux questions dautres experts. Alison Sandman a sans doute raison daffirmer que les « cosmographes » théoriciens lemportèrent sur les « pilotes » de terrain, mais le phénomène me semble toutefois dépasser le cadre dun débat sur lart de la navigation à la casa de la contratación. Les ressemblances entre les examens des pilotes et ceux des artilleurs sont frappantes, même si lenregistrement de cette pratique a produit plus de traces écrites dans le cas des pilotes, peut être parce que la profession était plus sensible. À la fin du xvie siècle, servir le roi en tant que technicien, que lon fût artilleur, fabricant darmes, ingénieur ou pilote, réclamait de se soumettre à une épreuve particulière lors de laquelle la priorité était donnée aux connaissances. Au début du xviie siècle, on trouvait même ce type de pratiques appliquées aux notaires envoyés en Amérique181. Sagissait-il dune spécificité du service au monarque ? Le caractère précieux et crucial de ces compétences techniques pour le fonctionnement de la machine impériale avait-il généralisé un type dévaluation jusque-là étranger aux pratiques dadministration ?

Lhistoire des pratiques dexamen est un vaste chantier encore peu ouvert par les historiens. Lexamen est devenu, dans nos sociétés, partie intégrante de nos systèmes déducation et de sélection, une « institution sociale à part entière182 ». Depuis la fin du xviiie siècle, il a acquis un rôle central dans la sélection des élites, soutenant lidée de recrutement égalitaire et méritocratique contre les barrières sociales des privilèges de 399lAncien Régime183. Avant la Révolution, cette pratique trouva dailleurs un terrain fertile de développement au sein des filières denseignement militaire mises en place, en France, dans le courant du xviiie siècle – lécole royale du génie militaire de Mézières (1748), lécole militaire de Paris (1751), ou encore lécole royale des élèves dartillerie de la Fère (1756)184. Pour les périodes antérieurs, lespace principal dimplantation de lexamen était, depuis le Moyen Âge, luniversité. La licence, jalon final du cursus universitaire octroyant le droit denseigner, consistait en un double examen185. Dune part, comme dans le cas des examens de pilotes de la casa de la contratación, la naissance et les mœurs du candidat étaient vérifiés. Dautre part, la procédure de vérification de la science de lélève passait par une disputatio, une dispute orale sous forme dun jeu de questions-réponses avec les maîtres. Les examens dartilleurs, dingénieurs et de pilotes ont peut-être emprunté certains aspects de cette pratique courante de luniversité médiévale.

Toutefois, fait méconnu et très peu étudié, la pratique de lexamen se rencontre, au xvie siècle, dans un univers social plus proche des techniciens militaires : celui des corporations. Ainsi à Malaga en 1552, les statuts des travailleurs de la soie spécifiaient quil était nécessaire, pour ouvrir son propre atelier, dêtre « examiné en théorie et en pratique » par les instances supérieures de la corporation186. Or, les quelques exemples de lettres dexamen (carta de examen) survivantes rappellent de manière saisissante les termes employés par les sources militaires en ce qui concerne les examens dartilleurs187. De hautes autorités de la corporation examinaient un candidat pour savoir sil était abil y suficiente. Pour ce faire, en plus de lui demander la réalisation dune œuvre, on lui posait des « questions188 ». Autrement dit, la corporation des tra400vailleurs de la soie de Malaga régulait lentrée de nouveaux membres en contrôlant non seulement leurs compétences manuelles mais aussi leurs connaissances, à loral.

Ce type dévaluation par un examen oral sous forme de questions existait dans dautres corporations de la Renaissance. Ainsi à Séville, les ordonnances de différents métiers de la fin du xve siècle et du début du xvie siècle – forgerons, fabricants dépées, fileurs dor – interdisaient à quiconque douvrir boutique et de pratiquer loffice sans avoir préalablement été « examinés » par les autorités de la corporation élues à cet effet189. La nature de lexamen nest malheureusement pas précisée dans ces textes, mais une ordonnance, plus tardive (1606), de la corporation des confituriers, offre quelques pistes dinterprétation190. Cette ordonnance royale explique que la fabrication de confitures atteignait alors dimportants volumes à Séville mais que cette activité ny possédait pas dordonnance ni dexamen – « contrairement à bien dautres villes ». Il était par conséquent nécessaire dy remédier afin de garantir une production saine de confiture. Ce préambule révèle combien la pratique de lexamen était répandue dans la péninsule ibérique au début du xviie siècle. Lassociation entre examen et ordenanzas – cest-à-dire statuts – montre que lexamen pouvait être considéré comme un élément essentiel de la définition dune profession et de linstitutionnalisation dun métier191. Les détails de la procédure rappellent quant à eux ce qui se pratiquait auprès des artilleurs et des pilotes puisque, daprès ce document, lexamen de confiturier réunissait jusquà douze confituriers qui devaient poser des « questions » au candidat. À lissue de cette épreuve, quelques uns dentre eux, élus par les autres, disposaient dun droit de vote permettant daccepter ou non le candidat192. Rien ne résume mieux, en Espagne, cette pénétration de lexamen parmi les arts 401mécaniques que la définition du mot examen publiée dans le dictionnaire de Covarrubias de 1611 :

Dans toutes les sciences, disciplines, facultés, arts libéraux et mécaniques, il y a un examen pour valider ceux qui lexercent ou les rejeter : et cet acte rigoureux les fait étudier et travailler pour quils donnent une bonne image deux-mêmes193.

En outre, ce phénomène ne semble pas avoir été circonscrit aux seuls artisans de la péninsule ibérique. Des examens sous forme de questions étaient en vigueur dans certains métiers à Venise, là où apparurent les premières écoles dartilleurs. Ainsi, en 1509, les statuts de la corporation des tisseurs de soie intégrèrent une nouvelle régulation portant sur la pratique de la prova194. Tout tisseur de soie souhaitant devenir maître devait être « examiné » par des officiers de la corporation195. Le document précisait que le candidat devait être « interrogé » ce qui indique que cette pratique de lexamen seffectuait certainement sous forme de questions196. On retrouve ici aussi une forte implication de lÉtat puisque la régulation fut modifiée par le console dei mercanti, organe dadministration de la Sérénissime aux mains des patriciens. Loriginalité de ce cas réside cependant dans le rapport particulier à lécrit de cet examen, puisque les candidats sachant écrire étaient invités à coucher leurs réponses sur une feuille de papier197 tandis que les réponses des illétrés devaient être prises en notes par un scribe198. La preuve écrite des réponses du candidat, conservée durant huit jours, fournissait ainsi une base de discussion en cas de contestation du résultat de lexamen.

402

Lexamen dartilleur émergea donc dans un contexte probablement bien plus large de transformation du monde professionnel. Un nouveau régime de la preuve des compétences professionnelles faisait alors son apparition aussi bien dans les corporations dartisans que dans ladministration militaire de certains États199. Peut-on aller jusquà parler démergence dune véritable culture de lexamen à la Renaissance ? Plus détudes sont nécessaires pour évaluer précisément lampleur de ce phénomène, ses racines et son degré dhomogénéité. Ce qui est certain, cest quaprès ce détour par les examens dartisans, la comparaison entre école dartilleurs et corporation apparaît dautant plus pertinente. La mise en place dune formation à lartillerie sanctionnée par un examen avec des questions reprenait les mécanismes de construction didentité professionnelle et de différenciation sociale utilisés par les métiers de lépoque. Cependant, les examens dartilleurs se distinguèrent par le caractère relativement centralisé de la structure qui les mit en jeu – ladministration militaire de la Monarchie hispanique – et par léchelle remarquable de leur application – des milliers dindividus à travers tout un empire. Cest sans aucun doute la raison de leur importante visibilité en comparaison des pratiques locales des corporations dartisans. Est-il alors possible de dresser une cartographie de lampleur de ce phénomène à léchelle de lempire espagnol de la fin du xvie siècle ?

Lenseignement de lartillerie
après la Grande Armada de 1588

Les développements précédents ont mis en évidence la création décoles dartilleurs dans les États italiens de la Monarchie hispanique à partir de la fin des années 1560. À la même époque, en Espagne, de nombreux témoignages attestent de lexistence de centres de formation des artilleurs ainsi que de la pratique courante de lexamen. Or, du 403fait du développement des grandes armadas atlantiques, les besoins en artilleurs de la Monarchie hispanique augmentèrent considérablement à la fin du xvie siècle. Au lendemain du désastre de la Grande Armada de 1588, les initiatives de créations décoles dartilleurs se multiplièrent soudainement, constituant un vaste réseau de centres de formation. Lenseignement de lartillerie prit une dimension nouvelle à laquelle les élites durent également sadapter. Lart du tir au canon fut de plus en plus enseigné non seulement à ceux qui maniaient les canons, mais aussi à ceux qui les commandaient et devaient évaluer leurs connaissances et leurs compétences.

Cartographie des écoles dartilleurs après 1588

Le tournant atlantique de la Monarchie hispanique et la nécessité de trouver suffisamment dartilleurs pour servir dans les flottes stimula linstitutionnalisation de lenseignement de lartillerie au sein de la péninsule ibérique. En Espagne avant lannée 1588, lécole de Séville était le seul centre de formation appelé escuela de artilleros dans les sources. Sur ce plan, le désastre de lInvincible Armada (1588) marqua un tournant décisif. Comme les chapitres précédents lont montré, du point de vue de lartillerie, cette entreprise mobilisa des quantités de ressources jamais vues auparavant. Des navires, des pièces dartillerie et des artilleurs de toute la Méditerranée occidentale et du nord de lEurope convergèrent vers la péninsule ibérique afin de préparer cette opération. Or, les pertes en ressources humaines – Parker les estime à environ la moitié des équipages200 – et particulièrement en artilleurs, handicapèrent lourdement la machine impériale. De plus, malgré tous ces efforts de mobilisation, la Grande Armada fut vaincue à Gravelines par la supériorité de lartillerie anglaise201. Cette défaite mettait en évidence des défauts techniques, tactiques et structurels importants des flottes de guerre espagnoles. La contre-offensive anglaise sur la Galice, Lisbonne et les Açores en 1589 montra clairement à Philippe II et à ses ministres quil fallait réagir vite202. Des escadrons permanents de galions, réunis sous le nom darmada del mar Océano, furent mis 404en place dès 1590. En outre, la tactique navale espagnole tâcha de sadapter à ladversaire anglais : comme le premier chapitre la mis en évidence, larmement des galions salourdit considérablement et le nombre dartilleurs par galion augmenta denviron 30 %203. Cette transformation rendait compte de limportance quattribuaient désormais à lartillerie embarquée les têtes de ladministration militaire espagnole.

Ce nouveau programme de construction, juste après lInvincible Armada, dune flotte de guerre lourdement équipée en artillerie se traduisit par une préoccupation accrue pour la formation des artilleurs. À Lisbonne, en décembre 1589, Hernando de Acosta, lieutenant du capitaine général de lartillerie, écrivit au roi quil y avait une grande nécessité dartilleurs pour les flottes204. Avec Marcos de Aramburu, lun des principaux capitaines rescapés de la Grande Armada, ils proposaient une série de mesures durgence205. Outre les solutions classiques telles que le recours aux artilleurs étrangers par voix diplomatiques ou embargos, les deux hommes proposaient dutiliser des artilleurs pour « enseigner lusage du canon » et « montrer la doctrine de lartillerie » aux marins206. Quelques semaines plus tard, le duc de Medina Sidonia, malheureux général de lInvincible Armada, fit au roi le même constat du grand besoin dartilleurs pour les flottes, suggérant que, dans chaque port de la côte andalouse, fût créée une « école dartilleurs » – le mot était prononcé207 ! Quatre ans plus tard, Pedro López de Soto, comptable de lartillerie de larmada en Galice, évoquait limportance quil y avait de former 1 000 artilleurs sur les côtes espagnoles en mettant en place des « écoles dartilleurs » dans chaque port208. Comme dans le cas des écoles en Italie et à Séville, pour 405tous ces projets décoles, il sagissait de former des groupes dartilleurs non payés mais jouissant de privilèges et prêts à sembarquer dans les flottes dès quon le leur ordonnerait.

