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Classiques Garnier

Glossaire

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Vie de Marianne ou les Aventures de Madame la comtesse de ***
  • Pages : 631 à 651
  • Réimpression de l’édition de : 1990
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 442
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782812415197
  • ISBN : 978-2-8124-1519-7
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1519-7.p.0755
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/04/2014
  • Langue : Français
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Accommoder. « Se dit des choses qui regardent rornement de la personne » (F). Cf. : quand vous en aurie^i [des parents] et qu'ils seraient riches, serie^^-vous mieux accommodée que vous l'êtes Action. « Se dit de la contenance, du maintien, du geste d'un homme » (A 62). Cf. : plus d'action^ plus de présence d'esprit, plus de paroles (120); le voici, ajoutai-je en le jetant sur une table, avec une action vive et rapide qui exprimait bien les mouvements d'un jeune petit cœur fier, vertueux et insulté (123). Aise (a i.'). Cf. p. 58, note 2. Ajuster. « Se dit aussi de la parure dans l'habillement (...) principalement des femmes » (A 62). Cf. p. 191. Amant. Marivaux emploie généralement ce mot dans le sens « honnête » qu'il a à l'époque classique : amoureux payé de retour, ou plutôt prétendant avoué (en parlant de l'amant de Toinon, p. 33, 52; de Valville par rapport à Marianne, p. 303, 506). Dans d'autres cas, on tend probablement vers le sens moderne, cf. : ils ne cessèrent de soutenir (...) qu'on jugeait mal de moi (...), quil était faux que l'abbé fût mon amant (479- 480). Amicablement. Ce mot est un néologisme, comme amical, également attribué à Marivaux. La forme amicalement appa¬ raît chez Vauvenargues et dans l'édition de 1752 du Dic¬ tionnaire de Trévoux. Cf. : je laissai même tomber amicablement mon bras sur elle (384). L'éditeur de 1781 corrige : amicalement. Amuser. Employé parfois au sens de « distraire de ses maux et de ses passions » (R) : c'est seulement une réflexion que je

i. Les chiffres renvoient aux pages. Les abréviations désignent respectivement : A, le Dictionnaire de Γ Académie 1718,1740,1762); F, le dictionnaire de Furetière (édit. de 1725); L, celui de Littré ; R, celui de Richelet (édit. de 1719). Les faits de grammaire (articles c'était, il, la, lui, ne, non plus, ou, participe passé, participe pré¬ sent, tout, y) sont incorporés au glossaire suivant l'ordre alphabétique.

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fais en marchant et qui m'amuse (159) ; combien de petites vanités intérieures devaient m'amuser et me distraire du souci que j'aurais pu prendre (190). En un autre sens ( « occuper, arrêter par quelque adresse », R) : tâche de l'amuser un instant (504). Pro¬ nominal, au sens de « se distraire, passer le temps », cf. p. 542. Arrêter. Retenir ; s'il n'y a pas moyen de vous arrêter^ mon carrosse est à votre service (276). Aviser (s'). Prendre un parti, se déterminer après réflexion : Voye^^^y aviset^j-vous ; car après ce qui est arrivé, il faut bien prendre votre parti (i 27). Bégueule. « Sobriquet injurieux qu'on donne aux femmes, et qui veut dire : sotte bctc » (Leroux, Dictionnaire Comique) : il faut justement que cette hégueule-là ait été dîner che^ sa mère (98). Littré ne connaît plus que le sens moderne : « Femme prude et dédaigneuse de façon malplaisante ». Bel esprit. Après avoir fourni la matière d'un des Dialogues d'Ariste et d'Eugène, du P. Bouhours, le terme de bel esprit avait été défendu par La Bruyère, qui en blâmait l'emploi ironique (Xil, 20, remarque publiée en 1691). Marivaux lui- même, qui constate l'emploi « familier et souvent moqueur » de cette expression, s'en sert encore en un sens favorable, au moins pour désigner une qualité, sinon une personne : que vous manque-i-il ? Ce n'est ni la beauté, ni les grâces, ni la vertu, ni le bel esprit, ni l'excellent cœur (184). Bon jour. Jour de fête. Le proverbe bon jour, bonne œuvre veut dire « que les scélérats font les jours de fête leurs meilleurs coups » (Leroux, Dictionnaire Comique). Cf. p. 97, 264. Bonnement. Signifie ordinairement « à la bonne foi, naïvement » (A 62) : le père Saint-Vincent {...) qui m'avait bonnement menée à cet horrible homme (152). Cf. aussi en ce sens p. 76 et 170. En un autre sens, « se dit aussi quelquefois pour précisément, et alors il ne s'emploie jamais qu'avec la négative. Il est du style familier » (A 62). Ici : Pour ce qui est de mes facultés pré¬ sentes, elles ne sont pas bonnement bien considérables (310). Brave. « Signifie aussi une personne bien parée, bien vêtue (...). Les Bourgeois ne sont braves que Fêtes et Dimanches. Ce mot est un peu bas en ce sens » (F). Chez Mme Dutour, p. 49, 263. Cf. le suivant. Bravoure. Pour braverie, cf. p. 127, note i. Brutalité. « Parole dure et brutale » (A 62) : Mme Dutour ne put résister à cette dernière brutalité du cocher (93).

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Buvette. Lieu où voyageurs et chevaux se « rafraîchissent » (d'où l'usage moderne de ce terme pour désigner les buvettes des gares) : à peine avions-nous fait une lieue depuis la buvette (541). Les dictionnaires cités (R, F, A, L) ignorent cet emploi. Cadeau. « Repas, fête que l'on donne principalement à des dames » (A 62). Les cadeaux se donnaient ordinairement dans des guinguettes des environs de Paris (cf. Dancourt, Le Moulin de Javelle^ Autreau, Le Port-à-ΓAnglais^ etc.). Cf. ici : elle aurait été bien aise (...) que nous eussions fait quelques petits cadeaux ensemble de Vargent de M. de Climal (48). Carrosse de voiture. Cette expression désignait les carrosses publics, servant aux relations régulières de ville à ville, par opposition aux carrosses de louage^ ou ùacres. Le carrosse, suspendu, se distingue du coche^ plus grand, mais moins confortable. Cf. p., 10, 151, 540. C'était. Signalons, pour mémoire, que Marivaux ne fait géné¬ ralement pas l'accord de c'était avec le « sujet réel » : c'était des étrangers (13) ; à la lettre, c'était deux hommes différents {42) ; c'était seulement de meilleurs esprits que d'autres (212); c'était des hommes qui parlaient à des hommes... c'était comme des intelli¬ gences (...) entre lesquelles... (226) ; c'était des grâces de tout caractère (25Ô) ; c'était là de ces choses (262) ; c'était de ces accablements... (302); c'était de grands hommes... (514); c'était des mesures... (315), etc. Très peu d'exemples contraires : et c'étaient de belles hardes (40) ; c'étaient des femmes extrêmement parées (58). Au présent, la situation est inverse, ainsi : ce sont là de ces choses... (313), etc. Cf. cependant un exemple de c'est avec un pluriel : Ce n'est pourtant pas les choses cruelles qu'il aime (96). Chagrin. « Signifie aussi quelquefois aigreur, colère, dépit » (A 62) : voilà (...) ce que, dans votre chagrin contre lui, vous aure^ pris pour un baiser (140). Chétif. « Vil, méprisable » (A 62) : Je défierais qu'on imaginât une personne plus chétive que je me la suis rendue (299). Cœur. Fierté, dignité, comme dans ce passage de La Fausse Suivante : « j'ai asse'^ de cœur pour refuser ces trois louis là » (I, 3). Ici : un pauvre petit homme sans conséquence, dont le métier était de ramper et d'obéir, à qui même il n'appartenait pas d'avoir du cœur, et à qui on pouvait dire : Retire^p-vous, sans lui faire d'in- jure (332). Commodité. Commode s'emploie au sens de « trop indulgent, trop facile ». Le substantif a le même sens \ il était mieux de ne pas profiter de la commodité de son caractère (39).

