Dire que la vie est précaire c’est reconnaître qu’une portion de matière étant donnée, il est moins probable qu’elle soit un être vivant qu’une chose inerte. La spontanéité propre à l’être vivant nous laisse dans un profond étonnement parce qu’il est a priori bien improbable qu’un objet soit tel qu’il se soustraie à l’influence de son milieu, à l’actuel et à l’immédiat, qu’il trouve jusque dans les obstacles à sa durée des occasions de croître, de multiplier, de transmettre à des descendants innombrables ses propres caractères si complexes et si fragiles.

Eugène Dupréel, Esquisse d’une philosophie des valeurs (1939).

La force véritable n’exclut pas la fragilité. Tout homme est vulnérable, tout homme a ses points faibles. Il manifeste sa force dans la mesure où il se révèle capable de surmonter son infériorité, au lieu d’y succomber. Si la force est proprement une vertu, c’est parce qu’elle entreprend une lutte contre les évidences naturelles, refusant de s’incliner devant les démentis de l’expérience.

Georges Gusdorf, La Vertu de force (1956).