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Classiques Garnier

Conclusion de la deuxième partie

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L’ITALIE ANTISÉMITE EN AFRIQUE DU NORD

Vérité au-delà de la Méditerranée, erreur en deçà ? Telle était sans doute l’impression des Juifs français. En Afrique du Nord en effet, les Italiens s’adonnèrent à plusieurs manifestations d’antisémitisme qui ternirent l’action favorable à Israël menée par Mussolini. Les Israélites français ne mettaient cependant pas sur le même plan le philosémitisme en Europe et en Palestine d’une part, et, de l’autre, l’antisémitisme en Afrique du Nord ; ils réservaient à ce dernier un place à part. D’abord parce que ce que l’on nommait antisémitisme au Maghreb se cantonnait à des rixes localisées et à des sautes de mauvaise humeur italienne, tandis que le philosémitisme précédemment évoqué semblait engager l’ensemble d’une politique qui visait toute la Méditerranée. Il y avait une différence d’échelle. Une distinction de nature s’ajoutait à cela : la politique en Italie, en Europe et en Palestine était définie par les plus hautes autorités fascistes et Mussolini en personne ; en Afrique du Nord, zone éloignée des centres de décision, l’on avait plutôt affaire à des cellules fascistes locales qui, tout en se réclamant de leur hiérarchie, agissaient souvent en relative autonomie. C’est pourquoi les Israélites traitaient de ces événements séparément.

La faiblesse du corpus relatif à ce sujet invite à dire que la situation au Maghreb comptait au nombre des préoccupations secondaires. De plus, les événements qui s’y déroulaient étaient contemporains de ceux décrits précédemment et se trouvaient étouffés par eux. Pour autant, il ne s’agissait pas de juxtaposer les analyses concernant la rive nord de la Méditerranée et celles se rapportant à la rive sud : les Israélites nationaux opéraient des interactions entre ce qui se passait en Afrique du Nord et ailleurs. D’où plusieurs questions : l’ouverture d’esprit à l’égard d’Israël n’était-elle pas seulement l’apanage des plus hautes instances du fascisme ? Confrontés aux réalités quotidiennes, dans des contrées excentrées, les principes chantés en Italie ne montraient-ils pas leurs limites ? Les agents locaux du fascisme et, plus largement, les Italiens installés en Afrique du Nord, ne démentaient-ils pas les grandes déclarations ?

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Ce fut principalement en observant la situation en Libye et en Tunisie, territoires possédé par l’Italie pour le premier, convoité par elle pour le second, que l’on pouvait glaner des éléments de réponse.

La Libye, théâtre des excès fascistes :
appels à l’apaisement et désintérêt progressif

La Libye fut le théâtre des premières manifestations d’antisémitisme, atteignant parfois un paroxysme qui marqua durablement les populations comme, pendant un temps, les observateurs juifs français.

Juifs et Italiens en Libye

Désireuse d’accroître son influence en Méditerranée, l’Italie s’intéressa dès la fin du xixe siècle, après sa déconvenue en Éthiopie, à la Libye, possession ottomane : dans la péninsule, l’idée coloniale commençait à sérieusement germer et Giolitti abandonna progressivement sa politique prudente au profit d’ambitions impérialistes par ailleurs célébrées par les nationalistes. Une « pénétration pacifique », servant l’expansion économique italienne, fut engagée en Tripolitaine, où 1 000 colons italiens actifs faisaient gonfler les intérêts de leur pays. En septembre 1911, prenant prétexte des vexations leur étant infligées par le vali de Tripoli, les Italiens envoyèrent un ultimatum au sultan de Constantinople, mais ce dernier refusa de céder. Un corps expéditionnaire italien se dirigea alors sur place, qui bombarda les points stratégiques du pays. En novembre, la Libye était annexée, ce qui ne mit pas fin aux heurts, qui se poursuivaient avec les populations locales et les grandes puissances1. Globalement, l’opinion française ne réprouva pas l’initiative de la sœur latine2. Les Juifs non plus. Il ne se trouvera guère que quelques voix isolées comme celle d’un Daniel Halévy pour émettre des critiques3, ou bien plus tard, un 199André Suarès pour écrire de l’Italie : « Elle s’est installée en Tripolitaine, par la plus cynique et la plus honteuse des invasions4 ». Depuis plusieurs décennies, l’historiographie met en relief la place stratégique de la Libye dans le jeu italien et en Méditerranée5, surtout sous le fascisme, place parfois reléguée à un rang annexe dans les études6. Dès la fin des années 1960, André Martel présentait cette possession coloniale comme « un banc d’essai » sans risque, où l’Italie fasciste pouvait prendre la mesure de sa puissance et tester sa politique7. À notre tour, demandons-nous si la Libye n’a pas constitué en quelque sorte un laboratoire où se mirent en œuvre les prémices de l’antisémitisme.

