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Classiques Garnier

Introduction à la première partie

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Introduction
à la première partie

À propos de Voyage au bout de la nuit, Queneau confie à Bataille qu« il est perdu, grillé par Céline qui lui vole sa gloire future en lui prenant quelque peu ses idées1 ». Le roman innove en effet en insérant un langage populaire dans le littéraire, projet également porté par Queneau qui développe toute une réflexion sur le néo-français2. Ce constat met en lumière limportance de loriginalité comme critère de ce que serait une bonne œuvre littéraire. Si on ne peut réduire la posture de Queneau à cette confidence, cette dernière souligne néanmoins son souci dinnover, marqué par la conscience conjointe que toute œuvre est réécriture intertextuelle. Calvino et Murdoch, qui sinterrogent également sur les traditions romanesques les précédant, partagent son ambivalence. Le romancier du xxe siècle ne peut faire léconomie de cette prise de conscience. Nous envisagerons dans cette partie léquilibre très singulier que Calvino, Murdoch et Queneau tentent de créer, chacun à sa manière, entre la déconstruction et le maintien du romanesque, à travers une écriture de la légèreté pensive, qui interroge constamment lautorité et les conventions, mais trouve dans cette attitude réflexive, lucide et ironique un nouveau souffle romanesque.

1 Cité par Tristan Maya dans Journal dhumeur et repris dans les CRQ, no 12-13, p. 80.

2 Sur ces questions, voir Jérôme Meizoz, LÂge du roman parlant (1919-1939), Écrivains, critiques, linguistes et pédagogues en débat, Genève, Droz, 2001.