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Classiques Garnier

Présentation de la série "Romain Gary"

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Le Jeu des générations. Jeune chien vieux chien
  • Auteur : Roumette (Julien)
  • Pages : I à III
  • Réimpression de l’édition de : 2010
  • Revue : La Revue des lettres modernes
  • Série : Romain Gary, n° 1
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406082682
  • ISBN : 978-2-406-08268-2
  • ISSN : 0035-2136
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08268-2.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/06/2019
  • Périodicité : Mensuelle
  • Langue : Français
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ROMAIN GARY


ApaÈs un long silence, l'Université s'éveille aujourd'hui à l'oeuvre de Romain Gary. Avec le recul, on commence à voir que celle-ci compte dans la littérature française d'après- guerre, d'autant plus qu'elle est en dehors des courants littéraires principaux. Sa singularité, qui a sans doute retardé sa reconnais- sance, en fait aujourd'hui le prix : la personnalité exubérante de l'homme, ses choix politiques, son passé de héros de la guerre, sa conception de l'écriture et du roman à rebours de celles qui font école, ses rapports conflictuels avec le monde de l'édition, avec le "monde du livre"... L'invention d'Ajar, à cause de son exceptionnelle réussite, a sans doute mis le comble à ces malen- tendus. On a cherché à retrouver la personnalité de Gary dans le double littéraire qu'il s'était créé plus qu'on n'a étudié les oeuvres.
L'étrange est que le monde universitaire ait emboîté le pas à la critique et, si longtemps, dénié à l'oeuvre une dimension littéraire de premier plan. Dans son essai Pour Sganarelle, paru en 1965, Gary a pourtant présenté une réflexion théorique originale sur le roman. On ne prit pas seulement la peine de la discuter. Les universitaires des années 1960 et 1970, à quelques très rares exceptions près, surtout à l'étranger, l'ont passé sous silence, avec le reste de ses livres —jusque dans les années 1990.

ROMAIN GARY l (2010) I
8 Après quelques initiatives isolées, en 1995, Nancy Huston publie son hommage, Tombeau de Romain Gary (1995). En 1997, Jean-François Hangouët fonde l'association «Les Mille Gary », qui se donnait pour but l'inventaire et la promotion de l'oeuvre.
Le mouvement s'accélère à partir du tournant des années 2000. Plusieurs thèses sont publiées. Un volume des Cahiers de l'Herne, dirigé par Paul Audi et Jean-François Hangouët, apporte une vue d'ensemble de ces recherches, en 2004.
Accompagnant ces publications, plusieurs colloques ont été organisés. Plusieurs thèses sont actuellement en cours ou viennent d'être soutenues. Les livres scolaires et universitaires se sont limi- tés àtrois titres (La Promesse de l'aube, La Vie devant soi et Les Racines du ciel). Trente ans après sa mort, si les oeuvres de Romain Gary continuent à être beaucoup lues (elles n'ont jamais cessé de l'être), si elles sont enseignées dans les lycées depuis longtemps (notamment La Promesse de l'aube, La Vie devant soi et Chien Blanc), elles ne le sont toujours que très peu à l'uni- versité.
Les critiques se sont concentrés jusqu'ici principalement sur les problématiques de l'identité. D'une part, s'agissant du double visage Gary/Ajar, l'accent est mis, selon les perspectives, sur le goût du travestissement ou sur une tendance à la schizophrénie. C'est l'image de Gary «caméléon ». D'autre part, le philosophe Paul Audi interroge, notamment, le rapport de Gary à la judéité, à travers une lecture de son idéalisme à la lumière de la notion de messianisme.
Les études les plus convaincantes embrassant généralement l'oeuvre entière, l'analyse de chaque livre y est réduite à de trop rapides esquisses. Des aspects entiers de l'oeuvre ne sont que très peu abordés.
Nourri de littératures russe et anglo-saxonne, Gary a fait enten- dre dans la littérature française des tonalités qui y sont peu repré- sentées. Plaçant l'imagination au-dessus du travail du style, déve- loppant une théorie du comique plus attachée à la tradition juive d'Europe centrale qu'à la conception française, il a renouvelé le roman à sa manière, sans renoncer au récit ni aux personnages.

II
9 Traçant avec persévérance et lucidité son propre chemin, il l'a poursuivi à travers près d'une trentaine de titres. Au-delà du jeu sur les pseudonymes, son oeuvre frappe par son ambition et son unité. C'est à montrer la cohérence de cet itinéraire par l'étude attentive des couvres que nous voulons consacrer cette Série.
JUhen ROUMETTE



























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