Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Vertu féminine, de la cour de Sceaux à la guillotine
- Pages : 265 à 269
- Collection : Masculin/féminin dans l’Europe moderne, n° 34
- Série : xviiie siècle, n° 15
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406125846
- ISBN : 978-2-406-12584-6
- ISSN : 2261-5741
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12584-6.p.0265
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/03/2022
- Langue : Français
Résumés
Huguette Krief, « Préliminaires. La question de la vertu féminine et ses enjeux »
Les préliminaires montrent que l’idée de vertu suscite de vives controverses au xviiie siècle. Associée au principe féminin, elle se décline en chasteté, soumission, sensibilité, maternité à partir de l’héritage antique et chrétien. Or, les défenseurs de la cause féminine rapprochent l’héroïsme féminin du modèle masculin et célèbrent la gloria muliebris (gloire de la femme) opposée à la domestica laus (vertu familiale), permettant aux femmes de gérer les affaires de la cité au mépris de la mort.
Jeanne Chiron, « Équivoques de la vertu féminine. Entre apologie du sexe et éducation chrétienne, la galerie des femmes illustres de Leprince de Beaumont »
Comment renouveler les galeries de femmes illustres, lieu de promotion des vertus féminines ? Dans les années 1750, Leprince de Beaumont s’y emploie au cœur d’un ambitieux projet de périodique, le Nouveau Magasin français, où elle affirme vouloir réviser ce catalogue de vertus. Promouvant des figures politiques, le projet se heurte à la figure si complexe de Lucrèce, révélatrice des paradoxes de pensée d’une éducatrice chrétienne aux premiers faits de plume bien plus féministes qu’il n’y paraît.
Bénédicte Prot, « “Sans autre voile que leur vertu”. Les Lacédémoniennes vues par le xviiie siècle »
L’intérêt pour le modèle spartiate dans la seconde moitié du xviiie siècle se manifeste dans les réflexions, interprétations, digressions critiques et extrapolations philosophiques que suscite la nudité des Lacédémoniennes dans la sphère publique et lors des rituels dansés. En inscrivant ces figures dans une histoire des représentations du corps nu au siècle des Lumières, cet article examine les liens divers mais toujours étroits tissés entre vertu féminine et vertus républicaines.
266Marc André Bernier, « Sparte et l’invention d’un nouvel idéal féminin de vertu héroïque »
L’imaginaire spartiate des Lumières suppose un idéal de vertu héroïque et viril. Or, ce nouvel idéal admet aussi une figure méconnue de vertu féminine. Afin d’en montrer la complexité, cet article examine le Traité de l’éducation des femmes de Mme de Miremont et les Entretiens de Phocion de Mably. Ici, le rêve d’une vertu féminine à l’antique procède soit du souvenir de la valeureuse Spartiate s’exerçant au javelot, soit de celui de la modeste Lacédémonienne servant aux hommes un repas frugal.
Chrystel Bernat, « La vertu féminine, un enjeu moral de l’insoumission protestante à la catholicisation ? Principes, paradoxes et transgressions dans les rangs réformés à l’époque moderne »
À partir des traités, sermons, catéchismes et actes synodaux, l’enquête explore le rôle tant emblématique que polémique de la vertu féminine et évalue la distorsion d’autorités, spirituelle, magistérielle et politique qu’elle recouvre en protestantisme. À quels titres a-t-elle été un enjeu de ses luttes ? Fouillant son acception réformée, on examine, depuis les textes calviniens, la construction de la vertu féminine et les cas transgressifs qui en renversent les codes et les principes normatifs.
Marie-Laure Girou Swiderski, « Du mariage à la guillotine. Manon Roland entre héroïsme et vertu »
Des lettres « de fiançailles » échangées avec Roland (1777-1780) à celles adressées à Buzot (juin-août 1793), on suit le combat de Manon, déchirée entre deux aspirations contradictoires : incarner la vertu d’une femme exemplaire ou céder à l’appel de l’héroïsme au service de la patrie et de la liberté. Seule la certitude d’une mort programmée lui permettra de concilier enfin vertu féminine et destin héroïque.
Éliane Viennot, « Héroïsme et vertu des femmes révolutionnaires d’après leurs pétitions, adresses, brochures et ouvrages (1789-1794) »
Les textes féminins non fictionnels de la Révolution ont peu retenu l’attention. Leurs autrices y exposent leurs critiques et leurs demandes sur 267un ton souvent exalté et avec force renforts d’évocations des femmes du passé, qui demandent à être lues en relation avec l’histoire des femmes telle qu’elle se transmettait depuis le xve siècle. L’analyse des cinquante-et-un textes qui affichent le mot vertu montre que ce qu’elles en savaient informait leurs espoirs et explique leur détermination.
