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Classiques Garnier

Avertissement

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Vie de Marianne ou les Aventures de Madame la comtesse de ***
  • Pages : 583 à 584
  • Réimpression de l’édition de : 1990
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 442
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782812415197
  • ISBN : 978-2-8124-1519-7
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1519-7.p.0707
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/04/2014
  • Langue : Français
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AVERTISSEMENT ι

M ADAME Riccoboni avant reçu plusieurs lettres ano¬ nymes où elle est priée de poursuivre et achever la Marianne de M. de Marivaux, nous croyons devoir avertir que son intention n'a jamais été de continuer ni de finir cet ouvrage. Une lettre d'elle à son libraire, imprimée dans la dernière édition qu'il a faite, apprend que cette suite de Marianne fut composée par une espèce de pan. Feu M. de Saint- Foix, soutenant un jour chez M"^^ Riccoboni que le style de M. de Marivaux était inimitable, on lui cita la Fée Moustache ^ de M. de Crébillon, comme une preuve con¬ traire de son opinion. Il s'emporta, traita la fée de bavarde ; disant une foule de mots, et ne saisissant point du tout Γ esprit de M. de Marivaux. Madame Riccoboni écoutait, se taisait, et ne prenait aucune part à la dispute. Restée seule, elle parcourut

1. Cet Avertissement remplace la Lettre à M. Humhlot dans les éditions Volland, 1786 (tome I, p. 391-392) et suivantes. 2 Crébillon fils, dans Tan^^aï et Néadarné, {vo\r p. lxx- lxxi) se moque lourdement du style de Marivaux dans La ί 'ie de Marianne. La « Taupe Moustache », symbole de la « myopie » de Marivaux, tient de longs discours à la façon de Marianne (livre 111, chapitres 4, 5 et 6). En voici un échantillon, consistant en un parallèle entre l'esprit et la raison : « En effet, la raison est vulgaire, elle paraît toujours ce qu'elle est, elle craint de se noyer dans l'enjouement, et ne manque pas de faire un saut en arrière, quand une idée singulièrement tournée se présente, ou qu'une imagination lumineuse se place commodément dans le cœur. Après cela, si elle triomphe, c'est d'une façon si insul¬ tante pour l'humanité, l'amour-propre le mieux élevé y trouve tant de dccri, y perd tant de ses grâces, prend si mauvaise opinion de lui- même, qu'il faudrait qu'il fût bien ridicule, pour ne pas lui rompre en visière. L'esprit est d'un caractère plus sociable, la dignité de ses manières fait sentir que son éducation a été soustraite aux préjugés : Ce qu'il pense est à lui, ne tient à rien, s'isole de lui-même; il s'élève, sans prendre de secousse... » (édit. de 1734, t. II, pp. 61-65).

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deux ou trois parties de Marianne, s'assit à son secrétaire, et fît cette suite. Deux jours après la contestation, elle la montra sans en nommer l'auteur, on la lut en présence de M. de Saint-Foix, il l'entendit avec tant de surprise, qu'il crut le manuscrit dérobé à M. de Marivaux. Il voulait le faire imprimer ; madame Riccoboni s'y opposa, dans la crainte de désobliger M. de Marivaux. Dix ans après, cette suite parut dans un journal dont le rédacteur eut la per¬ mission de M. de Marivaux de l'insérer. Nr>us avons rapporté ce fait, afin d'instruire les persrjnnes qui désirent la continuation de Marianne, de ne plus s'adresser à madame Riccoboni. Elle est fâchée de ne pouvoir les satisfaire, mais elle n'achèvera jamais ni les ouvrages de M. de Marivaux, ni ceux d'aucun autre auteur^.

I. On peut compléter cet Avertissement par la notice dont un rédac¬ teur de la Bibliothèque des Romans (qui, quoi qu'on en ait dit, ne peut être Saint-Foix, mort en 1776) fait précéder 1' « extrait » de la suite de Mme Riccoboni (janvier 1781, p. 15 3) : « 11 est vrai que le manuscrit fut d'abord présenté à M. de Marivaux ; et ce fut l'auteur même de cet extrait qui le lui porta. L'Académicien, très surpris de se voir si parfai¬ tement imité, exprima son étonnement en termes très flatteurs, et approuva très fort que ce morceau piquant passât à l'impression. Il promit le secret, et le garda pendant quelque temps. Les compliments qu'il recevait tous les jours le forcèrent enfin de le rompre. Mme Ricco¬ boni se vit bientôt accablée de louanges ; et ses amis crurent bien qu'ils obtiendraient aisément qu'elle reprît la plume pour achever ce qu'elle avait si heureusement commencé ; mais leur espoir fut trompé, et le roman est resté sans conclusion. » Pour une appréciation contempo¬ raine de la Suite de Mme Riccoboni, voir ci-après, p. 627, note i.