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Classiques Garnier

Résumés et abstracts

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : La Valeur de l’œuvre littéraire, entre pôle artistique et pôle esthétique
  • Pages : 553 à 573
  • Collection : Rencontres, n° 42
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812444425
  • ISBN : 978-2-8124-4442-5
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4442-5.p.0553
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/12/2012
  • Langue : Français
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RÉSUMÉS ET ABSTRACTS1

Patrick Voisin, « Prolégomènes : la question de la Valeur »

Toutes les questions relatives à la littérature impliquent l’existence de valeurs qui conduisent à se demander quelle est la valeur de l’œuvre littéraire. Que la question soit posée de façon explicite ou qu’elle soit implicite, elle est toujours là. Des réponses ont été apportées par de grands noms de la critique littéraire, Barthes, Bourdieu et d’autres plus récemment, mais la question semble loin d’être résolue : des ouvrages théoriques fleurissent à intervalle de temps régulier, apportant des réponses partielles – voire affirmant qu’il n’y a pas de réponse dogmatique possible. Le présent ouvrage, qui prolonge et développe une journée d’étude littéraire, essaie à son tour d’ouvrir quelques voies nouvelles à partir de réflexions générales, de l’étude de quelques œuvres poétiques, dramatiques ou romanesques, ainsi que du lien qu’entretient la littérature avec la politique.

“Prolegomena: the question of Value”

All the issues relating to Literature imply the existence of specific values which naturally lead us to ponder the value of the literary work. However implicit or explicit the question is, it is always there. So far, some answers have been provided by major literary critics such as Barthes or Bourdieu as well as some more recent ones, but the issue still remains unsolved: theoritical works are published at regular time intervals, in which the issue is very partially addressed –or which even claim there is no possible dogmatic answer to the question. This publication, which expands and broadens the scope of a series of literary conferences, tries in turn to open up new channels, starting from general considerations, the studies of some poetic, dramatic or novelistic works, and from the connection between literature and politics.

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Raphaël Baroni, « La valeur de l’intrigue »

Cet article vise à cerner les facteurs déterminant la valeur de l’intrigue, aussi bien dans le cadre restreint des études littéraires qu’au-delà. On montrera que, paradoxalement, c’est bien parce que l’intrigue possède un pouvoir d’attraction indéniable, et probablement universel, qu’elle a été généralement dévalorisée dans le champ des études littéraires, ces dernières étant encore largement placées dans une logique d’autonomie excluant par principe tout ce qui pourrait passer pour une concession commerciale. L’analyse de la réception critique du roman de Ramuz Derborence (1934) permettra d’illustrer les tensions entre différents usagers de la littérature (lecteurs professionnels, lecteurs ordinaires, auteur) pour lesquels l’intrigue n’a pas la même valeur. La conclusion esquissera brièvement quelques pistes de réflexion permettant de revaloriser l’intrigue en affirmant qu’elle offre au lecteur une expérience simulée et ludique du temps.

“The value of plot”

This article aims to identify the factors which determine the value of plot, both in the limited context of literary studies and beyond. It will be shown that, paradoxically, it is because plot has an undeniable –and probably universal–, power of attraction that it has been generally devalued in the field of literary studies, the latter being still largely influenced by an autonomy principle excluding everything that could pass for a commercial concession. The analysis of the critical reception of the novel by Ramuz Derborence (1934) will illustrate the tensions between different users of literature (professional readers, ordinary readers, the author) for whom the plot doesn’t possess the same value. The conclusion briefly outlines some ideas to reassert the value of plot by saying that it offers the reader a simulated and playful experience of time.

Anaïs Goudmand, « La valeur littéraire à l’épreuve du désenchantement : étude comparée des réflexions de Pierre Bourdieu et de Jean-Marie Schaeffer »

Le but de l’article est de comparer, dans une perspective théorique, les réflexions de Jean-Marie Schaeffer et de Pierre Bourdieu sur la valeur

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littéraire, en particulier dans Les Règles de l’art et dans Les Célibataires de l’art. Issus des domaines de la sociologie et de l’esthétique, les deux auteurs développent un point de vue relativiste qui s’oppose au dogme kantien de l’essentialisation du jugement de valeur. Leurs analyses dénoncent l’illusion qu’entretient le discours factuel sur les œuvres en prétendant objectiviser des critères évaluatifs. Elles peuvent permettre ainsi aux littéraires de questionner la légitimité d’une pratique universitaire qui ne prend pas suffisamment en compte le soubassement idéologique du jugement de goût et le caractère socio-historiquement construit de la valeur littéraire.

“Literary value confronted with the test of disenchantment: a comparative study of Pierre Bourdieu’s and Jean-Marie Schaeffer’s reflections”

The aim of the study is to compare, from a theoritical perspective, the reflections of Pierre Bourdieu and Jean-Marie Schaeffer on literary value, as elaborated in Les Règles de l’art and in Les Célibataires de l’art. The two authors, who belong to the fields of sociology and aesthetics, draw on a relativist paradigm opposing the Kantian dogma, which tends to essentialize the value judgement. Both analyses aim to denounce the illusion created by a factual analysis of the texts which intends to objectivize evaluative criteria. Thus, they allow literary critics to question the legitimacy of an academic practice which does not give enough consideration to the ideological foundation of the judgement of taste as well as the sociohistorical construction of literary value.