Après la conquête, il entrait dans la politique italienne de s’appuyer sur les Juifs8 et leurs intérêts, afin de tenter de repousser les Ottomans. Les autorités transalpines remarquaient cependant que les Israélites composaient une communauté bigarrée : si 40 % d’entre eux possédaient la nationalité italienne, le reste provenait d’Espagne ou du Maroc notamment. Ces mêmes autorités remettaient d’ailleurs souvent en cause le sentiment national des Juifs et se méfiaient d’eux. Les préjugés allaient bon train : les Juifs ne semblaient attirés que par la floraison de leurs affaires et n’agissaient pas par amour de l’Italie. Cette image dépréciative se dégrada encore sous le fascisme, se métamorphosa et revêtit une connotation nettement antisémite : le Juif n’était plus le riche négociant mais l’indigène sale, fruste et analphabète, accusé de nuire à l’apparence des villes dans lesquelles il vivait9. Officiellement, les Italiens ne prônaient toutefois pas ouvertement l’antisémitisme et se voulaient rassurants. Les Juifs français s’appuyaient-ils sur les faits 200ou sur les discours ? Au début des années 1920, L’Univers Israélite citait en ce sens un extrait du journal italien de Tunis L’Unione, duquel il ne contestait pas ouvertement l’opinion :

En hommage à la vérité, il faut dire tout de suite que durant les douze années de notre occupation la population israélite n’a jamais donné de graves préoccupations aux autorités. La ville de Tripoli a passé des moments difficiles ; pendant la guerre européenne, les rebelles arabes étaient arrivés presque aux portes. Elle a été agitée après la guerre par des mouvements ouvriers, mais aucun des gouverneurs qui se succédèrent n’a jamais eu l’occasion d’avoir sa pensée attirée vers le quartier israélite, étant donné la tranquillité qui y a toujours régné, quelques inévitables disputes mises à part10.

Nul n’était dupe de telles déclarations ; les « disputes », dont parlait L’Unione, s’apparentaient à de violents heurts, nourris par une véritable campagne antisémite que menaient les fascistes locaux. Il ne s’agissait pas d’un antisémitisme très répandu, mais sa seule existence préoccupait les Israélites de France. Paix et Droit, qui publiait les extraits d’un rapport rédigé par le Comité de l’Alliance israélite universelle à Tripoli, jetait un regard tout différent de celui susmentionné sur la réalité et insistait sur la dégradation survenue après le tournant fasciste de 1922 :

Il est incontestable que les relations cordiales qui existaient entre la colonie italienne et la population juive depuis l’occupation de la Tripolitaine ont été gravement troublées après l’avènement du parti fasciste au pouvoir. […]

Au fur et à mesure que le gouvernement de M. Mussolini s’implantait dans la métropole, les dirigeants fascistes de cette ville [Tripoli] se montraient de plus en plus arrogants. Dans son journal hebdomadaire Libia fascista le parti fasciste menait campagne contre nos coreligionnaires11.

Pourquoi les fascistes de Tripolitaine s’adonnaient-ils ainsi à la haine du Juif ? Comment l’antisémitisme se manifestait-il en colonie italienne ? Quelles en furent les conséquences ? Un événement, survenu en 1923, fit éclater au grand jour la nature de cet antisémitisme : les rixes entre Juifs et Italiens à Tripoli, auxquelles l’opinion juive s’intéressa modérément.

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Les incidents antisémites de 1923 : un non-événement ?

Les incidents de 1923 s’inscrivaient dans un contexte déjà brûlant, et ce depuis 1922. Une série d’accrochages détériora l’atmosphère. Exemplaire était à ce titre l’arrestation du riche banquier israélite Eugenio Nahum, que les fascistes accusaient d’entretenir des rapports clandestins avec des rebelles en lutte contre les forces italiennes en Libye. De multiples passages à tabac émaillèrent l’instruction du procès qui se clôtura par une condamnation. Malgré l’acquittement final de Nahum, la méfiance s’instaurait entre juifs et fascistes, ce qui installa « dans les deux camps un état d’esprit fâcheux12 ». Mais ce fut bien en 1923 que l’opposition entre les deux populations atteignit son paroxysme.

Quelques relations, rares mais très fournies et circonstanciées, des rixes de 1923 donnent une idée de l’opinion des Israélites français. Toutes reconnaissaient qu’à l’origine des échauffourées figurait une insignifiante altercation : « L’étincelle est partie d’un très modeste incident13 ». En fait, au soir du 19 août 1923, deux soldats italiens passaient dans le quartier juif, la Hara. Soudain, « intentionnellement ou par mégarde14 », l’un d’eux heurta l’étale d’un commerçant juif, Messaoud Halfon qui, selon les dires, lança une pierre à la tête de celui-ci qui, ayant voulu s’opposer à Halfon, fut assailli, ainsi que son ami, par plusieurs Juifs. Cet incident se mua en rixe généralisée, car les habitants de la Hara étaient accourus « en grand nombre et […] entour[èrent], menaçants, les militaires pendant que d’autres Hébreux lançaient des pierres de loin15 ». Vint alors à passer le fasciste Costante Buzzanca, assisté de soldats, plus tard rejoints par des carabiniers. Cinq Israélites furent blessés et vingt-cinq arrêtés16. Le lendemain s’organisa une véritable expédition punitive des fascistes contre les Juifs, « provocation inutile et dangereuse, car elle ne pouvait que surexciter ces derniers17 ». En signe de protestation, les Israélites fermèrent leurs boutiques mais se virent intimer l’ordre de les rouvrir. Le 21 août, malgré les appels au calme lancés par les Israélites et les fascistes, de nouvelles échauffourées éclatèrent : Franz Cavarra, 202un soldat italien, échangea des coups avec des bouchers du quartier juif qui lui assénèrent un coup de couteau dans la tête. Pris de panique, de nombreux Israélites prirent la fuite ; après enquête, certains furent retrouvés et arrêtés :

Dans la Communauté régnait un vif mécontentement. On racontait que des abus scandaleux étaient commis de tous côtés : les détenus israélites étaient cruellement frappés, des fascistes rencontrant des juifs vêtus à l’indigène les forçaient à s’agenouiller et à baiser le sol, un soldat érythréen traversant Suk-el-Muchir flagellait des commerçants israélites de coups de cravache18.

