Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Tragédie sainte en France (1550-1610). Problématiques d’un genre
- Pages : 389 à 393
- Collection : Rencontres, n° 295
- Série : Le Siècle classique, n° 8
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406068167
- ISBN : 978-2-406-06816-7
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06816-7.p.0389
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/03/2018
- Langue : Français
RÉsumÉs
Charles Mazouer, « Révolte et consentement dans les tragédies bibliques de la Renaissance »
La révolte métaphysique constitue un lieu théologique, le croyant juif et le croyant chrétien devant articuler la conscience de sa liberté avec les épreuves imposées par une volonté divine, une Providence qui les déborde et qu’ils croient bonne. L’article analyse les personnages qui campent de manière absolue dans la révolte ou dans la résignation. Les situations dramatiques les plus intéressantes sont celles où la révolte se trouve dépassée par le consentement qu’apporte l’approfondissement de la foi.
Sabine Lardon, « Qu’est-ce qu’une tragédie sainte ? Étude des paratextes des premières tragédies Saintes : Bèze, Des Masures, Rivaudeau, La Taille »
Dans la continuité des travaux de Dario Cecchetti et de Jean-Dominique Beaudin, cette contribution montre comment les auteurs ont tenté de définir leur entreprise et d’envisager la tension entre forme tragique et inspiration biblique, à travers l’étude de quatre paratextes de tragédies saintes : Théodore de Bèze, Abraham sacrifiant (1550) ; Louis Des Masures, Tragedies sainctes (1563) ; André de Rivaudeau, Aman (1566) et Jean de La Taille, Saül le Furieux (1572).
Christian Biet, « Émotions et effets frappants dans la tragédie de martyre en France (xvie-xviie siècle), ou comment torturer les saints »
Plutôt qu’une quelconque rupture dans l’histoire du théâtre, entre la fin du xvie et le début du xviie siècles, il semble bien qu’une sorte de continuité domine entre une tragédie humaniste et une tragédie de l’action et de la violence. Ces deux types sont complémentaires, et de même que le xvie siècle n’est pas un moment de silence ou un trou noir dans l’histoire du théâtre, la fin du xvie et le début du xviie figurent un moment particulièrement riche de cette histoire.
390Jean Balsamo, « Tragédie sainte, tragédie héroïque à sujet sacré. Un genre pour les dames ? »
La tragédie sainte des milieux universitaires réformés fut reçue vers 1570 à la cour de France et plus généralement dans les cercles nobiliaires sous la forme d’une tragédie héroïque à sujet biblique, mettant en scène des femmes fortes. La plupart de ces tragédies sont dédiées à des dames, à qui elles offrent le plaisir spécifique d’une délectation par les larmes et l’admiration : ce patronage confirme le rôle d’une « instance féminine ».
Dario Cecchetti, « Dalla tragedia classica alla tragédie sainte. Evoluzione di un linguaggio »
Parallèlement à un processus de reductio de la tragédie sainte à la tragédie ancienne grecque et latine, au xvie siècle l’article relève un processus inverse de reductio de la tragédie qui se veut classique à la tragédie sainte. Ce processus de christianisation de la tragédie classique résulte évident à deux niveaux. La fabula dans son ensemble est réinterprétée dans un sens chrétien, mais il y a un niveau dans le processus de christianisation, plus significatif, qui concerne le lexique et l’imaginaire.
Jean-Dominique Beaudin, « Robert Garnier, correcteur de tragédie. Observations sur quelques variantes des Juives »
Dans la seconde édition des Juives (1585), Robert Garnier apporte des corrections. Certaines ont trait à la cohérence grammaticale, d’autres à l’élocution, d’autres concernent le genre théâtral tragique ou la signification religieuse de la tragédie. Robert Garnier semble soucieux de remédier aux incohérences ou aux obscurités grammaticales, il cherche à améliorer l’expression, à la rendre plus harmonieuse ou plus précise, à introduire de nouvelles images ou à supprimer celles qui pourraient choquer.