Mathilde Labbé, « Valeur éthique et valeur esthétique en littérature »

Le conflit entre valeur éthique et valeur esthétique de l’œuvre littéraire, bien qu’il éclate au xixe siècle, est une clé pour l’histoire littéraire du xxe siècle. L’héritage de l’art pour l’art et le recul de la censure ont en effet permis la consécration d’œuvres polémiques qui, malgré la désapprobation de la critique conservatrice, ne sont exclues du patrimoine littéraire ni par l’épuration des lettres ni par la persistance d’une condamnation politique et sociale. Les œuvres survivent aux procès et semblent imposer une double lecture par leur intégration à un canon national qui ne peut ignorer ni l’excellence littéraire ni la responsabilité morale de la littérature. La solution du dilemme peut-elle se trouver

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dans le rachat de l’éthique par l’esthétique ? Comment la littérature survit-elle au processus de sa nationalisation ?

“Ethical value and aesthetic value in literature”

Though the conflict between the ethical and aesthetic values of the literary work comes to a head in 19th century France, this opposition remains an essential paradigm for our understanding of 20th century literature. The disapprobation of conservative critics notwithstanding, the heritage of “art for art’s sake” and the easing of censorship gave rise to polemical literary works, which neither the “épuration” process after World War II, nor political and social condemnation could exclude from entering our literary heritage. These works have survived scandal, and seem to call for a double reading, owing to their integration in a national literary canon, which cannot ignore either the issue of literary quality or that of literature’s moral responsibility. Could the solution to this dilemma lie in an ethical redeeming of aesthetics? How can literature survive its own nationalization?

Aymen Hacen, « Praxis et valeur : approche réelle et positive »

« Praxis et valeur » a l’ambition d’être une « approche réelle et positive », c’est-à-dire une étude reposant sur une analyse et une théorie textuelles. Partant de la pièce Art de Yasmina Reza et débouchant sur les œuvres de Roger Laporte et de Cioran, en passant par les écrits de Dominique de Roux et de Richard Millet, il pose la question de la « valeur » en fonction des notions de « goût », de « fortune » et de « pratique de l’œuvre », afin que ce cheminement puisse conduire à une certaine acception, à la fois globale et précise, de la notion de « valeur ».

“Praxis and value: a real and positive approach”

The ambition of “Praxis and Value” is to be “a real and positive approach”, in other words, a study based on textual analysis and theory. Starting from Yasmina Reza’s play entitled Art and from the works of Dominique de Roux and Richard Millet, the idea of value will be dealt with according to the notions of “taste”, “fortune” and “practice”, in order for this choice to lead to a meaning of the notion of “value”, which will be both complete and precise.

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Jean-Gérard Lapacherie, « “Langue” et “littérature” : une dévalorisation commune ? »

Deux ouvrages récents, L’Adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation xviiie-xxe siècle (William Marx) et La Langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon (Gilles Philippe et Julien Piat), soulèvent la question de la langue et de la littérature, deux réalités ou deux « domaines » dont les relations ont été longtemps tenues pour « naturelles » et allant de soi, en particulier dans les études universitaires. Or, les réalités, historiques et « construites », nommées langue et littérature évoluent et peuvent faire l’objet d’une commune perte de « valeur », et il apparaît que les relations qu’elles entretiennent sont moins évidentes qu’elles ne le semblent.

“‘Language’ and ‘Literature’: a mutual decline?”

Two recently published books, L’Adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation xviiie-xxe siècle (William Marx) and La Langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon (Gilles Philippe and Julien Piat), raise the problem of language and literature, realities whose relations have long been taken for “natural”, especially in academic studies. But those realities, historical and “constructed”, can be impaired and it appears that their relationships are less obvious than expected.

Olivia Voisin, « (Dé)valoriser la littérature : le texte pris dans le culte des images »

L’essor que connaît l’illustration au cours des années 1820-1830 renouvelle tant la physionomie de la librairie que les enjeux éditoriaux qui se reformulent face au goût grandissant du public pour les images. De la séduction qu’exerça le petit art, jusqu’à intégrer la culture de masse et acquérir son autonomie, devait naître une tension entre l’ambition des auteurs de voir leurs écrits publiés et leur crainte que l’image ne détourne le lecteur du texte qu’il s’agissait certes de vendre, mais également de voir reconnu pour sa valeur littéraire. Le décloisonnement des genres, cher aux romantiques, pose les fondements d’un nouveau

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regard posé sur le texte, dont la valeur littéraire disparaît, aux yeux du nouveau lectorat majoritaire, au profit de nouveaux critères de jugement.

“Valuing or depreciating literature: the text caught in the cult of images”

The boom that illustration enjoyed in the 1820’s and 1830’s changed the contents of bookshops as well as editorial issues, which were reshaped in the face of the public’s growing taste for images. The charm offensive of this minor art, which finally integrated into mass culture and won its autonomy, was to raise a tension between the writers’ ambition to see their works published and their fear to see the image draw the reader away from the text, which was of course meant to be sold but also destined to get literary recognition. The breaking down of the barriers of genre, which Romantics were so keen on, laid the foundation of a new approach to the text, the literary value of which receded, being underrated by the new majority of readers, to the benefit of new assessment criteria.