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Concilier (se). Employé au sens de « se concerter » dans le pas¬ sage suivant : d'autant plus qu'il nous suffisait d'être convenus de notre dessein, et qu'il nous serait aisé d'en régler l'exécution suivant les occurrences, et de nous concilier tous les jours ensemble, quand une fois l'affaire serait entamée (512). Condition. « On dit absolument homme de condition, pour dire, de naissance » (A 62). Cf. 421, 469. Connaître. Au sens classique de « reconnaître » : vous ave^^ très sagement fait de ne me pas connaître, me dit-il (109). Contrôler. « Reprendre, critiquer, censurer les actions, les paroles d'autrui. Il se dit toujours en mauvaise part » (A 62). En un sens un peu affaibli : Toinon contrôlait mon habit, et moi j'approuvais ce qu'elle disait par charité (51). Cornette. « Coëffe de toile que les femmes mettent la nuit sur leur téte, ou quand elles sont en déshabillé » (F). Cf. 94, 123, 254. Courir la poste. « Des relais de chevaux, établis de une lieue et demie en une lieue et demie, ou de deux lieues en deux lieues, permettaient à un bon cavalier qui courait la poste de parcourir six postes en une nuit » (F). Cf. p. 11. Crasseux. « Sordidement avare » (A 62) ; Fi ! que cela est vilain d'être crasseuse ! (93). D'abord. Au sens classique de « dès l'abord » : f'ai pris d'abord de l'inclination pour lui (187). Dangereux. Cf. p. 200, note i. Débrouiller. Emploi rare, à la forme pronominale, en parlant de personnes, et au sens de « démêler ses sentiments » : Les hommes regardent les lumières involontaires [de ceux qui leur ont rendu service] comme une injure, et le tout de bonne foi, sans connaître leur injustice, car ils ne se débrouillent pas jusque-là (221). Déconforté. Découragé (A 62) ; la Dutour (...) toute décon¬ fortée (124). Dégoût. L'emploi de ce mot, au pluriel, est à l'époque une élé¬ gance. Il a une signification purement morale. Damis dit à Lucile dans Les Serments Indiscrets : « Souvenet^-vous que j'ai servi vos dégoûts pour moi avec un honneur, une fidélité surpre¬ nante » (III, 8). Cf. ici plusieurs exemples : la vérité est que les dégoûts de X'alville, provenus de là, m'auraient plus fâchée que la certitude de ne le plus voir (92) ; Il ne fallait pas moins que ce petit roman-là (...) pour la guérir des dégoûts qu'elle avait de tout autre

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GLOSSAIRE 635 service (513). Au sens de « mortifications, rebuffades » (Littré, 4®) : J^en essuyai tous les jours tant de dégoûts... (535). Dégoûtant. Également au sens, purement abstrait^ de « pro¬ pre à rebuter » : je leur ai fait [de moi] le portrait le plus dé¬ goûtant (298). Délabré. Déchiré, en mauvais état, en parlant de vêtements : vêtements délabrés (438). En ce sens le mot vieillit à l'époque de Alarivaux. La phrase ces épines ont délabré mon manteau (Académie, 1718, 1740), disparaît de l'édition de 1762. Demoiselle. « Fille née de parents nobles » (A 62). Cf. p. 329, 452. Démonté. Non pas au sens de « déconcerté », le seul que con¬ naisse l'Académie, mais de « troublé et en désordre » (F) : Enfin, j""étais comme un petit lion, ma tête s^était démontée (46). Déplacé. Simplement au sens de « qui n'est pas à sa place », sans aucune nuance péjorative : j^étais déplacée, je n^étais pas faite pour être là (32, cf. p. 45, 221). Déranger. Est employé au sens factitif de « jeter dans le dé¬ sordre moral » (Littré) : cette jeune fille qui vous dérange, qui fait que vous manquent à votre parole (...) il se trouve que c^est moi (196). Désastre. Marivaux emploie ce mot en parlant d'une personne, au sens d' « accident fâcheux » : depuis le désastre de son aîné (484). Comparer : « je m'en vais tout droit trouver la Princesse et mon maître (...) pour leur conter mon désastre » {Le Prince travesti, 1, 13). Dessus. « La souscription, l'adresse d'une lettre » (A 62). L'adres¬ se était écrite au verso de la lettre, d'où l'expression. Cf. p. 155. Discontinuer. « Interrompre pour quelque temps » (A 62) : pendant ce court espace de temps (...) le jeune homme en question avait discontinué son entretien (313). Disgrace. « Il signifie aussi infortune, malheur » (A 62) : tout cela me frappait comme une chose de mauvais augure, comme une nouveauté qui me menaçait de quelque disgrâce à venir (443). Cf. aussi p. 184. On a ailleurs, peut-être, le sens moderne : le bruit de ma disgrâce s'était déjà répandu (418). Dissipé. Sens moins péjoratif que de nos jours, voir le suivant. Cf. ; [Valville] était un peu plus dissipé qu à l'ordinaire (348). Dissiper. N'est généralement pas employé péjorativement : la promenade dissipe, cela réjouit (297) ; il cherchait à se dissiper

