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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés

Cyril Francès, « Introduction »

Lintroduction aborde la question de la place des Mémoires au sein des études sur lhistoire des femmes, qui reste relativement marginale malgré la richesse et la singularité du corpus. Lopposition de la plupart des mémorialistes aux récits de lhistoire officielle ainsi que lexigence de vérité qui habite leur témoignage les conduit en effet à sécarter des modes de représentations traditionnels du pouvoir féminin et à proposer un éclairage inédit sur laction politique des femmes durant lAncien Régime.

Nadine Kuperty-Tsur, « La représentation du pouvoir politique dans les Mémoires de Jeanne dAlbret et de Marguerite de Valois ou le pouvoir politique au féminin »

Lanalyse des Mémoires de Jeanne dAlbret de Marguerite de Valois montre que chacune a bien conscience de ce que le pouvoir féminin ne va pas de soi. Aucun homme de lépoque névoque son sexe en relation avec son statut alors que dans les écrits féminins, il sagit toujours dun obstacle à surmonter afin de pouvoir assumer un rôle de gouvernance. On sera sensible ici au récit de voyage dans chacun de ces deux témoignages qui développent le motif de la femme fuyant devant lhomme et tirant sa gloire à lui échapper.

Emmanuèle Lesne-Jaffro, « Images et discours de Christine de Suède. “Le roi est mort, vive le roi ! Mais quelle différence entre ces deux rois” »

Lautobiographie de Christine de Suède développe une réflexion très singulière sur la relation dune reine au pouvoir politique au xviie siècle. Son discours expose la contradiction vécue jusquà labdication entre le féminin et le pouvoir, présentés comme incompatibles. En contrepoint, la vision quen donnent deux mémorialistes françaises contemporaines, Mme de Motteville et Mlle de Montpensier reste très en deçà dune analyse politique.

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Laurène Gervasi, « Anne dAutriche et Mazarin dans les Mémoires de Madame de Motteville. Un couple politique dans la confusion des genres »

Lanalyse du tandem politique que forment Anne dAutriche et Mazarin sous la plume de Françoise de Motteville révèle des zones de flou. Les rôles sont distribués dune manière qui ne recoupe pas nécessairement leur statut ni leur identité sexuelle. Ce sont les enjeux de cette ambiguïté et de cette confusion des genres que nous nous proposons danalyser, en nous intéressant plus particulièrement à la notion dimpureté dans lexercice du pouvoir, ainsi quau conservatisme de madame de Motteville.

Claire Quaglia, « La fête des rois. Anne dAutriche, le pouvoir et ses mythes »

À travers létude dun extrait célèbre des Mémoires de Madame de Motteville, larticle analyse la nature complexe du pouvoir prêté par la mémorialiste à cette femme forte que célébrait Le Moyne dans sa Galerie. Il montre toutefois quil sagit davantage dun pouvoir fantasmé, nourri de modèles littéraires et bibliques que dun pouvoir réel et féminin crédité à cette reine cependant hors du commun.

Éric Tourrette, « Anne dAutriche dans les Mémoires de La Rochefoucauld »

Dans ses Mémoires, La Rochefoucauld met en évidence quatre aspects principaux dAnne dAutriche : une personnalité où dominent laigreur et lirritabilité ; une fascination amoureuse et sensuelle pour Mazarin, qui vire à lobsession pure et simple ; un être mouvant et instable, qui change aisément dattitude et oublie les faits quand cela larrange ; un simple pantin qui croit diriger le royaume mais savère incapable de se diriger lui-même.

Svetlana Garziano, « Le politique et le féminin dans les Mémoires de Catherine II »

Le xviiie siècle russe est un siècle de pouvoir au féminin par excellence, dont le point culminant est atteint par le règne de Catherine II. Élève du siècle des Lumières, appartenant à la civilisation des salons et cultivant lart de la conversation, Catherine la Grande est la première représentante dans lEmpire russe du type de femme qui apparaît en France dans la seconde moitié du xviiie siècle. Dans ses Mémoires, elle aborde abondamment la question de son cheminement vers le pouvoir monarchique.

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Sandrine Caroff-Urfer, « Les femmes dans les Mémoires du cardinal de Retz. Le mauvais genre de la politique ? »

Présentant une galerie variée de femmes puissantes, rédigés à la demande dune amie, les Mémoires de Retz sont un lieu privilégié pour observer les représentations du féminin et du pouvoir. Si la démolition des figures de la Fronde sopère sans distinction de sexe, les moyens de la critique sont différenciés, répondant à des stéréotypes de genre. Et si la femme de pouvoir peut être admirable, comme lexemplaire Palatine, cest à la condition que son pouvoir soit dinfluence et non déclat.

Marc Hersant, « La “Choin”. Pouvoir au féminin, pouvoir de lombre dans les Mémoires de Saint-Simon »

Épouse secrète du Grand Dauphin, la Choin apparaît comme une des représentations les plus originales du pouvoir dans les Mémoires de Saint-Simon. Vouée à lobscurité et presque totalement absente de la scène publique, elle nen manifeste pas moins jusquà la mort de son époux une influence décisive sur de grandes décisions de politique familiale. Mais en 1711, ce pouvoir qui ne tenait quà son mari disparaît avec lui : létonnante anecdote dHuxelles montre la fragilité extrême dun pouvoir qui ne devait rien à la naissance.