S’en suivaient des procès expéditifs : certains Juifs furent acquittés, d’autres emprisonnés pour de brèves périodes19. Mais la chaleur n’était pas retombée et lors de l’enterrement de Franz Cavarra, les escouades fascistes se multiplièrent. Un témoin, membre du comité de l’Alliance israélite universelle de Tripoli, donna son sentiment :

Malheur au Juif vêtu à l’indigène qui, croisant les Chemises Noires sur la voie publique, passait auprès d’elles sans les saluer ! Un coup de poing brutalement décoché au visage le rappelait à l’ordre. On m’a signalé le cas de nombreux Israélites qui furent jetés à terre, roués de coups pour avoir contrevenu à cette injonction20.

Et d’ajouter :

L’indignation était générale, mais personne n’osait porter plainte auprès des autorités. Pris de panique, ces malheureux prirent finalement leur parti des vexations et, pleins de résignation, se décidèrent à plier l’échine : le salut obligatoire entra dans leurs habitudes et ils s’en acquittèrent ponctuellement, plusieurs même à la romaine21 !

Plusieurs Israélites allèrent même jusqu’à demander à l’Alliance israélite universelle d’intercéder auprès des autorités françaises : mais, craignant que ce geste soit mal interprété, le comité de Tripoli s’y refusa et conseilla aux Israélites de se vêtir à l’européenne afin de moins attirer l’attention. Il est vrai que la marge de manœuvre de l’Alliance se révélait limitée ; l’Italie assurant officiellement la protection des Juifs, l’organisation de 203bienfaisance française ne pouvait se lancer véritablement sur le terrain de la défense des droits des Juifs et privilégia le domaine éducatif22. Au fil des jours, le calme finit par reprendre ses droits.

Rien n’y fit cependant : ni l’accueil chaleureux réservé au Duce par les Juifs de Tripoli en 192623, ni la permission d’entreprendre une colonisation agricole juive en Tripolitaine24 n’atténuèrent le traumatisme des Israélites de Libye après les événements de 1922 et 1923, ce dont était consciente l’opinion juive française. De Tripoli, voici l’impression qui se dégageait :

Le malaise était réel ; pour beaucoup d’Israélites, fascisme était devenu synonyme d’antijudaïsme, et il a suffi d’un fait insignifiant pour provoquer au milieu de la population juive de la Hara, en majorité encore inculte, cette explosion d’inimitié et de rancœur25.

Aux yeux des Israélites français, il ne fallait toutefois pas dramatiser les événements à l’extrême ; quand les Juifs tripolitains se plaignirent de la manière fasciste de rendre la justice, un de leurs coreligionnaires français pondéra : « d’aucuns parlaient inconsidérément d’une récidive de l’affaire Dreyfus26 ». Nier l’existence d’un courant antisémite parmi les fascistes et les Italiens de Tripolitaine aurait cependant constitué un gage certain de mauvaise foi : « il ne s’agit pas d’événements occasionnels, mais bien d’incidents faisant partie d’une sorte de ligne de conduite adoptée par la population italienne de Tripoli et que le fascisme a portée à son maximum », pensait L’Univers Israélite27. L’historiographie récente atteste de la véracité de telles observations : celle-ci met d’une part en relief la présence en Tripolitaine des éléments les plus extrémistes du fascisme, ainsi que d’Italiens glorifiant à l’envi la suprématie de l’italianité, ce qui se traduisait par l’adoption de comportements 204belliqueux et discriminatoires. Un véritable courant antisémite, faible par le nombre mais vigoureux par sa violence, existait bel et bien en Libye28. D’autre part, et cela ne fait que nourrir les précédentes remarques, plusieurs historiens voient dans ces débordements antisémites la volonté de renforcer définitivement l’« ordre colonial » italien : les Juifs, perçus comme une communauté soudée pouvant opérer un contrepoids aux autorités fascistes, constituaient une entrave à l’uniformisation désirée par les Italiens ; c’est ce qu’a démontré François Dumasy29.

De l’avis de tous à l’époque, le trouble s’était ainsi durablement installé, à tel point que nul ne pouvait augurer de l’avenir :

Les israélites de Tripoli se demandent anxieusement ce que l’avenir leur réserve. Quelques-uns des plus importants songent très sérieusement à transporter leurs pénates dans des endroits moins troublés et où on ne les forcerait pas à chanter des hymnes de gratitude en l’honneur de leurs persécuteurs30.

