Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Le Langage et la Foi dans l’Europe des Réformes. xvie siècle
- Pages : 345 à 350
- Collection : Rencontres, n° 410
- Série : Histoire, n° 5
- Thème CLIL : 3382 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique -- Europe
- EAN : 9782406085942
- ISBN : 978-2-406-08594-2
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08594-2.p.0345
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/07/2019
- Langue : Français
Résumés
Julien Ferrant et Tiphaine Guillabert-Madinier, « Introduction. Le temps des Réformes : la crise du verbe ou la Renaissance du langage »
D’un Dieu-logos, le langage est l’instrument décisif de connaissance et de médiation. La crise religieuse du xvie siècle met ainsi en cause l’autorité de l’Église sur la parole. La rénovation du langage emprunte deux voies : l’une fait éclater les codes jusqu’à faire participer tout le corps, l’autre vise au contraire à neutraliser les débordements. Ce foisonnement, dont l’horizon est aussi de démêler la vérité du mensonge, trouve ses confins dans une transmission orthodoxe du mystère divin.
Tiphaine Guillabert-Madinier, « Le langage carnavalesque de Luther. Faux-pas hérétique ou jeu de masque prophétique ? »
Grâce au jeu cynique et à la polysémie du vocabulaire, Luther retourne l’accusation d’hérésie contre l’Église, tandis qu’il se présente lui-même dans le rôle du fou enthousiaste et du prophète. À l’assaut de la parole d’autorité, il ne se bat pas avec les armes de l’adversaire, la rhétorique scolastique, ce qui serait déjà lui reconnaître une certaine légitimité, mais comble d’audace, il manie l’art d’un langage nouveau, dans le domaine religieux, rompant sans cesse avec les codes pour mieux dénoncer le mal.
José Emilio Burucua et Santiago Francisco Peña, « La poésie macaronique et l’esprit de réforme. Le Baldus de Folengo »
L’invention d’une langue et d’une littérature macaroniques en Italie s’épanouit comme une forme plaisante et académique de raillerie de l’épique qui produit en 1517 un chef-d’œuvre, le poème héroï-comique Baldus, composé par le moine bénédictin Teofilo Folengo (1491-1544). Étant donné qu’à partir de la deuxième édition de 1521, la présence du religieux dans le poème devient 346de plus en plus importante, on analysera des passages où la religion occupe une place centrale dans le fil de l’action.
Guillaume Alonge, « La langue des évangéliques. Du Dialogue en forme de vision nocturne (1524) au Beneficio di Cristo (1543) »
L’article porte sur une comparaison entre le langage adopté par les membres de l’évangélisme en France et en Italie. On constate l’existence d’un langage commun, fondé sur des termes, des images et des références scripturaires similaires. Le tableau qui se dessine est alors celui d’un évangélisme à l’échelle européenne qui trouve dans le groupe de Marguerite de Navarre et de Lefèvre d’Etaples un centre de rayonnement spirituel aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières du royaume.
Matteo Al Kalak, « Retour à la Parole. Langues anciennes et contestation religieuse dans l’Italie du xvie siècle : le cas de Modène »
Cet article examine le cas de la « communauté hérétique » de Modène bien connue mais jamais étudiée en tant que tel. Les philologues humanistes qui la dirigent opèrent une véritable « révolution » en propageant parmi le menu peuple l’enseignement des langues anciennes. La diffusion du texte sacré parmi les classes les plus humbles, sans un contrôle de sa traduction et de son interprétation, conduit à une fragmentation doctrinale et au développement de doctrines plus radicales.
Nathalie Szczech, « Ravir les fidèles aux ténèbres. Langage et stratégies discursives au sein du groupe de Neuchâtel »
Cette contribution analyse les stratégies discursives et éditoriales qui traversent les imprimés publiés par une équipe de réformateurs organisée par Guillaume Farel et connue sous le nom de groupe de Neuchâtel. Dans un rapport paradoxal avec l’héritage évangélique, le groupe, qui entend ravir les fidèles aux ténèbres romaines, allie impératif didactique, audace, effets de surprise et provocations, pour combattre l’ordre romain mais aussi dépasser les partisans d’une réforme humaniste sans rupture.
347Geneviève Gross, « Des index à la dispute. Investir le vulgaire pour former le fidèle (1524-1536) »
Cet article s’intéresse à l’emploi du vernaculaire comme facteur d’unité et marqueur identitaire d’une communauté. Un emploi qui rentre dans le discours de légitimation des acteurs de la déchirure religieuse face au rôle d’enseignement qu’ils entendent endosser et à leur revendication d’une Église « nouvelle ». Les pratiques de transmission étudiées à partir de l’exemple des index interrogent l’accès du populaire au texte biblique, signe du renouveau évangélique et de la décléricalisation de l’enseignement.
Julien Ferrant, « Noël Béda ou le langage de la croix »
Cet article propose une plongée dans l’univers mental du célèbre syndic Noël Béda afin de révéler sa propre conception du langage véritable. Nominaliste et disciple de la devotio moderna, il fait du « langage de la croix », son langage matriciel. Le Christ de la Passion devient comme une icône intérieure à laquelle il conforme toute sa vie, depuis l’emploi du latin scolastique, langue volontairement rude comme un cilice, jusque la chair de son existence tragique et de son corps devenu parole.