La création décoles dartilleurs dans les ports de la péninsule ibérique ne resta pas à létat de projet. En 1588, Bartolomé de Andrada, artilleur venu de Sicile à Lisbonne pour participer à la Grande Armada, dut renoncer à sembarquer en raison de sa santé défaillante. Or, Andrada était un vétéran avec plus de vingt ans de service à son actif ; en Sicile, il était maître dune des quatre écoles dartilleurs. Le conseil de guerre voulut par conséquent tirer profit de son expérience et, dès avant le retour de lArmada, en août 1588, on lui proposa un poste au château São Jorge de Lisbonne, avec obligation « denseigner en école209 ». Au début de lannée 1590, lenseignement de lartillerie sétait multiplié au Portugal : le capitaine général de lartillerie don Juan de Acuña Vela indiquait que des maîtres artilleurs étaient chargés denseigner et donner des cours publics dartillerie dans les châteaux São Jorge et São Julião de Lisbonne ainsi quau fort São Felipe de Setubal210. Au même moment, le contrôleur de lartillerie López de Soto expliquait que, conformément aux ordres royaux, dans les ports du Ferrol et de la Corogne en Galice, deux maîtres artilleurs dorigine italienne avaient mis en place deux écoles rassemblant 49 artilleurs et visant à former de nouvelles recrues pour larmada211. Dailleurs, il faut noter que lun de ces deux hommes, nommé Evangelista, faisait partie dun contingent dartilleurs venus de Sicile212. Une tendance claire se dessine. Les nouvelles écoles mises en place après léchec de lInvincible Armada se construisirent autour de maîtres siciliens (ou plus généralement italiens) qui transférèrent leur expérience denseignement de lartillerie dItalie vers la péninsule ibérique.

En plus de ces écoles attachées à un port, dautres initiatives denseignement furent mises en place en relation directe avec des escadrons spécifiques de navires. Ainsi, à la fin de lannée 1589, le 406commandant des galéasses, don Bernardino de Avellaneda, souhaita profiter de la période des fêtes pour entraîner ses artilleurs au tir avec une pièce de 4 lb. et demanda au roi lautorisation dutiliser de la poudre et des munitions à cet effet213. Cette initiative locale donna néanmoins peu de fruits car, comme les galéasses stationnaient alors à Lisbonne, le conseil de guerre répondit à Avellaneda quil devait envoyer ses artilleurs à lécole de la ville, mise en place lannée précédente. Pourtant, à la même époque, le chef artilleur de lescadron de huit galères stationnées à Lisbonne tenait en place une « école214 ». Fils dun artilleur, cet individu répondant au nom de Lazaro de la Isla avait une longue carrière au service de lartillerie de Philippe II, ayant pris part à la bataille de Lépante (1571), la prise de Tunis (1573) et ayant joué un rôle de premier plan dans linvasion de la Terceira (1583)215. En 1590, il parvint à transformer son initiative locale en institution puisquil obtint laccord officiel du monarque « pour enseigner lartillerie sur les galères à tous ceux qui souhaiteraient apprendre cet art216 ».

Dautres initiatives de ce genre apparurent dans les mêmes années. Ainsi, en 1593, Pedro de Zubiaur, général de lescadron de filibotes de la côte cantabrique, expliqua au conseil de guerre quil avait mis en place une école dotée dune pièce dartillerie pour lentraînement au tir217. De cette manière, les marins désirant devenir artilleurs (avec une augmentation de salaire de 50 % expliquait Zubiaur) pouvaient recevoir la formation nécessaire et ainsi passer lexamen218. Zubiaur 407affirmait que 92 hommes avaient déjà été examinés de la sorte et que bien dautres marins seraient formés sous peu afin dêtre disponibles comme artilleurs selon les besoins des armadas. Il faut remarquer que dans ce cas, comme dans ceux de Lisbonne et la Corogne, le maître chargé de lécole et des examens était italien, dorigine milanaise219 ce qui renforce la thèse de linfluence italienne du modèle de lécole dartilleurs. Toutefois, ces écoles attachées à un escadron différaient de celles de Palerme, de Venise ou de Milan en ce quelles ne pouvaient fonctionner que par intermittence, lors de lhivernage des flottes. Il faut également noter que ces initiatives de formation des artilleurs au sein des flottes, bien que rarement institutionnalisées, étaient sans doute très courantes. Ainsi, un document administratif de la fin du xvie siècle recommandait au chef des artilleurs de chaque navire de donner des leçons à léquipage, dentraîner les soldats à aider au maniement de lartillerie, denseigner aux autres artilleurs et de les entraîner par des exercices de tir en sortant une pièce du navire lorsquil était au mouillage220.

En plus de ces formations implantées dans les ports dattache des flottes de guerre espagnoles, dautres écoles furent mises en place en Espagne. Ainsi, au début de lannée 1589, le capitaine général de lartillerie écrivit au roi :

Concernant ce quil conviendrait pour avoir davantage décoles dartilleurs, si Votre Majesté laccepte, on pourrait mettre en place une école à Burgos, une autre à Pampelune, une autre à Saint-Sébastien, une autre à Fontarrabie et enfin une autre à Gibraltar221.

Cet extrait montre que, quelques mois seulement après le retour de la Grande Armada, le roi et son conseil de guerre avaient demandé au capitaine général de lartillerie ce quil convenait de faire pour mettre en place de nouvelles « écoles dartilleurs ». Toutefois, la réponse de ce dernier ne manque pas détonner puisquil suggéra dimplanter des 408écoles dans tous les principaux centres de formation dartilleurs existants avant les écoles. Don Juan de Acuña Vela justifiait ce choix par le fait que ces lieux possédaient déjà des maîtres capables denseigner lartillerie. Autrement dit, ces « écoles » se construisirent sur des structures denseignement mises en place dans les décennies antérieures. Cest aussi ce qui se passa à Lisbonne où lécole de Bartolomé de Andrada fut créée à la fin de lannée 1588 sur la base préexistante dexercices de tir pour « lhabilitation » des artilleurs établis depuis 1584 dans les garnisons de la région222. Cette évolution des formations dartilleurs en garnison vers des écoles dartilleurs est également perceptible dans le cas de Séville. En effet, comme la montré le chapitre précédent, le premier maître de cette école, Andrés de Espinosa, était lun des 60 artilleurs de Burgos, la garnison de formation des artilleurs par excellence.

La transformation de ces grandes garnisons en écoles dartilleurs signifia-t-elle un véritable changement pour la formation des artilleurs ? Comme cela a été dit précédemment, dans les faits, le fonctionnement de ces garnisons se rapprochait de celui des écoles créées en Italie et à Séville. On y trouvait un terrain dentraînement au tir, des pratiques dexamens. Tout comme les écoles, ces garnisons servaient de réserve dartilleurs pour les grandes opérations militaires de la Monarchie223. En ce sens, lusage du mot escuela, devenant courant dans les sources à partir de lannée 1589, pourrait simplement signifier un glissement de vocabulaire, une influence de la terminologie italienne résultant de la venue en Espagne de nombreux artilleurs italiens lors des préparatifs de la Grande Armada en 1588. Mais alors, comment expliquer lexception du cas de Séville, appelé escuela depuis lannée 1576 ?

Quelques indices tendent à prouver quil existait de légères différences de fonctionnement entre les garnisons et les écoles dartilleurs. Ces différences sexpriment dabord au niveau des destinataires de lenseignement. Dans les garnisons, la formation sadressait à des hommes qui étaient déjà au service de la Monarchie, payés par largent 409du roi. En revanche, à lécole de Séville, comme à celles de Palerme ou de Milan, lenseignement de lartillerie était public et ouvert « à tous ceux qui voudraient apprendre lart » comme le répétaient les différentes instructions des maîtres. Les élèves, pour la plupart marins ou artisans, pouvaient sinscrire gratuitement, mais sans rémunération – hormis, dans certains cas, la jouissance de privilèges. Dans cette perspective lemploi généralisé du terme escuela après 1588 faisait aussi plutôt référence à un enseignement public. Il en allait ainsi de lécole de Bartolomé de Andrada à Lisbonne224. De même, la création décoles à Burgos, Pampelune, Fontarrabie et Saint-Sébastien visait, selon le capitaine général de lartillerie, à instruire les natifs de ces régions, en particulier les artisans charpentiers, forgerons et tailleurs de pierre, invités à sinscrire en échange de la jouissance des privilèges et de lobligation à servir la Monarchie en cas de nécessité225. Autrement dit, le glissement de vocabulaire vers le mot escuela correspondit à une évolution de lenseignement de lartillerie, de plus en plus ouvert au public et visant à générer des artilleurs à partir dautres métiers plutôt que de perfectionner des artilleurs déjà au service du roi.

En outre, ce passage des garnisons dartilleurs aux écoles saccompagna dune insistance de plus en plus marquée sur les cours théoriques. Avant 1588, seule la forteresse de Perpignan fournit un indice fort de lexistence de cours théoriques. Cependant, la situation changea dans la dernière décennie du xvie siècle. À lécole de Séville, il fallut attendre la venue, en 1591, du mathématicien italien Julián Ferrofino pour obtenir la preuve irréfutable que des cours théoriques étaient donnés séparément des exercices de tir226. Le parcours de cet homme avant son arrivée à Séville est révélateur de la nouvelle tournure que prenait alors lenseignement de lartillerie dans la péninsule ibérique. Il faut dabord noter une fois de plus le lien évident avec les écoles italiennes puisque Ferrofino avait enseigné lartillerie et la fortification à Milan pendant six ans227. Lorsque cet homme arriva en Espagne en 1589, Hernando de 410Acosta, lieutenant de lartillerie à Lisbonne fut chargé de donner son opinion sur le savant :

Il est très docte en mathématiques et je suis certain que, en ce qui concerne la théorie, il instruira très bien à lemploi de lartillerie, et avec la facilité quil promet, tous ceux qui lécouteront, ce qui conviendrait parfaitement et est fort nécessaire au service de Votre Majesté228.

Cet homme que le lieutenant Acosta jugeait excellent pour enseigner les aspects théoriques de lartillerie, le conseil de guerre jugea pertinent de lenvoyer à l« école » de Burgos – il sagit de la première occurrence chronologique de ce mot appliqué au centre de formation de Burgos229. Comme le chapitre précédent la montré, après un bref séjour à Burgos, Ferrofino fut finalement appelé auprès du capitaine général de lartillerie à Malaga, où il donna également des leçons aux artilleurs de la ville. Signe de la valeur attribuée à cet individu capable de bien enseigner la théorie, le lieutenant Hernando de Acosta réclama sa présence à Lisbonne230. Il est par conséquent possible daffirmer que ces écoles dartilleurs étaient considérées comme des centres de formation à la théorie de lartillerie autant quà la pratique. Dailleurs, lusage plus fréquent du mot escuela saccompagna dun glissement de vocabulaire des verbes abilitar et ejercitar rappelant les exercices de tir, vers le mot enseñar, se référant à un enseignement plus formel231.

