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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : La Transmission du savoir dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles
  • Auteur : Wild (Francine)
  • Pages : 7 à 10
  • Réimpression de l’édition de : 2000
  • Collection : Rencontres, n° 194
  • Série : Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne, n° 19
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812457418
  • ISBN : 978-2-8124-5741-8
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5741-8.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/10/2008
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Après deux colloques, en 1993 et 1995, où le XVP et le XVIP siècles étaient envisagés surtout pour les évolutions intellectuelles, esthétiques, culturelles, alors intervenues dans tous les pays d'Europe^ le groupe « XVP et XVIP siècles en Europe » de l'Université de Nancy II, récemment reconnu comme «jeune équipe », a choisi le thème de la transmission du savoir pour son troisième colloque, qui a rassemblé du 20 au 22 novembre 1997 plus de trente chercheurs d'horizons divers. La question est large : elle peut couvrir tous les domaines de la pédagogie, de l'édition, et concerne de nombreux genres littéraires. Les propositions de communications nous ont surtout montré que les différents aspects de la transmission, qu'il s'agisse de la réflexion - souvent très pragmatique - sur les objectifs, de la délimitation du savoir, du choix d'une médiation, de l'observation des conditions de la diffusion d'un savoir, n'étaient presque jamais bien distincts : comment rendre compte d'un enseignement ou d'un ouvrage didactique sans parler des objectifs pédagogiques ? Comment étudier les savoirs nécessaires à un corps de métier ou à un groupe particulier (les femmes, par exemple, ou les nobles) sans évoquer d'emblée la méthode propre à les transmettre ? Le plan méthodique adopté a inévitablement un aspect artificiel. Entre les études consacrées aux types de savoir, à la mise en savoir, à la circulation du savoir, il en est peu qui ne touchent plus ou moins aux trois aspects. C'est en observant la dominante de la démarche que nous avons effectué notre classement définitif. Le colloque n'en a pas moins mis en évidence un certain nombre de résultats du plus grand intérêt. D'abord, il est clair

1 Tourments, doutes et ruptures dans l'Europe des XVI^ et XVW siècles, Actes du colloque de Nancy (25-27 novembre 1993), réunis par J. C. Amould, P. Demarolle et M. Roig Miranda, Paris, Champion, 1995, 270 p. Regards sur le passé dans l'Europe des XVI' et XVII' siècles. Actes du colloque de Nancy (14-16 décembre 1995), réunis par Francine Wild, Berne, P. Lang, 1997,425 p.

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qu'aux XVI® et XVII® siècles le savoir est regardé comme un trésor, un bien qu'on accumule, qu'on classe et qu'on trie, pour soi-même et pour autrui. La communication de V. Carasso sur la naissance de la cosmographie au XVI® siècle montre comment les découvertes augmentent les connaissances en même temps qu'elles imposent une restructuration des savoirs. Le travail critique est désormais indispensable, comme le confirment les apports de G. Vagenheim et F. Wild. Mais, le savoir a aussi un but moral, et plusieurs communications ont mis en relief cette alliance humaniste entre savoir et sagesse, « science » et « conscience » : en particulier celles de C. Vafllo, M. Zuili et W. Bots. L. Lobbes en établissant la liste des recueils de citations nous met sous les yeux un héritage livresque commun, porteur de modèles pour la pensée comme pour la vie. Il y a donc dans cette période à la fois une très grande continuité apparente dans la transmission du trésor légué par les Anciens et une intense activité de restructuration des savoirs, liée aux découvertes et aux nouvelles sciences. Quels sont les véhicules du savoir ? Plusieurs communications ont mis en évidence la place essentielle de l'image, qu'il s'agisse de l'emblème, sur lequel sont intervenus trois spécialistes, C. F. Brunon, C, Bouzy et A. Trueblood, ou de l'iconographie pieuse, objet de l'exposé d'E. Ruiz-Gâlvez Priego. Parmi les formes écrites, plusieurs se prêtent particulièrement bien au didactisme. Le poème didactique, étudié par G. Banderier, et les recueils de citations, s'inscrivent dans une tradition de la memoria. On doit aussi remarquer l'importance, pour la période qui nous intéresse, du genre du dialogue, objet des communications d'A. Roig, de J. Ferreras-Savoye, de R. I. Vulcan, d'A. M. Chabrolle-Cerretini. J. Strauss et C. F. Brunon, en étudiant des manuels, attirent notre attention sur l'enseignement scolaire, alors en plein développement. Les communications directement tournées vers la réception des ouvrages montrent à quel point le genre - faut-il dire le « medium »? - détermine et informe le message

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(L. Lobbes, I. Reck, F. Wild). C'est aussi aux XVF et XVIP siècles que l'on voit les langues vernaculaires prendre une importance de plus en plus grande (A.-M. Chabrolle, J. Strauss), et plusieurs des intervenants (A. Mantero, C. Demaizière, M.-H. Maux-Piovano, G. Vagenheim) dégagent les problèmes nouveaux de traduction ou d'apprentissage des langues qui apparaissent et la réflexion qui s'engage alors sur les langues. L'observation concrète des situations d'enseignement et d'apprentissage dans plusieurs des communications montre que l'on transmettait moins des connaissances abstraites qu'un savoir- faire et une expérience, au sens fort du terme. L'apprentissage se fait sur le tas pour la plupart des métiers ou des arts (P. Demarolle, M. Vasselin) et c'est par osmose que les membres d'un groupe, qu'il s'agisse des courtisanes, des princesses, ou même des héros fictifs des romans de chevalerie, acquièrent les talents nécessaires (L. Impériale, E. Viennot, M. Rothstein). Même l'enseignement des langues comporte des aspects pratiques évidents et vise en premier lieu à répondre aux besoins des marchands, voyageurs obligés : sur ce point les deux communications de C. Demaizière et M.-H. Maux-Piovano convergent. Simultanément, on voit des enseignements techniques et concrets se transmettre désormais par l'écrit, comme en témoignent les communications de M.-M. Fragonard, de J. Ferreras-Savoye, de M.-A. Etayo-Pinol. Les possibilités offertes par l'imprimé et l'accélération des progrès techniques vont de pair. Derrière la diversité des exposés sont apparues un certain nombre de réalités communes. La Réforme catholique en particulier apparaît comme un mouvement culturel puissant dans de nombreuses communications (A. Cullière, C. Gaignard, E. Ruiz- Gâlvez Priego, E. Marigno, I. Reck, A. Mantero). Le collège, l'Université, le théâtre, le sermon, les lectures pieuses, tout doit contribuer à assurer la piété et l'orthodoxie de l'homme du peuple comme de l'homme cultivé. Rien n'est cependant figé dans la vie

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de cette époque et le colloque a permis de vérifier l'importance de la circulation des hommes, des idées et des textes, même s'il s'agit parfois, comme dans les cas évoqués par P. Demarolle et G. Vagenheim, de livres volés ou d'un jeune homme en fugue. L'unité idéologique n'empêche pas la variété extrême des itinéraires individuels. Cette constatation, de même que la richesse des échanges auxquels les communications ont donné lieu, confirme le bien- fondé du choix pluridisciplinaire et plurinational qui a commandé l'organisation de ce colloque. Il n'a pu avoir lieu que grâce au soutien actif de l'Université et de l'École doctorale. La MAIF et le Crédit Mutuel de Nancy-Centre nous ont également apporté leur aide. La gratitude de notre équipe leur est acquise.

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