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[= se distraire], à aimer ailleurs (390); vous dissipe:(^-vous un peu dans votre couvent ? (397) ; tâche de te dissiper, ne te livre point à tes chagrins {Suite de Mme Riccoboni, 592). D'où vient. Locution récente (elle est signalée par Callières), mais déjà cristallisée au point de servir dans tous les emplois de pourquoi, c'est-à-dire seul {d'où vient ? p. 404 ; d'où vient donc 1 p. 410, 465) ; par ellipse, devant un pronom {Et d'où vient aussi pour vous ? p. 301) ; devant un infinitif {Ehl d'où vient nous quitter ? p. 275 ; d'où vient donc mentir? Suite, p. 600) ; et même devant un verbe à un mode personnel, sans que {et d'où vient m^attend-ili* p. 243 ; Ehl d'où vient, madame, le serait-elle ?p. }26). Comme pourquoi, d'où vient se présente parfois sous la forme renforcée d'où vient est-ce que : d'où vient est-ce que vous êtes bien aise que je ne vous aie point nommé? {loçj). Des emplois analogues se retrouvent dans toute l'œuvre de Marivaux. Embonpoint. État d'une personne en bonne santé « et même un peu grasse » (A 62). Cf. p. 27, 148, 257. En effet. Au sens classique de « en fait », notamment dans la locution comme en effet {— comme il est vrai que) : ... il fallait bien paraître sensible à ses bontés, mais non pas faire penser qu elles me consolassent, comme en effet elles ne me consolaient pas (180). Voir un emploi identique p. 202. Enfance. Naïveté. Cf. p. 458. Entrepris. « Embarrassé, perclus. J'ai la tête toute entreprise » (A 62). Au sens figuré : Je sentis qu'il n'était pas décent de mettre tant de faiblesse dans cette situation-là, ni d'avoir l'âme si entreprise (73)· Épiloguer. « Censurer, trouver à redire » (A 62). Seul, Littré signale l'emploi pronominal au sens réciproque, mais sans donner d'exemple. Cf. : ce n'est pas pour s'épiloguer qu'on vit ensemble (99). Épineux. « Qui fait des difficultés sur tout » (A 62) : la femme du monde la plus épineuse, la plus emportée (573). Esprit. A l'époque classique et encore au xviii® siècle, dans les expressions homme d'esprit, fille d'esprit, avoir de l'esprit, ce mot ne s'applique pas à une personne « spirituelle ». Il a un sens plus large et comporte la double notion de finesse intuitive et de jugement, la première l'emportant généralement. C'est ainsi que Lucilc dit à Lisette dans Les Serments Indiscrets : « vous êtes fille d'esprit, vous pénétre·:^ les mouvements des autres, vous lise:^^ dans les cœurs, l'art de les persuader ne vous manquera

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pas » (IV, 9, ponctuation originale). On trouve des emplois analogues dans Le Jeu de VAmour et du Hasard (I, 2), dans Le Petit-Maître corrigé (I, i), dans Le Neveu de Rameau (édit. Jean Fabre, 1950, p. 268), etc. Voir aussi C. Bruneau, Essai de classement des sens du mot esprit, dans les Etudes Romanes dédiées à M. Mario Roques. Cf. ici ; vous avec^^ de Vesprit et de la raison (iii); elle avait de l'esprit, elle sentait Γ importance du rôle quelle jouait (516). Étonner. L^exemple suivant du Dictionnaire de Γ Académie met en relief le sens d'« étourdir » : « ce coup ne lui a point fait de plaie, mais il lui a étonné le cerveau ». Cf. ici, au sens figuré : j'avoue que je fus troublée, mais à un degré qui étonna ma raison, et qui ne me Vota pas (74). Souvent, le sens s'affaiblit et tend vers celui de « faire impression » : les persécutions et les railleries qu'il essuie (...) Vétonnent, il en est effrayé lui-même (411); je ne suis plus, ce me semble, si étonnée des événements de ma vie (540). Exempter. « Signifie aussi dispenser : vous ne sauriez vous exempter de l'aller voir » (A 62). Ici : aurait-il pu s'exempter de prêter son carrosse ? (88). Au sens « d'être exempt » : je vou¬ drais pouvoir m'exempter de cela (180). Fâcheux, « Importun, qui ennuie » (R) : supériorité plus atten¬ drissante que fâcheuse (407). Façon. « Se prend aussi dans le discours familier pour l'air, la mine, le maintien, le port d'une personne »(A62) : ma jeunesse, ma bonne façon, peut-être aussi ?na partire, l'attendrirent pour moi (146). Au sens d'« action de faire », ce mot s'emploie rare¬ ment en dehors de l'expression de la façon de (R. F. A). Cf. ici ; ce beau linge (...), qui avait coûté la façon d'un ?nensonge à M. de C limai (44). Facultés. «Au pluriel, signifie les biens de chaque particulier» (A 62). Cf. p. 33, 311. Fait. « Il se dit familièrement de la part qui revient à quelqu'un (...) Il a perdu, il a mangé tout son fait » (A 62). Cf. ici \ gardei^- moi voire petit fait (100). Fait pour. Destiné à (Littrc, 7®). Se dit couramment d'une per¬ sonne (83, 560), plus rarement d'une chose : Ce que je vous dis là, au reste, n'est fait que pour vous (544). Fiacre. « C'est le nom qu'on donne tant au cocher qu'au car¬ rosse de louage » (A 62). Au premier sens, cf. p. 93, 97, 106, etc. Sur les mœurs et la grossièreté des fiacres, voir Mercier, Tableaux de Paris, XLVIII.

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658 GLOSSAIRE Finesse. « Ruse, artifice (...) se dit presque toujours en mauvaise part » (A 62). C'est le cas très nettement p. 51 (note), 280, 484, moins nettement p. 182, Flexible. Marivaux emploie ce mot d'une façon originale, tant par le sens (d'après l'analogie d'expressions comme voix, esprit flexible) que par la construction {flexible à, d'après pliable à, qu'on trouve chez François de Sales) : il ne suflii pas de n'avoir que cet âge-là pour être jeune comme elle l'était ; il faut y joindre une figure faite exprès pour s'embellir de ces airs lestes, fins et légers, de ces agréments sensibles, mais inexprimables, que peut y jeter la jeunesse ; et on peut avoir une très belle figure sans l'avoir propre et flexible à tout ce que je dis (256). Fourber. « Tromper par de mauvaises finesses » (A 62). Est du langage populaire pour Marivaux, qui le prête à un Arle¬ quin {Arlequin poli par l'Amour^ se. 18), et ici à Mme Dutour (p. 126). Gauche (a). « On dit figurément prendre une chose à gauche pour dire : la prendre de travers, la prendre autrement qu'il ne faut )) (A 62). Ici ; [Estimez mes qualités,] si vous négligeg ma personne, je ne suis pas content, vous preneg^ à gauche (87). Gloire. Le sens classique du mot c(.)mportc, non pas l'idée d'une gloire éclatante, mais simplement d' « honneur, (...) estime, réputation qui procède du mérite personnel » (A 94). .Marivaux conserve cette acception, qui n'apparaît plus nette¬ ment dans A 62. Cf., à propos de Climal rencontrant Marianne à l'église : conceveg^ combien il me trouverait redoutable pour sa gloire (203). Glorieux. A parfois un sens assez favorable, surtout dans les premiers livres ; je retrouvai glorieuse et confuse, et je retombai dans tous mes embarras (82) ; quand on est glorieuse, on η aime à perdre dans l'esprit de personne (91) ; car quelquefois on est glo¬ rieux avec soi-même, on fait des lâchetés qu'on ne veut pas savoir, et qu'on déguise sous d'autres noms (132). Dans ces exemples, on pourrait traduire par : <' qui a soin de sa gloire ». Au con¬ traire, on se rapproche du sens de « vaniteux », ou du moins de « soucieux d'une vaine gloire », dans les suivants ; à l'égard de ceux qui s'estiment à propos de rien, qui sont glorieux de leur rang ou de leurs richesses... (170) ; //' les hommes sont si glorieux, ce n'est pas à une dame aussi pieuse et aussi charitable que vous à approuver leur mauvaise gloire (299) ; elle était méchante et glorieuse (322). Goût. « Manière dont une chose est faite, caractère particulier

