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Classiques Garnier

Primitivisme ramuzien et expérience phénoménologique

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Le Primitivisme des avant-gardes littéraires
  • Auteur : Laborie (Laura)
  • Résumé : En mettant en parallèle l’univers poétique primitiviste de Ramuz et la phénoménologie telle que l’a théorisée Merleau-Ponty, cet article montre comment une semblable compréhension du monde réunit l’écrivain vaudois et le philosophe. À la recherche de substrats sensoriels originaires qui échappent à la raison et qui redéfinissent la nature du langage, les deux auteurs enrichissent notre vision du primitivisme moderne, dont il s’agit de préciser les caractéristiques majeures.
  • Pages : 219 à 239
  • Collection : Rencontres, n° 595
  • Série : Littérature des xxe et xxie siècles, n° 46
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406151203
  • ISBN : 978-2-406-15120-3
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15120-3.p.0219
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/09/2023
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Ramuz, Merleau-Ponty, phénoménologie, langue-geste, paysan, sensoriel
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Primitivisme ramuzien
et expérience phénoménologique

Mettant en évidence le décalage entre le savoir acquis et limpuissance de ce même savoir à satisfaire le sens de la vie, Edmund Husserl pose un nouvel impératif : la conscience nest plus extérieure au monde, elle naît de sa relation avec le monde, impliquant un « Zur Sache selbst (retour à la chose même)1 ». À sa suite, la phénoménologie telle que la définie Maurice Merleau-Ponty explore le sujet humain en ce quil possède une compréhension du réel antérieure au langage et aux concepts. Sintéressant aux états préréflexifs, ce dernier rejette lidéalisme qui confère à la raison un caractère constitutif et souligne limportance de la perception, nous inscrivant dans le réel et simposant tel un jalon « en deçà duquel on ne peut régresser2 ». Base à partir de laquelle séchafaude la réalité, elle révèle notre présence au monde avant tout processus rationnel, nous ramenant à lorigine de nos connaissances avant même que lintellect ne soit convoqué. Ce qui conduit Merleau-Ponty à affirmer dans Signes, ouvrage publié en 1960 : « [] les cultures primitives, joue un rôle important dans lexploration du monde vécu, en nous offrant des variations de ce monde sans lesquelles nous resterions englués dans nos préjugés []3. » Ainsi, les préjugés de notre civilisation résident dans la suprématie accordée à la raison au détriment du monde sensoriel. Cest pourquoi, la tâche de lanthropologue qui nous permet « délargir notre raison, pour la rendre capable de comprendre ce qui en nous et dans les autres précède et excède la raison4 » est valorisée par le philosophe. Ce 220dialogue entamé avec les cultures extra-occidentales révèle sa fascination pour les systèmes de pensée entés sur le sensible. Ce que lon nomme les « primitifs » possèdent un ensemble de croyances qui ignorent les cloisonnements occidentaux entre le rationnel et lirrationnel, entre le réel et le rêve. Au contraire, chez les cultures dites « primitives », le monde perçu nest pas déprécié, il apparaît dans toute sa fondamentalité. On devine ici dans quelle mesure la phénoménologie est marquée par le sceau du primitivisme. Opposée à lempirisme et au cartésianisme, cette philosophie, « prédominante dans le paysage intellectuel français à partir des années 19205 », scrute l« expérience de lêtre brut, qui est comme le cordon ombilical de notre savoir et la source de sens pour nous6 ». La notion d« être brut » suggère lexistence dun noyau existentiel dépourvu dartifices, ramené à sa nature première : la phénoménologie nous promet donc laccès à une strate primitive de la conscience. Selon le Vocabulaire desthétique dÉtienne Souriau, « Est brut ce qui reste à létat naturel et na pas été travaillé par lhomme7 » ; par le truchement de ladjectif « brut », on perçoit les soubassements philosophiques du primitivisme qui souhaitent retrouver un état premier, largement fantasmé, qui serait non vicié par la technique et la culture.

Lucien Dällenbach est le premier critique à faire référence au primitivisme de lécrivain vaudois C. F. Ramuz. Lors dun colloque consacré à lauteur en 1994, il met en évidence la primordialité de son esthétique, la rattachant à des notions darchaïque et doriginel à travers la figure centrale du paysan. Si le primitivisme de Ramuz est palpable à travers des motifs thématiques (comme par exemple, le tsigane, lidiot, ou encore lanimisme), il occasionne aussi des bouleversements formels qui révolutionnent les codes de la représentation ; ainsi, Dällenbach insiste sur la spécificité du primitivisme du xxe siècle, qui se détache des exigences mimétiques qui ont prévalu depuis la Renaissance, à limage de Picasso sinspirant de la statuaire africaine pour schématiser et déformer la face 221de ses demoiselles dAvignon et tourner violemment le dos au réalisme académique. En se référant aux sensations primitives et en cherchant une spontanéité perceptive, Ramuz sécarte du réalisme balzacien, quil juge artificiel, explicatif, asservi à une fade copie du réel. Ce refus de restreindre lart à un dessein mimétique logique, qui ignore les aléas perceptifs, anime également Merleau-Ponty. Les parallèles mis en évidence par le philosophe entre la phénoménologie et la peinture moderne non illusionniste rejoignent les rapprochements réalisés par Ramuz entre lécriture et la peinture de Cézanne8, quil considère comme un « primitif9 ». Malgré lécart générationnel entre les deux hommes, on constate, chez lun comme chez lautre, un même refus du « réalisme » qui les incite à explorer le caractère aléatoire et instable de la perception, afin de convoquer une organisation mouvante et imprévisible. Dans son ouvrage consacré à Jean Dubuffet, Michel Thévoz a souligné la portée restreinte de la mimèsis :

La représentation classique a cultivé exclusivement lune des virtualités de la perception, celle qui vise à différencier, à focaliser et à identifier des objets, à les mesurer, à évaluer leur grandeur relative []. Cest une perception appropriée aux sciences dites exactes []. Cette représentation sest imposée par le refoulement de tout un registre de la vie perceptive caractérisé par les états instables et diffus []10.