Renaud Pasquier, « Roland Barthes et la valeur introuvable : pour un dernier tour de spirale »

Nous partirons de l’hypothèse que la valeur littéraire représente une aporie pour tout discours critique : dès lors qu’il prétend à une légitimité, il exclut de ses fonctions le jugement esthétique, forcément suspect, mais il est aussi nécessairement confronté à cette indicible valeur dès lors qu’il s’interroge sur les œuvres et sur lui-même. On testera cette hypothèse sur le parcours de Roland Barthes, en examinant comment il affronte cette aporie dans les postures critiques qu’il a adoptées : d’abord comme représentant et emblème de la Nouvelle Critique, puis comme tenant d’un discours amoureux tendant au mutisme devant la singularité de son objet. Enfin nous tenterons, en lisant ses textes les plus tardifs, d’en dégager les prémices d’une troisième critique qui aurait saisi l’aporie à bras-le-corps pour penser et estimer la valeur littéraire.

“Roland Barthes and the untraceable value: for a last turn of the spiral”

We will start with the hypothesis that literary value is an aporia to all sorts of critical discourse: as soon as it claims to be legitimate, it excludes

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aesthetic judgement, obviously suspicious, from its functions, but it is also necessarily confronted to this unspeakable value, as soon as it interrogates the works and itself. We will test this hypothesis on Roland Barthes’s work, examining how he faces this aporia in the different critical stances he adopted: first as a representative and a symbol of the Nouvelle Critique, then as a lover discoursing and tempted by silence in front of the singularity of the object. Finally, we will try and see how his later texts show the start of a third form of criticism, which would face the aporia head-on to ponder and estimate the literary value. 

Mathias Sieffert, « “Le lesserez la, le povre Villon ?” La valeur de la marginalité dans Le Testament de Villon »

Comment expliquer la fortune de l’œuvre de François Villon lorsque l’on sait que son contenu est moins connu que ne l’est son personnage ? Comment expliquer que le poète soit à la fois perçu comme l’incarnation d’une modernité sans cesse réactualisée et le représentant poétique de la ténèbre médiévale ? On comprend que Le Testament met lui-même au point un personnage fantasmagorique, dont l’ethos de larron au grand cœur est promu dans un nouveau format axiologique. Cette marginalité lyrique est ce par quoi la Renaissance et plus tard Théophile Gautier ou Arthur Rimbaud ont accédé à cette œuvre très ancienne. La valeur du texte est liée en fait à la valeur inventée d’un personnage paradoxal, façonné par François Villon lui-même.

“‘Le lesserez la, le povre Villon ?’ The Importance of Being an Outcast in François Villon’s Le Testament

Surprisingly, the actual works of François Villon are not as widely known as the persona he forged for himself. How is it, then, that he is perceived as the epitome of both modern poetry and that of the shadowy poetics of the Middle Ages? Le Testament foregrounds an imaginary character, a generous rogue who becomes a new moral compass. The lyrical vision of being an outcast is what drove the Renaissance, and later on Theophile Gautier or Arthur Rimbaud to rediscover these long-forgotten works. Thus the text’s continuing success stems from the paradoxical character that François Villon delineated.

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Pascale Chiron, « La valeur testamentaire de la poésie de Villon : le texte en héritage »

De quoi hérite-t-on en lisant Villon ? Le poète accorde particulièrement de valeur à la liberté d’interprétation et de manipulation du lecteur face au texte. Pourtant, en représentant le lecteur à travers des figures complexes, Villon guide notre intention de lecture. Comme Marot, nous cherchons alors à déceler l’« entente » du poète. La valeur de l’œuvre tient à cette rencontre entre intention d’auteur et intention de lecteur, la sentence « Ung chacun n’est maistre du scien » pouvant finalement s’appliquer à l’un comme à l’autre. À travers l’image du « legs », c’est donc toute la question de la propriété littéraire et de la valeur de la « transmission » d’un texte qui est posée.

“The testamentary value of Villon’s poetry: the text as legacy”

What is Villon’s legacy to his readers? The poet gave particular attention and value to his readers’ freedom of interpretation and manipulation of his texts. However, by representing his readers through complex figures, Villon guides our purpose of reading. As Marot did, we try to find out the understanding of the poet. The value of a literary work lies in the meeting of the writer’s intention with the reader’s intention, the sentence “Ung chacun n’est maistre du scien” being actually likely to apply to the former or to the latter. Through the image of “legacy”, what is at stake is the issue of literary property as well as the value of the transmission of a text.

Ouafae El Mansouri, « Les valeurs de l’œuvre tragique : évaluation, valorisation et dévaluation d’un genre »

La lecture des discours réflexifs sur la tragédie régulière des xviie et xviiie siècles nous renseigne à la fois sur la modalité de l’évaluation et sur les valeurs attribuées au genre tragique. Ces textes laissent une place mesurée, voire absente, à l’expression d’un goût personnel et subjectif et construisent l’illusion d’une objectivité de l’appréciation. Ce rationalisme s’accompagne d’une pensée des qualités de la tragédie qui ne sont pas seulement d’ordre esthétique : la tragédie est ainsi perçue comme un genre supérieur parce qu’elle est dotée de valeurs éthiques

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particulières. C’est cette valorisation morale de la tragédie qui conduit les auteurs du xviiie siècle à accentuer la fonction éthique du genre et qui a paradoxalement entraîné la perte de la valeur esthétique du théâtre des Lumières selon certains commentateurs modernes.

