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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Le Cid 1637-1660
  • Pages : VII à X
  • Réimpression de l’édition de : 1996
  • Collection : Société des Textes Français Modernes, n° 73
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782406104773
  • ISBN : 978-2-406-10477-3
  • ISSN : 2777-7715
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10477-3.p.0007
  • Éditeur : Société des Textes Français Modernes
  • Mise en ligne : 03/09/2020
  • Diffusion-distribution : Classiques Garnier
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS


La présente édition est la refonte de l'édition de Maurice Gauchie publiée à la Société des Textes Français Modernes en 1946. A sa date, elle a représenté un apport considérable dans les études cornéliennes, puisqu'elle était la première depuis trois siècles à proposer la version originale du Cid. Elle per- mettait de prendre connaissance d'un texte que nul ne connais- sait, puisque l'usage s'était imposé depuis longtemps de n'éditer — et donc de ne représenter au théâtre —que la der- nière version revue par l'auteur. Quand on sait que la dernière édition du Théâtre complet publiée par Corneille (1682) pré- sente un Cid dont plus du quart des vers diffère du texte de la première édition —retouches, transformations, substitutions, suppressions concernent 485 vers sur un total primitif de 1866 vers —, un Cid qui se trouve au bout du compte raccourci de vingt-six vers, on conçoit le caractère essentiel de la démarche inaugurale de Maurice Gauchie : il ne s'agissait pas pour lui de contester l'importance ou la qualité du Cid définitif, mais de mettre à la disposition des lecteurs un autre Cid, c'est-à-dire Le Cid tel qu'il avait ébloui Paris et la France en 1637, suscité l'une des plus formidables querelles littéraires de notre histoire, imposé Corneille comme le premier auteur dramatique de son temps, tel en outre qu'il avait été joué sans relâche par les troupes parisiennes et provinciales durant vingt-cinq ans.
Depuis 1946, son exemple a été suivi par quatre éditeursl, parmi lesquels Georges Couton qui propose ainsi Le Cid de 1637 dans son édition des ouvres complètes parue chez Galli- mard dans la Bibliothèque de la Pléiade. C'est dire qu'on ne peut plus se passer aujourd'hui de la connaissance du premier Cid. D'autant que, à la perspective essentiellement philolo-
~ Voir notre bibliographie.
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gique qui animait la démarche de Maurice Gauchie, se sont ajoutées d'autres perspectives, suscitées par les orientations nouvelles prises par la recherche depuis une cinquantaine d'années.
Il faut mentionner en premier lieu l'essor considérable des études sur l'esthétique baroque : grâce à elles, on a cessé de considérer qu'il y avait d'un côté dis oeuvres classiques, donc parfaites, et de l'autre des oeuvres pré-classiques, donc impaz- faites ; du coup, on s'est avisé que la différence entre Le Cid de 1682 et Le Cid de 1637 n'était pas la différence entre la perfec- tion et les balbutiements d'un jeune auteur (qui avait déjà pour- tant sept pièces derrière lui), mais qu'elle résultait de la diffé- rence entre deux esthétiques. On s'est avisé en même temps que le genre roi des années 1630-1640 était la tragi-comédie, genre « moderne »qui s'était construit contre la tragédie et les règles de la tragédie et qui obéissait à des choix esthétiques que l'on appelle aujourd'hui «baroques », et que Le Cid à sa création était une tragi-comédie.
Il faut mentionner ensuite l'essor plus récent de deux séries d'études, les unes concemant la genèse des textes littéraires, les autres concernant leur «réception critique ». Perspectives dif- férentes dans leur objet et leur démarche, mais qui se rejoignent pour accorder toute leur importance aux différentes versions d'un même texte. Du manuscrit primitif au manuscrit définitif, de celui-ci au texte publié, d'une édition à une autre édition, on s'intéresse aujourd'hui à tous les aspects de la production du texte. Non seulement dans l'espoir de se glisser après coup dans le «laboratoire » de l'écrivain, mais aussi pour com- prendre les interactions produites paz la lecture sur l'eeuvre, qu'elle soit en gestation ou qu'elle soit déjà publiée, et plus lazgement paz l'attente que l'écrivain prête à son public.
Ce raccourci cavalier sur les orientations prises par les études littéraires au cours des cinquante dernières années suffu~a à expliquer, nous l'espérons, les raisons qui ont conduit la Société des Textes Français Modernes à refondre totalement
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l'édition Cauchie. Ce qui constituait un apport essentiel en 1946, livrer au public le texte brut de l'édition de 1637, accompagné des variantes mineures apportées paz Corneille jusqu'en 1657, se révèle aujourd'hui insuffisant : Maurice Cauchie partait du principe que tout un chacun peut se procurer l'édition définitive du Cid, et ainsi comparer les deux états de l'ceuvre ; partant, il s'était abstenu de proposer les 324 variantes de la grande édition collective des ouvres de 1660, ainsi que les 37 variantes apportées par les quatre éditions sui- vantes (1663, 1664, 1668, 1682). Paz ailleurs, du fait de sa perspective purement philologique, il avait pensé que le texte de 1637 n'appelait pas de commentaire littéraire particulier et que tout ce qui avait été écrit avant lui sur Le Cid pouvait valoir sur tous les états du texte. Cette même démarche explique qu'au lieu de proposer un lexique à la suite du texte, il se soit contenté d'un «Vocabulaire », c'est-à-dire d'un simple relevé des mots et des expressions qui avaient en 1637 une acception différente de l'acception moderne. Enfin, estimant que la ponctuation relevait au XVIIe siècle de la fantaisie des protes, il l'avait délibérément modernisée.
Les principes adoptés pour cette nouvelle édition sont donc les suivants
- nous avons réimprimé le texte et les variantes (1637-1657) de l'édition Cauchie, en supprimant toutes les modifications qu'il avait apportées à l'édition originale (modernisation de la ponctuation, introduction de guillemets, suppression de quelques trémas), à l'exception de celles des rectifications qui sont d'usage dans les éditions critiquesZ.
- nous l'avons fait suivre paz l'Avertissement de l'édition de 1648, qui est la réponse de Corneille, onze ans après, aux critiques formulées contre sa pièce lors de la fameuse querelle.
- surtout, plutôt que de signaler en bas de page, à la suite des variantes 1637-1657, les variantes des éditions de 1660-1682, nous avons préféré proposer au lecteur une lecture continue du
2 Voir plus loin :VII. Les tettes de la présente édition.
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«deuxième Cid », celui de 1660. Il va de soi que nous avons repris alors, en bas de page, les vaziantes apportées par Corneille dans les quatre dernières éditions de son théâtre.
- le texte de 1660 est précédé de l'Examen de la pièce, pro- posé par Corneille à l'occasion de cette édition ;nous avons repris ici encore le texte original.
Par ailleurs, afin de fournir un instrument de travail aussi complet que possible, il nous a paru indispensable d'accompagner ces textes d'une présentation, d'une bibliogra- phie et d'un lexique. Précisons ce que nous avons entendu par présentation :loin de nous livrer à une «étude littéraire » globale qui, eu égard à la richesse de la pièce et à l'ampleur formidable de la bibliographie, mériterait un gros livre, nous avons cherché à mettre l'accent d'une part sur la tragi-comédie du Cid, sur ce qui le rattache aux oeuvres contemporaines du même genre dramatique et sur ce qui l'en distingue, d'autre part sur les implications des modifications qu'il a subies, que ce soit dans sa désignation générique (tragi-comédie devenue tragé- die) ou dans le texte lui-même.