[Introduction à la deuxième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : « Le Sentier de l’exemple ». Morales des histoires tragiques (1559-1630)
- Pages : 207 à 207
- Collection : Lire le xviie siècle, n° 82
- Série : Romans, contes et nouvelles, n° 13
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406151111
- ISBN : 978-2-406-15111-1
- ISSN : 2257-915X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15111-1.p.0207
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/10/2023
- Langue : Français
Les histoires tragiques se montrent particulièrement disertes sur la moralité qui les anime : elles abondent en discours (paratextes éditoriaux et auctoriaux, métalepses, sommaires) qui affirment le bien-fondé moral de leur entreprise et vitupèrent l’immoralité ambiante. S’il faut évidemment faire la part entre ce qui relève de l’auto-apologie et des convictions plus ancrées, il n’en reste pas moins que c’est autour de la question de l’exemplarité que se noue la « politique » générique des histoires tragiques. L’inflation des discours moraux peut se comprendre comme une manière de positionner dans le champ littéraire de l’époque, comme une stratégie de distinction générique.
C’est au nom de cette exemplarité que la nouvelle puis le roman sont congédiés comme genres tutélaires. La nouvelle, dans la seconde moitié du siècle, souffre d’une mauvaise réputation, principalement la nouvelle transalpine qu’on accuse d’immoralité. Il n’est pas anodin, malgré la relative souplesse des étiquettes génériques, que les auteurs d’histoires tragiques n’emploient jamais le terme de « nouvelle » pour désigner des histoires qui sont, à l’origine, des traductions des Novelle de Bandello. Le roman n’est pas plus en odeur de sainteté. Les histoires tragiques relaient les sévères discours de l’époque qui vilipendent la fausseté et la vanité romanesques. Ces protestations sont d’autant plus nécessaires que les auteurs d’histoires tragiques dissimulent mal un attrait pour l’univers romanesque dont ils tentent de récupérer le lectorat. La critique du roman vaut plus largement comme une dénonciation de la fiction. L’exemplarité sera référentielle ou ne sera pas.
En se prétendant anti-fictionnelles, les histoires tragiques se rangent sous la bannière de l’histoire. L’histoire est convoquée comme modèle du récit exemplaire selon l’ancien topos de l’historia magistra vitae que les histoires tragiques reprennent abondamment. Il s’agira d’examiner les tensions entre d’une part l’exemplarité cyclique de l’histoire maîtresse de vie et, d’autre part, des récits qui cherchent l’inédit, le surprenant, le singulier, ainsi que les réaménagements de l’histoire exemplaire que cela occasionne. Comme on le verra, le tragique apparaît comme une résolution possible de ces tensions : rompant le continuum de l’histoire de manière funeste, le tragique apporte au récit historique une intelligibilité et un aspect exemplaire.