“The Values of Classical Tragedy: Valuation of a Genre, Increase and Decrease of its Value”

Reading the Seventeenth and Eighteenth Centuries critical texts about French classical tragedies shows us how the tragic genre used to be assessed and what the values attributed to it were. In those texts personal and subjective taste has either very little or no place at all: they build up the illusion of an entirely objective assessment. This rationalism comes with the attempt to consider the qualities of tragedies. Those qualities extend beyond the aesthetic field: tragedies rank at the highest in the genre’s hierarchy because they are thought to be endowed with moral values. This assumed ethical worth led the Eighteenth Century playwrights to emphasise moral standards in their plays and, according to the Twentieth Century critics, this is the very fact that paradoxically entailed the loss of aesthetic values in tragedies during the Age of the Enlightenment.

Marc Douguet, « Comment accroître la valeur d’un texte de théâtre ? »

Comment la structure formelle d’un texte peut-elle en accroître la valeur ? Pourquoi ce texte serait-il autrement objectivement moins bon ? On prendra ici l’exemple de la scène 2 de l’acte II de la Phèdre de Racine, où Hippolyte déclare son amour à Aricie. Paradoxalement, cette révélation se fait tardivement, tandis que le début de la scène est consacré à des enjeux politiques ; de plus, Hippolyte n’avait initialement pas l’intention de se déclarer, et ce sont les mots employés par Aricie qui l’amènent à le faire. Comment fonctionne ce processus ? En quoi enrichit-il le texte ? Quels effets produit-il ?

“How to increase the value of a dramatic text?”

How can the formal structure and the literary devices of a text increase its objective value? Why would this text not be as good otherwise? We will take the case of scene 2 from act II of Racine’s Phèdre, when Hippolytus declares

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his love to Aricia. Paradoxically, this revelation occurs late as the beginning of the scene deals with political issues ; in addition, Hippolytus did not have the intention of declaring his love to Aricia: it is the words uttered by Aricia that lead him to do so. How does this process work? How does it enrich the text? What effects does it produce?

Jocelyn Royé, « Phèdre ou le paradoxe du spectateur »

Phèdre est souvent jugée comme la pièce « classique » d’un tragédien « classique » appartenant à la période « classique ». La réception de la pièce au xviie siècle fit pourtant l’objet d’une polémique qui permet de mieux cerner ce qui pouvait troubler certains contemporains de Racine. Paradoxalement, la tragédie, portée par son écriture poétique, semble privilégier la relation au lecteur au détriment du spectateur. L’espace, l’action et le thème de la passion reposent davantage sur la force évocatrice des mots que sur la perception des gestes et des regards. Les jugements sur Phèdre peuvent être davantage nuancés en fonction de critères qui fondent la valeur de la pièce et qui peuvent infléchir les interprétations qui en sont faites.

Phèdre or the spectator’s paradox”

Phèdre is often seen as the classical play written by a classical tragedy writer, belonging to the classical period. The play was the subject of some controversy in the 17th century, which enables us to grasp what could disturb some of Racine’s contemporaries. Paradoxically though, the tragic dimension of his poetic writing seems to favour the relation to the reader rather than to the audience. The place, action and topic of passion are conveyed by the power of his words rather than by the gestures or expressions of the actors. The perceptions of the play can vary according to the criteria Phèdre is based on and that can also alter its interpretations.

Guillaume Robichez, « Apollinaire, poète d’Alcools : dérision ou tremblement ? »

Quel regard Apollinaire pouvait-il porter sur la valeur de son œuvre ? On peut se demander si la meilleure manière de comprendre Alcools est de prendre ce recueil toujours au sérieux, la mystification étant, chez l’auteur,

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un ressort essentiel de la création. L’exégèse dévote risque donc de manquer son but. Mais il y a plus : certains poèmes, au début d’un son très pur, d’un lyrisme à l’évidence sincère, se terminent dans la cacophonie ou dans la bouffonnerie, comme si le poète avait délibérément voulu saccager son texte. On tâchera de montrer que cette contradiction en apparence irréductible marque en fait l’originalité d’une écriture et d’une inspiration. 

“Apollinaire, the poet of Alcools: derision or quiver?”

How did Apollinaire consider his poetic production? Perhaps the best way to understand Alcools is not to take the book always seriously, creation being for the author closely associated with pulling the reader’s leg. Pious commentaries are therefore likely to miss their target. But there is more to it: some poems, initially musical and heartfelt, end up in cacophonous buffoonery, as if Apollinaire had deliberately wanted to sabotage his creation. I propose to try and show that this puzzling contradiction reveals in fact the poet’s originality in style and inspiration.

Thanh-Vân Ton-That, « Bruit et fureur poétiques du monde moderne. Alcools ou l’art de la cacophonie nouvelle »

À partir du classement proposé par Russolo dans L’Art des bruits, nous évaluerons grâce à une approche lexicologique l’influence du futurisme dans Alcools vu comme miroir sonore du monde moderne et de l’esprit nouveau.