Une certaine stupéfaction frappait les Israélites français : la violence italienne contre les Juifs en Tripolitaine contrastait tant avec la bienveillance affichée ailleurs qu’il y avait nécessairement une explication valable. Plutôt que de chercher à y parvenir, les Juifs minimisèrent la situation et manifestèrent un désintérêt progressif. Après les quelques articles accordés à la situation en Libye, l’on ne trouva plus aucune allusion aux suites de l’événement. Tous voulaient croire à un rétablissement des bonnes relations, du moins en apparence. Les heurts ayant éclaté en Tunisie les rappelèrent à la réalité.

Les vicissitudes des relations entre Juifs
et fascistes en Tunisie : inquiétude et indignation

L’appartenance de la Tunisie à l’Empire colonial français, le poids central de ce pays dans les relations franco-italiennes et la présence d’une 205forte population juive sur son sol firent que même si les débordements antisémites italiens semblaient moins graves que ceux ayant éclaté en Tripolitaine, l’on y accordait une attention toute aussi soutenue ; à cela s’ajoutait que la situation en Tunisie se distinguait par sa complexité.

Les Juifs de Tunisie entre France et Italie

Contrairement à la Libye, la Tunisie n’était pas une possession, mais une revendication italienne, ce qui entraînait les éléments fascistes les plus extrémistes à adopter parfois une attitude hostile, notamment à l’endroit des Juifs. Les Israélites français se demandaient pourquoi les Juifs s’étaient attirés la vindicte des Italiens.

Le caractère double de la communauté juive de Tunisie pouvait être avancé comme facteur explicatif : les Juifs de Tunisie se décomposaient en une fraction d’« indigènes », estimée dans les années 1920 à environ 55 000, auxquels s’ajoutait un contingent de 10 000 « Européens31 », dont 4 000 Italiens32. Or, une véritable compétition démographique divisait Français et Italiens, compétition qui tournait à l’avantage des seconds dans les années 1920, ce qui n’échappait pas aux Juifs, comme Élie Cohen-Hadria, représentant des socialistes français à Tunis, qui notait dans ses souvenirs :

Les Français ne constituaient en Tunisie qu’une minorité. Que dis-je ? Ils ne constituaient même pas la majorité dans l’ensemble des colonies européennes. Quoique l’écart tendît progressivement à se réduire, les Français restaient encore en 1923 moins nombreux que les Italiens33.

Dans ce contexte, les autorités italiennes s’interrogeaient : pouvaient-elles véritablement compter sur leurs ressortissants juifs ? Les Juifs de Tunisie, italiens ou non, seraient-ils avant tout fidèles à leur foi ou à leur nation ? De quel côté la communauté juive penchait-elle dans le conflit opposant les deux sœurs latines ? En fait, par sa composition même, cette communauté oscillait entre France et Italie.

Très intéressés par ce débat qui les concernait directement, les Israélites remarquaient qu’aucune réponse simple et définitive ne pouvait être apportée : une thèse de droit consacrée à la question fut même soutenue 206en 1925 par Raoul Darmon34. Il apparaissait que les Juifs « indigènes » et leurs coreligionnaires italiens avaient autant de raisons de se rapprocher que de s’affronter. Ces deux branches du même arbre s’inspiraient mutuellement attirance et rejet, d’autant que l’une penchait vers la France, l’autre vers sa patrie, l’Italie. J. Vehel le notait en ces termes : « Les Israélites dans la Régence […] y constituent deux groupements distincts, aux aspirations souvent différentes, et dont d’aucuns souhaitent la fusion, alors que d’autres s’y opposent avec énergie35 ». L’on analysait en détail les différences qui les séparaient et les bases éventuelles sur lesquelles elles se rapprocheraient. À tous, il apparaissait que de profonds contrastes intellectuels, économiques et socioculturels éloignaient les deux communautés : les Juifs « indigènes », les Touansa, dont une partie s’était implantée en Tunisie antérieurement à l’islam, avant d’accueillir diverses vagues migratoires en provenance de tout le bassin méditerranéen, vivaient, malgré d’éclatantes réussites individuelles, dans de modestes conditions et faisaient partie, avant le protectorat, des sujets du Bey avec le statut de dhimmi36. Il en allait tout autrement des Israélites italiens, livournais plus particulièrement, les Grana, venus en Tunisie aux xviiie et xixe siècles : souvent de condition sociale élevée, ils étaient citoyens italiens, non sujets beylicaux pour la plupart, et disposaient d’un haut niveau de culture qui permit à plusieurs d’entre eux d’exercer de hautes fonctions auprès de la régence beylicale, tout en défendant les intérêts de la colonie italienne de toutes confessions. Cette élite rassemblait un grand nombre de « Juifs de Cour ». Très rapidement après leur installation en Tunisie, ils firent montre d’un certain sentiment de supériorité à l’égard de leurs coreligionnaires touansa, jugés esclaves de leur archaïsme, comme l’affirmaient de nombreux témoignages : « Les Livournais en affectant un air supérieur, un souci tenace de leur langue et de leurs traditions, et surtout un esprit voltairien […] déplu[rent] souverainement à la pieuse population autochtone37 ». Impression confirmée plus tard par Élie Cohen-Hadria, qui parlait des Grana en ces termes :

Leurs enfants fréquentaient les écoles italiennes ; leur langue maternelle était l’italien, et ils jouaient dans la colonie italienne un rôle très important. Ils 207étaient volontiers méprisants pour les Juifs tunisiens arriérés et arabisés, et pratiquaient assez strictement l’endogamie. La plupart n’étaient pas loin de considérer comme mésalliance le mariage d’un des leurs avec un Juif tunisien, même si ce Tunisien était instruit et cultivé38.