Parce que « [l]a peinture réaliste, ce “rideau peint”, na [] pas pour fonction de représenter la réalité, mais de nous dispenser de la percevoir en lui substituant des leurres plus persuasifs11 », elle est impropre à satisfaire le sens de lexistence. Revenant sur les intuitions de Husserl, Merleau-Ponty constate en 1960, soit plus dune décennie après la mort de Ramuz :

Bon gré mal gré, contre ses plans et selon son audace essentielle, Husserl réveille un monde sauvage et un esprit sauvage. Les choses sont là, non plus seulement, comme dans la perspective de la Renaissance, selon leur apparence projective et selon lexigence du panorama, mais au contraire debout, 222insistantes, écorchant le regard de leurs arêtes, chacune revendiquant une présence absolue []12.

Déformant le système de représentation hérité de la Renaissance, ce « monde sauvage », où les choses « écorch[e]nt le regard », appartient de plain-pied à lidéologie primitiviste, que le philosophe convoque afin dopposer le couple nature / culture, ou encore le couple sauvage/civilisé. Pour être compris, le réel nest plus muselé par les catégories de lentendement, il simpose dans toute lélémentarité de sa présence, à limage du silvaticus, cet homme des bois, au mode de vie fruste mais authentique ; le sauvage fait craqueler le vernis civilisationnel, cette couche superflue qui a imposé des codes de représentations factices. Dès lors, le monde existe avant lobjectivation, telle pourrait être la principale leçon phénoménologique. À partir de ce constat, Merleau-Ponty reconsidère le langage en dehors de toute intellectualisation, cette dernière étant lapanage dune civilisation technicienne sclérosée. Le philosophe souhaite libérer la parole de sa gangue rationnelle pour la relier au vécu, à la présence. La langue est perçue comme un organisme vivant, indépendant de lactivité intellectuelle. De même, Ramuz cherche à concilier lécriture, par nature illusionniste, et ce besoin des « choses à létat brut, cest-à-dire non interprétées, vivantes sous nos yeux vivants13 ». Un lexique similaire et redondant (« brut » « sauvage »), appartenant au réseau sémantique du primitivisme, est employé tant par lécrivain que par le philosophe et invite au rapprochement.

Afin de comprendre les liens étroits qui se tissent entre la phénoménologie et le primitivisme ramuzien, nous analyserons le discours métapoétique délivré par Ramuz sur la parole, qui déborde, comme chez Merleau-Ponty, le seul cadre limitatif de la représentation pour épouser le corps, réceptacle vivant. En nous référant à deux romans bien connus du grand public, La Beauté sur la terre (1927) et Derborence (1934), nous étudierons ensuite comment lauteur vaudois parvient à mettre en scène lactivité perceptive rudimentaire, celle-là même qui est comprise comme primitive. Enfin, nous nous intéresserons, à la dissolution du sujet rationnel découlant de cette expérience perceptive.

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Donner corps à la langue

Perçu tel un ensemble de signes arbitraires par les linguistes, le langage fracture le lien entre le monde sensible et lintelligible. Selon la tradition rationaliste, la pensée serait toute puissante, commandant lordonnance des mots, qui répondent à un concept élaboré en amont, intérieurement. À linverse, pour Merleau-Ponty, la pensée nest pas extérieure ou antérieure au langage, elle existe pleinement dans les signes qui véhiculent une émotion indépendamment de tout plan intellectuel. En parlant, nous nobéissons pas à un schéma préconçu : la pensée sélabore à travers les mots. « Lorateur ne pense pas avant de parler, ni même pendant quil parle, sa parole est sa pensée14 », remarque le philosophe dans Phénoménologie de la perception en 1945.

Langage et signification

Souhaitant dépasser la seule dimension conceptuelle de la parole, la phénoménologie dévoile sa portée existentielle. Par la mise en mots, on accède à une nouvelle expérience de lêtre. Lexpression confère à la signification « un nouvel organe de sens15 », absent de lénoncé conceptuel, mais qui est révélé « au cœur même d[un] texte16 ». Par conséquent, Merleau-Ponty déclare que « [l]a parole nest pas le signe de la pensée, si lon entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu17 ». On comprend que le langage peut précéder la signification. Prenant lexemple dune altération de la voix ou encore du choix de la syntaxe qui modifie profondément un discours, le philosophe démontre que le sens nest pas institué dans la conscience, mais quil est façonné par la dimension corporelle. Selon lui, dans le corps, sélabore le sens. Il ajoute : « [l]a parole est un geste et sa signification un monde18 ». Une telle assertion résonne avec la notion 224de « langue-geste », introduite par Ramuz en 1929, et qui annonce remarquablement la thèse merleau-pontienne. En défendant lexistence dune langue qui prend appui sur le mouvement physique et loralité, lécrivain vaudois valorise lécriture comme expression des émotions qui parcourent lunivers sensible. Lexpressivité du style soppose aux signes inertes et abstraits que seraient les mots au sein de la « langue-signe19 ». À linverse, la véritable parole scripturale se nourrit du vivant et résulte de la confrontation dun être avec le monde ; ainsi, se donne à voir un geste authentique et originel, imprimant une grammaire rythmique et syntaxique unique.