“Poetic noise and fury in the modern world. Alcools or the art of the new cacophony”

Using the classification suggested by Russolo in L’Art des bruits, through a lexicological approach we will evaluate the influence of futurism in Alcools seen as a sound mirror of the modern world and of the new spirit.

Éric Jacobée, « Influence du cubisme orphique et du cubisme instinctif sur les structures d’Alcools de Guillaume Apollinaire »

Guillaume Apollinaire explique dans Les Peintres cubistes, en 1913, que quatre tendances se sont manifestées dans le cubisme. L’Histoire de

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l’art n’a retenu de sa classification que le cubisme orphique. Apollinaire était à la recherche d’une autre poésie, parfois parallèle à la peinture. Ce qu’il nommait « cubisme instinctif » a sans doute plus d’importance que l’on croit dans les structures profondes d’un recueil comme Alcools. Comment cubisme orphique et cubisme instinctif ont-ils pu influencer la composition du recueil, des poèmes et des vers d’Alcools ? Quelles conclusions peut-on en tirer quant aux valeurs de l’œuvre poétique et de l’œuvre d’art telles que les concevait ce poète ?

“The influence of orphic cubism and of instinctive cubism on the structures of Guillaume Apollinaire’s Alcools

In Les Peintres Cubistes published in 1913, Guillaume Apollinaire explains that Cubism is composed of four tendencies. It was only the Orphic Cubism which was granted full attention by History of Art. Apollinaire was seeking a new kind of poetry, sometimes very close to painting. This so called “instinctive cubism” was meant to have more importance than we may have thought in the deep structure of an anthology such as Alcools. How could orphic cubism and instinctive cubism influence the making of the anthology, of the poems themselves and of the lines of Alcools? What conclusion can we draw from the symbolic values of Alcools? What did the poet mean to express through this work?

Bernard Combeaud, « L’énonciation poétique comme exclamation généralisée »

D’où la poésie tire-t-elle sa valeur ? Pour comprendre ce qu’est la poésie, avant de définir quelle valeur elle a en propre, il faut se pencher sur les propriétés de la modalité exclamative. L’on verra que l’exclamation ne peut que se dire à la première personne : elle ne peut être décrite, racontée ou rapportée. Or, comme dans l’exclamation, le point de départ de l’énonciation poétique est toujours un sentiment, un vécu, un perçu qui, fût-il passé, se présente comme déjà-là ; Paul Valéry affirmait ainsi que tout poème était « le développement d’une exclamation ». C’est en ces termes que se construit la valeur de l’énonciation poétique, et c’est l’énonciation poétique comme exclamation généralisée qui fait la valeur de la poésie.

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“Poetic enunciation as generalized exclamation”

What does poetry derive its value from? To understand what poetry is before defining its own value, we have to ponder the properties of exclamatory modality. Indeed, exclamation can only be used in the first person: it can’t be described, nor told nor reported. However, exactly like in exclamation, the starting point of poetic enunciation is always something we have felt, experienced or perceived, which, no matter how old or recent it is, is acknowledged as existent ; Paul Valery once stated that a poem was the “development of an exclamation”. This is the foundation on which the value of poetic enunciation is built, and it is poetic enunciation as generalized exclamation which makes the value of poetry.

Stéphane Pouyaud, « La valeur du roman, entre lectorat, critique et création »

Seul des grands genres à ne pas être théorisé, le roman s’est attiré, dès sa naissance, de nombreux reproches : il est trop libre, trop irrégulier, dépourvu de lettres de noblesse… Pour conquérir sa place dans le royaume des Lettres, il a dû conjuguer des efforts d’évaluation et de valorisation. L’objet de cet article est d’envisager, de manière chronologique, quelles ont été les différentes valeurs que l’on a attribuées au roman ou qu’il s’est attribuées au fil de son évolution, ce, depuis le point de vue des trois instances qui ont participé à son évaluation et à sa valorisation : les lecteurs, les critiques et le roman lui-même.

“The value of the novel, between readers, critics and novelists”

The only one of the major literary genres not to have been theorized, the novel has been widely criticized from its creation onward: it is too free, too irregular, not noble enough… To earn its way into the kingdom of literature, the novel had to fight both for its evaluation and value recognition. The purpose of this paper is to figure out, through a chronological study, what the different values that were attributed to the novel or that the novel attributed itself throughout its evolution are, from the point of view of the three elements that participated in its evaluation and value recognition: the readers, the critics and the novel itself.

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Cécile Alvarez, « La valeur du Paysan parvenu : du réalisme à la gaillardise »

Entre l’ancrage réaliste de l’ascension sociale de Jacob et l’importance du mérite individuel, Le Paysan parvenu peut être lu comme le porte-parole de la bourgeoisie montante qui acquiert enfin sa place dans le genre romanesque. Toutefois, Marivaux n’est pas le précurseur des romanciers du xixe siècle : la valeur de cette œuvre tient également au dispositif énonciatif du « roman-mémoires » et, surtout, à la légèreté de ce roman qui « pétille » et qui fait du plaisir une valeur fondamentale. Plus encore que le tableau d’une société, c’est l’énergie d’un esprit vif et « gaillard » que Marivaux peint, dans un élan qui interrompt pour un temps les longs et profonds développements de La Vie de Marianne.