En fait, c’était surtout au xixe siècle que cet antagonisme, loin de s’estomper, s’était consolidé, et l’on assista à une acerbe concurrence des élites des deux communautés.

Malgré tout, au fil du temps, la situation avait connu une évolution, si bien que les cartes se brouillèrent. Certains Israélites français craignaient ainsi que le modèle livournais attirât les Juifs tunisiens en quête d’ascension sociale. Ceux des Touansa qui se désintéressaient de la religion, se sentaient proches des idées des Lumières et nourrissaient une fascination pour l’Occident, se montraient séduits par l’exemple incarné par leurs frères venus d’Italie39. Cela suffisait-il à faire passer une partie des Juifs tunisiens, des Touansa, dans la sphère d’influence de l’Italie ? Sur ce point, les Israélites français se voulaient rassurants : la France aussi disposait de nombreux moyens permettant d’assurer l’ascension sociale des Juifs autochtones et, ajoutait-on, il ne fallait pas sous-estimer la prégnance parmi eux des valeurs d’idéalisme et d’universalisme portées par la Révolution française. La formation, déjà amorcée, d’élites juives « indigènes » par la France prouvait la réussite du modèle républicain. Il faut souligner le rôle décisif de l’Alliance israélite universelle, dont le premier comité se créa à Tunis en 1864, bien avant la mise en place du protectorat français ; cette institution considérait l’instruction comme un instrument de liberté et contribua à asseoir la « francité », sinon juridique du moins culturelle en un sens, des Touansa. D’où le renforcement des antagonismes avec les Grana qui voyaient dans l’Alliance une entrave à la propagation de la culture et de la langue italiennes. Le groupe des pro-Français l’emporta nettement après 1881, ce qui plaça les Livournais à l’écart des hautes sphères coloniales40. Cette pénétration de la culture française était nettement perçue par les Juifs autochtones, tel Gilbert Chikly, plus tard installé en France qui, dans ses souvenirs, rend hommage à « l’œuvre immense de l’Alliance israélite universelle, 208la fameuse AIU, apportant l’apprentissage du français, la civilisation en un mot41 ». Ces propos montrent comment les Juifs indigènes se rapprochaient chaque jour un peu plus de la sphère française42.

Quel autre parti que celui de la France les Touansa pouvaient-ils prendre, demandait-on parmi les Israélites français ? Envisager une acculturation massive avec les Juifs livournais semblait impossible ; il n’y avait donc pas de réel risque d’une attirance vers l’Italie, d’autant que, après l’avènement du fascisme et les revendications sur la Tunisie, les Juifs autochtones, craignaient, en cas de passage de souveraineté à l’Italie, de se voir dépasser par les Grana ; aussi Élie Cohen-Hadria, se rappelant son état d’esprit d’alors, notait : « Comment imaginer […] que, la France quittant la Tunisie, ce pays ne sombrerait pas dans l’anarchie pour devenir très vite la proie d’une autre puissance colonisatrice, et plus particulièrement de l’Italie fasciste43 ? ». Malgré des relations globalement bonnes avec les Musulmans44, ils ne pouvaient non plus épouser en masse les idéaux du nationalisme tunisien car certains craignaient de retourner à la condition de dhimmis en cas de création d’un État tunisien, et d’autres le jugeaient incompatible avec un autre nationalisme qui gagnait du terrain en Tunisie : le sionisme. La solution française paraissait la meilleure.

Rassurés, les Israélites français allaient plus loin et se demandaient s’il ne pouvait pas se produire un processus inattendu : l’attirance des Juifs livournais pour le modèle français après l’installation du fascisme45. Ce risque apparaissait d’ailleurs grand aux autorités fascistes qui déclenchèrent, au moment du tournant révisionniste de 1926, une vaste campagne d’antisémitisme en Tunisie. S’attaqueraient-ils seulement aux Grana ou s’en prendraient-ils à tous les enfants d’Israël ?

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La campagne antisémite italienne en Tunisie

Selon les Juifs français, leurs coreligionnaires de Tunisie étaient instrumentalisés par les fascistes dans le but d’alerter l’opinion internationale quant à leurs revendications sur ce pays. Si la question des rapports entre Juifs et fascistes occupa l’opinion juive pendant tout l’été 1926, la surface éditoriale afférente se révéla fort réduite, tout comme, peut-on penser, la portée de ces événements parmi les Israélites de France.

Le 25 juin 1926, L’Univers Israélite attirait l’attention de ses lecteurs sur une information :

La presse fasciste d’Italie a ouvert une violente campagne contre les juifs italiens de Tunisie. […] Le seul quotidien italien à Tunis, Unione, publie tous les jours des articles hostiles aux juifs, à la suite desquels de nombreux incidents ont lieu46.