« Langue-geste » et primitivisme

Dans la « Lettre à Bernard Grasset », publiée suite aux critiques qui sindignent de son usage incorrect de la langue, Ramuz se réfère à ses ancêtres paysans dont il parvient à se rapprocher par lécriture :

[] ils nont plus été hors de moi. La distance qui me séparait deux a été abolie. Il ny a plus eu de contradiction entre eux et moi, parce que je métais mis à leur ressembler. [] ; et cest ainsi que je me suis mis à essayer décrire comme ils parlaient [] ; à tâcher de les exprimer comme eux-mêmes sétaient exprimées, de les exprimer par des mots comme eux-mêmes sétaient exprimées par des gestes, par des mots qui fussent encore des gestes, leurs gestes ; []20

Privilégiant « le plan expressif21 » sur lexplicatif, lauteur refuse dutiliser les mots lorsquils ne sont que des concepts. Ramuz fantasme ses origines paysannes, et « [c]herchant à faire sentir22 », il célèbre lécriture comme le lieu dune perception, où la langue nest pas inféodée à la pensée :

Jai écrit (jai essayé décrire) une langue parlée : la langue parlée par ceux dont je suis né. Jai essayé de me servir dune langue-geste qui continuât à être celle dont on se servait autour de moi, non de la langue-signe qui était dans les livres23.

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Rattachée à un « français de plein air24 », la parole est chose sentie, part physique et concrète, débordant par la puissance de son expression, la dimension arbitraire et abstraite du langage. Comme le rappelle Rudolf Mahrer, « [i]l est intéressant de noter que, encore de nos jours, les non-linguistes, cultivés ou non, ont tendance à considérer le parlé comme forme primitive du langage, corrompue ou condamnable25 ». Ordinairement dépréciée, la primitivité associée à loralité, faite de maladresses et daccrocs, est réinvestie positivement par Ramuz. Selon Henri Meschonnic, « le primitivisme est recherche du primitif » : dès lors, Ramuz interroge son ascendance afin de revenir aux socles fondateurs de sa naissance et justifier son usage dun style oral. Si lon se rappelle que derrière le terme « primitif » on trouve létymon primus signifiant à la fois ce qui est premier et ce qui commande, on comprend que toute chose est sous le commandement de son origine ; cest bien ce que semble suggérer Ramuz avec la « langue-geste », qui est à la fois expression des origines, celle de la généalogie et expression première dun corps traversé par loralité, cette parole vivante, considérée comme originelle par la littérature romantique. À travers le discours méta-poétique de lécrivain, on reconnaît lanti-rationalisme caractéristique du primitivisme qui libère lécrit de la logique « de la pensée, [] imposé[e] par les Lumières26 ». Dès lors, en affirmant que la parole est un geste, Merleau-Ponty, à la suite de Ramuz, rappelle, contre la tradition idéaliste, que lexpression nextériorise pas la pensée, mais la dépasse par un certain usage de lintonation et du rythme. Renouant avec un « monde sauvage », qui ignore les règles grammaticales de lécrit, la confrontation avec le langage, « chair vivante27 », permet la gestation du style. La « chair vivante » de la parole, cette belle formulation ramuzienne, vérifie les conclusions du philosophe, pour qui « beaucoup plus quun moyen, le langage est quelque chose comme un être28 ».

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Par le truchement de la syntaxe et de la narration, il sagit à présent dévaluer dans quelle mesure lactivité rudimentaire de la conscience mise en scène par Ramuz recoupe lexpérience phénoménologique de la perception théorisée par Merleau-Ponty.

Lactivité de la conscience mise en scène

À travers la réduction phénoménologique, ou épochè, Husserl décrit « la méthode universelle et radicale par laquelle je me saisis comme moi pur, avec la vie de conscience pure qui mest propre, vie dans et par laquelle le monde objectif existe pour moi, tel justement quil existe pour moi29 ». Par la réduction, nous comprenons que le sens que nous attribuons aux choses du monde est constitué par notre subjectivité, qui sarticule autour des données perceptives, considérées comme source première de connaissance. Par une mise en parenthèse du jugement, il est possible datteindre le siège de lintériorité et dapprécier la teneur de la vie psychique, dotée dun pouvoir représentatif.

Le règne de lirréfléchi

Avoir conscience nous permet de nous représenter nos processus mentaux ; or, Merleau-Ponty cherche à définir la conscience comme nétant plus lacte dune pensée et prend ses distances avec la pensée dHusserl quil juge tributaire du cartésianisme. Ainsi, redéfinissant la nature de lactivité psychique, qui nest plus gouvernée par un sujet recteur mais se fond dans lexpérience corporelle, il affine lanalyse du domaine perceptif :

La perception analytique, qui nous donne la valeur absolue des éléments isolés, correspond donc à une attitude tardive et exceptionnelle, cest celle du savant qui observe ou du philosophe qui réfléchit : la perception des formes, au sens très général de structure, ensemble ou configuration, doit être considérée comme notre mode de perception spontané30.