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de quelque ouvrage » (idttré). Spécialement en matière de toilette : si on voyait la finesse des jugements [qu'une coquette] fait sur différents goûts qu'elle essaie, et puis quelle rebute, et puis qu'elle hésite de choisir, et quelle choisit enfin par pure lassitude., j^o). Griskttf. Le mot désigne à l'origine « une sorte d'étoffe [grise] dont s'habillent les filles et les femmes du peuple », et par figure « une jeune fille qui ne porte point de jupe ni de robe de taffetas, et qui par conséquent n'a nulle qualité » (R). En ce dernier sens, p. i r i, 175 etc. Hardes. « Ce qui sert à rhabillement ou à la parure d'une per¬ sonne. De belles bardes, de riches bardes. » (A 94). L'idée d'ornement disparaît de A 62, mais l'exemple est conservé. Très fréquent ici ; cf. p. 40, 42, 128 etc., 157 etc., 182, 188, 203, 304 etc., 340, 439. Honnête. « Nous sommes honnêtes par l'observation des bien¬ séances et des usages de la société (...) Nous sommes polis les façons flatteuses que nous avons, dans la conversation et dans la conduite, pour les personnes avec qui nous vivons ». (Girard, Dictionnaire des Synonymes). Cf. ici p. 308, 473, et plus particulièrement : c'était de ces procédés froids, quoique honnêtes, dont le cœur ne saurait être content, mais dont on ne pourrait, ni faire sentir, ni expliquer le défaut aux autres (570). Honnêtement. Pour le sens, cf. le précédent. Ici : s'il vous donne de l'argent, ne faites pas la sotte, et tende:^ la main bien honnêtement (47). De même, p. 147, 283. Au sens de « décemment » : tu seras che:^ moi encore plus honnêtement que che:^^ 1 jllot (488). Hol'hiîreal·. flésitant au xvii® siècle, le mot se fixe à la fin du siècle pour la forme hobereau, que donnent seule R et A 62. (T. houbereau p. 551. II. La reprise de la forme pleine [lui-même) par la forme légère (il) est courante au début du xvni^· siècle. Ici : Ce cœur en garde une rancune que lui-même il ne sait pas qu'il a (38). Imposer. « On dit absolument imposer pour dire imposer du respect » (A 62). Cf. : vous în avouerecci que cela impose (329). Indi'STRIE. Habileté suspecte, expédient, comme dans l'expres¬ sion vivre d'industrie, que l'Académie explique par « vivre de finesse, de filouterie ». Cf. ici, avec une valeur défavorable atténuée : j'y portai ma vue{...) parce que cette industrie-là me faisait le plus bel œil du monde (62). Comparer p. 315. Assez souvent, le sens n'est pas défavorable, ainsi p. 386, et surtout p. 154 : observeg (...) avec quel ménagement pour moi, avec quelle industrie elle me cachait Γ incertitude qui pouvait lui rester.

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Insinuant. N'a pas toujours de valeur défavorable, comme dans l'expression exorde insinuant^ citée par les dictionnaires de l'Académie. Cf. ici : Cette obligeante βΐίβ resta encore une heure avec moi, toujours à me dire les choses du monde les plus insinuantes, et qu'elle avait l'art de me faire trouver sensées (384). Mais, inver¬ sement : elle avait su m'intéresser à toutes ces choses par la façon insinuante avec laquelle elle me conduisait (454). Voir le suivant. Insinuation. Tend, comme le précédent, vers la valeur péjo¬ rative. Le sens esc « manières insinuantes », en général, et non pas, comme de nos jours, « allusion ou supposition mali¬ gne ». Cf. ; elle avait tous les agréments de l'insinuation sans paraître insinuante (516). De même p. 458. Insinuer. Sur un emploi absolu, insuffisamment attesté par une variante, cf. p. 384, note i. Intrigué. Non pas « Intrigué par une énigme », mais « embar¬ rassé »(A 62) : à Pair intrigué que je lui voyais, je me doutais de ce qu'il allait me dire (107). Intriguer. Non pas « exciter la curiosité », mais « mettre en souci » ; voilà ce qui intrigue la famille (331). Jarni de ma vie. Juron de femme, mais dans la bouche de Lisette, dans Les Serments Indiscrets (III. 7), et ici de Mme Dateur (96). Jean de vert. Ce personnage légendaire (à l'origine Jean de Weerdt, général allemand pendant la guerre de Trente Ans), intervient dans des locutions pour renforcer une négation. Ainsi dans Le Télémaque travesti : « des files qui vous donnent des gendres que vous ne connaisnon plus que Jean de VPrt » (édit. Droz, p. 88, cf. p. 360). Et ici : je le lui remettrais comme je danse, pas plus à lui qu'à Jean de I 'ert (i 28). La. Pronom féminin employé pour renvoyer à une qualité, cf. p. 174, note i, ainsi que 232, 281, 299. Laideur. Employé au figuré dans Texpression la laideur de son caractère, cf. p. 108, note i. Langueur. « Se dit aussi [au pluriel] de l'ennui et des peines de l'esprit... » (A 62). Cf. : de toutes les langueurs, de tous les opprobres qui menacent vos jours (119). Légitime. Part de l'héritage, variable suivant les coutumes, dont on ne pouvait priver chacun des enfants par testament (p. 436) ; spécialement la portion réservée des cadets (p. 442 et note, p. 569).