La raison ? Les Juifs seraient francs-maçons, antifascistes, ou cumulaient parfois les deux titres, et luttaient avec acharnement contre l’influence italienne dans le monde en général, en Tunisie en particulier. Une telle campagne semblait d’autant plus injuste et malvenue qu’elle était injustifiée. En août, le même journal notait : « Le malaise des Israélites italiens résidant en Tunisie s’aggrave ; ardemment attachés à l’Italie, ils ont donné assez de preuves de leurs sentiments patriotiques pour ne pas souffrir d’être l’objet d’attaques injustes et gratuites47 ». Deux faits historiques venaient prouver cette assertion :

En réalité, les juifs italiens de Tunisie sont neutres à l’égard des fascistes. […] Il importe de signaler que les juifs italiens de Tunisie ont été toujours très loyaux à l’égard de l’Italie. Une grand nombre d’entre eux se sont distingués dans l’armée pendant la guerre. Nombre d’entre eux ont été tués et blessés48.

En fait, si la seconde observation correspondait à une tendance exacte, il n’en allait pas de même pour la première ; les Israélites français commettaient plusieurs erreurs d’appréciation sur la situation en Tunisie. Parmi les Juifs livournais en effet, à côté de certains fascistes patentés, l’on trouvait un contingent, important bien que difficile à évaluer, qui manifestait de nombreuses réticences à l’égard du fascisme par 210idéal tout autant que parce que le sentiment était répandu que la nature totalitaire de ce régime risquait de nuire aux intérêts que les Juifs entretenaient à l’échelle de leur communauté : le totalitarisme paraissait antagoniste avec le maintien des privilèges des minorités49. Autre méprise : les Israélites français, contrairement à leur habitude, amplifiaient l’importance véritable de ces incidents ; à l’exception d’une allusion50, ils négligeaient le philosémitisme des Italiens non juifs, du moins ceux qui n’appartenaient pas aux organisations fascistes. Les Israélites insistèrent longuement sur les démissions présentées par leurs coreligionnaires à la Chambre de Commerce de Tunis, sur le duel entre Salvatore Calo, président de la Communauté juive livournaise de Tunis, et Di Vittorio, le directeur de L’Unione51, mais ils ne signalaient pas que, dans ce même journal, le Docteur Brignone, qui craignait les retombées de la campagne antimaçonnique, avait critiqué avec virulence le déchaînement antisémite de la presse italienne52. Peut-être la distance géographique qui les séparait des événements doit-elle endosser la responsabilité de cette déformation. L’opinion juive percevait en revanche très bien les conséquences qu’entraînaient de tels incidents à long terme53. La plus importante était la redéfinition des contours de la communauté juive tunisienne : les clivages se détendaient entre Grana et Touansa et nombre des premiers demandèrent, le fait était notable par le symbole qu’il revêtait, la nationalité française, sans que l’on sache en quelles proportions. Corollaire de ce phénomène, l’antifascisme gagna une part non négligeable et croissante des Israélites livournais. À cette première conséquence s’ajouta la méfiance des Juifs autochtones vis-à-vis de l’Italie fasciste : certes, ils n’avaient pas été les cibles directes des campagnes menées par les journaux fascistes, mais ils étaient juifs et se sentaient solidaires de leurs frères malmenés. Si bien que le rapprochement entre Grana et Touansa s’opéra au détriment des intérêts italiens. Malgré l’absence d’indices allant dans ce sens, l’on peut avancer avec prudence que le mouvement d’attraction de certains Juifs tunisiens vers le modèle livournais était en passe de s’éteindre.

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Mussolini était-il à l’origine de l’action de ses sbires de Tunisie ? Pouvait-il envisager de pareilles conséquences et les désirait-il ? Les Israélites français répondaient par la négative et soulignaient bien la différence entre les fascistes locaux et le gouvernement du Duce. Selon Hippolyte Prague, « quoi qu’en dise le Duce, [le fascisme] a des tendances antisémites, dont on trouve l’expression violente dans certains organes de la presse italienne54 ». Si les fascistes de Tunisie n’étaient en rien le bras de Mussolini, il fallait en revanche que ce dernier muselât davantage les éléments les plus violents de son mouvement. Les déclarations apaisantes faites aux représentants de la communauté juive de Tunisie55 corroboraient de pareilles affirmations : il fallait voir dans les événements de Tunis une exception localisée, à découpler de la politique juive poursuivie par l’Italie en général. Il n’en demeurait pas moins que l’ensemble de la judaïcité de Tunisie, « indigènes » et italiens confondus, ressentait ces démonstrations de haine comme de graves manifestations portant atteinte à leur condition : le centre de gravité du judaïsme tunisien se déplaçait significativement vers le pôle français. Les Israélites français en prenaient acte.

