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Classiques Garnier

Introduction

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Le Sentiment religieux dans La Comédie humaine. Foi, ironie et ironisation
  • Pages : 27 à 28
  • Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 97
  • Série : Balzac, n° 7
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406092544
  • ISBN : 978-2-406-09254-4
  • ISSN : 2258-4943
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09254-4.p.0027
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/12/2019
  • Langue : Français
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Au cours du xixe siècle, la religion encadre de moins en moins la vie sociale, et son emprise sur lexistence collective est remise en question. Le religieux ne disparaît pas, mais il change de statut : le siècle est le théâtre de flux et de reflux du sentiment religieux, avec des moments de renouveaux spirituels. Comme laffirme Sophie Guermès, le xixe siècle est

[] dabord celui dans lequel a résonné, du début (Jean-Paul Richter, trois ans avant 1800) à la fin (Nietzsche), lannonce de la « mort de Dieu », socle de la plupart des systèmes constitutifs de la « modernité » ; en conséquence – le besoin religieux survivant au Dieu révélé –, il a connu lenvahissement de religions substitutives, la plupart relevant de ce que dans les années 1920 Carl Schmitt a désigné par le terme de « sécularisation1 ».

Si le terme de déchristianisation est au centre des débats entre historiens, il est certain que la crise révolutionnaire a « accumulé les ruines dans la catholicité entière2 ». La vie religieuse ne peut reprendre son cours, à partir de lEmpire, que dans des conditions très différentes du passé. Nombre de penseurs ont alors voulu œuvrer à un renouvellement de la religion pour la rendre apte à reprendre une place quils estimaient lui revenir dans la vie sociale ou intellectuelle, en particulier dans les mouvances contre-révolutionnaire et romantique. Comme lexplique Jérôme Grondeux, certains insistent sur la dimension relationnelle du phénomène religieux, dautres sur la dimension normative ou cognitive : « pour les premiers, la religion est avant tout ce qui nous met en rapport avec Dieu ; pour les seconds, elle est avant tout la source de normes incontestables ; pour les derniers, elle fournit une connaissance plus complète que celle dont nous disposons par ailleurs3 ». Il convient alors dentendre le mot religion au sens le plus large, en ne le limitant pas aux religions instituées, mais, comme lexprime Gérard Cholvy, « en tentant daborder le domaine très vaste de la religion naturelle ou de la religiosité populaire4 ».

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Il sagira donc dabord dans cette première partie de proposer quelques rappels historiques sur la situation religieuse en France dans le premier xixe siècle : quelle place lÉglise avait-elle dans la société dalors ? Quelles étaient les expressions de la foi populaire ? Et quentendait-on par sentiment religieux ? Après nous être intéressés au cadre institutionnel, nous nous pencherons sur les phénomènes de « déchristianisation » et de « réveil religieux », puis sur les expressions populaires du sentiment religieux. Il sagira également détudier les rapports qua pu entretenir Balzac avec la religion à un moment où la société est confrontée à une crise spirituelle et où la foi est généralement pensée comme un sentiment religieux. Nous pourrons alors nous intéresser aux réflexions balzaciennes sur la spiritualité et formuler une première définition du sentiment religieux balzacien.

1 S. Guermès, « Avant-Propos » du IVe congrès de la SERD « Les religions du xixe siècle », actes édités par S. Guermès et B. Marchal.

2 A. Latreille (éd.), Histoire du catholicisme en France, Paris, Spes, 1962, p. 221.

3 J. Grondeux, La religion des intellectuels français, Toulouse, Privat, 2002, p. 5.

4 G. Cholvy, Y.-M. Hilaire (éd.), Histoire religieuse de la France, Toulouse, Privat, 2000, p. 9.