Lenseignement de lartillerie connut un franc succès dans les deux décennies qui suivirent le désastre de lInvincible Armada. En plus des écoles créées dans les ports dattache des escadrons de larmada del mar Océano, le capitaine général de lartillerie ordonna la mise en place, en décembre 1589, dune école dartilleurs à Carthagène, sur le modèle milicien de Malaga où la seule rémunération des artilleurs était 411la jouissance des privilèges232. Au début du xviie siècle, avec celle de Gibraltar, trois écoles en tout fonctionnaient complètement comme une milice citoyenne233. Probablement après le sac de la ville par les Anglais en 1596, une école dartilleurs fut également ouverte à Cadix où fut envoyé quelques années plus tard Lazaro de la Isla, le maître artilleur qui avait enseigné sur les galères de Lisbonne234. Par ailleurs, lexistence des autres écoles perdura dans le temps. Ainsi, à la Corogne, le maître Gerónimo Ruiz remplaça en 1594 le sicilien Evangelista235. De même au château São Jorge de Lisbonne, lartilleur vétéran Juan Carlos succéda à lenseignement de Bartolomé de Andrada236. La situation semblait inchangée au début du xviie siècle puisque, dans un document dédié aux écoles dartilleurs en 1605, don Juan de Acuña Vela écrivait au conseil de guerre que

en Catalogne, Navarre, Galice, Portugal et à Cadix, il y a des écoles où sexercent les artilleurs quil y a dans ces régions ainsi que ceux qui souhaitent devenir compétents, et à Gibraltar, Malaga et Carthagène, ils sexercent aussi mais sans aucun salaire, jouissant seulement des privilèges237.

Ces écoles de Catalogne, Navarre, Galice et Portugal citées par le général de lartillerie, renvoient certainement aux places fortes de Perpignan, Barcelone et Pampelune considérés à cette date comme des « écoles », ainsi que les escuelas du Ferrol, La Corogne et Lisbonne.

Les cartes des figures 37 et 38 mettent en évidence la constitution de ce réseau de centres de formation à lartillerie. Ces cartes nont pas lambition dêtre exhaustives. En particulier la seconde carte fait figurer les différents centres quau moins une source identifie comme escuela. Par conséquent, de nombreuses petites garnisons incluant un 412terrain dentraînement et une formation des artilleurs à léchelle locale ne sont pas représentées. Comme la frontière entre garnisons formant des artilleurs et véritables écoles dartilleurs était relativement ténue, il est tout à fait possible que certains lieux soient passés au travers des mailles de mes recherches. De plus, comme les traces de ces écoles dans les sources sont relativement rares, il nest pas possible daffirmer leur continuité totale de fonctionnement. Létude du cas détaillé de Séville dans le chapitre précédent a bien démontré combien il pouvait être difficile pour ces établissements semi-institutionnalisés de perdurer dans le temps, sans discontinuité, au-delà de leur contexte de création et des parcours des maîtres auxquels ils étaient initialement attachés. Cependant, malgré ces imprécisions, ces deux cartes permettent de visualiser clairement le phénomène de multiplication des centres de formation dartilleurs entre 1588 et 1605. Elles montrent également la principale force motrice de ce phénomène : la constitution des flottes de guerre atlantiques, engendrant une concentration des centres de formation près des côtes, dans les ports où stationnaient les armadas espagnoles.

Par ailleurs, cette cartographie de lenseignement présente de grandes disparités de répartition puisque plusieurs écoles se concentrent parfois sur un espace réduit tandis que dautres territoires bien plus vastes tels que les Pays-Bas, le royaume de Naples et lAmérique apparaissent comme totalement démunis décoles. Comment expliquer de tels écarts ? Dans le cas de lAmérique, il a été mis en évidence dans la partie précédente que les principaux ports fortifiés étaient censés posséder un terrero, cest-à-dire un terrain dentraînement pour les artilleurs en garnison. Il est possible que davantages de recherches ciblées sur cet espace révèlent lexistence de véritables écoles dartilleurs ayant émergé de ces terreros. Toutefois, il faut rappeler quà la fin du xvie siècle, ces garnisons reposaient encore en grande partie sur la péninsule ibérique pour le recrutement dartilleurs238. Pour des raisons démographiques, il était certainement plus difficile de générer un surplus dartilleurs à Carthagène des Indes quà Séville ou à Lisbonne, villes importantes et principaux centres daffluence des migrations de toute la péninsule ibérique et dau-delà. Quant aux Pays-Bas et au royaume de Naples, les archives de Simancas ne mentionnent aucune trace décoles 413dartilleurs, mais il est tout à fait possible que des recherches dans les archives de Bruxelles et de Naples révèleraient quelque surprise à ce sujet. Toutefois, ces territoires ayant joué des rôles secondaires dans la construction de la puissance navale espagnole en Atlantique, il ny a rien non plus dabsurde à ce quils soient restés en marge du grand mouvement de création décoles dartilleurs qui suivit la défaite de larmada de 1588.

Dautres exemples viennent soutenir lhypothèse dune relation causale entre la dynamique de création décoles dartilleurs et la construction dune puissance navale pour soutenir un vaste empire. En effet, la Monarchie hispanique ne fut pas le seul État à recourir massivement à ce type dinstitutions pour soutenir un empire sétalant entre différentes mers et océans. À Venise, le Sénat justifiait le maintien de ses écoles dartilleurs par les besoins de sa flotte de guerre et de ses places fortes disséminées dans toute la Méditerranée orientale239. LAngleterre, principale rivale de lEspagne dans lAtlantique, commença également à se doter dune école dartilleurs240. De manière parfaitement symétrique à ce qui est observable dans la péninsule ibérique, les artilleurs de la Tour de Londres commencèrent dans les années 1580 à sentraîner dans les faubourgs de la ville. Les apprentis étaient appelés scholars dans les sources, ce qui ne manquera pas de rappeler les vocables de scolari et escolares usés dans les écoles dartilleurs italiennes et espagnoles. Bien que le phénomène eut une portée plus limitée en Angleterre, puisque Walton névoque lexistence que dune seule école dartilleurs, lexemple démontre que, dune part, les modèles de formation à lartillerie circulaient à travers toute lEurope – mais cela étonne peu compte tenu de limportante circulation des artilleurs eux-mêmes – et, dautre part, que la formation des artilleurs devenait un sujet de plus en plus crucial pour tout État ayant lambition dêtre une puissance navale internationale.

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Fig. 37 – Écoles dartilleurs et autres centres de formation à lartillerie de la Monarchie hispanique vers 1570-80.
Carte réalisée par lauteur.

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Fig. 38 – Écoles dartilleurs de la Monarchie hispanique vers 1600.
Carte réalisée par lauteur.

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Néanmoins, malgré son important réseau décoles dartilleurs, la Monarchie hispanique nétait pas capable de satisfaire les besoins colossaux en artilleurs engendrés par ses grandes ambitions. Dans les premières années du xviie siècle, le vieux capitaine général de lartillerie Juan de Acuña Vela ne cessa ainsi de rappeler le manque chronique dartilleurs aux autres membres du conseil de guerre241. Par conséquent, de nouveaux projets de création décoles dartilleurs furent discutés en 1604, 1605 et 1606242. Pour entretenir un lien direct avec les flottes de guerre, le port de Bilbao fut alors suggéré comme nouveau centre de formation. En outre, les membres du conseil proposèrent la mise en place dune école proche de la cour qui, à cette époque, était installée à Valladolid243. Don Juan de Acuña convainquit également le reste du conseil détablir une école à Avila, fief de sa famille, car il sagissait selon lui de la ville de Castille possédant le plus dartisans à même de devenir artilleurs244. Le projet prévoyait également une réforme de lécole de Burgos, qui devait accueillir plus délèves, ainsi que le retour de lécole de Séville sous le contrôle du conseil de guerre. Cependant, la mise à exécution de ce projet dun budget de 6 000 ducats tarda et il fallut finalement attendre lannée 1608 pour que le successeur dAcuña Vela, le marquis de San Germán, parvînt à le faire approuver par le roi en écartant lidée davoir une école proche de la cour, « lieu inapproprié aux exercices de tir245 ». Les preuves concrètes de lexistence de ces nouvelles écoles manquent mais il faut tout de même noter que la réforme de lécole de Burgos eut bien lieu, les effectifs ayant été doublé, de 60 à 120 artilleurs246.

Que fut le devenir de ces écoles dans le courant du xviie siècle ? Faute détudes sur ce thème, la réponse à cette question mériterait un travail approfondi dans les archives sur cette période qui sort du cadre fixé par mes recherches. Il est cependant intéressant de noter que, même 417si certaines de ces institutions, comme lécole de Séville, traversèrent le siècle, dautres tombèrent en désuétude à des dates inconnues. Ainsi, en 1638, le capitaine général de lartillerie demanda la réouverture de lécole de Burgos apparemment fermée quelques années plus tôt247. En outre, en 1678, le conseil de guerre réalisa quil y avait alors un grand manque dartilleurs dans le royaume et proposa douvrir des écoles dartilleurs à Cadix, Saint-Sébastien, Barcelone, La Corogne, Malaga, cest-à-dire dans des villes où avaient précédemment existé des écoles dartilleurs au début du même siècle248. Il semble donc quau milieu du xviie siècle, dans un moment de crise pour lempire espagnol, la plupart des écoles dartilleurs avaient été fermées.

Cependant, sur le long terme, lenseignement de lartillerie sous une forme institutionnalisée devint la norme puisque, à partir du xviiie siècle, la plupart des grands États européens se dotèrent décoles dartillerie249. Néanmoins, les structures des administrations militaires avaient entre temps évolué au point que, à la fin de lépoque moderne, les élèves sortant des écoles dartillerie de La Fère (en France), de Ségovie (en Espagne), ou de Woolwich (en Angleterre) nétaient plus de simples artilleurs mais des officiers dartillerie en charge de les commander. À ce titre, il convient donc de sinterroger sur les conséquences, au xvie siècle, de lapparition des premières écoles dartilleurs sur la formation du corps officier encadrant ces techniciens de la poudre.

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Formation à lartillerie des officiers

Lincorporation des pratiques denseignement et dexamens des artilleurs aux structures administratives de la Monarchie hispanique ne put se faire quavec la participation de nombreux officiers en charge dassister aux examens, de recruter et de commander les artilleurs ou encore de gérer le matériel. Au premier rang de ces cadres de lartillerie figuraient bien entendu le capitaine général de lartillerie et ses lieutenants, qui, lorsquils manquaient dexpertise en artillerie, devaient se former dans les quelques mois suivants leur nomination250. Toutefois, bien dautres postes de ladministration militaire requéraient quotidiennement des connaissances sur lartillerie. Ainsi, tout le personnel comptable de lartillerie – les mayordomos, contadores et pagadores – devaient quotidiennement travailler en étroite collaboration avec les artilleurs afin didentifier, fabriquer, préparer et réparer le matériel251. De telles fonctions ne pouvaient être que difficilement assurées par ces individus sils nétaient pas en mesure de juger du niveau de compétences et dexpertise des artilleurs avec lesquels ils travaillaient. En outre, il faut rappeler que lors des examens, même si les questions étaient posées par des artilleurs, la procédure se faisait souvent sous lœil scrutateur dautres officiers contrôlant son bon déroulement. À Séville, il sagissait des juges de la casa de la contratación252, à Minorque le veedor y prenait part253, à Milan lingénieur militaire Luis Collado en était chargé254 et à Pampelune, cétait le vice-roi lui-même qui devait surveiller lexamen255. Par ailleurs, comme la pratique de lexamen nétait pas systématique, les recruteurs eux-mêmes devaient être capables de juger des compétences des artilleurs quils engageaient. Il en allait ainsi des capitaines de navire tout comme du recruteur de mercenaires allemands Adrian Verbeque. En dautres termes, le contrôle formel ou informel des compétences des artilleurs obligeait une pléthore dofficiers au service du roi à développer leurs connaissances sur lartillerie.