“The value of Le Paysan Parvenu: from realism to cheerfulness”

The realistic tone of Jacob’s social rise as well as the importance of individual merit could set this novel, Le Paysan parvenu, as the mouthpiece of the rising middle-class that can eventually play a part in novels. However, Marivaux is not a forerunner of the 19th century novelists: the value of this work is also due to the structure of the “roman-mémoires” and, above all, to the lightness of this sparkling” novel in which pleasure is a fundamental value. More than the description of a society, Marivaux depicts the energy of a sharp and cheerful spirit, with an impetus that interrupts for a while the deep and long developments of La Vie de Marianne.

Marian Balastre, « La valeur emblématique de La Recherche de l’Absolu dans la Comédie Humaine »

Comme l’ont signalé plusieurs critiques, La Recherche de l’Absolu aurait pu être le titre d’autres romans ou récits balzaciens. Le type du chercheur d’absolu et le drame romanesque d’une quête d’absolu s’avèrent être des modèles importants de l’écriture balzacienne. La valeur symbolique que Balzac attache à ce projet, qui se décline depuis La Peau de Chagrin, Louis Lambert, Le Chef-d’œuvre inconnu, jusqu’à Gambara et d’autres encore, se retrouve dans la théorisation par Balzac de la figure de l’artiste et du génie, qui parcourt toute son œuvre fictionnelle et non-fictionnelle. La Recherche de l’Absolu a donc indéniablement une

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valeur toute particulière pour l’auteur, une valeur centrale qui rayonne sur l’ensemble de la réflexion balzacienne.

“The emblematic value of La Recherche de l’Absolu in la Comédie Humaine

As noted by some critics, La Recherche de l’Absolu could have been the title of Balzac’s other novels or stories. The character’s quest for the Absolute or the quest for the Absolute as the central point of romantic drama proved to be important models of writing for Balzac. The symbolic value that Balzac attributed to the project, which runs from La Peau de Chagrin through Louis Lambert or Le Chef-d’œuvre inconnu up to Gambara and others, is shown in the theory of the figure that Balzac built for the artist and the genius, which runs throughout his entire work. La Recherche de l’Absolu has obviously a special value to the author, a central value that makes itself felt over Balzac’s thought.

Laélia Véron, « Lecteur et lecture dans La Recherche de l’Absolu de Balzac : lire le texte à sa juste valeur »

Le style de Balzac serait exécrable, son œuvre désordonnée et difficile à lire. Cette défiance critique, encore présente aujourd’hui, est née avec les premières publications de Balzac. En 1834, l’ambitieux roman La Recherche de l’Absolu est plutôt mal accueilli : cette fois-ci on reproche non seulement à l’auteur de mal écrire mais aussi de choisir un thème qui ne serait pas romanesque : la science. Balzac défend son roman et souligne l’importance de sa portée scientifique en classant l’œuvre en 1846 non plus dans les Études de mœurs mais dans les Études philosophiques. Avec La Recherche de l’Absolu, c’est une nouvelle vision du romanesque qu’impose Balzac. Par conséquent, c’est aussi une nouvelle lecture qui doit s’imposer pour pouvoir comprendre le texte à sa juste valeur.

“The reader and reading in Balzac’s La Recherche de l’Absolu: Reading the fair value of a text”

Balzac’s style has been said to be dreadful, his work muddled and difficult to read. From the time of publication of his first works up until today, Balzac has been looked upon with suspicion by critics. In 1834, his ambitious novel La Recherche de l’Absolu was received rather unfavourably: the writer was accused

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not only of writing badly but also of having chosen a theme, science, which was insuitable for a novel. In 1846, in an attempt to defend his novel and to underscore its scientific reach, Balzac chose to put it no longer in Études de mœurs (Studies of Manners) but in Études philosophiques (Philosophical Studies). With La Recherche de l’Absolu, it is a new novelistic vision that Balzac tries to impose. Consequently, a new reading is required to fully understand the value of the text.

Lara Popic, « Valeurs et textualité chez George Sand »

Notre étude cherche à cerner le rapport entre les valeurs et la textualité dans les récits de George Sand. Une volonté de dialogue traverse son œuvre, qui se traduit par l’élaboration d’une échelle de valeurs qui favorise les notions d’échange, d’inclusion et d’ouverture. En analysant les deux régimes du discours différents, le préfaciel et le romanesque, et en faisant appel aux concepts opératoires de la linguistique énonciative, de la théorie de l’argumentation et de la poétique des valeurs textuelles, nous mettrons en lumière un nombre de procédés utilisés dans le texte littéraire de George Sand pour construire et afficher ses valeurs.

“Values and textuality in George Sand’s works”

In this study we examine the relationships between values and textuality in George Sand’s novels. In her consciously dialogical œuvre she establishes scales of values that privilege notions of exchange, inclusion and openness. By analyzing two very different discursive forms, the prefatory and the fictional, and reverting to operational concepts grounded in enunciation and argumentation theories as well as in the poetics of textual values, we identify and bring to the fore a number of distinctive textual devices articulated in Sand’s literary works to construct and highlight their inherent values.