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Hors de toute intellectualisation, la perception spontanée donnerait accès à une relation primitive avec le monde. Réduit à une schématisation grossière, le réel nest pas encore étiqueté sous forme de conceptualisation. À la recherche dune passivité de la conscience, il sintéresse aux zones dactivités où règne lirréfléchi. Il constate : « La conscience peut vivre dans les choses existantes, sans réflexion, sabandonner à leur structure concrète qui na pas encore été convertie en signification exprimable31 ». Faisant léconomie de tout concept, la conscience est alors au plus près du réel, perçu comme confus et évanescent. Le choc vécu par Antoine Pont dans Derborence, ce berger enseveli sous les pierres suite à un éboulement montagneux, nous donne une image de « lêtre brut » évoqué par Merleau-Ponty. En effet, Ramuz sintéresse à des cas limites où les relations entre corps et monde témoignent dune activité rudimentaire de la conscience. Du point de vue de la narration, il refuse le réalisme psychologique, jugé superficiel et codifié dans sa manière dexplorer lesprit humain, pour lui préférer une écriture tâtonnante, qui malmène les impératifs rhétoriques dordre et de clarté.

Lexpérience dAntoine Pont dans Derborence

Dans Derborence, le chapitre ii de la deuxième partie est consacré à la réapparition du protagoniste, qui, pendant deux mois, a été enseveli sous les pierres. Ramuz profite du trouble occasionné par cet accident pour mettre en évidence la suprématie de la perception ; parvenant à sextirper du sol et réapparaissant enfin à lair libre, le personnage sadonne à une saisie purement sensorielle de son environnement :

Maintenant, il regarde, il voit. Les objets se mettent pour lui les uns en avant des autres ; les objets ont de nouveau entre eux des distances plus ou moins grandes. Lespace sorganise aux alentours de sa personne en hauteur et en profondeur32.

Dans une visée synthétique, le foyer perceptif déroule des formes, où nul concept ne vient encore désigner ce qui est vu : seul le contour mal défini « dobjets » refait surface. Dès lors, les verbes daction dotent les choses du monde dune volonté tout humaine ; elles se disposent 228et sagencent en toute autonomie, enfreignant la logique rationnelle. À mesure quAntoine « me[t] de lordre dans sa tête33 », on assiste à la formation de ses pensées :

Et, de lautre côté dune longue nuit (mais est-ce que je suis resté à la même place ou bien si jai changé de séjour, cheminant ainsi sous la terre et peut-être que jai passé finalement par-dessous la montagne, car combien de temps ça a-t-il duré ?) de lautre côté dune longue nuit, il retrouve ce même soleil, mais il voit que, ce que ce même soleil éclairait alors, cétait une belle herbe verte, tout un riche pâturage où les vaches étaient éparses, []. Tout était en vie []. Il regarde : plus dhomme, plus de bêtes, plus dherbe, plus de chalets : il voit des pierres et puis des pierres et puis des pierres. []34.

Faisant irruption dans ce passage, le monologue intérieur fragilise le patron narratif. Lalternance des points de vue externe et interne nie en bloc la vraisemblance psychologique héritée du réalisme. Le narrateur externe, qui prend en charge le récit de lhistoire, sefface momentanément pour laisser place au discours intérieur dAntoine, trahissant un défaut de fluidité qui marque la défaite de la pensée organisée et claire. Le personnage tente de réfléchir, mais sa conscience semble vouloir retomber à tout moment dans lirréfléchi et la confusion, preuve selon Merleau-Ponty que la raison fait défaut. Édouard Dujardin est le premier auteur à faire usage du monologue intérieur quil désigne comme « antérieu[r] à toute logique, cest-à-dire en son état naissant, par le moyen de phrases directes réduites à son minimum syntaxial de façon à donner limpression tout-venant35 ». Lorganisation chaotique du monologue, perçu comme prémices, participe du primitivisme ramuzien : le brassage de propositions interrogatives désarticule le monologue qui, en allant à lencontre des préceptes de la rhétorique classique, nest ni facile à lire ni à dire. Le paragraphe tout entier enchaîne les figures de répétition, freinant toute progression et décrivant un « piétinement langagier36 » remarquable. Dès lors, les contours de cette vie « en dedans37 », entraperçue avec le discours 229intérieur, contaminent la parole narrative qui accumule les maladresses. Provoquant « désorganisation38 » et « désorientation39 », lénumération rompt léquilibre phrastique : « plus dhommes, plus de bêtes, plus dherbe, plus de chalets : il voit des pierres et puis des pierres et puis des pierres ». Occasionnant une rupture, et semblable sur ce point à la liste, linventaire peut être considéré comme de la « ur-littérature40 », de « lavant- ou de la pré-littérature41 », ce qui en fait un procédé de choix pour mettre en œuvre une stylistique primitiviste qui se construit contre lesthétique puriste de la « belle langue », rationnelle et claire. On assiste alors à un démembrement de lossature rhétorique ; lécriture retranscrit la claustration dun homme, ayant été contraint de rester sous terre, « à la même place ». Cest pourquoi, la phrase ramuzienne navance pas, souhaitant signifier létourdissement dun être qui a de grandes difficultés à donner un sens à ce quil perçoit et dont le fil de lexistence sest comme arrêté, figé sous terre. Au cours du chapitre, notons que le questionnement dAntoine ne proclame pas la suprématie de lesprit. Cest la parole qui précède la pensée, cest le corps qui guide la conscience :

Il voit quil a une voix aussi qui lui revient, parce que les mots quil pense à présent se forment à mesure sur sa langue ; une voix qui va plus vite que lui et qui court en avant de lui pour lannoncer comme ferait un chien42.