Point de doute aux yeux des Israélites français : l’Afrique du Nord était bien trop éloignée des centres de décision fascistes pour que les débordements antisémites qui s’y déroulèrent parussent directement inspirés par le gouvernement de Mussolini ; l’hostilité aux Israélites dans cette région ne constituait en rien l’application préparatoire d’une politique future mais était le fait de la mauvaise humeur des éléments les plus agités du fascisme qui instrumentalisaient la question juive pour attirer l’attention sur leurs revendications, estimait-on. Ces événements semblaient circonscrits, dans le temps comme dans l’espace ; sans doute cela expliquait-il le peu d’intérêt qu’on leur accorda. Que Mussolini ne les réprimât pas clairement ne manquait cependant pas de faire réfléchir les Juifs français ; le retour au calme mit fin aux questionnements : furtive, l’opinion tournait ses regards vers d’autres théâtres, qui lui paraissaient plus décisifs. Il est frappant de remarquer qu’au fil du temps, l’analyse des Juifs de France s’affina et gagna en nuances : loin de passer sous silence l’antisémitisme en Afrique du Nord – pour éviter que l’on critiquât l’Italie par exemple – l’on entendait démontrer, une fois l’indignation initiale dissipée, l’absence de liens entre la politique méditerranéenne de 212l’Italie à l’égard du judaïsme, et les écarts auxquels s’adonnaient certains Italiens ça ou là. De plus en plus, l’on percevait les différents rouages de l’État fasciste, ses strates variées ; la connaissance du voisin transalpin s’aiguisait. Les Israélites commençaient à s’éloigner des images figées, des interprétations préconçues. L’avènement d’Hitler au pouvoir mit fin à la progression de la réflexion : il fallait, pour beaucoup, montrer que l’Italie n’était pas l’Allemagne, quitte à taire certains aspects ou à orienter volontairement les analyses : l’observation empirique devait le céder à l’idéologie.

1 Serge Berstein, Pierre Milza, L’Italie contemporaine du Risorgimento à la chute du fascisme, Paris, Armand Colin, 1995, p. 195-199.

2 Stéphane Mourlane, « De l’ultimatum à l’annexion : l’intervention italienne en Tripolitaine à travers la presse française (septembre-novembre 1911) », dans Romain H. Rainero (a cura di), Aspetti e problemi delle relazioni tra l’Italia e la Francia, Milan, Unicopli Cuesp, 2005, p. 130.

3 Pierre Guiral, « Le nationalisme à Marseille et en Provence de 1900 à 1914 », dans Opinion publique et politique extérieure, t. I : 1870-1915, Rome, École française de Rome, 1981, p. 344.

4 André Suarès, Vues sur l’Europe, Paris, Grasset, 1939, p. 244-245.

5 Cf. Salvatore Bono, « La Libia nella storia del Mediterraneo », Africa, vol. 63, no 2, juin 2008, p. 145-153.

6 Voir la récente mise au point de François Dumasy, « Le fascisme est-il un “article d’exportation” ? Idéologie et enjeux sociaux du Parti National Fasciste en Libye pendant la colonisation italienne », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, no 55-3, juillet-septembre 2008, p. 85-115.

7 André Martel, « Question libyenne et fascisme (1919-1939) », dans André Nouschi (dir.), La Méditerranée de 1919 à 1939, Nice, Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Nice, 1969, p. 61.

8 À la fin du xixe siècle, la Libye abritait environ 8 000 Juifs, chiffre qui atteignit environ 20 000 dans l’entre-deux-guerres.

9 Sur tous ces aspects, Daniel J. Grange, L’Italie et la Méditerranée (1896-1911) : les fondements d’une politique étrangère, Rome, École française de Rome, 1994, p. 500-503 ; François Dumasy, Ordonner et bâtir. Construction de l’espace urbain et ordre colonial à Tripoli pendant la colonisation italienne, Thèse d’histoire sous la direction de Robert Ilbert, Université d’Aix-Marseille I, 2006, p. 420-421.

10 L’Unione, 30 août 1923, cité dans « Les fascistes et l’antisémitisme en Tripolitaine », art. cit.

11 « Incidents à Tripoli », Paix et Droit, septembre 1923. Nous avons retrouvé la version originale de ce texte dans les Archives de l’Alliance israélite universelle, Libye I – C 26. Lettre de L. Loubaton, de Tripoli au Président de l’Alliance israélite universelle, 18 septembre 1923.

12 Cf. ibid.

13 L’Unione, 30 août 1923, cité dans « Les fascistes et l’antisémitisme en Tripolitaine », L’Univers Israélite, 12 octobre 1923.

14 « Incidents à Tripoli », art. cit.

15 L’Unione, 30 août 1923, cité dans « Les fascistes et l’antisémitisme en Tripolitaine », art. cit.

16 Chiffre donné par Renzo De Felice, Ebrei in un paese arabo. Gli ebrei nella Libia contemporanea tra colonialismo, nazionalismo e fascismo (1835-1970), Bologne, Il Mulino, 1978, p. 191.

17 « Incidents à Tripoli », art. cit.

18 Ibid.

19 Sur le déroulement des procès et la suite des événements, voir Renzo De Felice, op. cit., p. 191-192.

20 AIU, Libye I – C 26. Lettre de L. Loubaton au Président de l’Alliance israélite universelle, le 22 octobre 1923 de Tripoli.

21 Ibid.

22 Grégoire Kauffmann, Michael M. Laskier, Simon Schwarzfuchs, « Solidarité et défense des droits des juifs », dans André Kaspi (dir.), Histoire de l’Alliance israélite universelle de 1860 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010, p. 120.

23 « Le fascisme et les juifs », L’Univers Israélite, 14 mai 1926. Ce furent surtout les Juifs de nationalité italienne qui manifestèrent de la sympathie au Mussolini, non ceux que l’on qualifiait alors d’ « indigènes ».