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GLOSSAIRE 641 Littéralement. Emploi rîguré, ignoré de Littré, au sens de « à la lettre, sans dépasser la lettre d'une demande » : Mme de Sliran, avec tout le bon cŒur qidelle avait, ne faisait pour vous que ce que vous la priie^ de faire (...) elle η en voyait pas plus que vous lui en disietci, et vous servait littéralement (222). Lui. La réduction de le lui à lui est fréquente chez Marivaux, quoique condamnée par les grammairiens. Les éditeurs de lySiet 1825 corrigent lui en le lui. Cf. ici p. 189 et note 2, ainsi que p. 282 et 359. Magasin. « Le grand panier qui est derrière les coches et les carrosses de voiture, et où l'on met les porte-manteaux et les paquets » (A 62). Cf. p. 546. Maîtresse. Terme des anciennes corporations, p. 1x6 et note. Maîtresse. Ce terme désigne dans la langue classique une per¬ sonne aimée et qui paie de retour. Mais l'évolution vers l'acception moderne semble avoir été plus rapide que pour amant. Il n'est employé ici qu'une fois, p. 112, et c'est en ce sens qu'on est tenté de le comprendre. Manger. Si l'emploi de ce verbe au sens de « consumer » est bien connu dans des locutions telles que manger son bien, l'emploi absolu, dans le même sens, semble rare : mon père a un peu mangé, un peu trop aimé la joie, ce qui n'enrichit pas une famille (310). Médiocre. « Qui est entre le grand et le petit » (A 62), c'est- à-dire moyen ; la meilleure personne du monde, qui, du côté de l'esprit, n'était que médiocre (222, cf. p. 221). IMediocrité. Même sens que le précédent : ces esprits qu'on ne loue ni qu'on ne méprise, et qui ont une raisonnable médiocrité de bon sens et de lumière (219). AIénage. « Épargne, économie » (R) : je ne vous recommande que le ménage (100). Mener. Employé par Marivaux, cf>niormcmcnt à l'usage clas¬ sique, soit au sens d'amener (premier exemple), soit au sens d'emmener (second exemple) : vous aveg^ connu la personne qui m'a menée à Paris (141); ...nous la mènerons avec nous (260). Noter que l'édition Néaulmc décrite p. Cil corrige en amenée dans le premier cas (troisième partie, à la date de 1741), en emmènerons dans le second (cinquième partie, 1747). Qu'elles soient de Marivaux ou non, ces corrections témoignent de la spécialisation opérée par la langue dès cette époque.

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642 GLOSSAIRE Mettre. Employer. Pas d'exemple exactement semblable dans Littré. Les plus proches concernent l'argent. Cf. ici : elle a beaucoup de ces sortes de bijoux, et ne saurait, dit-elle, à quoi mettre le vôtre (505). Mettre au pis. « C'est témoigner à un homme que, quelque mauvaise volonté qu'il ait, on ne le crains point » (F). Employé plaisamment par Valville écrivant à Marianne, p. 288. Mignardise. « Affectation de délicatesse» (Littré qui cite l'exem¬ ple suivant de Ch. de Bernard : « Elle affecte des poses lan¬ guissantes ou mélancoliques (...) et toutes ces mignardises me sont insupportables. »). Ici : je pleurais moins par chagrin que par mignardise (414) Cf. p. 13. Mitiger. Ce terme qui, suivant l'Académie, « se dit principa¬ lement des adoucissements qu'on apporte dans les ordres religieux à la pratique des règles qui sont trop sévères », est fréquemment employé par \Iarivaux au sens d'« adoucir, rendre plus traitable », quoique le Dictionnaire Néologique de Desfontaines eût expressément blâmé cet emploi. Cf. ici, à la forme pronominale : il me semblait que mon homme se miti- geait, qu'il était plus βatteur que ^élé, plus généreux que charitable; il me paraissait tout changé (30). Monstre. De Molière à Rousseau, Littré cite plusieurs exemples de ce mot au sens de « chose dont on s'effraie ». Cf. : « Vous lui faites sans cesse un monstre de l'amour » (T. Corneille, Le baron d'Albikrac, III, 4). Ici : Ne vous en faites donc point un monstre (119). Mouvement. Mot capital et caractéristique du langage psycho¬ logique chez Marivaux. Le Dictionnaire de l'Académie (1762) le définit comme suit : « Il se dit (...) des différentes impul¬ sions, passions ou affections de l'âme ». C'est dire, d'abord, qu'il a un sens plus large que de nos jours. Il implique toujours chez Marivaux un sentiment, une émotion, un transport spontané, échappant au contrôle de la volonté, et même, au début du moins, du sentiment. Voici des exemples caracté¬ ristiques : quand tous nos mouveînents furent un peu calmés... (181) \je sentais tant de mouvements, tant de confusion, tant de dépit, que je ne savais par où commencer pour parler (...) quand mes mou¬ vements furent un peu éclaircis... (45) ; fe ne saurais vous dire ce que je sentis en voyant cette grande ville {...) j'ouvrais les yeux, j'étais etonnée, et voilà tout. Je me retrouvai pourtant dans la longueur du chemin, et alors je jouis de toute ma surprise : je sentis mes mouve¬ ments, je fus charmée de me trouver /i (17) ; Ehl Seigneur, m'écriai-

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je avec amouVy avec douleur, avec mille mouvements confus que je ne saurais expliquer (198) ; malgré les mouvements où vous étie^^, il ne vous échappa rien qui pût me compromettre (415); Elle me le nomma alors tout de suite, dans le désordre des mouvements qui l'agitaient (461). Les mouvements correspondent souvent à état physiologique particulier : agitation, immobilité, pleurs, visage défait, affai¬ blissement, paralysie même : me voilà seule, et bien plus agitée que je ne l'avais été la veille, lorsque Mme de Miran me quitta. Aussi y avait-il ici matière à bien d'autres mouvements (201) ; dans une si grande confusion de pensée et de mouvements que j'en étais comme stupide (380) elle fondit en pleurs dans mes bras sans pouvoir prononcer un mot, dans l'attendrissement où elle était. Enfin, quand ses premiers mouvements, mêlés sans doute pour elle d'autant d'humiliation que de confiance, furent passés... (562); toute l'im¬ pression des mouvements dont j'avais été agitée me restait sur le visage (274) ; sa physionomie ti'était pas encore bien remise de tous les mouvements qu'il avait éprouvés (408) ; elle n'a besoin, ni de ces petits mouvements, ni de ces émotions de cceur qui lui prennent (399) ; Ma tante, qui (...) η avait pu supporter tant de mouvements et tant d'agitation sans en être affaiblie... (529); soit que la force des mouvements qu elle avait éprouvés eussent (sic) fait une trop grande révolution en elle, soit que sa fièvre et ses chagrins l'eussent déjà trop affaiblie, on s'aperçut quelques jours après d'une paralysie qui lui tenait tout le côté droit (568). Les mouvements ainsi définis sont notés à propos de sentiments particuliers, colère, attendrissement, etc. : fe n'ai pu résister à un mouvement de colère qui m'a (388) ; ce que je dis là n'an¬ nonce pas des mouvements de mauvaise humeur bien opiniâtre (99) ; une action vive et rapide qui exprimait bien les mouvements d'un jeune petit cœur fier, vertueux et insulté (125) ; sa colère n'inter¬ rompit point sa curiosité, qui est un mouvement che^ les femmes qui va avec tout ce qu'elles ont dans l'esprit (44) ; nous nous avisâmes, par un mouvement de gaieté, de le fuir (262) ; on n'ignore pas le motif d'un mouvement si hautain (236) ; de grands mouvements d'atten¬ drissement (523); pénétrée des mouvements les plus doux qu'on puisse sentir (239) ; des regards qui témoignaient les mouvements dont j'étais saisie pour elle (330), les mouvements de ma tante et les miens n'étaient pas tout à fait les mêmes (503). Un emploi particulièrement intéressant du mot permet à Marivaux de décrire le trouble de l'amour : une fille qui en est là- dessus à son apprentissage (...) ce sont des mouvements inconnus qui l'enveloppent, qui disposent d'elle... (66) ; la présence d'esprit me