Retrouvant la parole, Antoine remarque quil ne parvient pas à la maîtriser complètement. « Cour[an]t en avant de lui », le langage déborde les limites dune activité mentale qui serait recluse dans la conscience, dont Merleau-Ponty nous dit qu« [elle] est originellement non pas un “je pense que”, mais un “je peux”43 » ; la conscience nest plus lacte dune pensée, dune seule vie intérieure, mais elle est immédiatement reliée au corps, redéfinissant radicalement lidentité du sujet percevant.

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Le sujet, une entité ouverte

Chez Ramuz, le sujet se signale telle une entité dynamique et protéiforme, qui est à rapprocher de lanti-essentialisme de Merleau-Ponty. Sintéressant au brouillard mental qui accompagne les personnages dans lœuvre du nouveau romancier Claude Simon, le philosophe réalise des parallèles avec lart pictural :

Claude Simon : sa profonde nouveauté, ne plus rendre ce qui est du dehors, [], les hommes selon leur figure, comme “figures”, contours extérieurs et perspective, mais présences sans contours en transparence44.

Les personnages ne sont plus représentés, comme dans la tradition réaliste, dotés dune structure close, mais comme des présences, dont les contours sérodent et qui échappent à la saisie rationnelle. Cette analyse sapplique sans mal à lesthétique ramuzienne ; bien avant le Nouveau Roman, Ramuz inaugure une nouvelle façon de considérer lhumain, en dissolvant la cohésion de lego cartésien, au profit dune subjectivité malléable, poreuse et évanescente. Dans sa quête du primitif, Ramuz met à nu létat originel de lindividu, ce flottement perceptif a-personnel qui anime lêtre, avant que ne soit constituée une identité stable et pérenne. Dès lors, est primitif ce qui précède la clarification, cette opération de pensée qui tente de chasser lindistinction intrinsèque au monde sensoriel.

Dépersonnalisation et flux de conscience

Dans lœuvre de Ramuz, si nous connaissons peu de choses des êtres de papier qui nous sont donnés à voir, ce sont leurs gestes les plus prosaïques qui alimentent la narration, venant se substituer aux aventures et aux intrigues, à limage de Juliette dans La Beauté sur la terre, cette belle orpheline qui va bouleverser la vie des habitants dun village du Léman. Peu dindications nous sont données sur son apparence physique 231et sur ses motivations morales. La scène qui marque son arrivée à la gare où lattend son oncle Milliquet est particulièrement révélatrice ; emmitouflée dans son manteau, la jeune fille qui a fait le voyage depuis les Amériques est décrite comme « une personne sans bras, ni tête, et qui ne bougeait plus, sa valise posée à ses pieds45 » ; dépersonnalisée, elle nest quune « pauvre petite chose grise46 », une tâche de couleur noyée dans un univers qui lui soustrait toute caractéristique. Dans le chapitre suivant, lécrivain propose au lecteur de suivre le flux de conscience du personnage, alors enfermée dans sa chambre, chez son oncle Milliquet :

Il y avait un grand mélange dans sa tête où toutes sortes dobjets allaient et venaient pêle-mêle, puis lun deux grandissait, se plaçant devant les autres : cétait un pont de bateau. Cest une toile cirée avec une assiette et un verre, ou une grosse dame à brassard jaune et blanc, sa jaquette grise serrée à la taille et boutonnant sur une guimpe à col montant. On voyait comment une des baleines entrait dans un pli de la peau sous le menton chaque fois quelle ouvrait la bouche, parce quelle vous parlait. Elle ne vous parle plus47

Primesautière, la narration se confond avec le mouvement erratique de pensées, se nourrissant dimages du passé et du présent, et révélant lubiquité du voir. Aucun lien causal ne vient organiser ce passage : seule la perception juxtapose un glanage déléments et en conditionne le surgissement. Ramuz ne choisit nullement de raconter le voyage effectué par la nièce de Milliquet depuis Cuba ; il évoque cette traversée à la manière dun peintre qui poserait une simple touche de pinceau : « cétait un pont de bateau », limage surgit et rappelle le modus operandi de Cézanne, « posant ici et là, [] quelques taches entre lesquelles le spectateur est invité à saisir des rapports48 ». Lincomplétude est encouragée et nest pas comblée par de vaines explications, seule subsiste une trame sensorielle qui accumule des détails, des « points forts49 » que la conscience a gardés en mémoire : pont de bateau, toile cirée, grosse dame, menton suffisent à ressusciter latmosphère sensible du voyage. 232La successivité des images trahit labsence desprit surplombant, capable de hiérarchiser ses impressions. Intermittente, la conscience a enregistré des bribes du réel, qui nous sont restituées ensuite par morceaux et qui se soustraient à toute logique réaliste.