Cette nécessité quavaient les officiers de se former à lartillerie est tout à fait perceptible dans les sources. Ainsi, dans un rapport de lannée 4191582 sur létat de défense des Caraïbes, un agent du roi recommandait que les capitaines de navires et commandants de forteresses fussent eux-mêmes examinés en matière dartillerie :

Pour capitaine, il faut un homme qui comprenne la guerre, comment se charge une pièce, comment lajuster. De plus, jen avise Votre Majesté, il en va de même de tous les châtelains de forteresses à votre service, car cela est de grande importance et ils devraient être examinés comme le sont les caporaux artilleurs de ces forteresses ainsi que les artilleurs eux-mêmes. Parce que jai vu de nombreux capitaines de navires et de forteresses qui, au moment où lartilleur veut faire feu sur lennemi, senfuient car ils ont peur de la pièce dartillerie [], mais sils comprenaient son maniement, les châtelains des forteresses seraient toujours présents et verraient si les artilleurs réalisent bien leur office256.

Daprès cet agent de la Monarchie, la formation des commandants à lartillerie était un impératif pour contrôler lactivité des artilleurs, cruciale sur le plan tactique. Daprès dautres sources, les capitaines de navire devaient savoir poser les questions dexamens aux artilleurs afin doptimiser lusage de leur artillerie257. Le conseil des Indes songea même à obliger les maîtres et pilotes à passer lexamen dartilleur afin dêtre en mesure de surveiller et juger de la qualité daction de leurs artilleurs258.

Les officiers disposaient de diverses solutions pour se former à lartillerie. Dabord, un certain nombre de capitaines et de lieutenants dartillerie tiraient leurs connaissances des nombreuses années dexpérience de combats quils avaient à leur actif. Certains comblaient leurs lacunes au contact de spécialistes plus expérimentés. Ainsi, lorsque Francés de Álava fut nommé capitaine général de lartillerie, on lui adjoignit un 420lieutenant dartillerie vétéran pour lassister dans sa tâche et le former259. De plus, certains officiers recouraient directement aux centres de formation des artilleurs. Comme le chapitre précédent la mis en évidence, des capitaines de la carrera de Indias fréquentaient lécole dartilleurs de Séville et assistaient aux leçons quotidiennes de lartillero mayor. En outre, le développement dune littérature technique sur lartillerie fournit certainement à dautres officiers la possibilité dapprendre les aspects théoriques de lart260. Enfin, des institutions entièrement destinées à former le commandement firent leur apparition en parallèle des écoles dartilleurs.

À partir du mois doctobre 1583, une académie royale de mathématiques fut ouverte à la cour de Philippe II261. Un an plus tard, le porteur du projet, léminent architecte Juan de Herrera, fit publier un livret explicatif du programme de cette institution et des raisons de son existence262. Daprès ce document, le but de cette académie était de proposer aux jeunes de la cour des leçons gratuites de sciences mathématiques incluant notamment la cosmographie, larchitecture, lingénierie militaire, la mécanique et lartillerie. Le public visé était celui des futurs grands serviteurs de la Monarchie : « les fils des nobles qui, à la Cour et au Palais de sa Majesté séduquent et sinstruisent [] avant daller à la guerre et aux charges de gouvernement263 ». Comme je viens de le souligner, avoir des connaissances en artillerie pouvait savérer utile à ces jeunes gens dans leur future carrière dofficiers du roi, quils devinssent capitaines ou même vice-rois. Cependant, cette 421académie sinscrivait dans les projets plus larges de formation des techniciens de lempire. En effet, le livret de Juan de Herrera prévoyait une sorte de système centralisé de contrôle de lenseignement attribuant aux étudiants sortant de lacadémie le monopole de lenseignement de certaines professions telles que lartillerie264. En outre, Juan de Herrera souhaitait créer tout un réseau dacadémies de mathématiques dans les grandes villes du royaume de Castille265. Néanmoins, daprès Esteban Piñeiro, ni le système centralisé de contrôle de lenseignement, ni les académies de province ne virent le jour.

En revanche, lacadémie de mathématiques de la cour eut une existence plus pérenne. Toutefois dans ses premières années de fonctionnement, le large panel de disciplines mathématiques présenté dans le programme de 1584 était en réalité réduit à larithmétique, la géométrie et la cosmographie, les cours étant dispensés dans une maison près du palais royal de Madrid par le cosmographe portugais Lavanha et son disciple Ondériz266. Une décennie plus tard, à laube du xviie siècle, lenseignement de lacadémie commença peu à peu à se diversifier avec Andrés García de Cespedes à la cosmographie, lalferez Rodriguez à la formation des escadrons de soldats, ou encore Cristóbal de Rojas aux fortifications267. Différents témoignages mettent par ailleurs en évidence que ces cours rencontrèrent un franc succès parmi les jeunes aristocrates de la cour. Dimportants personnages y firent leurs premiers pas, tels que le poète Lope de vega, le comte de Puñoenrostro, le marquis de Moya ainsi que de nombreux autres courtisans et gentilshommes, tels que le regidor de Murcie – le représentant local du roi – Ginés de Rocamora268.

Cest dans ce contexte que, en 1595, le mathématicien italien Julián Ferrofino fut promu professeur de mathématique à la cour269. Les sources ne précisent malheureusement pas le contenu de ses leçons de « mathématiques ». Plusieurs indices laissent néanmoins penser que lenseignement de ce professeur portait en grande partie sur lartillerie. Dabord, il est primordial de rappeler quavant dêtre professeur à la 422cour, Ferrofino avait dû faire ses preuves en enseignant plusieurs années à lécole dartilleurs de Séville270. Par ailleurs, les notes manuscrites « tirées des brouillons de Ferrofino » à lépoque où il enseignait à la cour portent essentiellement sur lartillerie. De plus, bien que, comme les autres professeurs de lAcadémie, sa chaire dépendît du conseil des Indes – qui lui payait la généreuse somme de 800 ducats par an – le contenu de ses cours était dicté par don Juan de Acuña Vela, capitaine général de lartillerie271. Signe clair que la spécialité reconnue de cet homme était lartillerie, les ordres du roi stipulaient que, malgré son poste à la cour, Ferrofino devait être prêt à aller enseigner lartillerie partout où le capitaine général choisirait de lenvoyer272.

Autrement dit, à partir de 1595, les jeunes aristocrates de la cour recevaient des leçons dartillerie par le même homme qui avait formé les artilleurs de la carrera de Indias quelques années plus tôt. Ce cas montre clairement que la mise en place dune formation des nobles et futurs officiers du roi était un phénomène interconnecté avec celui de lapparition des écoles dartilleurs et des pratiques dexamens. En outre, il est à noter que cette chaire de mathématiques et dartillerie connut une longue existence aux mains de la famille Ferrofino puisque, à la mort de Julián en 1604, son fils Julio César lui succéda. En effet, à partir de 1605, le conseil de guerre le chargea, comme son père avant lui, denseigner les matières que recommanderait le capitaine général de lartillerie273. Non seulement assuma-t-il cette charge jusquen 1650, mais il publia également deux traités dartillerie et constitua lautorité principale de cette discipline à la cour pendant la première moitié du xviie siècle274.

Le cas de cette chaire dartillerie et de mathématiques des Ferrofino mise en place à la cour dEspagne montre que lémergence, à la Renaissance, dune culture mathématique de cour nest pas un phénomène socioculturel interne à lunivers courtisan. Dans le cas de lartillerie, il sagit dun processus complexe traversant différentes couches sociales, sappuyant sur 423des pratiques semi-institutionnalisées de ladministration militaire et mettant en jeu un système où les connaissances étaient appelées à jouer un rôle considérable dans les dynamiques de promotion socio-économique. En ce sens, la cour ne fut que lune des deux faces de cette pièce de monnaie que constitua le développement dune culture mathématique, lautre étant formée des techniciens subordonnés. Avec la prolifération des artilleurs dans les dernières décennies du xvie siècle, de plus en plus de nobles au service de la Monarchie se retrouvaient tôt au tard confrontés à la nécessité dacquérir les connaissances leur permettant de commander ces individus. Il ne sagit pas dexagérer limpact des écoles dartilleurs et des pratiques dexamens sur la culture de cour. Cependant, la transformation du rôle des savoirs devenant une norme de médiation entre différents milieux sociaux au sein des armées renforça certainement le succès des mathématiques auprès des gentilshommes275 et le succès des mathématiciens au sein des cours princières276.

Conclusion

Le sujet des écoles dartilleurs demeure aujourdhui encore un thème marginal, voire inexistant au sein de lhistoriographie. Le long exposé centré sur le cas sévillan pourrait inciter à considérer le phénomène de création décoles dartilleurs comme un fait isolé ou ponctuel. Toutefois, lobjet de ce chapitre a été de démontrer que lécole dartilleurs devint, aux xvie et xviie siècles, une institution relativement répandue en Europe occidentale. Lorsque lempire espagnol se dota de tels centres de formation, il ne fit que copier un modèle en place chez les États voisins, notamment chez les Vénitiens. Les discussions du haut commandement militaire autour de la création de la première école à Milan laissent entendre quil y avait déjà, dans les années 1560 et 1570, des écoles dartilleurs 424dans plusieurs États dItalie et dAllemagne. Quelques décennies plus tard, au tournant du xviie siècle, ce modèle proliférait à travers les structures de la Monarchie hispanique. Au même moment, les rivaux anglais sen étaient également dotés et avaient mis en place une école à Londres277. Dans les décennies qui suivirent, dautres États durent leur emboiter le pas, à limage de la France de Louis XIV qui ouvrit plusieurs « écoles » dans les années 1680 à La Fère, Metz, Strasbourg, Grenoble et Perpignan278. Toutefois, lhistoire de la circulation de ce modèle de formation reste encore en grande partie à faire.

Le sujet des écoles dartilleurs est pourtant essentiel pour mieux saisir certaines grandes transformations de lépoque moderne. Dans le cas de la Monarchie hispanique, le vaste réseau décoles dartilleurs servit notamment à développer la force de projection navale en permettant de générer lexpertise nécessaire à lusage des milliers de canons se trouvant à bord des navires et des forteresses dun État qui sétendait à travers plusieurs continents. De plus, la démultiplication du transfert de compétences induite par le système de lécole dartilleurs contribua indubitablement au changement déchelle caractéristique de la révolution militaire279. Cependant, un élément fondamental demeure à étudier pour mieux comprendre les mécanismes en jeu dans ce changement déchelle : il sagit des savoirs au cœur du transfert de compétences. Lexistence dun enseignement théorique, limplication de mathématiciens, lexamen par questions sont autant dindices dune transformation de la nature des savoirs artilleurs. En outre, le fait que la pratique de lexamen par questions ne soit pas spécifique au monde des artilleurs invite à envisager lhypothèse dune transformation plus large de la relation des contemporains aux savoirs formalisés. Cest donc cet univers des connaissances autour de lartillerie que propose danalyser la partie suivante de louvrage.

1 AGS GYM leg. 254/265. « Du temps où les Romains furent seigneurs du monde, ils avaient des écoles à Rome où lon apprenait la manière et la pratique que les soldats doivent avoir et, de là, ils partaient directement prendre part à toutes les occasions de combat qui se présentaient. Comme ils étaient si habiles et exercés, ils sortaient toujours victorieux, tout en étant moins nombreux que leurs adversaires. [] Comme il parut à lempire romain quil ny avait personne dans le monde qui pût le menacer, il fut ordonné de mettre fin aux écoles de soldats quil y avait jadis et, lorsquelles furent supprimées, comme ce fut bien le cas, en peu de temps les Romains furent perdus et assujettis. »

2 Voir les remarques de Pamela Smith sur la nature manuelle des savoirs transmis entre artisans, Smith, Pamela H., The Body of the Artisan, op. cit. p. 7. Voir aussi Farr, James Richard, Artisans in Europe, 1300-1914, p. 34-37, 135, 284-286. Epstein, Stephan. R., « Craft Guilds, Apprenticeship and Technological Change in Preindustrial Europe », op. cit. De Munck, Bert, Technologies of Learning, op. cit.