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revint, et la vapeur de ces mouvements qui me tenaient comme en¬ chantée se dissipa (73) ; il avait eu des mouvements aussi bien que moi (74). On notera que, dans tous les exemples précédents, le mouve¬ ment ne doit pas être confondu avec un geste. Il arrive, pour¬ tant, qu'il se traduise par un geste spontané. (Marianne baisant la main de M. de Climal, p. 35, Valville baisant celle de Ma¬ rianne, p. 75). Dans ce cas, Marivaux dit aussi transport. Cf. p. 337 \ il me prit un transport qui l'arrêta. Enfin, en un sens tout différent, l'expression se donner des mouvements signifie « s'agiter, intriguer en vue d'une affaire » (A 62) elle avait refusé de se joindre aux autres parents dans les mouvements qu'ils s'étaient donnés (340). Ne. Le ne explétif manque souvent après un comparatif. Exem¬ ple : elle n'en voyait pas plus que vous lui en disie'^^ Nel'f. « Se dit aussi figurément des personnes qui n'ont point encore d'expérience en quelque chose » (A 62). Cf. en ce sens : il était pas si neuf en amour que je l'étais (74). Dans la langue à la mode de Crébillon, La Morlière, etc., neuf se dégrade au point de devenir un équivalent de naif, niais. Non plus. L'emploi de non plus pour pas plus, quoique signalé au XVIII® siècle comme vieillissant, est encore courant chez Marivaux. Cf. : « je ne songe non plus à l'amour qu'à m'aller noyer » {La Surprise de V Amour, II, 5). Ici : elle n'en est non plus surprise que de voir l'amour de son père ou de sa mère pour elle (36). Nouvelliste. « Qui est curieux de savoir des nouvelles, et qui aime à en débiter (...) Les nobles ruinés et fainéants sont d'ordinaire nouvellistes ou généalogistes » (F). Cf. ici p. 22 et note 2. Osé. « Hardi, téméraire » (Richelet, qui cite un exemple de Patru). Semble populaire au temps de Marivaux. Cf. dans la bouche du cocher : farnibleu, ne me frappe^^ pas (...) ne soye^ pas si osée! (94). Où. Employé, comme à l'époque classique, en fonction de régime indirect, sans valeur locale : comporte:(^-vous d'une manière qui récompense monsieur des soins où sa piété l'engage pour vous (28). Paroisse. « Il signifie aussi l'église de la paroisse » (A 62). Cf. p. 92, 96. Participe passé. Comme il a été dit, nous avons respecté l'ac-

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cord des participes passés tel qu'il existe dans rédition ori¬ ginale, généralement suivie par les éditions antérieures à celle de 1871. Ce n'est pas qu'il ait une valeur particulière, stylisti¬ que par exemple. Mais il révèle pourtant certaines habitudes de Marivaux et de la langue classique. En gros, les choses se passent de la manière suivante : Mari¬ vaux fait très généralement l'accord avec le sujet dans le cas de l'auxiliaire être. Dans le cas de l'auxiliaire avoir^ il le néglige dans à peu près 20 ou 25 % des cas où nous le ferions. Dans le cas du verbe être^ on notera l'accord régulier à la forme pronominale : combien de fois me suis-je surprise à dire (8) ; une bonne femme qui ne s'en serait pas souciée (39) ; elle ne s'j était pas attendue; (46) comment s'y est-elle prise ?(295). Plus étonnant est l'accord dans les cas suivants : Elle ne s'est refusée aucune des réflexions... (5); je me suis figurée, en partant... (243); c'est ce que nous nous sommes dites (294). Avec l'auxiliaire avoir, Marivaux tend à laisser le participe invariable lorsque, comme le dit Grévisse, « le participe passé est suffisamment soutenu par les mots placés après lui ». C'est ainsi que, pour la première partie, les quatre cas où il est invariable, contre vingt-cinq environ où il est accordé normalement, comportent chaque fois après le participe un complément du verbe. Voici encore des détails. Le participe reste volontiers invariable : quand le sujet est postposc : les signes d'amitié dont m'y avait honoré Mme de Aiiran (242). 2" quand le participe est suivi d'un attribut : jamais créature ne les a eu plus beaux que moi{^(·)) ; qui {...) m'aurait cru triste {i^o) ; il ne tiendra pas à moi que ma mère ne se repente point de m'avoir pris pour sa fille (230) ; je croirai que vous rougis se'g de m'avoir eu pour témoin de ce qui s'est passé (273) ; [une femme] qui s'est dit votre parente (290) etc. 3" quand le participe est suivi d'un complément prépositionnel : ce voyage inutile l'avait épuisé d'argent (18); l'épreuve que j'ai fait de cette douleur (22) ; celui qui m'avait mis che^_ Mme Dutour ; les distinctions que l'orgueil a mis dans le monde (56) ; cette aune que Mme Dutour avait remis sur le comptoir (98) ; [M. de Climal] vous a fourni de tout (138) ; qui m'a fourni de tout (195); l'insulte que vous avei^ fait à une fille affligée {^\·)%') \ quil l'avait perdu de vue (175) ; toute l'horreur qu'on aurait eu pour moi (246) ; l'opinion que j'ai eu de votre cœur (251) ; les efforts que j'ai fait contre elle (251) ; ceux qui m'ont mis au monde {2%^) ; il m'a trompé dans ses visites (461) ; etc. 4" quand le participe est suivi d'un infinitif pur, d'un infinitif prépositionnel, d'une complétive : les gens que j'ai entendu raisonner (22) ; une petite fille