24 AIU, Libye I – C 27. Lettre du Comité de Tripoli au Président de l’Alliance israélite universelle à Paris, 29 octobre 1930.

25 « Incidents à Tripoli », art. cit.

26 AIU, Libye I – C 26. Lettre de L. Loubaton, de Tripoli, au Président de l’Alliance israélite universelle à Paris, 18 septembre 1923. Il est frappant de remarquer que ce fragment de la lettre ne fut pas reproduit dans la version publiée par Paix et Droit.

27 « Les fascistes et l’antisémitisme en Tripolitaine », art. cit.

28 Michele Sarfatti, Gli ebrei nell’Italia fascista. Vicende, identità, persecuzione [2000], Turin, Einaudi, 2007, p. 65.

29 François Dumasy, op. cit., p. 608. Selon François Dumasy, les Italiens entendaient affirmer la supériorité du colon fasciste en accentuant le clivage entre colons et colonisés. Or, certains Israélites – et c’était le cas d’Eugenio Nahum – appartenaient à une population proche des dominateurs, par leur rang social et leur haut niveau de culture italienne (p. 609).

30 L’Afrique Française, septembre 1923. Cité dans L’Univers Israélite, 12 octobre 1923.

31 « La population juive en Algérie, en Tunisie et au Maroc », Paix et Droit, mars 1927 ; « La population juive en Afrique du Nord française », L’Avenir illustré, 15 avril 1927.

32 Juliette Bessis, La Méditerranée fasciste : l’Italie mussolinienne et la Tunisie, Paris, Karthala, 1981, p. 190.

33 Élie Cohen-Hadria, Du protectorat français à l’indépendance tunisienne : souvenirs d’un témoin socialiste, Nice, Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine, 1976, p. 33.

34 Raoul Darmon, La Situation des cultes en Tunisie, Thèse de droit, Paris, 1928.

35 J. Vehel, « Grana et Touannsa ou les deux communautés juives de Tunis », Paix et Droit, avril 1931.

36 Pour une analyse complète de ce statut qui fait débat parmi les historiens, Bernard Lewis, Juifs en terre d’Islam, Paris, Calmann-Lévy, 1986.

37 J. Vehel, art. cit.

38 Élie Cohen-Hadria, op. cit., p. 12.

39 Jacques Taëb, « Les Juifs livournais et la modernité occidentale », dans Denis Cohen-Tannoudji (dir), Entre Orient et Occident : Juifs et Musulmans en Tunisie, Paris, Éditions de l’éclat, 2007, p. 222. Cf. plus largement Benjamin Stora, « Les Juifs du Maghreb, entre passion d’Occident et désirs d’Orient », Archives Juives, no 38/2, 2e semestre 2005, p. 4-6.

40 Cf. Claude Hagège, Bernard Zarca, « Les Juifs et la France en Tunisie : les bénéfices d’une relation triangulaire », Le Mouvement Social, no 197, 2001, p. 15.

41 Gilbert Chikly, Tunis, Goulette, Marsa : aux yeux du souvenir, Montmorency, Éditions Gilbert Chikly, 1999, p. 37.

42 Clément Ouziel, « L’œuvre scolaire de l’“Alliance”. La Communauté de Tunis et ses institutions. La situation politique », Paix et Droit, mai 1931.

43 Élie Cohen-Hadira, op. cit., p. 68.

44 Cf. toutefois, « Les incidents de la Goulette », Paix et Droit, janvier 1921.

45 Comme le note Romain Rainero, cette tendance se confirma après 1933 : « Bien avant les lois de “défense de la race” d’août-septembre 1938, les presque 3 000 “grana” ou Juifs italiens savaient que leur survie n’était liée qu’à la présence de la France ». Romain H. Rainero, « Le gouvernement français et les Italiens de Tunisie (1938-1945) », dans Pierre Milza, Denis Peschanski (dir.), Exils et migrations. Italiens et Espagnols en France, 1938-1946, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 167.

46 « Tunisie : les juifs italiens et la presse fasciste », L’Univers Israélite, 25 juin 1926.

47 « Tunisie : un duel entre M. Salvatore Calo et le directeur de l’“Unione” », L’Univers Israélite, 6 août 1926.

48 « Tunisie : les juifs italiens et la presse fasciste », art. cit.

49 Juliette Bessis, op. cit., p. 190.

50 L’Univers Israélite, 25 juin 1926.

51 Cf. « Tunisie : un duel entre M. Salvatore Calo et le directeur de l’“Unione” », art. cit.

52 L’Unione, 4 juin 1926. Cet article constituait une réponse à la campagne menée par le Legionario en janvier 1926, journal soutenu par le Popolo d’Italia et le Giornale di Genova. Paradoxalement, les Israélites français surestimaient l’importance de la vague antisémite en Tunisie mais ne saisissaient pas son étendue dans la presse.

53 L’Univers Israélite, 25 juin 1926.

54 Hippolyte Prague, « Israël et le pacifisme », Archives Israélites, 27 novembre 1930.

55 « Tunisie : les Israélites italiens et la presse fasciste », L’Univers Israélite, 23 juillet 1926.