Delphine Mouquin, « Dans lombre et lobscurité, ou comment le pouvoir vient aux femmes dans les Mémoires de Saint-Simon »

Les Mémoires de Saint-Simon mettent en scène quelques femmes de pouvoir, notamment Mme de Maintenon et la Princesse des Ursins. À travers ces exemples et quelques autres, cet article sinterroge sur la spécificité possible dun pouvoir féminin. Lœuvre nous apprend que les femmes ont besoin dobscurité et de détours pour exercer leur influence, et quelles se maintiennent au pouvoir moyennant une sorte déquilibre entre éclat et secret.

Yohann Deguin, « Tenir la plume et porter la culotte. Le pouvoir de femmes au prisme de lécriture familiale »

Les femmes sont-elles en marge du pouvoir ? Lorsquelles écrivent leurs Mémoires, Catherine de La Guette, Sophie de Hanovre et Anne-Marie-Louise dOrléans-Montpensier ont soin de se présenter en figures politiques 314de premier rang. Parce que le sang et les alliances sont un enjeu capital pour laristocratie, ces femmes mettent en évidence leur position dans la lignée, et affirment une liberté daction qui neutralise, chez elle, toute soumission au mari, à lÉtat ou au père.

Adélaïde Cron, « Figures de la “femme forte” dans les écrits à dimension autobiographique de Madame Dunoyer »

Les Mémoires et les Lettres historiques et galantes de Madame Dunoyer présentent de nombreuses figures féminines fortes. Certaines dentre elles eurent un rôle politique connu et reconnu, dautres non. Pourtant les deux ouvrages ne cessent de tisser un système de renvois entre ces femmes, comme pour rendre hommage aux héroïnes de lombre. Cest que lon peut parler dune véritable transposition, dans le cadre de la famille, de la figure héroïque de la « femme illustre » à la Mademoiselle de Scudéry.

Inès Morjane, « La duchesse du Maine. Un pouvoir féminin sous la plume de Mme de Staal-Delaunay »

Rose Delaunay, entrée au service de la Duchesse du Maine en tant que femme de chambre, se voit assujettie par cette dernière qui règne à Sceaux sur une petite cour rivalisant dans le domaine des arts et des lettres avec celle de Versailles. Larticle sintéresse à la tension chez Mme du Maine entre une ambition politique classique, assise sur le rang de la princesse et le statut ambigu de son mari et une utilisation plus originale du rayonnement de la cour de Sceaux comme source dun « pouvoir » dune autre nature.

Frédéric Briot, « Agir en femme ? Quelques réflexions déroutées et perplexes du baron de Breteuil mémorialiste… »

Louis Nicolas Le Tonnelier de Breteuil (1648-1728) exerça la charge dintroducteur des princes étrangers et des ambassadeurs. Le cérémonial neutralise totalement la présence des femmes. Pourtant par trois fois Breteuil va se voir confronté à des femmes ne tenant aucun compte des normes sociales et poursuivant des buts qui échappent complètement au mémorialiste. Aucune de ses grilles de lecture nest opérante : ces femmes ne contestent pas le système, ce que tout système sait comprendre et circonscrire, elles font un, ou plusieurs, pas de côté.

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Florence Dujour-Pelletier, « Du roman-mémoires dHenriette-Sylvie de Molière aux Mémoires romancés des sœurs Mancini ou le pouvoir au féminin »

En 1674, Madame de Villedieu invente un personnage, Henriette-Sylvie de Molière, dont les aventures semblent inspirées par celles des sœurs Mancini. Ces trois femmes (fictive et réelles) ne sont certes pas des femmes de pouvoir, mais le récit de leurs aventures rappelle quelles ont côtoyé de près les grands de ce monde. Elles ont dès lors pu en parler avec une désinvolture qui deviendra caractéristique de ces écritures au féminin et a pu jouer, face à la tutelle masculine, comme un contre-pouvoir littéraire.

Josiane Guitard-Morel, « Félicité de Genlis, gouverneur des enfants dOrléans, femme de pouvoir »

Les Mémoires de Stéphanie-Félicité de Genlis retracent, du règne de la Pompadour jusquà la Monarchie de juillet, comment la femme de lettres sest distinguée par son intelligence, ses activités et ses nombreux talents. Son pouvoir sépanouit progressivement à travers différents rôles : éducatrice, actrice, égérie politique… Le discours autobiographique dévoile une femme dinfluences, opposée aux philosophes, et qui sautorise un registre féministe davant-garde, tout en subtilités et paradoxes.

Laetitia Saintes, « Polémique et bataille du genre. La réception des Considérations sur la Révolution française de Germaine de Staël »

Lœuvre staëlienne a souvent fait lobjet dune réception polémique ; le cas des Considérations sur la Révolution française est à cet égard exemplaire. Un préjugé misogyne traverse lensemble de sa réception, contestant la légitimité des femmes à témoigner de lhistoire. Car endosser le rôle de lhistorienne revêt une ambition tout autre que celle qui consisterait à écrire lhistoire en romancière ou en mémorialiste : historienne, la femme qui prend la plume sarroge le rôle de sujet dans une histoire que chaque camp tente de récupérer à son profit.

Éliane Viennot, « épilogue. Le recours à lhistoire des femmes illustres aux lendemains de la chute de lancien régime (1789-1860) »

Les femmes de la Révolution française ont en mémoire des modèles féminins qui leur donnent le courage de se lancer dans laction. Et la période qui 316suit voit de nombreuses femmes se lancer dans létude de lhistoire de leur sexe – exploration dautant plus nécessaire que le présent est marqué par une dégradation sévère de leurs pouvoirs. Exploitant au mieux les opportunités de la période, notamment celle qui consiste à pouvoir vivre de sa plume, elles répondent à la curiosité de leurs contemporaines pour des époques qui avaient vu des femmes occuper les premières places.