Préambule
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Le Royaume de Naples (1580-1620). Économie, monnaie et finance à l’époque d’Antonio Serra
- Pages : 7 à 9
- Collection : Bibliothèque de l'économiste, n° 33
- Série : 1
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- EAN : 9782406103998
- ISBN : 978-2-406-10399-8
- ISSN : 2261-0979
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10399-8.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/09/2020
- Langue : Français
Préambule
Beaucoup d’économistes pensent que la seule forme d’écriture est l’article académique et même que c’est la seule forme d’expression scientifique. En réalité l’article académique est très souvent centré sur une question très étroite, avec une dimension technique assez poussée qui est un facteur d’appauvrissement. Il amène souvent à éliminer les questions difficiles, les incertitudes, les nuances voire la dimension paradoxale de certaines questions. C’est la raison pour laquelle l’ouvrage qui est ici présenté comporte à la fois la dimension d’un livre et celle d’un dossier. Il comprend une étude qui n’est pas un commentaire des textes publiés mais la tentative d’une restitution du contexte économique monétaire et financier de l’époque du royaume de Naples au moment où les textes de Antonio Serra et Marc’Antonio De Santis ont été écrits.
Cela répond à une nécessité car dans les facultés d’économie et de gestion de France tout enseignement de l’histoire économique et financière et sociale a pratiquement disparu et ce depuis près de 20 ans. C’est encore plus nécessaire lorsqu’il s’agit du xvie et du xviie siècle en Italie et en Espagne période qui reste assez largement méconnue en dehors du cercle étroit des spécialistes et des lecteurs intéressés par cette période. Les « économistes » utilisent des paramètres et des relations entre ceux qui dépendent fondamentalement des structures de la société contemporaine et ne sont donc d’aucune utilité pour l’examen des sociétés précapitalistes. Considérer avec toute l’attention nécessaire les discours des théoriciens et des administrateurs du xviie siècle, en essayant de mettre au jour la logique de leurs propos, et en faisant l’hypothèse qu’une telle élucidation est susceptible à la fois de fournir quelques bons outils et de permettre de réfléchir sur la relation entre les formes concrètes et les représentations des penseurs de cette époque.
8Questions théoriques sur l’usage
des concepts des économistes
L’idée de rechercher chez les auteurs du xvie-xviie siècle les notions et les raisonnements qui leur ont permis de se représenter plus ou moins clairement les réalités matérielles et sociales au milieu desquelles ils vivaient est une source importante d’analyse. Mais il faut être attentif à repérer les avantages et les dangers d’une telle démarche1. Il est important d’établir la situation de chacun de ces auteurs et le type d’intérêt défendu.
Quelle était la part des « marchés » dans la circulation des biens ? Plus concrètement, dans une zone donnée, par rapport à l’ensemble de la production céréalière, quelles étaient les masses : 1. des céréales auto-consommées (directement et indirectement, par prélèvement) ; 2. des céréales passant par une forme d’échange (produit contre produit, ou produit contre travail/service) ; 3. des céréales faisant l’objet d’une transaction monétaire, après évaluation2. Ce qu’on appelle crédit dans ce cadre n’a rien à voir avec ce que nous appelons crédit. Il ne s’agit pas d’accroître la consommation par une création de monnaie supplémentaire, mais d’intégrer dans des réseaux de dépendance3.
Nous avons donc tenté dans ce travail de redonner les éléments du contexte historique dans le domaine financier monétaire et commercial. Le travail des historiens italiens et de quelques autres a été très précieux dans cet objectif. Au cours de cette étude, pour tenter de reconstituer le contexte dans lequel les deux œuvres de A. Serra et Marc’Antonio De Santis ont été écrites, nous traiteront successivement : l’empire espagnol, le pouvoir des Génois, le royaume de Naples, impôts et fiscalité, le système monétaire, les banques publiques, les foires de change, Naples place financière, la dette publique, et la polémique entre Marc’Antonio de Santis et Antonio Serra. Ce long détour pourra être utilisé par le lecteur à son gré pour éclairer tel ou tel point évoqué par les deux auteurs précités. En effet cette étude n’est pas un travail autonome se suffisant à lui-même, c’est surtout en quelque sorte un dossier qui 9permet de surmonter l’implicite contenu dans les deux ouvrages qui fait référence à un nombre d’éléments qui n’existent plus pour nous aujourd’hui. Les deux volumes : « Bref traité sur la richesse, d’Antonio Serra ; deux discours sur le change de Marc’Antonio De Santis » et le présent volume sur « Le Royaume de Naples (1580-1620) », sont donc d’une certaine façon indissociables.
Les questions auxquelles nous avons essayé de répondre sont les suivantes :
–Quelle est la nature du système monétaire et comment fonctionne-t-il ?
–Quelle est la fonction des banques ?
–Quelle est la nature de la dette publique et comment est-elle financée ?
–Quelle est la situation du commerce extérieur ?
–Quelle est la nature de la spéculation et de sa relation avec la foire de change ?
–Quelles sont les causes du manque de monnaie ?