La chair du monde : interdépendance des êtres et des choses

Par un « renversement de perspective visuelle50 », ce sont souvent les objets qui sorganisent autour des personnages, spectateurs dun ballet qui fait se mouvoir des éléments ordinairement jugés inertes. Dans lextrait précédent tiré de La Beauté sur la terre, tandis que nous sommes au plus près de la conscience de Juliette, les choses vont et viennent, « le pont de bateau » « se plaçant devant les autres » objets ; tout est animé dun même élan de vie qui témoigne de cette « chair » du monde, « dans lequel sujet et objet ne sont pas encore constitués51 ». Par la notion de « chair », empruntée à Husserl52, Merleau-Ponty pose une continuité entre lHomme et le monde, sinterpénétrant au sein dun même « horizon dêtre brut53 ». Ainsi, cette philosophie, par la place inédite quelle accorde au corps, trouve des affinités avec la pensée ramuzienne et éclaire, rétrospectivement, les textes de lécrivain suisse. Ramuz na eu de cesse de rappeler la tension entre unité et séparation qui traverse le destin de lhumanité. La « chair » merleau-pontienne offre une résolution à ce problème :

[] il y a parenté entre lêtre de la terre et celui de mon corps [], dont je ne peux dire exactement quil se meut puisquil est toujours à la même distance de moi, et la parenté sétend aux autres, qui mapparaissent comme « autres 233corps », aux animaux, que je comprends comme variante de ma corporéité, et finalement aux corps terrestres eux-mêmes puisque je les fais entrer dans la société des vivants en disant par exemple quune pierre « vole54 ».

Linterdépendance des hommes et des choses est manifeste. Par la corporéité, le sujet se dissout dans la « chair » du monde et lui appartient pleinement. Dans Présence de la mort, roman publié en 1922,Ramuz révèle lattraction dun corps qui semble « charnellement apparenté au monde sensible55 » :

Chers corps, pauvres corps, magnifiques corps, ô matière ! matière des cinq sens, goûtable, visible, touchable, qui se respire, qui sentend, qui se caresse, qui se déguste, et que jattire encore à moi, malgré moi-même, par toutes mes fenêtres de chair où je me tiens56.

La souveraineté du sujet sefface progressivement, les sens en éveil brisant la fermeture de lêtre, et le coulant doucement dans le monde. Plus quune matière, nétant ni esprit ni substance, la « chair » merleau-pontienne est loriginaire57 qui se déploie au présent et qui pourrait bien dialoguer avec ce fond primitif que guette inlassablement Ramuz. Pour définir cette notion, le philosophe prend appui sur le terme présocratique d« élément58 » et insiste sur ce moment des origines où « tout était ensemble59 », en se référant à la pensée dAnaxagore. Dès lors, la « chair » correspond à ce moment des commencements, « lhorizon dappartenance de tous les étants60 », où toute distinction est abolie : êtres, objets, animaux, végétaux partagent les mêmes caractéristiques 234et sagrègent dans un moule commun, renvoyant peut-être à ce chaos des commencements où règne lindifférenciation. Souhaitant gommer les différences qui séparent les objets inertes et le vivant, Ramuz conclut dans son essai Le Grand Printemps publié en 1917 : « Voilà que la leçon, la grande leçon, nest, en somme, quune découverte nouvelle des parentés et des relations61 ». Par lexpérience sensorielle, la constitution du sujet disparaît au profit dune fusion avec lunivers environnant, dévoilant lexistence dun fonds commun primitif dont émaneraient tous les « étants ».

Opposée à lidéalisme, la phénoménologie se nourrit du primitivisme propre au xxe siècle et apporte un éclairage inédit sur lœuvre de lécrivain vaudois. Selon Meschonnic, « [c]omme rejet dune histoire de la raison, le primitivisme est une part constitutive de la modernité []62 » : en effet, le rationalisme, hérité de la culture gréco-latine, repose sur les règles arbitraires de la mimesis, qui apparaissent comme un contre-modèle auprès des artistes, des écrivains et des penseurs. La découverte dun langage qui épouse le geste, la mise en suspens du contrôle de la conscience réflexive et lémergence de la « chair », cette réalité qui rassemble originellement tout le vivant, animé et inanimé, simposent comme autant de traits primitivistes.

En 1922, Ramuz écrit dans son journal : « Sentir, chose si bonne ; penser, chose si triste63 ». Contre lintellectualisme, lécrivain marque sa préférence pour les sensations premières, qui seraient dénuées de tout artifice, et qui lui permettraient de goûter un moment la naïveté de limmédiat. Or, loriginaire, tout autant que le primitif sont a priori inaccessibles, issus dune construction fantasmatique sur lequel se campe le primitivisme. En effet, comme le souligne Étienne Souriau, par lusage du langage et de la culture, « nous sommes toujours déjà nés, nous ne faisons jamais lexpérience de notre naissance, et nous avons toujours le monde à distance64 ». Cependant, quil sagisse de Ramuz ou de Merleau-Ponty, lexpérience récurrente de la « présence » au monde, 235qui est accord parfait entre tous les éléments, peut nous reconduire dans les parages des commencements. Au-delà de la représentation, lart ou la phénoménologie nous ramènent à une familiarité ancestrale avec le réel. Ainsi, déjouant tout processus intellectuel, le philosophe met en évidence laffinité profonde qui sétablit avec le milieu environnant lors dune perception pure :

Dans le présent, dans la perception, mon être et ma conscience ne font quun, non que mon être se réduise à la connaissance que jen ai et soit clairement étalé devant moi, – tout au contraire la perception est opaque, elle met en cause, au-dessous de ce que je connais, mes champs sensoriels, mes complicités primitives avec le monde, – mais parce que « avoir conscience » nest ici rien dautre que « être à… » []. Cest en communiquant avec le monde que nous communiquons indubitablement avec nous-mêmes. Nous tenons le temps tout entier et nous sommes présents à nous-mêmes parce que nous sommes présents au monde65.