3 Braudel, Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à lépoque de Philippe II – Tome 2, Paris, Armand Colin, 1976, p. 133 ; Goodman, David C., Power and Penury, op. cit., p. 123.

4 Voir le numéro spécial des 250 ans dexistence de lacadémie dartillerie de Ségovie, et en particulier : Medina Avila, Carlos, « De la escuela a la academia. Los centros de formación de artilleros », Revista de Historia Militar, Extraordinario I, 250 Aniversario del Real Colegio de artillería, 2014, p. 13-72. Herrero Fernández-Quesada, Dolores « El Real Colegio de artillería. De la fundación a la consolidación de un modelo de centro docente militar y científico-técnico », ibid., p. 73-134. De plus anciens exemples : Barrio Gutierrez, Juan, « La Enseñanza de la Artillería en España hasta el Colegio de Segovia », Revista de Historia Militar, XIV, no 28, 1970, p. 39-66. Frontela Carreras, Guillermo, « La enseñanza de la artillería dependiendo del Consejo de Indias », op. cit.

5 López Piñero, José María, Ciencia y tecnica en la sociedad española de los siglos xvi y xvii, op. cit., p. 94, 106-107.

6 Esteban Piñeiro, Mariano, « Los oficios matematicos en la España del siglo xvi », dans II Trobades dHistòria de la Ciència i de la Tècnica, Victor Navarro Brotons (éd.), Barcelone, Societat Catalana dHistòria de la Ciència i de la Tècnica, 1993, p. 239-251. Esteban Piñeiro, Mariano, « La ciencia aplicada y la técnica en la Castilla del siglo xvi », dans La filosofia española en Castilla y León : de los origenes al siglo de Oro, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1997, p. 421-430.

7 Vicente Maroto, María Isabel, « Las escuelas de artillería en los siglos xvi y xvii », op. cit. Vicente Maroto María Isabel, García Tapia, Nicolas, « Las escuelas de artillería y otras instituciones técnicas », dans Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, siglos xvi y xvii, José María López Piñero (éd.), Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002, p. 73-82.

8 Vigón, Jorge, Historia de la Artillería Española, op. cit., p. 149, 267-272.

9 Carrasco y Saiz, Adolfo « Apuntes sobre los sistemas y medios de instrucción del cuerpo de artillería », op. cit.

10 AGS EST leg. 1260/115 (année 1564).

11 AGS EST leg. 1222/50 (08/08/1567). Pour en savoir plus sur Gabrio Serbelloni, voir p. 212.

12 AGS EST leg. 1260/117 (10/09/1569).

13 « Haviendo su Magestad mandado los años passados por advertencia de Adrian Verbeque que en esta ciudad de Milan se hiziese y mantuviese una escuela de artilleros [] se començo a hazer y exercitar pero dexose de continuar por causa de algunos del magistrado ordinario que lo estorvaron », AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).

14 Ces conflits sont exposés plus en détail p. 170-173.

15 « Todo el tiempo que duro la dicha scuela que fue no sé quantos años », AGS EST leg. 1249/80 (12/03/1578).

16 Ibid.

17 AGS EST leg. 1245/62 et 64 (01/10/1576).

18 AGS EST leg. 1246/69 (13/08/1577).

19 AGS EST leg. 1249/78, 80 et 81 (12/03/1578). Le document 81 contient les règles de fonctionnement de lécole, sous le titre « Los capitulos que parece se podrían hazer con los escolares de la scuela de los artilleros que su Magestad manda que se haga en el estado de Milan ».

20 « Haviendose de señalar y proveer de un hombre suficiente para cabeça de la scuela, que sea obligado de enseñar todas las cosas pertenientes al arte del artillero », AGS EST leg. 1249/81 (12/03/1578).

21 « Los que entraren en la dicha scuela juren de servir a Su Magestad assí aqui como a las partes donde se offreciere haberlos de enviar, conforme las necessidades, sin hazer resistencia ninguna », ibid.

22 Sur ces privilèges, voir p. 150-151.

23 AGS EST leg. 1260/119 (28/10/1583).

24 AGS EST leg. 1260/126 (sans date, accompagnant une lettre du 28/10/1583).

25 AGS EST leg. 1260/109, 113 et suivants (12/10/1585).

26 AGS EST leg. 1280/30 (05/01/1596).

27 AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).

28 Voir p. 268-271.

29 « La falta que hay por aca de artilleros ha hecho mirar en que en el Condado de Tirol, o en otras partes podría levantar algún numero dellos [] y porque Adrian Berbech es plático dessas partes y deste manejo por haberse ocupado otras vezes en otros semejantes [] lo podreys enviar », AGS EST leg. 1265/210 (03/02/1589).

30 AGS VIT leg. 330 (1) fol. 151 (11/04/1587) et AGS EST leg. 1284/182 (année 1597).

31 AGS EST leg. 1068/42 (03/03/1575).

32 « Instituir una escuela de cient artilleros como la tienen Venecianos y otros principes en Italia », AGS EST leg. 1260/117 (10/09/1569).

33 « Haviendo su Magestad mandado los años passados por advertencia de Adrian Verbeque que en esta ciudad de Milan se hiziese y mantuviese una escuela de artilleros y carpinteros que se ejercitasen como se haze en Alemaña en muchas ciudades francas y en Ytalia, en tierras de Venecianos y otras », AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).

34 « Sería acertado el mandar Vuestra Magestad que se introdujiesse en este estado la escuela de los artilleros que en todos estos vezinos, y en otros diversos de Europa se usa », AGS EST leg. 1260/109 (12/10/1585).

35 Ces écoles ont été partiellement étudiées par Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State : Venice c. 1400 to 1617, Cambridge University Press, 2006, p. 403-407.

36 Le livre de règle de cette école-confrérie permet de rendre compte de son existence continue à partir de lannée 1500. Voir ASV, Scuole Piccole, Ba 257.

37 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 86.

38 Ibid., p. 404-405. Le Sénat vénitien expliquait ainsi le rôle clé de ces écoles : « E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).

39 Le Sénat vénitien expliquait ainsi le rôle clé de ces écoles : « La provision dartilleurs est très importante, car il est nécessaire den envoyer bon nombre dans larmada et autres lieux et îles nous appartenant », (« E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).

40 Le texte de création de lécole par Paolo da Canale date du 31 octobre 1500 : ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 1r.

41 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 20v (année 1534).

42 Ibid. fol. 45v (20/04/1570).

43 « Parte presa nellEccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri di Venetia, stampata per Pietro Pinelli, stampator ducale », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).

44 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 405.

45 « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri. Stampata per Antonio Pinelli, stampator ducale », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

46 « Parte presa nellEccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).

47 « Si debbano far due mostre al Lido ogni anno alla presentia di unIllustrissimo Signor Proveditor al meno, dove in una mostra si essercitino a tirar con sei falconi, tirando in terra in distantia di 300 over 400 passa et nellaltra Mostra tirando in un segno in Mare distantia di 400 passa », document intitulé « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

48 « Che li 12 capi di squadra che sarano elletti siano obligati due volte al mese [riunire ?] li soi bombardieri et insegnarli delle cose pertinenti all artellaria », ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 50v (année 1573).

49 « Che il Capo de Bombardieri di questa Città sia tenuto cosi linverno come lestate ridur ogni sera in casa sua tutti quelli Bombardieri che stimera atti, insegnandoli et essaminandoli in tutte le cose dellArte », dans le document intitulé « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri… », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

50 « Da poi che el ditto [bombardiero] havera meso in deposito ducado do hover el valor de quelli non haltramente se intenda vegnir a la prova et poi essaminado dele cose hapartinente hal arte… », ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 10r (04/07/1507).

51 ASV, Capi del Consiglio dei Dieci, Notatorio, reg. 10, c. 19r-v (28/04/1533).

52 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 23v (19/04/1539).

53 « Parte presa nellEccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardier », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).

54 « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

55 « Examinatione che si fa nel Arsenale alli bombardieri », ASV, Archivio propio Giacomo Contarini, Ba 25.

56 Hochmann, Michel « La collection de Giacomo Contarini », Mélanges de lÉcole française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, vol. 99, no 1, 1987, p. 447-489.

57 « Parte presa nellEccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).

58 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 50v (année 1573). « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

59 AGS EST leg. 1249/81 (12/03/1578).

60 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 406. ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 45v (année 1570).

61 « Parte presa nellEccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).

62 Mallett, Michael E., Hale, John R, The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 406. « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).

63 Voir p. 255-258.

64 Maestro Geronimo apparaît comme condestable dans la liste de recrutement du galion amiral de la flotte de Nouvelle-Espagne en 1574, AGI CT leg. 2937.

65 Voir le compte rendu dexamen de Juan Gutierrez du 19 mai 1581 : « ha ganado seis precios a Geronimo Lopez, y a Maestre Geronimo, y a Gaspar de Ubaldeche, y a Pedro Hernández… », AGI CT leg. 4871.

66 AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604).

67 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit., fol. 103r-104v.

68 Voir les enquêtes pour lattribution dun habit de lordre de Santiago à ses fils Pedro et Cesar, respectivement AHN OM-Santiago, Exp. 496 (année 1571), et AHN OM-Santiago, Exp. 495 (année 1593). Voir aussi les autres membres de la famille, Juan le petit-fils et Hernando le neveu, respectivement AHN OM-Santiago, Exp. 491 (années 1592-1595) et AHN OM-Santiago, Exp. 487 (années 1592-1596).

69 Titre octroyé par Philippe II en 1564 selon Villabianca, Francesco Maria Emanuele e Gaetani (marchese) di, Della Sicilia nobile, Palerme, Stamperia de Santi Apostoli per Pietro Bentivenga, 1754, Parte II Libro I, p. 20.

70 Voir sa titulature complète dans les instructions quil reçoit du roi pour son ambassade auprès de lEmpereur en 1578, Lefèvre, Joseph, Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, deuxième partie, Tome I (1577-1580), Bruxelles, Palais des Académies, 1940, p. 351.

71 Ce parti rassemblait le secrétaire Juan de Idiaquez, le marquis de Santa Cruz, le cardinal de Granvelle, Gian Andrea Doria et le duc de Terranova : Carpentier, Bastien, « Léconomie politique de la guerre. Giovanni Andrea Doria, la république de Gênes et la monarchie hispanique (1560-1606) », thèse soutenue à lUniversité du Littoral Côte dOpale, 2017, p. 260.

72 Fonction équivalente au vice-roi, mais le duc de Terranova ne pouvait porter le titre de vice-roi de Sicile en raison de son origine sicilienne – car le titre vicerégale était réservé aux gouverneurs non natifs de la région à gouverner.

73 Lefèvre, Joseph, Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, deuxième partie, Tome I (1577-1580), op. cit. p. 329 et 351. Cet ouvrage contient lessentiel de la correspondance entre Philippe II et Terranova lors de cette mission menée à Cologne entre 1578 et 1580.

74 La cérémonie eut lieu à Piacenza le 11 décembre 1585, AHN EST leg. 7690, Exp. 7.

75 « La mucha satisfación que he tenido de vuestra persona se ha podido conocer en la confiança que siempre he hecho della y continuando en lo mismo quiero agora usar con Vos de términos que uso con pocos… », AGS EST leg. 1265/10 (21/10/1589).