Aurélie Adler, « La fabrique de la valeur dans les narrations françaises contemporaines : le cas de Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Annie Ernaux et François Bon »

La production littéraire contemporaine suscite de nombreux débats axiologiques. Une partie des critiques se refusent à prononcer explicitement

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un jugement esthétique sur la qualité des œuvres. Une autre partie fustige régulièrement la littérature contemporaine pour son indigence esthétique, la pauvreté de son horizon politique et son repli formaliste. Mais qu’en est-il de la valeur pour les écrivains eux-mêmes ? Cet article montre comment la question de la valeur constitue, pour des auteurs comme Michon, Ernaux, Bergounioux et Bon, un enjeu esthétique, politique et sociologique majeur. Héritiers de la modernité, les écrivains contemporains fondent la valeur littéraire de leurs œuvres en scénarisant l’originalité de leur démarche esthétique et la marginalité de leur positionnement idéologique et sociologique.

“The making of Value in contemporary narratives: The case of Pierre Michon, Annie Ernaux, Pierre Bergounioux and François Bon”

Today’s literary production arouses numerous axiological debates. Some critics refuse to pronounce any explicit judgement on contemporary works’ aesthetical value. Others regularly blame contemporary literature for its indigent aesthetics, its poor political outlook and its withdrawal to formalism. But what about the question of value for the writers themselves? This article demonstrates how, for authors like Michon, Ernaux, Bergounioux and Bon, that question reveals a major aesthetical, political and sociological issue. Heirs of modernity, those contemporary writers base the literary value of their works on the originality of their approach and the marginality of their ideological and sociological place.

Lucie Lagardère, « La valeur politique de la littérature chez S. T. Coleridge »

Dans cet article, je présente rapidement l’esthétique politique de Samuel Taylor Coleridge telle qu’elle est construite dans ses Lay Sermons. J’esquisse d’abord les valeurs politiques de Coleridge en insistant sur son engagement pour des questions d’actualité entre 1800 et 1816 ; ce point montre l’importance des contingences factuelles dans sa pensée politique qui définit la démocratie comme l’unité politique faite de l’interpénétration de différents pouvoirs et de contrepoids nécessaires. Puis, dans un second point, j’examine les mêmes valeurs démocratiques en poétique ; la prose fonctionne comme l’état et se trouve fondée sur l’union différenciée de genres, de tons et de rythmes opposés. Cette forme poético-politique me semble enfin répondre à l’un des vœux des romantiques d’Iéna, le Roman.

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“The political value of literature in S.T. Coleridge’s works”

In this article, I’ll briefly present the political aesthetics of Samuel Taylor Coleridge as it appears in his Lay Sermons. First, I’ll sketch Coleridge’s political values by stressing his commitment in topical issues from 1800 to 1816 ; this allows me to show the importance of factual contingencies in his political thought, which defines democracy as a political unity made of interpenetration of different powers and necessity of counterpoises. Then, in a second part, I’ll examine the same democratic values in poetics: prose functions like the State and is based on the differentiated union of opposite genres, tones and rhythms. I argue that this poetic and political form fulfils one of Frühromantik wishes, named “Roman”.

Sébastien Baudoin, « Valeurs politiques et valeurs poétiques : les Méditations et Nouvelles Méditations poétiques de Lamartine »

Dans les Méditations et les Nouvelles Méditations poétiques, Lamartine mêle valeurs politiques et valeurs poétiques : le vers s’y fait parfois le lieu d’expression de ses engagements idéologiques changeants, laissant percevoir, en pointillés, l’évolution de ses idées. La valeur littéraire de la poésie s’en trouve transformée, intégrant cet engagement au sein des paysages bucoliques du lyrisme, sous la forme de parenthèses polémiques et engagées. Par l’intrication étroite des discours politiques et poétiques se constitue ainsi la voix singulière de Lamartine, cygne de la « poésie vraie », s’inscrivant dans la filiation de Byron.

“Political values and poetical values: Lamartine’s Méditations and Nouvelles Méditations poétiques

In the Méditations and Nouvelles Méditations poétiques, Lamartine mixes political values and poetic values: the verse sometimes expresses his changeable ideological commitments, letting the reader perceive the evolution of his ideas step by step. The literary value of poetry is transformed there, integrating this commitment within the bucolic landscapes of lyricism in the form of polemical and committed brackets. Thanks to the narrow intricacy of the political and poetic speeches, the singular voice of Lamartine, the swan of “true poetry”, can be heard, fully in tune with Byron.

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Mohamed Djihad Soussi, « Du détour comme nécessité. Les derniers romans de José Saramago entre vertige esthétique et lucidité politique »

À travers l’examen de certains mécanismes régissant les romans tardifs de l’écrivain portugais José Saramago, notamment sa fable politique La Lucidité, « Du détour comme nécessité » explore une œuvre à la fois baroque et subversive, fondée sur l’impossibilité de considérer le « réel » et la « fiction » comme deux univers étanches, extérieurs l’un à l’autre, voire structurellement séparés. Cela dit, l’auteur part en guerre contre les rationalisations pures, le culte de la Majuscule et des Valeurs abstraites, afin d’abolir cette vieille opposition entre « essence » et « apparence » et de défendre une littérature assumant le réel dans sa complexité, sans pour autant se résigner aux aléas de notre charnelle, trop charnelle condition.