Cette « complicité primitive » bouleverse lappréhension temporelle, dont le déploiement na plus cours ; condensé, le temps nest plus compris dans une relation dextériorité mais fusionne avec lêtre dont les repères habituels vacillent. Ce lien originel avec lunivers, dévoilé par les « champs sensoriels », fait écho à une anecdote narrée par Ramuz, dans « Besoin de Grandeur », cet essai inédit rédigé pendant la Première Guerre mondiale. « En communiquant » intimement avec ce qui lentoure, lécrivain fait part dune « communion » harmonieuse, admirablement restituée par lacte scriptural, qui épouse la saisie sensorielle :

Aller dehors et se laisser aller. Je me souviens davoir levé la tête. Cétait comme si je me fusse couché sur le dos. Des petits nuages blancs doucement glissaient dans le bleu, lun à côté de lautre et les uns derrières les autres. Jai choisi une de ces barques. Cest ce détachement où il semble quon soit des choses dans linstant de la plus intime communion. Tout à coup, on se fond en elles, tandis quelles vous envahissent ; [] ; on devient comme translucide, et comme défait de sa pesanteur66.

À travers la contemplation des éléments naturels, le sujet perd toutes balises identitaires. Devenu « translucide » et délesté de tout son poids, 236lego sérode, réveillant les sensations du petit enfant qui flotte dans lespace utérin. Par la mise en écriture de cette expérience phénoménologique, Ramuz sen remet au pouvoir de lart qui est capable de retrouver des perceptions primitives, et, qui paradoxalement, à partir de lartificiel, occasionne une nouvelle naissance au monde, affranchie des sédimentations culturelles.

Laura Laborie

Université de Toulouse /
Université de Lausanne

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1 Lucien Dällenbach, « La question primordiale », Sur Claude Simon, Jean Starobinski, Georges Raillard, Lucien Dällenbach, Roger Dragonetti (dir.), Paris, Minuit, 1987, p. 67.

2 Bruno Frère, « De Bergson à Merleau-Ponty : pour une anthropologie de la mémoire », Revue Interdisciplinaire de Philosophie morale et politique, vol. 18, Mons, CIÉPHUM, 2001 : https://orbi.uliege.be/handle/2268/17831 (consulté le 25/03/2020).

3 Maurice Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, coll. « NRF », 1960, p. 173.

4 Ibid., p. 154.

5 Rudolf Mahrer et Antonin Wiser, « La notion de temporalité phénoménologique chez C. F. Ramuz (Présence de la mort, 1919) et Claude Simon (La Bataille de Pharsale, 1969) », Temps et Roman. Évolutions de la temporalité dans le roman européen du xxe siècle, Peter Schnyder (dir.), Paris, LHarmattan, 2007, p. 216.

6 Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et linvisible, Claude Lefort (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1964, p. 209.

7 Étienne Souriau, « Brut », Vocabulaire desthétique [1990], Anne souriau (dir.), Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2010, p. 293.

8 Voir le bref texte de Ramuz consacré à Cézanne, C. F. Ramuz, LExemple de Cézanne, Tusson, Du Lérot, 2009 [1914].

9 C. F. Ramuz, Les Grands Moments du xixe siècle français, Lausanne, Mermod, 1948, p. 259.

10 Michel Thévoz, Dubuffet, Genève, Skira, 1986, p. 16.

11 Ibid., p. 20.

12 Maurice Merleau-Ponty, Signes, op. cit.,p. 228.

13 C. F. Ramuz, Besoin de Grandeur[1936], Œuvres complètes xvii, Essais 3, textes établis, annotés et présentés par Alain Rochat, Genève, Slatkine, 2010, p. 128.

14 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception [1945], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », p. 209.

15 Idem.

16 Ibid., p. 212-213.

17 Ibid., p. 211.

18 Ibid., p. 214.

19 C. F. Ramuz, « Lettre à Bernard Grasset » [1929], Œuvres complètes XVI, Essais 2, textes établis, annotés et présentés par Reynald Freudiger et Jérôme Meizoz, Genève, Slatkine, 2009, p. 140.

20 Ibid., p. 136.

21 Ibid., p. 137.

22 Idem.

23 Ibid., p. 140.

24 Ibid., p. 132.

25 Rudolf Mahrer, Phonographie : la représentation écrite de loral français, Berlin, De Gruyter, 2017, p. 8.

26 Id., « Introduction », C. F. Ramuz, Œuvres complètes VIII, Nouvelles et morceaux 4, Genève, Slatkine, 2007, p. xxxix.

27 C. F. Ramuz, « Lettre à Bernard Grasset », op. cit., p. 132.

28 Maurice Merleau-Ponty, Signes, op. cit., p. 54.

29 Edmund Husserl, Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie[1931], Paris, Vrin, 1947, p. 46.

30 Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens [1948], Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1996, p. 62-63.