76 Voir la dédicace que fait Luis Collado au duc de Terranova en 1586, dans laquelle il retrace brièvement sa carrière militaire, Collado, Luis, Pratica Manuale di arteglieria, Venise, Pietro Dufinelli, 1586.

77 AGS EST leg. 1135/100 (01/11/1571).

78 García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit.

79 Le récit de la prise de Tunis par don Juan dAutriche figure dans AGS EST leg. 1139/131 (11/10/1573).

80 AGS EST leg. 1139/134 (18/10/1573).

81 Voir par exemple le rapport du capitaine Ayala sur létat de la Goulette : AGS EST leg. 1139/46 (avril 1573). Terranova envoie 2 000 fantassins espagnols et dix artilleurs à la Goulette, avant la prise de Tunis, AGS EST leg. 1139/49 (18/04/1573). Puis des renforts dartilleurs et dartillerie envoyés après la prise de Tunis AGS EST leg. 1139/86 (20/05/1574) et AGS EST leg. 1142/24 (24/05/1574).

82 Les besoins en artillerie de la Goulette en 1573 sélevaient à 73 pièces, AGS EST leg. 1139/46 (Avril 1573). Ces besoins semblent avoir été comblés après la conquête de Tunis, voir par exemple lenvoi de douze grandes pièces napolitaines, AGS EST leg. 1142/24 (24/05/1574). Voir aussi lavis positif du capitaine Jaime Losada sur les préparatifs de défense des forteresses, AGS EST leg. 1139/86 (20/05/1574).

83 AGS EST leg. 1139/134 (18/10/1573).

84 AGS EST leg. 1141/95 (17/07/1574).

85 Les nombreuses lettres reçues par le duc de Terranova sont contenues dans deux legajos de Simancas : AGS EST leg. 1141 et 1142.

86 Daprès Enrique García Hernán, le conseil dÉtat avait pris la décision de ne pas envoyer de renforts, peu importe la tournure que prendraient les évènements, García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit. ; Il faut ici rappeler que la Monarchie hispanique était alors occupée sur de nombreux fronts et organisait notamment une grande armada à Santander à destination des Flandres : Pi Corrales, Magdalena, « La otra Invencible », 1574 : España y las potencias nórdicas, op. cit.

87 Voir le récit dAlonso de Salamanca : Salamanca, Alonso de, Manuscrit II/1330, Palacio Real de Madrid. Voir aussi González Castrillo, Ricardo, « La perdida de la Goleta y Túnez en 1574 y otros sucesos de historia otomana narrados por un testigo presencial : Alonso de Salamanca », Anaquel de estudios árabes, vol. III, 1992.

88 Pour les effectifs, voir AGS GYM leg. 77/206 (01/03/1573). Pour lenvoi de renfort, voir AGS EST leg. 1139/49 (18/04/1573).

89 AGS EST leg. 1141/108 (26/07/1574).

90 AGS EST leg. 1141/122 (06/08/1574).

91 AGS EST leg. 1141/114 (09/08/1574).

92 Nouvelles de larrivée du groupe dartilleurs et effet positif sur le moral des troupes dans AGS EST leg. 1141/132 (17/08/1574) et 134 (22/08/1574). Sur le capitaine Federico Venusta, voir le désir du duc de le récupérer après sa capture par les Ottomans : AGS EST leg. 1144/3 (04/01/1575).

93 « Che li Turchi sentirano pena et mormoravano di non haver presa la fregata prima che fussero entrati li detti bombardieri [] perche credevano che non havesse piu bombardieri stanti che non si tirava piu artigliaria. Che si dolevano li Turchi chera entrato dentro la Goleta uno che faceva molti artifici di fuoco et chabbruciava li Turchi », AGS EST leg. 1141/135 (21/08/1574).

94 AGS EST leg. 1141/115 (15/08/1574).

95 La date de départ se déduit de AGS EST leg. 1141/129 (16/08/1574). Sur léchec des renforts voir AGS EST leg. 1141/140 (02/09/1574).

96 García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit. p. 92-93.

97 AGS EST leg. 1141/1 (10/11/1574).

98 Pour la mission de Locadello, voir ibid. Pour la mission de Gago, voir AGS EST leg. 1141/10 (15/12/1574).

99 « A Locadello – Che si trata di far scuola di bombardieri » dans AGS EST leg. 1141/1 (10/11/1574).

100 AGS EST leg. 1144/3 (04/01/1575).

101 « Due huomini della medesima professione spagniuoli, casati in questo regno, i quali havevano piazze nel castello di questa citta, et sono esercitati nella disciplina di Milano », ibid.

102 Ces règles figurent dans le document « Instruttioni alli maestri dellartiglieria », AGS EST leg. 1144/4 (04/01/1575).

103 Ibid.

104 « Insegnare con lettioni [] la professione et dottrina di buon artigliero », ibid.

105 Le contenu de ce programme est lobjet dune analyse approfondie p. 535-547.

106 « Instruttioni alli maestri dellartiglieria », AGS EST leg. 1144/4 (04/01/1575).

107 Une réforme des salaires des maîtres de ces écoles eut lieu en 1591, ce qui indique quelles fonctionnaient déjà bien avant cette date, AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).

108 Sur limportance de chacune des garnisons siciliennes, voir p. 64.

109 AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).

110 Cest ce quil affirmait devant le conseil de guerre en 1590, AGS GYM leg. 313/121 et 122 (19/02/1590).

111 Voir p. 64 pour les effectifs dartilleurs dans les garnisons siciliennes.

112 « Tanpoco conviene que en ninguna manera se borren las escuelas y cabos dellas, respeto de ser como sabeys la oficina donde se afinan y de donde se sacan para artilleros los escolares que se crian en ellas, de que es necesario tener proveydo este Reyno por ser frontera del común enemigo », AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).

113 Voir p. 64 et 93.

114 En 1590, le conseil de guerre pressait le retour à Trapani du directeur de lécole Alonso de Salamanca précisément pour cette raison, AGS GYM leg. 313/121 (18/02/1590).

115 AGS EST leg. 1155/87 (20/03/1587) et AGS GYM leg. 195/41 (29/03/1587).

116 Par exemple, Anton Polo, « cabo de los artilleros de Sicilia », décédé lors dune explosion accidentelle à Lisbonne, peu avant le départ de la Grande Armada, AGS GYM leg. 220/15 (25/02/1588). Voir aussi, en 1589, le groupe dartilleurs siciliens autour dEvangelista, « cabo de una de las escuadras de artilleros de campaña que vinieron de Sicilia », AGS GYM leg. 254/100 (08/12/1589).

117 Terranova arrive à Gênes début mars 1583, sapprêtant à prendre ses fonctions à Milan dans les semaines suivantes, AGS EST leg. 1417/80 (06/03/1583).

118 « Tengo por muy necessario [] que los unos y los otros artilleros se exerciten ordinariamente y tengan escuela dello, para que vayan aprendiendo otros, con quien se puedan inchir las plaças que fueren vacando », AGS EST leg. 1260/119 (28/10/1583).

119 AGS EST leg. 1260/109 (12/10/1585) et feuillets suivants.

120 AHN EST leg. 7690, Exp. 7 (11/12/1585).

121 Voir la suggestion du successeur de Terranova au gouvernement de Milan, daugmenter le nombre dapprentis de lécole : AGS EST leg. 1280/30 (05/01/1596).

122 AGS EST leg. 1293/24 (06/05/1604).

123 Le nombre de 200 apprentis est fourni par Fuentes lui-même, ibid.

124 Voir p. 143.

125 Les règles étaient déjà en usage en 1543, AGS GYM leg. 146/59 (01/05/1543). Puis on les retrouve décrites dans les instructions de chaque capitaine général de lartillerie, voir celles de Francés de Álava dans AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572) et celles de Juan de Acuña Vela dans AGS GYM lib. 43 fol. 22v-35r (30/08/1586).

126 Ibid.

127 Voir la version imprimée dans AGS GYM leg. 114/203 (10/02/1553).

128 AGS GYM leg. 146/59 (01/05/1543).

129 « Asientos de 30 artilleros que por mandado de Su Magestad y orden de Don Francés de Alava vinieron de Burgos a servir en este ejercito » AGS CMC 2a epoca, leg. 500 (03/11/1579).

130 Sur larrivée des vingt artilleurs à Lisbonne, voir AGS GYM leg. 203/31 (08/11/1587). Voir aussi la lettre de Juan Zorrilla, capturé par les anglais sur le galion de Pedro de Valdés, AGS GYM leg. 268/36 (04/10/1589). La capture du galion de Valdés par les Anglais est racontée dans Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit., p. 168.

131 AGS GYM lib. 63, fol. 79r (23/05/1592).

132 AGS CMC 1a epoca leg. 600.

133 Voir les comptes de Miguel Caro del Rincón, AGS CMC 2a epoca leg. 414.

134 « Juan Perez de Yracaval 3 400 maravedis a buena cuenta de lo que oviere de aber por el tiempo que se ocupare en havilitar e criar algunos artilleros que an de servir en la dicha Armada » avec notation marginale « los artilleros que estan a su cargo durante la dicha Armada », AGS CMC 2a epoca leg. 489. Juan Perez de Yracaval apparaît comme artilleur de Fontarrabie en 1570 et comme caporal dartilleurs en 1580, AGS CMC 2a epoca leg. 414. Pour en savoir plus sur lorganisation de cette armada de ladelantado Menendez de Avilés, destinée à rejoindre les Pays-Bas mais décimée par la peste, voir p. 98-99 et Pi Corrales, Magdalena, « La otra Invencible », 1574, op. cit.

135 AGS GYM leg. 316/153, 430 et 431 (année 1590).

136 AGS GYM leg. 271/34 (année 1589).

137 AGS CMC 2a epoca leg. 414.

138 « Mandamos a los gobernadores y capitanes generales de los puertos donde hubiere presidios y fortalezas y a los alcaides que tengan mucho cuidado de que en cada uno haya un terrero donde de ordinario se ejerciten en tirar los artilleros », Recopilación de leyes de los reinos de las Indias, op. cit., Libro III, Tit. X, Ley XXX (26/08/1580).

139 Voir p. 139.

140 AGS GYM leg. 281/230 (12/02/1590) et 240 (13/02/1590).

141 AGS GYM leg. 92/121 (année 1579).

142 Voir p. 66.

143 AGS CSU 2a epoca leg. 91.

144 « La horden que se ha de tener en la abilitación y exercicio de los artilleros conforme a lo que su Magestad tiene mandado en esta manera », ibid. (12/03/1560).

145 Ce bref manuel porte le titre de « Avisos de cosas tocantes al artillería », ibid. (sans date).

146 La nature de ces connaissances sera discutée dans le dernier chapitre.

147 « Desaminar todos los fundidores e artilleros e lombarderos e tiradores para que los que dellos no hallare abiles les despida », AGS EMR leg. 82/5 (02/03/1501) recopié dans Arántegui y Sanz, José, Apuntes históricos sobre la artillería española en la primera mitad del siglo xvi, op. cit., p. 209.

148 ibid., p. 276.

149 Titre et instructions de Francés de Álava, AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572). Formulation exactement identique pour Juan de Acuña Vela, AGS GYM lib. 43 fol. 22v-35r (30/08/1586).

150 Certains enregistrements de ces examens ont été conservés. Voici un exemple de ce type de document, datant du 23 mars 1564 : « Yo Alejandro de Aguilón caporal de los artilleros de Barcelona digo que por orden del señor de San Jorge capitán del artillería de su Magestad he esaminado a Pedro de Aldaba que fue proveido de artillero en plaza de Segovia difunto que era del numero de Perpiñan y doy fee que el dicho Pedro de Aldabala es abil y suficiente para servir la dicha plaza conforme a lo que el señor don Juan Manrique capitán general del artillería por su cedula manda porque es la verdad lo firme de mi nombre » AGS CSU 2a epoca leg. 91.