Huguette Krief, « La constance féminine à la cour de Sceaux, ou l’Histoire de la comtesse de Savoie (1726) de Mme de Fontaines »
La parution de l’Histoire de la comtesse de Savoie (1726) par Marie-Louise de Fontaines, en pleine polémique contre la « fabrique littéraire » de la duchesse du Maine, soutient les libres droits des femmes aux belles-lettres. Dans cette fiction d’amour et d’héroïsme chevaleresque, Fontaines célèbre la constance de l’être féminin, un parfait contrôle de soi face à l’adversité et à un rôle social imposé, une force d’âme où Hume verra l’expression conjointe de la rationalité et de la sensibilité.
Kim Gladu, « “[L]a gaze est extrêmement de mon goût”. Vertu et poésie galante chez la Muse limonadière »
Cet article propose d’observer la manière dont les autrices du xviiie siècle conjuguent les principes régissant une galanterie libertine avec l’argument moral servant traditionnellement à justifier la pratique lettrée des femmes, à partir d’un cas exemplaire, celui de Charlotte Bourrette. Plus particulièrement, on y interroge la manière dont se modifie le rapport des poétesses à la vertu, lequel rend compte d’une transformation de la figure même de la femme de lettres.
Fanny Lacôte, « “La vertu froissée par l’injustice”. Redéfinition du féminin dans les romans gothiques de la Première République »
Le bouleversement révolutionnaire de 1789 a produit un terreau favorable à la traduction et à la réception de romans gothiques radicaux venus d’Angleterre au sein de la société républicaine. Ces textes, écrits par des femmes et destinés à un lectorat majoritairement féminin, contiennent une critique des institutions patriarcales autorisant un traitement tyrannique de la femme. Ils invitent également à une redéfinition de la vertu féminine et offrent une révision des droits de la femme.
268Geneviève Goubier, « Rousseau et la vertu des femmes. Du paradoxe à la doxa »
Rousseau pense la vertu féminine selon deux modalités : une nécessité sociale et une nécessité morale, d’où une appréhension paradoxale de l’éducation des filles et une dialectique douloureuse, élaborée entre illusion et souffrance. L’historicité de la notion réduit le paradoxe à la doxa de la sensibilité bourgeoise, tombeau ou trône de la vertu. Rousseau invite à l’invention d’une vertu féminine qui ne serait ni imitation ni reproduction d’un modèle, mais appropriation réfléchie et consentie.
Marco Menin, « Éducation et vertu féminine dans le Discours sur l’Éducation des femmes (1777) de Bernardin de Saint-Pierre »
Cet article entend montrer comment Bernardin de Saint-Pierre réélabore, en ce qui concerne la complémentarité des sexes, la doctrine de Rousseau qu’avait illustrée l’Émile. Le point de départ de l’analyse est un texte encore négligé par la critique, à savoir le Discours sur l’éducation des femmes (1777). Dans cet ouvrage, Bernardin exalte la valeur exemplaire de la vertu féminine qui, décrite comme une sorte d’orthopraxie, garantit à la vertu masculine un déploiement en accord avec les lois de la nature.
Thomas Wynn, « “Les vertus les plus hautes, les fautes les plus graves”. L’affaire Lescombat »
Une des criminelles les plus célèbres du xviiie siècle, Marie-Catherine Lescombat fut pendue en 1755 pour crime de complicité dans l’assassinat de son mari. C’est précisément sa célébrité extraordinaire qui nous aide à explorer les différences, les ressemblances et les tensions entre le vice et la vertu, et à comprendre leur caractère genré. Lescombat est souvent dénigrée comme « effrontée », comme si son indépendance ne pouvait être qu’indécente. Mais l’effronterie peut masquer des vertus…
Marc André Bernier, « Postface. Les Lumières au prisme de la vertu féminine »
Au xviiie siècle, la question de la vertu féminine met en concurrence un idéal héroïque à l’antique, qui se nourrit de souvenirs lettrés, et l’avènement d’une conception bourgeoise de la vertu, intimement liée à la sphère maritale 269et familiale. En ce sens, comprendre les Lumières au prisme de la vertu féminine exige de tirer toutes les conséquences du fait que, si l’on dit les Lumières, c’est précisément parce que s’y côtoient références hétérogènes et aspirations contradictoires.