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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Leibniz et le meilleur des mondes possibles
  • Pages : 11 à 12
  • Collection : Les Anciens et les Modernes - Études de philosophie, n° 19
  • Thème CLIL : 3916 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Histoire de la philosophie
  • EAN : 9782812438257
  • ISBN : 978-2-8124-3825-7
  • ISSN : 2260-8311
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3825-7.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/04/2015
  • Langue : Français
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Préface

Ce livre rassemble dix études, certaines inédites dautres reprises darticles déjà publiés. Il ne sagit pas dune collection de textes dont lunité thématique aurait été trouvée après coup, artificiellement, pour des besoins éditoriaux. Le tout a ici précédé les parties, car celles-ci ont été écrites dans le même but : tâcher dexpliquer cette thèse leibnizienne si connue – et en même temps si caricaturée, si mal comprise – de lexistence du meilleur des mondes possibles. Cette thèse est au cœur de la théodicée. Lexpliquer, cest en déployer le sens et les implications, sur le plan à la fois théorique et pratique. Que signifie laffirmation selon laquelle Dieu a créé le meilleur univers ? Certainement pas que « Tout est bien » ou que « Tout va pour le mieux ». La « perfection » du monde exclut-elle son progrès et celui des êtres qui lhabitent ? Un progrès est possible, mais les formes quil peut prendre sont multiples et diverses. Que peut enfin vouloir dire vivre et agir dans un tel monde ? Sil est le meilleur possible, quel rôle y joue lhomme ? Le Royaume de Dieu arrivera bien sans nos prières et sans nos soins, disait Luther. La morale leibnizienne ne consiste pourtant ni à se retirer des affaires du monde, ni à se soumettre à un destin quil faudrait accepter avec patience, mais à agir, toujours et sans relâche, pour que le « meilleur » advienne.

Le meilleur nest pas le Paradis, répond Leibniz à qui chercherait un terme au progrès universel. Nous serions tentés dajouter : le meilleur, cest mieux que le Paradis, car il laisse toujours quelque chose à réformer, à améliorer, à perfectionner. En un mot quelque chose à faire et à penser. Étrange fortune cependant que celle de cette doctrine de l« optimisme » en France au xviiie siècle, dabord applaudie puis jugée suspecte par les jésuites, enfin rejetée comme trop systématique, trop métaphysique par les encyclopédistes. La théodicée : un plaidoyer déiste, un fatalisme et un matérialisme cachés ? Leibniz avait certes identifié Dieu à la Raison universelle, mais il en avait rappelé aussi la nature personnelle et aimante.

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Il avait fait de lesprit un être naturel en même temps quun être libre, participant à lordre moral de la grâce. La théodicée, trop détachée de lexpérience, oubliant les souffrances du monde au nom dune vision cosmique, grandiose mais si lointaine ? Mon mal ne cesse pas dêtre un mal parce quil fait le bien de mon maître. La théodicée ne se tait pas devant le mal. Mais peut-être ne voulons-nous pas lentendre, peut-être est-elle trop sérieuse pour nous, pour nous qui confondons le bien et le meilleur et le bien avec notre seul bien.