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qu'on avait à peine aperçue, qu'on avait pourtant vu se placer (61) ; elle vous aurait bien empêché de jeter (98) ; il m'a prié qu'on ne vous ra¬ menât (257), etc. Quoique les exemples contraires soient nombreux, surtout dans le troisième cas, on voit que Tusage de Marivaux n*est pas purement fantaisiste. Ce qui le prouve, c'est l'extrême rareté des cas où le participe invariable est à la finale d'un groupe. On peut citer : une chose que vous n'avex^ peut-être pas assevç^ remar¬ qué (87) (mais c'est, pour l'idée, un neutre) ; où vous a-t-il pris ? (92) (dans la bouche de la Dutour) ; depuis que je vous ai quitté (112) (inadvertance?). On notera pour conclure que l'usage de Marivaux est prati¬ quement celui de Corneille, Molière, Racine et La Bruyère. Participe présent. Marivaux accorde couramment les parti¬ cipes présents des verbes intransitifs, conformément à un usage encore largement répandu au xviii® siècle. Cf. : d'hon¬ nêtes gens vivants médiocrement pouvaient parler comme ils par¬ laient (32); une pudeur gémissante de la figure d'aventurière que j'allais faire (78). Passer. « Que ceci ne vous passe point, que ceci reste entre nous » (A 62). Cf. p. 300. Passion. « On dit d'une femme qu'elle a fait, causé de grandes passions, pour dire qu'elle a été éperdument aimée par beau¬ coup de gens » (A 62). Cf. : vous qui êtes si aimable, si capable de faire des passions (378). pénard. La locution vieux pénard est usuelle au xvii® et au xviii® siècle pour désigner un « homme âgé, cassé, goutteux, décrépit » (Leroux, Dictionnaire Comique). λIme Dutour l'applique à Climal : ce vieux pénard, avec sa mine d'apôtre (125)· Penser. La langue classique aime les locutions formées d'un verbe et d'un adjectif en fonction d'adverbe. Richelet et l'Académie enregistrent écrire juste, parler juste, penser juste. On trouve ce dernier tour p. 259. Penser mal, est tantôt le contraire du précédent, et tantôt signifie « avoir des préju¬ gés » : je n'en doutais pas, et je pensais mal (237) ; les hommes, qui sont sots, qui pensent mal (...) ne pardonnent point aux dis¬ grâces dont vous souffrecç^ (184). Perquisition. Signifie généralement à l'époque « recherche exacte que l'on fait de quelque chose » (A 62), tandis que le sens moderne n'apparaît qu' « en termes de pratique ». Cf. ici :

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Aime de Aîiran et son fils s'informent de tout, font d'exactes perqui¬ sitions (322). Petit collet. « Un homme à petit collet^ ou simplement un petit collet. Ces mots se disent des gens d'Église qui, par modestie, portent des petits collets, pendant que les gens du monde en portent de grands ornés de points et de dentelles. » (R). Cf. p. 470. Pleurs. Aiarivaux considère parfois ce mot comme un féminin (p. 414). Exemple inverse p. 80. Littré cite, en le condamnant, un exemple d'emploi au féminin par Mathurin Régnier. Positif. Certain, sur quoi on peut compter (Littré, 6^, citant un exemple de Buffon). Ici : Je le crois, il n'y avait rien de plus positif (290). Positivement, « Il signifie aussi précisément » (A 62) : elle venait positivement de l'amener (349). Préoccuper. Non pas « inquiéter », mais « prévenir » (R) : C'est que mes grâces et ma physionomie le préoccupent tant en ma faveur (82). Prévenir. Employé deux fois dans le sens, nouveau pour l'époque, d' « avertir » : C'est ma mère, ajouta-t-il, qui a voulu que je vous prévinsse sur tout ceci, avant que vous vissie:^^ SI. de Climal (243, cf. p. 262). Ordinairement au sens classique (pré¬ venir favorablement) : dès que nous voyons des gens dont la figure nous prévient (420). Se prévenir a le sens de « se mettre dans la tête une idée fausse » (A 62) : Ce n'est point à cause de cela que je romps avec lui, ne vous préveneg point (i 39). Prévention. Prévention en faveur de quelqu'un : De fort honnête! dit-il en répétant ce mot; preneg garde, Marianne, ceci pourrait déjà bien venir d'un peu de prévention (i 10). Procureur fiscal. Officier de la justice seigneuriale, qui y tient à peu près le rôle du ministère public (R, F). Cf. p. 12. Propre. Ce terme désigne généralement des objets ou des personnes d'une élégance sobre et de bon goût. Dit de la robe offerte à Marianne, p. 39, d'une chambre, p. 293. Propreté Même sens que l'adjectif : I 'ous voilà d'une propreté admirable (138); vêtu uniment, mais avec propreté (307). Puissance. Au pluriel, « se dit aussi de ceux qui possèdent les premières dignités de l'État ». Cf. p. 268. Quartier (a). A part. Cf. p. 313, ^46, 557, etc.

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648 GhOSS A.IRE Quitter. Employé sans complément au sens de « s'absenter » (Littré, ii'^) : ni ma fille ni moi ne pouvons quitter (275) ; Je η ai pas été la maîtresse de quitter (= prendre congé) (365). Rappeler. Littré (article rappeler, 8·^) donne des exemples clas¬ siques de ce verbe à peu près dans le même sens qu'à la forme pronominale. Il n'y a donc pas lieu de corriger, en ajoutant me, le passage suivant : Ce que je vous dis là, je ne le rappelai que longtemps après, en repassant sur tout ce qui avait précédé le malheur qui m'arriva dans la suite (348). Réciter. « Raconter, faire un récit » (A 62) : Je vous récite ici des Jaits qui vont comme il plaît à l'instabilité des choses humaines (376). Régime. Dans la locution vivre de régime^ c'est-à-dire « s'observer sur toutes choses dans la vue de ne pas déranger sa santé » (Littré, qui cite plusieurs exemples appartenant à la langue classique). Cf. ici : un asthmatique (...) à qui sa mauvaise santé et la nécessité de vivre de régime η avaient laissé d'autre chose à faire que d'être dévot (467). Regrettable. Au sens étymologique de « digne d'être regretté » : ne sont-ce pas là des gens bien regrettables! (130). Remener. Forme bien attestée par l'édition originale, les contre¬ façons anciennes, l'édition Néaulme de 1741, et même celle de 1781, au lieu de ramener^ introduit par Duviquet dans le passage suivant : nous allons dîner, M. de Climal et moi, dans ce quartier, nous vous remenerons (86). On trouve des exemples comparables dans Littré. Reprise. « Au pluriel. Terme de jurisprudence. Ce que chacun des époux, par lui ou par ses représentants, a droit de repren¬ dre, par forme de prélèvement, avant partage, sur les biens de la communauté » (Littré). Les filles de Mme de Tresle exer¬ cent à sa mort des reprises sur son héritage, peut-être en tant que représentantes de leur père défunt (p. 445). Ressentir (se). Garder du ressentiment : bien loin de me ressentir de ce qu'elle a pensé de moi, je vous jure, mon père, que je lui veux plus de bien que jamais (136). Ressource. Au sens classique : « Ce qu'on emploie et à quoi on a recours pour se tirer de quelque affaire, pour vaincre des difficultés »(A 62). Cf. : nous avons toutes deux été différemment à plaindre ; vous ave^ eu vos ressources, et moi les miennes (540). Retirer. Donner retraite. Au sens propre : je l'ai laissé malade {...)