“Of detour as a necessity. José Saramago’s later novels between aesthetic vertigo and political lucidity”

By examining some of the mechanisms which govern Portuguese writer José Saramago’s later novels –and more specifically his political fable Seeing–, “Du détour comme nécessité explores a work which is both baroque and subversive, based on the idea that it is impossible to consider “Reality” and “Fiction” as leakproof, external to each other or even structurally separate. Meanwhile, its author declares war on strict rationalization, the cult of Capital Letters and Abstract Values in order to abolish the old opposition between essence and appearance and to defend a literature which is in tune with a complex reality without simultaneously accepting the hazards of our carnal, too carnal condition.

Ferroudja Allouache, « Les Soleils des Indépendances : une œuvre polyphonique »

Parler de la valeur de l’œuvre littéraire, c’est convoquer les notions de canon et d’esthétique qui renvoient à des modèles dont les évaluations, les jugements sont à la fois idéologiques et historiquement ou socialement construits. Or, quand il s’agit d’aborder les textes appartenant aux littératures dites « francophones », qu’ils soient de facture classique ou qu’ils transgressent la norme, la question de la valeur littéraire semble évacuée ;

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on lui préfère une approche essentiellement ethnologique, sociologique et politique. Les Soleils des Indépendances, refusé par plusieurs maisons d’édition françaises, a trouvé un accueil favorable au Canada en 1968. Il sera ensuite publié au Seuil en 1970. Cette situation s’expliquerait-elle par le fait que l’œuvre de Kourouma était trop éloignée du canon littéraire occidental, opérant une rupture avec ce qui était attendu de la part d’un auteur des anciennes colonies, pour proposer une esthétique nouvelle, subversive, affranchie des normes établies ?

Les Soleils des Indépendances: a polyphonic work”

To refer to a work of literature is to evoke notions of canon and aesthetics which stem from models of judgement and appraisal that are both ideological and socio-historically constructed. Yet when the literary text is classified as “Francophone”, whether classical or in some way transgressive, the question of literary merit seems secondary to the essentially ethno-sociological and political dimensions of the text. Les Soleils des Indépendances, after being rejected by several French publishing houses, was well received in Canada in 1968 and only then was published by Seuil in 1970. Could this initial rebuff be explained by the fact that the work of Kourouma was too removed from the Western literary canon, breaking from the established norms expected from an author of the former colonies in its subversive new aesthetics?

Marion Mas, « Épique et travestissement burlesque dans Les Soleils des Indépendances : valeurs politiques de la bâtardise »

Interrogeant les modalités d’écriture du thème politique dans Les Soleils des Indépendances, cette étude montre que la mise en récit du passage de l’histoire et des recompositions politiques et sociales passe par une référence constante du texte romanesque au registre épique, et par sa subversion simultanée. L’examen des diverses mises en œuvre de cette transgression de l’épique révèle que, par-delà la satire, elle vise à questionner le fondement même de tout discours, et à rendre visibles des lignes de conflit inhabituelles. Dans l’écriture même, une écriture de la bâtardise, se jouerait alors un réagencement du « partage du sensible » (Jacques Rancière), susceptible de conférer une portée politique au roman.

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“The epic and the burlesque in Les Soleils des Indépendances: the political value of bastardized style”

This article analyses how political issues are handled in the writing procedures of Les Soleils des Indépendances, and shows how the narrativisation of history and in particular of political and social upheaval is achieved through constant reference and simultaneous subversion of the epic style in what is essentially a novelistic enterprise. This subversion is achieved through various ways which, beyond mere satire, aim to put into question the very foundations of any kind of discourse, and to shed light on customarily opaque areas of conflict. This bastardized writing may consequently offer the possibility of rearranging the “partage du sensible (Jacques Rancière) in order to give the novel political impact.

Habib Salha, « La littérature maghrébine d’impression française »

La littérature maghrébine d’impression française ne célèbre pas les valeurs du passé, mais les transforme, ne contemple pas les vestiges, mais les subvertit, ne mystifie pas l’héritage des littératures du monde, mais le remet dans un nouveau circuit de sens. L’acte est son lieu, la passion sa raison, le cheminement sa vision, la lumière où tout fond et se confond son horizon. Écrire ailleurs, autrement et autre chose, c’est dépasser la littérature de l’expression avec ses paradigmes obsessionnels, ses couleurs locales, c’est être de ce monde, de ses rives et de ses dérives.

“The francophone literature from Maghreb imbued with the French legacy”

The “littérature maghrébine d’impression française” –the francophone literature from Maghreb imbued with the French legacy– does not celebrate the values of the past but transforms them ; it does not look back on remains but subverts them ; it does not mystify the legacy of world literature but recirculates it in a new circuit of sense. Action is its location, passion its reason, moving forward its vision and the light in which everything can be fused and confused its horizon. Writing something different in a different place and in a different way means going beyond the literature of “expression” with its obsessive paradigms and its local colour. It means being part of this world, of its shores and its shifts

1 Dans l’ordre où les articles se succèdent dans l’ouvrage.