151 « Sebastian Soler, sirviendo de artillero, [] en los examenes que en mi presencia se le hizieron, dio buena quenta y razon de lo que era obligado saver por razon de su officio como hombre esperto y suficiente al arte », AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).

152 AGS GYM leg. 401/136 et 137 (23/05/1594).

153 AGS GYM leg. 186/25 (28/06/1586).

154 « No se resciva ningún soldado por artillero sino fuere alguno que sea platico en el manejo del artillería y que para entender si lo se examine en presencia del Vissorey y capitán general », AGS GYM leg. 209/374 (04/11/1587) confirmé par leg. 365/123 (11/12/1587).

155 Voir p. 326-329.

156 Lettre de don Bernardino de Velasco, capitaine général de lartillerie de Sicile : « no tienen por bien les maestros rationales que yo reciba artillero ni le despida no siendo habil ni suficiente », AGS EST leg. 1144/73 (16/07/1575).

157 « El dicho Andrés de Espinosa, artillero mayor y los dichos tres artilleros dixeron a los dichos señores presidente y juez que el dicho Juan de Toro que se avia examinado tenía platica y abilidad y suficiencia por poder usar el dicho officio de artillero », examen de Juan de Toro, 19 avril 1581, AGI CT leg. 4871.

158 « Desaminamos Pasqual de Vera si es abil y suficiente para servir a su Magestad en la plaza de artillero que esta proveído, ansí pasa a tirar como a conocer todas las otras cosas pertenecientes y tocantes al servicio », AGS CSU 2a epoca leg. 91.

159 « Dio buena quenta y razón de lo que era obligado saver por razón de su officio como hombre esperto y suficiente al arte » AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).

160 Arántegui y Sanz, José, Apuntes históricos sobre la artillería española en la primera mitad del siglo xvi, op. cit., p. 295-297.

161 « Tengais cargo de haver que los artilleros de yuso declarados se abiliten y exerciten en su oficio de artilleros mostrandoles como han de tirar como su Majestad lo tiene mandado y asi mismo como se hace la polvora y el salitre [] y otodo lo demas que se requiere de artilleros », ibid.

162 « Un bombardiere francese “bocciato” negli esami nel 1530 », Bolletino storico della Svizzera italiana, Année 1891, num. 7 et 8, p. 147-150. Je remercie Fabrizio Ansani pour cette référence.

163 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit. fol. 103.

164 « Hazer la prueba y examen de su abilidad », AGS GYM leg. 82/58 (année 1577).

165 « Es necesario para ello instrumentos », ibid.

166 « Hazer la prueva de lo que sabe delante de quien lo entienda », ibid.

167 AGS GYM lib. 57, fol. 145r (24/03/1591).

168 AGS GYM leg. 276/270 (25/12/1589).

169 « Supplica a Vuestra Majestad que siendo menester en Reynos de España, en Lisboa o en La Coruña o otra parte de Teniente de Ingeniero o que el haga tambien este oficio, mande que sea esaminado de personas de la profesión », ibid.

170 La structure dadministration de ces techniciens est décrite p. 137.

171 « Visitareis los officiales y artilleros que oviere a nuestro sueldo en toda la dicha artilleria y en las partes sobre dichas y entendereis si son de la avilidad que conviene cada uno en el officio que a de hazer », titre de Francés de Álava, AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572), repris à lidentique dans le titre dAcuña Vela AGS GYM lib. 43, fol. 22v-35r (30/08/1586).

172 Ce champ détude de la formation des pilotes bénéficie manifestement dun regain dintérêt depuis plusieurs années. Voir Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain », op. cit. Collins, Edward, « Francisco Faleiro and the Scientific Methodology at the Casa de la Contratación in the Sixteenth Century », op. cit. Esteban Piñeiro, Mariano, Vicente Maroto, María Isabel, « La Casa de Contratación y la Academia Real matemática » dans Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, Siglo xvi y xvii, José María López Piñero (éd.), Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002, p. 35-50.

173 Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain », op. cit.

174 Ibid. p. 213.

175 Voir lexamen dAlonso de Hidalgo pour devenir « maestre » de la route de Nouvelle-Espagne, AGI CT leg. 52A, num. 39 (06/02/1587).

176 Santos García, Inés María, « El oficio de maestre en la Carrera de Indias », Revista general de marina, vol. 263, 2012, p. 23-39. Fernández-López, Francisco, « El proceso de admisión de maestres de navíos en la Casa de la Contratación : expedientes y procedimiento », Anuario de Estudios Americanos, vol. 75, no 1, 2018, p. 43-66.

177 Pour une brève description de cette procédure, voir Phillips, Carla R., Six Galleons for the King of Spain, op. cit., p. 133. Les examens de pilotes de la seconde moitié du xvie siècle sont en grande partie contenus dans AGI CT leg. 52A et B et 53A et B.

178 AGI CT leg. 52A, num. 6 (13/11/1580).

179 « Que tomase juramento a todos los dichos pilotos que guardaran el secreto de lo que pasare en el dicho examen », ibid.

180 « Que cada uno dellos le haran tres preguntas las más dificiles que supiere en el arte de la navegación de las Indias », ibid.

181 Voir un feuillet de documents « examenes de notarios » de lannée 1625 inséré au milieu du legajo sur les examens dartilleurs de la casa de la contratación. On retrouve encore une fois la même terminologie : « os mando le exsamineis y hallándole hábil y suficiente », AGI CT leg. 4871.

182 Belhoste, Bruno, « Lexamen », Histoire de léducation, vol. 94, 2002, p. 5-16.

183 Julia, Dominique, « Sélection des élites et égalité des citoyens. Les procédures dexamen et de concours de lAncien Régime à lEmpire », Mélanges de lEcole française de Rome. Italie et Méditerranée, vol. 101, no 1, 1989, p. 339-381.

184 Julia, Dominique, « Gaspard Monge, examinateur », Histoire de léducation, vol. 46, no 1, 1990, p. 111-133.

185 Verger, Jacques, Culture, enseignement et société en Occident aux xiie et xiiie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 166-167.

186 Bejarano Robles, Francisco, La industría de la seda en Málaga durante el siglo xvi, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1951, p. 56.

187 Ces lettres sont transcrites à la fin de louvrage de Bejarano Robles, ibid. p. 213-218.

188 « Al qual han hallado abil y suficiente, por quanto para saber y entender lo que en el dicho oficio sabía le hizieron las preguntas y repreguntas que se requieren a las quales dio bastantes razones así de platica como de obra que de sus manos le vieron fazer », ibid. p. 218.

189 La même formulation revient à chaque fois : « Qualquier del dicho oficio que quisiera poner tienda e usar de dicho oficio y obra presta no sea osado de la poner ni tener sin que sea primero esaminado por el dicho alés y veedor de dicho oficio », AMS Sección XVI, doc. no 17, fol. 71r (herreros), fol. 78v (tirados de hilo de oro), fol. 83v (espaderos).

190 AMS Sección I, Tome 15, doc. no 24 « ordenanza de el oficio de los maestros confiteros, impresa en 1723 », signée par le roi Philippe III à Madrid le 20/05/1606.

191 « Nos fue hecho relación que el trato y confituria en la dicha ciudad de Sevilla era muy grueso por ser muy grande como nos era notorio, y [] no había examen del dicho oficio, ni ordenanzas, habiendo como había en otras ciudades de estos nuestros reynos examen del dicho oficio », ibid.

192 « Que a el dicho examen se hallen presentes juntamente con los dichos veedores otros dos oficiales examinados, que así mismo nombren los dichos oficiales confiteros a el tiempo que hizieren la eleción de los doze que assistan a el dicho examen y puedan hazer preguntas, con que no tengan voto con los dichos veedores », ibid.

193 « En todas las ciencias, disciplinas, facultades, artes liberales y mecánicas, ay examen para aprovar a los que las professan o reprobarlos : y este acto riguroso les haze estudiar y trabajar para dar buena cuenta de sí », Covarrubias Horozco, Sebastián, Tesoro de la lengua castellana o española, Madrid, Luis Sánchez, 1611.

194 Je remercie Luca Molà de mavoir transmis cette référence permettant denrichir cet aperçu de lampleur de la pratique de lexamen. Biblioteca del Museo Correr, Venezia, Mariegole, n. 48, Tessitori di seta : CAP.120 : fol. 59v-61r (27/06/1509).

195 « Che ogni volta che qualcuno vorrà mettersi alla prova per essere fatto maestro, fatto il deposito di un ducato secondo legge, sia esaminato dai Provveditori e Giudici », ibid.

196 « Sarà interrogado » et un peu plus loin « quando saranno esaminati e interrogati da Giudici e Provveditori », ibid.

197 « Et se el saverà scriver et che el dagi in nota la risposta sua in scriptura », ibid.

198 « El scrivan debi notar fidelmente, iuxtamente et distinctamente quello che loro responderano », ibid.

199 Aux cas vénitiens et espagnols, on peut rajouter celui de certaines guildes et administrations des Pays-Bas dans le courant du xviie siècle : Davids, Karel « Apprenticeship and Guild Control in the Netherlands, c. 1450-1800 » dans Learning on the Shop Floor : Historical Perspectives on Apprenticeship, Bert De Munck, Steven L. Kaplan et Hugo Soly (éd.), Oxford, New York, Berghahn Books, 2007, p. 65-84.

200 Parker, Geoffrey, The Grand Strategy of Philip II, op. cit., p. 269.

201 Voir p. 86 ainsi que Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit. ; Geoffrey Parker, The Grand Strategy of Philip II, op. cit.

202 Wernham, Richard B., After the Armada, op. cit.

203 Voir p. 87-88.

204 AGS GYM leg. 254/171 et 181 (09/12/1589).

205 Voir la lettre de Marcos de Aramburu au roi : AGS GYM leg. 254/167 et 168 (10/12/1589).

206 « Que se saquen los artilleros de tierra que se pudieren pues [] darán doctrina del artillería a los marineros [] y se yran ellas cada día enseñando como la han de hussar en la mar », ibid.

207 « E oydo tratar a unos que seria bien que en cada lugar de los destas costas huviese una escuela de artilleros », AGS GYM leg. 280/228 (06/02/1590).

208 « Vuelvo a acordar de la importancia grande que sería havilitar un numero de 1000 artilleros marineros en las costas de España para tenerlos en ellas sin sueldo sufficientes y examinados todas las vezes que sean menester, lo qual con muy poco gasto se podria, poniendo un cabo que tuviese escuela en cada uno de los lugares maritimos de más concurso », AGS GYM leg. 398/294 (19/02/1594).

209 « Que por su orden començo a servir en el dicho castillo con que sea obligado a enseñar en escuela quando se lo mandaren porque lo hizo en Sicilia », AGS GYM lib. 45, fol. 62r (24/08/1588).

210 AGS GYM leg. 280/255 (18/02/1590).

211 « A 49 artilleros de campaña que ay se an dado quatro pagas. Tienen puesta escuela aqui |Ferrol] y en la Coruña dos cabos Italianos [] En quanto a las dichas escuelas, la de aqui sirve de abilitar los artilleros de mar, y hazer algunos de nuevo », AGS GYM leg. 281/32 (07/02/1590).

212 Le marquis de Cerralbo au roi : AGS GYM leg. 254/100 (08/12/1589).

213 AGS GYM leg. 254/169 et 170 (09/12/1589).

214 « Maestre Lazaro de la Isla, cavo maestro de los artilleros de las ocho galeras que llevo a cargo a Lisboa el capitan Cristoval de Monguna [] tenía escuela de artilleros donde se enseñavan los que querían aprender el dicho arte », AGS GYM leg. 271/37 (05/12/1589).