31 Id., La Structure du comportement[1942], Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1990, p. 239.

32 C. F. Ramuz, Derborence[1934], Œuvres complètes xxvii, Romans 9, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2013, p. 254.

33 Idem.

34 Ibid., p. 255.

35 Édouard Dujardin, Le Monologue intérieur, son apparition, ses origines, sa place dans lœuvre de James Joyce et dans le roman contemporain, Paris, Albert Messein, 1931, p. 59.

36 André Siganos, Mythe et écriture, La Nostalgie de larchaïque,Paris, PUF, 1999, p. 51.

37 On trouve cette expression dans « Recherche de la vérité », texte inédit de C. F. Ramuz datant de 1923. Le personnage principal, Reymondin, fait lexpérience du monde intérieur : « [] allant dans lespace extérieur sans même en avoir conscience, parce que de nouveau on sest tourné vers en dedans », C. F. Ramuz, « Recherche de la vérité », Œuvres complètes XXV, Romans 7, textes établis, annotés et présentés par Stéphane Pétermann, Julien Piat et Noël Cordonier, Genève, Slatkine, 2013, p. 106.

38 Sophie Milcent-Lawson, Michelle Lecolleet Raymond Michel (dir.), « Introduction », Liste et effet liste en littérature,Paris, Garnier, 2013, p. 7.

39 Idem.

40 Idem.

41 Philippe Hamon, « La mise en liste : préambule », ibid., p. 23.

42 C. F. Ramuz, Derborence, op. cit., p. 256.

43 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 160.

44 Maurice Merleau-Ponty, notes préparatoires à la séance du 16 mars 1961, « Notes de cours “Sur Claude Simon” », présentation par Stéphanie Ménasé et Jacques Neefs, Genesis, no 6, 1994, p. 139 : https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_1994_num_6_1_985 (consulté le 17/04/2020).

45 C. F. Ramuz, La Beauté sur la terre[1927], Œuvres complètes XXVI, Romans 8, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2013, p. 213.

46 Idem.

47 Ibid., p. 222.

48 Claude Simon, « LAbsente de tous bouquets » [1982], Quatre conférences, Paris, Minuit, 2012, p. 55.

49 Ibid.

50 Stéphane Pétermann, « La Beauté comme absolu », présentation de La Beauté sur la terre, Œuvres complètes XXVI, op. cit., p. 196.

51 Mauro Carbone, La Chair des images : Merleau-Ponty entre peinture et cinéma, Paris, Vrin, 2011, p. 22.

52 Avant Merleau-Ponty, Husserl a recours au concept de « chair », afin de décrire notre expérience des choses mêmes ; comprise comme « sol » ou « arche-originaire Terre », la chair nest pas un corps situé dans lespace, mais ce qui conditionne lexistence de toutes choses. Cest dans un texte tardif écrit en 1934, intitulé « Renversement de la doctrine copernicienne dans linterprétation de la vision habituelle du monde. Larche-originaire Terre ne se meut pas », que le philosophe allemand développe une pensée de la chair, qui est soustraite à toute physique et à toute géométrie, et qui renoue avec lintuition. Cf. Edmund Husserl, La Terre ne se meut pas [1934], traduit de lallemand par Didier Franck, Dominique Pradelle et Jean-François Lavigne, Paris, Minuit, coll. « Philosophie », 1989.

53 Mauro Carbone, op. cit., p. 22.

54 Maurice Merleau-Ponty, Résumés de cours. Collège de France 1952-1960, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1968, p. 169.

55 Mauro Carbone, op. cit., p. 21.

56 C. F. Ramuz, Présence de la mort [1922], Œuvres complètes XXIV, Romans 6, textes établis, annotés et présentés par Julien Piat, Christian Morzewski et Gérald Froidevaux, Genève, Slatkine, 2012, p. 269.

57 Concernant le concept doriginaire, Merleau-Ponty le théorise de cette façon : « Il ny a plus pour moi de question des origines, ni de limites, ni de séries dévénements allant vers une cause première, mais un seul éclatement dÊtre qui est à jamais », id., Le Visible et linvisible, op. cit., p. 318. Loriginaire nest donc pas recluse dans le passé, elle ignore toutes les strates temporelles et renvoie à la chair, cette « arche-originaire Terre », pensée par Husserl.

58 Mauro Carbone, op. cit., p. 20.

59 Idem.

60 Idem.

61 C. F. Ramuz, Le Grand Printemps [1917], Œuvres complètes XV, Essais 1, textes établis, annotés et présentés par Reynald Freudiger, Genève, Slatkine, 2009, p. 207.

62 Henri Meschonnic, « Le Primitivisme vers la forme-sujet », La Licorne, 2014 : https://licorne.edel.univ-poitiers.fr:443/licorne/index.php?id=5095 (consulté le 23/01/2021).

63 C. F. Ramuz, Journal, Œuvres complètes I, Journal, notes et brouillons 3, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2005, p. 97.

64 Étienne Souriau, « Origine », op. cit., p. 1163.

65 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 485.

66 C. F. Ramuz, « Besoin de grandeur », essai inédit, Œuvres complètes XV, Essais 1, op. cit., p. 279.