Antoine Roullet, « Dieu à l’exclamatif. Usages de la parole, de l’écrit et posture dévote dans les oraisons jaculatoires (Espagne, xvie-xviie siècles) »
Ce chapitre s’intéresse à une forme de prière commune, l’oraison jaculatoire, qui permet d’investir le rapport entre foi et langage à partir de la tension entre mise en scène du corps, écriture et oralité. Ces formes de prière courtes, parfois à peine exprimées, très stéréotypées, dévoile les attentes et les contraintes qui pèsent sur la mise en scène de la parole dans son rapport au texte sacré, entre improvisation inspirée et récitation servile.
Robin Briggs, « Catholiques et protestants. Les langages du mal »
Le schisme religieux du xvie siècle donna lieu à des polémiques acharnées, fondées sur le raisonnement par analogie et la rhétorique. On y trouve un clivage binaire entre le bien et le mal, avec une conviction providentielle dans les actions d’un Dieu immanent. Les confessions rivales demandaient une transformation du moi, inaccessible à la grande majorité destinée aux 348enfers. Dans ce monde enchanté le diable rôdait partout, et on pensait même entendre sa voix par le moyen des exorcismes.
Lucia Felici, « Le langage féminin de l’hérésie dans l’Italie du xvie siècle »
Cet article aborde la situation des femmes hétérodoxes dans l’Italie du xvie siècle, et leur possibilité de communiquer leurs idées en comparaison avec le reste de l’Europe réformée. Bien que minoritaires, elles ont su diffuser des doctrines évangéliques dans tous leurs espaces de vie. La plupart n’ont pas cherché à s’émanciper de leurs conditions subalternes mais ont utilisé leur prétendue faiblesse d’entendement comme argument pour se dérober aux accusations d’hérésie et mieux répandre ainsi leurs idées.
Elena Bonora, « Comprendre et décrire un autre monde. Le voyage d’un nonce dans l’Europe des confessions et du pluralisme religieux (1560-1562) »
L’extraordinaire voyage de l’évêque vénitien Commendone à travers l’Allemagne, la Bohême et la Flandre visait à annoncer le concile et à renouer avec l’empereur un dialogue interrompu sous le pape inquisiteur Paul IV. Or Commendone et son entourage découvrirent une société redessinée par la paix d’Augsbourg. Quel langage ont-ils utilisé pour décrire à Rome les affrontements confessionnels et les expériences de coexistence légalisée ? À quels nouveaux concepts ont-ils eu recours pour accomplir leur mission ?
Laura de Mello e Souza, « Malléables, récalcitrants, démoniaques. Les images des Indiens du Brésil dans les langages de la colonisation et de la lutte religieuse au xvie siècle »
Au xvie siècle, les écrits produits par des européens partis en Amérique Portugaise ou par des catholiques fervents restés en Europe témoignent des efforts réalisés pour traduire mœurs et croyances nouvelles. Mais face à des êtres humains jusqu’à alors inconnus, à des mœurs et des situations inouïes, il a fallu moduler les mots, utiliser des néologismes et même inventer des langues, comme la « langue générale » des jésuites du Brésil, afin de mener à bien « la mission chrétienne » dans le monde.
349Massimo Firpo, « Le langage des images et l’hérésie dans le cinquecento italien. Propagande ou identité ? »
Cet article étudie la présence et la signification des images philo-réformées et cryptées dans l’Italie du xvie siècle. Des images rares parce qu’elles sont le fruit de la tradition iconographique, du rôle incontournable du commanditaire, de la rigueur grandissante de la répression et de la condamnation des images sacrées par la Réforme protestante. Ainsi peut-on parler d’un « nicodémisme figuratif » qui trahit les identités clandestines plus qu’il ne favorise un véritable prosélytisme.
Pierre Tenne, « La musique et l’ineffable à la lumière des réformes de Henri III »
Sous le règne troublé de Henri III, la cour de France connaît deux processus concernant la musique et les politiques de l’ineffable dès la fin du xvie siècle. Le premier, observable dans le cadre de la création de l’Oratoire de Notre-Dame de Vie Saine, est celui d’une structuration nouvelle de l’humanisme musical et courtisan, évoluant vers une logique plus « discursive ». Le second est une institutionnalisation monarchique des corporations de chantres et ménétriers.
Damien Tricoire, « Le langage du corps. Théâtralisations jésuites et entreprise de conquête spirituelle »
Dans la continuité de l’historiographie la plus récente, cet article souligne le rôle essentiel du travail de conviction mené par les ordres de la Réforme catholique dans le succès du catholicisme à l’époque moderne, en analysant un aspect de l’offensive rhétorique jésuite. Deux phénomènes intimement liés sont ici étudiés : la conception théâtrale du culte et les réflexions sur l’utilisation du corps comme média de la communication religieuse dans le cadre des congrégations mariales jésuites.
Nicolas Richard, « Des rêves mystiques en trois langues. Le carnet d’Ernest Platejs z Platenštejna (1586-1637) – autour du manuscrit VII G 11 du Klementinum praguois »
Le prélat Jan Arnošt Platejs ze Platenštejna (1586-1637), mort évêque élu d’Olomouc en 1636, est une des figures catholiques majeures des pays de la Couronne de Bohême pendant la révolte des États – où il subit une captivité 350très dure pour avoir tenté de résister avant d’être un des principaux acteurs de la recatholicisation du pays. Cet article étudie un aspect méconnu de sa personnalité : sa vie spirituelle et mystique, dont témoigne le ms. VII G 11 conservé au Klementinum, à Prague.