215 Des indices de sa biographie sont contenus dans le document précédent. Voir aussi la préface au lecteur du livre quil publia cinq ans plus tard, Isla, Lazaro de la, Breve tratado de artillería, geometría y artificios de fuegos, Madrid, Viuda de Pedro Madrigal, 1595. Pour son rôle dans linvasion de la Terceira en 1583, voir AGS GYM leg. 148/311 (année 1583).

216 Demande de Lazaro de la Isla : « A Vuestra Majestad suplica de nuevo sea servido darle licencia que pueda enseñar el arte de artillería ». Réponse du conseil de guerre : « que el Adelantado de Castilla haga y procure que en las galeras se enseñen estas cosas a los que se quisieren inclinar a ello », AGS GYM leg. 316/117 (année 1590).

217 « Abiendo considerado la falta de artilleros que a avido [] les he puesto escuela y una pieça con que tiran », AGS GYM leg. 378/85 (12/10/1593).

218 Voir ibid. et AGS GYM leg. 378/98 (08/11/1593).

219 « Los esamina Juan Merlo, milanés, condestable de la Capitana », AGS GYM leg. 378/85 (12/10/1593).

220 Coll. Navarete, vol. 22, doc. no 47. Le document est inséré dans un ensemble provenant du conseil des Indes à la fin des années 1570.

221 « En quanto a lo que convendrá para que aya escuelas de artilleros fuera de las que ay, siendo Vuestra Majestad servido se podrá poner una escuela en Burgos, otra en Pamplona, otra en San Sevastian, otra en Fonterevia, y otra en Gibraltar », AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).

222 « Desde el año pasado de 84 yo he mandado que los artilleros de los castillos de Lisboa, su ribera y comarca se ejerciten y habiliten en su officio », Le roi à Hernando de Acosta, AGS GYM lib. 57, fol. 9 (29/04/1590).

223 Ces grandes garnisons continuèrent de jouer ce rôle après larmada de 1588. Voir par exemple les artilleurs de Burgos embarqués pour larmada de 1597 : AGS GYM lib. 77 fol. 202r (26/08/1597).

224 Daprès les mots de don Juan de Acuña Vela : « Ay alli quien enseñe y publicamente lo muestran a quien lo quiere oyr », AGS GYM leg. 280/255 (18/02/1590).

225 AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).

226 Voir p. 324-325.

227 « El doctor Julian Ferrofino dize a professado en matheria de forticaciones y artillería en que a servido a Vuestra Majestad de 6 años a esta parte en el estado de Milan », AGS GYM leg. 262/284 (27/06/1589).

228 « Es muy docto en las matemáticas y tengo por cierto que en lo que es teórica intruirá muy bien y con la facilidad que promete en el ministerio de la artillería a todos los que le oyeren, lo qual convendría mucho y es bien necesario al servicio de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 263/224 (année 1589).

229 « Instruira muy bien y con la facilidad que promete a todos los que le oyeren en lo de ser artilleros [] començando por Burgos dondé ay escuela dellos, adonde acudirían otros muchos », AGS GYM leg. 262/284 (27/06/1589).

230 « Si el doctor Millio [Ferrofino] que así entiendo se llama él a quien Vuestra Majestad a mandado yr a leer a Burgos esta materia de artillería viniese aquí seria a mi juicio mucho más servicio de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 254/179 (03/12/1589).

231 Voir les nombreuses citations des pages précédentes.

232 « Poner escuela para que aprendan y para ello se les de una pieza de artillería pequeña y la polvora y pelotas que pareciere que bastaran y poner aquí un muy buen artillero por cavo para que enseñe y avilite los que ahora ay y hubiere de haver », AGS GYM leg. 254/221 (22/12/1589).

233 AGS GYM leg. 688/57 (14/03/1605).

234 « Se le [Lazaro de la Isla] a mudado a Cádiz para que allí sirba en enseñar y abilitar los artilleros », AGS GYM leg. 627/126 (16/06/1604).

235 AGS GYM leg. 398/291 (19/02/1594).

236 AGS GYM lib. 70 fol. 58r (28/09/1594).

237 « En Catalunia, Navarra, Galicia, Portugal y Cádiz ay escuelas donde se ejercitan los artilleros que ay en estas partes y los que quieren abilitarse y en Gibraltar, Málaga y Cartagena también se ejercitan y no llevan sueldo y solo gozan de las dichas exenciones », AGS GYM leg. 688/57 (14/03/1605).

238 Voir p. 187-190.

239 « E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).

240 Walton, Steven A. « The art of gunnery in Renaissance England », op. cit., p. 294 et suiv.

241 AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604).

242 AGS GYM leg. 688/56 (18/08/1606), accompagné de deux documents plus anciens : no 57 (14/03/1605) et 58 (14/08/1604).

243 La cour du roi Philippe III fut installée à Valladolid à partir de 1601 avant de retourner à Madrid en 1606.

244 « La otra escuela se podría poner en Avila per ser lugar que mas cantidad ay de carpinteros, canteros, herreros y cerrajeros y de otros oficios semejantes de Castilla », AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604). Sur lorigine de Juan de Acuña Vela, voir p. 136.

245 AGS GYM leg. 688/55 (17/10/1608).

246 Coll. Aparici, Tomo XLVIII, sig. 1-3-16, AGS, Mar y Tierra, leg. 1230, année 1638 : « introducir en Burgos la escuela de los 120 artilleros que allí había ».

247 Ibid.

248 « El capitán general de la artillería de España informo que no tan solo se debía hazer la escuela en Cádiz sino es en todos los puertos de mar como era en Malaga, San Sebastian, la Coruña, Mallorca, eligiendo y recibiendo mozos que tengan edad de poder mover las piezas [] y señalarles sueldo al menos de 4 escudos [] Otra escuela en Cathaluñia que también es precisa », consulte du conseil de guerre de 04/07/1678, AGS GYM leg. 2407, sans numérotation de folio. Le thème revient régulièrement à lordre du jour des réunions du conseil de guerre de lannée 1678 : le 16/05, le 15/07, le 29/07 et le 21/10. Je remercie Antoine Sénéchal pour cette référence trouvée au détour de ses recherches sur Oran.

249 Andújar Castillo, Francisco, « La educación de los militares en la España del siglo xviii », Chronica nova : Revista de historia moderna de la Universidad de Granada, no 19, 1991, p. 31-56. dOrgeix, Emilie, « Supports denseignement et édition militaire en France : du cahier dexercice manuscrit à la publication savante (1750-1840) », dans Les savoirs de lingénieur militaire (1751-1914), Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, p. 61-70. Vallet de Viriville, Auguste, Histoire de linstruction publique en Europe et principalement en France, depuis le christianisme jusquà nos jours : Universités, colléges, écoles des deux sexes, académies, bibliothèques publiques, etc, Administration du Moyen Âge et de la Renaissance, 1849, p. 266 et suiv.

250 Voir les remarques p. 208 concernant la procédure de sélection des lieutenants.

251 Pour une description de cette structure administrative, voir p. 137.

252 Voir p. 326-329.

253 AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).

254 AGS EST leg. 1704/66 (10/08/1604).

255 AGS GYM leg. 209/374 (04/11/1587).

256 « Tiene necesidad de capitán hombre tal que entienda la milicia, como se a de cargar una pieza y asestarla y lo propio advierto a Vuestra Majestad que an de tener todos los alcaides de fortalezas que servieren a Vuestra Majestad porque es de grande importancia, y que sean exsaminados como lo son los condestables de las dichas fortalezas y artilleros porque he visto muchos capitanes de naos y fortalezas que al tiempo que el hartillero quiere disparar para el enemigo hechan a ir de miedo de la pieza [] [pero] entendiendo esto los alcaides de las fortalezas estarían siempre presentes y verían como el artillero o artilleros hacían su oficio », AGS GYM leg. 133/245 (année 1582).

257 « Y el capitán y maestre que supiere esto y las preguntas que ha de hacer al Artillero, sabra pelear en la mar con menos gente y menos artillería » dans le document intitulé « Orden e instrucción del modo y manera que se ha de tener para pelear en el Mar », Coll. Navarete, vol. 22, doc. no 47 (ca 1575).

258 AGI IG leg. 1957 lib.5 fol. 236v-237r (09/10/1601).

259 AGS GYM leg. 77/179 (année 1572).

260 Voir chapitres « la Nouvelle Science » et « traités dartillerie et écoles dartilleurs ».

261 Cette institution a été étudiée par Mariano Esteban Piñeiro et María Isabel Vicente Maroto dans plusieurs livres et articles : Vicente Maroto, María Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, Valladolid, Junta de Castilla y León, Consejería de cultura y turismo, 2006. Esteban Piñeiro, Mariano, « La academia de matemáticas de Madrid » dans Felipe II, la ciencia y la técnica, Enrique Martinez Ruiz (éd.) Madrid, Actas, 1999, p. 113-132. Esteban Piñeiro, Mariano, « Las academias técnicas en la España del siglo xvi », Quaderns dhistòria de lenginyeria, vol. 5, 2003-2002, p. 10-19. Lenseignement démarra en octobre 1583, daprès cette lettre de Juan de Herrera : AGS GYM leg. 165/249 (01/01/1584).

262 Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, Madrid, Guillermo Droy, 1584 ; Publié en facsimilé : Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, Madrid, Instituto de estudios Madrileños, 1995.

263 « Los hijos de los nobles que en la Corte y palacio de Su magestad se crían y se instruyen en el lenguaje y trato cortesano tengan, entretanto que salen a la guerra y cargos del govierno », Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, op. cit., fol. 4r.

264 Ibid. fol. 19r et v.

265 Esteban Piñeiro, Mariano, « Las academias técnicas en la España del siglo xvi », op. cit.

266 Vicente Maroto,Maria Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, op. cit. p. 80-89.

267 Ibid. p. 108, 135 et suiv.

268 Ibid. p. 141.

269 AGI IG leg. 426, lib. 28 fol. 222v-223v (30/09/1595).

270 Voir p. 309-311.

271 AGI IG leg. 427 lib. 31 fol. 238r-239r (18/09/1604).

272 Ibid.

273 Vicente Maroto, Maria Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, op. cit., p. 173 et suiv.

274 Voir ses deux œuvres : Ferrofino, Julio César, Plática Manual y breve compendio de artillería, Madrid, Viuda de Alonso Martin, 1626. Ferrofino, Julio César, El Perfeto artillero, Madrid, Juan de Barros, 1642.

275 Walton, Steven A., « Mathematical Instruments and the Creation of the Scientific Military Gentleman » dans Instrumental in War : Science, Research, and Instruments between Knowledge and the World, Boston, Brill, 2005, p. 17-46.

276 Biagioli, Mario, « The Social Status of Italian Mathematicians, 1450-1600 », History of Science, Mars 1989, no 27, 1989, p. 41-95. Biagioli, Mario, Galileo, Courtier : the Practice of Science in the Culture of Absolutism, Chicago, The University of Chicago press, 1993.

277 Walton, Steven A. « The art of gunnery in Renaissance England », op. cit., p. 294 et suiv.

278 Lemau de la Jaisse, Pierre, Carte générale de la monarchie françoise, Paris, lauteur, 1733, section « artillerie du Roy, au 15 février 1730 ». Ces écoles sont également mentionnées par Lesueur, Boris, « Lartillerie et les colonies sous lAncien Régime », Revue historique des armées, vol. 271, 2013, p. 6-19 ; Peter, Jean, Les artilleurs de la marine sous Louis XIV, Paris, Economica, 1995.

279 Parker, Geoffrey, The Military Revolution, op. cit.