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GLOSSAIRE 649 chez^ un paysan qui nous a retirés (501). Emploi figuré : il se persuada (...) qu'il y aurait de la piété à se charger de ma jeunesse et de mes agréments, et à les retirer, pour ainsi dire, dans le mariage (468). Retour. « Ce qu'on ajoute à la chose qu'on troque contre une autre, pour rendre le troc égal » (A 62). Au sens figuré : je vous devrais bien du retour (423). Rien. L'Académie distingue à l'époque n'être rien pour quelqu'un (ne pas lui être apparenté) et n'être de rien pour quelqu'un (ne pas compter pour lui). Cette distinction paraît artificielle et n'est pas respectée par Marivaux. Dans le sens de « n'être pas apparenté », il emploie les deux tours ; sans compter que nous ne vous sommes de rien, ni vous de rien à nous ; pour une parente, pour la moindre petite cousine, encore passe (127) ; Je ne lui suis rien, elle n'aurait eu aucun tort de me laisser dans l'état où j'étais (334). Et inversement, dans le sens de « ne pas compter », comparer ; « il n'est pas étonnant qu'ils soient durs, impitoyables : vous ne leur êtes rien » {Le Spectateur Français, quatorzième feuille). Ris. Forme usuelle chez Marivaux, cf. p. 327. Dans A 62, les exemples de rire sont plus nombreux, et on en trouve même à l'article ris. Salle. « Grande chambre parée où on reçoit ordinairement le monde qui rend visite, ou qui vient parler d'affaires (R). Cf. p. 107, 504. Satisfaction. « Sorte d'excuse que l'on fait à une personne quand on l'a offensée » (R) : Je fondais en larmes pendant qu'il me faisait cette satisfaction si généreuse et si chrétienne (250). Sauver. « Au figuré signifie cacher aux yeux du monde tout ce qui peut donner du scandale » (R) : ce beau linge, dont on avait pris tant de peine à sauver l'achat (44). Sentiment. A parfois chez Marivaux un sens voisin de celui de notre intuition : on lui voyait une sagacité de senthnent prompte, subtile et naïve (257), Cf. p. 166, note i. Simplicité. Le sens de « candeur, sincérité, naïveté, ingénuité » (F) est courant à l'époque, et l'emploi au pluriel n'est pas rare. Cf. : entre deux personnes qui s'aiment, ce sont là de ces sim¬ plicités de sentiment que peut-être l'esprit remarquerait bien un peu s'il voulait, mais qu'il laisse bonnement passer au profit du cœur (76). Solliciteur de procès. Le terme ne désigne pas une profession

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officiellement reconnue, mais des personnes gagées « pour aller chez les avocats et les procureurs, afin de hâter l'instruc¬ tion des affaires » (F). Cf. p. 117 et 142. Souplesse. Au sens de tours de souplesse^ c'est-à-dire « finesses» adresses, subtilités », on le trouve surtout au pluriel. Mais cf. pourtant au singulier : j'étais bien aise apparemment que ce plaisir fit son effet sans qu'il y eût de ma faute : souplesse admirable pour être innocent d'une sottise qu'on a envie de faire (40). Souris. Telle est la forme normale chez Marivaux (p. 189, 210, 359, 472). A 62 met encore souris et sourire sur le même plan. Voir ris. Sympathie. « Conformité, rapport d'humeur » (R) : il y avait une douce sympathie entre mon imagination et les objets que je voyais (17)· Taudis. « Se dit aussi d'une chambre en désordre et malpropre » (A 62). Cf. p. 107, où le mot semble désigner une pièce ser¬ vant de cuisine et de salle à manger, tandis que la salle serait l'arricre-boutique. Temps. L'opposition du temps (vie terrestre) et de Véternité est un thème cher aux prédicateurs (exemples de Bossuet et Massillon dans Littré, 3·). Cf. : C'est souvent un malheur que d'être belle, un malheur pour le temps, un malheur pour l'éternité (3°0· Tendre. Opposé à amoureux. Cf. p. 74 et note 2. Tour. Dans les couvents de femmes, « espèce d'armoire ronde et tournante, qui est posée dans l'épaisseur du mur, et qui sert aux religieuses pour faire passer ce qu'ellesreçoiventdu dehors, ce qu'elles y envoient » (A 62). Cf., dans la Suite de Mme Riccoboni : mon billet était au tour {fzi). TouRiÈRE. Religieuse préposée au tour (voir le précédent). Cf. p. 147, 350, etc. Tourner. Si l'emploi transitif de ce verbe au sens d' « arranger les mots et les pensées » est bien connu (exemples de Mme de Sévigné dans Littré, 2®), l'emploi absolu dans cette phrase, si le texte est exact, est une rareté.. Mais, madame, lui répondis- je en tournant aussi bien qu'elle... (577). Le sens semble être : s'exprimer avec à propos. Tournure. « Se dit figurément par les jeunes gens de la cour du tour d'esprit qu'on donne aux choses » (F, citant Callières). Plusieurs exemples très nets : (l'arrivée de Marianne à l'église

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Gl^OSSAIRE 651 attire sur elle l'attention des hi)mmcs : les coquettes en sont « désertées »] On ne saurait s'imaginer ce que c'est que cette aven¬ ture-là pour des femmes, ni combien leur amour-propre en est décon¬ certé ; car il n'y a pas moyen cju'il s'y trompe, ni qu'il chicane sur l'évi¬ dence d'un pareil affront : ce sont de ces cas désespérés {...) qui résis¬ tent à toutes ses tournures (éo) ; je craignais que cet homme-ci, dans son rapport à Galville, ne glissât sur mon compte quelque tournure insultante (92) ; je sais la tournure qu'il faut donner à ce qui vient d'arriver (121). Tout. Comme beaucoup d'écrivains de son temps, et malgré les prescriptions des grammairiens, Marivaux tend à accorder, dans presque tous les cas, tout adverbe. Voici des exemples significatifs, i" dans le tour tout... que ; tous réunis qu'ils sont, ils ne se mêlent point (226) ; toute estimable que vous êtes (297) ; 2" devant un adjectif ou une locution analogue : toute entière (33) ; toute éclùpée (106) ; toute attendrie ; toute effrayée {z^tO) ; toute en pleurs (18, 150); toute à mon aise (462),etc. Inversement, noter un emploi de tout invariable dans l'expression tout à vous {ci. Crrévisse, Le bon usage, paragraphe 457, i". Remarque 4) : elle était tout à vous, quoique elle eut lieu d'être tout à elle (228). Uni. « Simple, sans façons » (A 62) : un homme franc, uni, de bon commerce (421) ; femme de bon sens, d'un caractère simple et tout uni (486). Vir.ux. Se rencontre chez Marivaux devant un mot commençant par une voyelle, qutdque, suivant A 62, on dise « plus ordi¬ nairement » vieil. Cf. : un vieux ecclésiastique (541). Voiture. Au sens général de « moyen de transport », « véhicule »: oserais-je encore vous prier, monsieur, de m'envoyer chercher une chaise, ou quelque autre voiture qui me mène che^^ moi? (69). Compa¬ rer, outre l'expression carrosse de voiture : « Hhl morbleu, il n'y a pas de raison à vous d'avoir une autre voiture que la mienne ». {La Double Inconstance, l, 4). Y. Renvoie de façon libre à une phrase ou à une idée : jf veux mettre ordre absolument (34) ; quoique j'y résistasse (41) ; la voilà déclarée sans que j'y hésitasse (82); /^' fais ce que je puis (236), etc.