Véronique Ferrer, « Prière et tragédie sainte. De Louis des Masures (1566) à Antoine de Montchrestien (1601) »
Cet article s’intéresse au statut, à la fonction et à la poétique de la prière dans la tragédie réformée à la Renaissance. Chaque tragédie adapte son discours spirituel à l’actualité politique, religieuse et littéraire, les trois étant inextricablement liées : 391elle implique un pragmatisme dévotionnel (comment doit prier un réformé), un militantisme confessionnel (défendre et protéger l’identité du huguenot), sans cesser d’illustrer à sa manière la langue française (comment doit écrire un protestant).
Maurizio Busca, « Séduction et galanterie dans les tragédies bibliques de Montchrestien. Une “Muse maquerelle” à l’œuvre ? »
Bien que la finalité déclarée des tragédies David et Aman soit éminemment édifiante, une large partie de ces pièces est consacrée à la célébration de la beauté féminine et de son pouvoir. Ce traitement particulier des épisodes bibliques de séduction n’est pas isolé, mais s’inscrit dans la continuité d’une tradition poétique et iconographique bien affermie au xvie siècle, tout en étant fonctionnel à la critique de certaines formes d’amour (et de poésie amoureuse) que l’auteur juge dégradantes.
Florence de Caigny, « Du Baptistes sive Calumnia de George Buchanan au Baptiste de Roland Brisset. Mise en français et inflexions contemporaines »
Roland Brisset se livre à une imitation et non à une traduction du Baptistes de George Buchanan. Il structure sa pièce suivant le modèle de l’époque, la tragédie à l’antique, et actualise le sens du texte par ses transformations dans l’adaptation en français. Les personnages obtenus dévoilent les mécanismes du pouvoir entre roi, courtisans et proches. Offrant un écho des débats de son temps, Brisset souligne la nécessité d’un prince vertueux respectant les lois humaines conçues à l’image des lois divines.
Franco Giacone, « Le Sac de Cabrières et de Mérindol. Une tragédie anonyme ? »
Cette étude sur la tragédie Le Sac de Cabrières et de Mérindol s’interroge sur les dédicataires et sur d’éventuels auteurs. Elle s’interroge aussi sur le sens de l’adjectif « Sainte » appliqué au genre des tragédies religieuses.
Frank Lestringant, « La tragédie ou la colère de Dieu. Les tragédies saintes de Jean de La Taille : Saül le furieux, La Famine, ou les Gabéonites »
Publiées en 1572 et en 1573, Saül le furieux et La Famine, ou les Gabéonites, forment les deux pans d’un diptyque – diptyque tragique de la fureur et de la 392faim. Le roi Saül pourrait être appelé « Saül le superbe ». Son délire est mégalomaniaque, et cette folie des grandeurs prend un tour insolent. La Famine, ou les Gabéonites consomme la catastrophe amorcée dans Saül le furieux. Jean de La Taille plaque un zeste d’Euripide et de larges pans de Sénèque sur le canevas biblique.
Daniela Mauri, « Joseph le chaste de Nicolas de Montreux. Une “comédie sainte” multiforme »
L’étude porte sur Joseph le chaste de Nicolas de Montreux, publié en 1601. Le texte, bien que le sujet soit tiré de la Bible et de Flavius Josèphe et soit digne d’une tragédie est défini comme une comédie. L’auteur exalte la chasteté de Joseph, opposée aux désirs impurs de la femme de Putifar, et introduit des scènes et des personnages plus proches du genre comique et pastoral que de celui tragique. Les différentes alternances des genres permettent de relever le caractère original et multiforme de la pièce.
Alessandra Preda, « Sichem ravisseur de François Perrin. Une mise en doute de la “sainte” violence »
L’analyse porte sur l’œuvre de François Perrin, Sichem ravisseur, tragédie sainte tirée du xxxive chapitre de la Genèse. Le sujet, la mise en forme presque médiévale, traduisent la relation conciliatrice que la pièce maintient avec les mystères et l’exégèse des pères de l’église : le viol reste l’élément matriciel de l’action tragique qui permet de s’interroger sur les conséquences graves de la désobéissance et de l’irresponsabilité. Le trait saint n’appartient qu’aux personnages aux marges de ce spectacle.
Zoé Schweitzer, « La Philanire de Roillet (1556, 1563). Une école de l’éthique ? »
Philanire constitue une tragédie sainte originale, sans source biblique mais non sans morale chrétienne. La religion y apparaît de manière diffuse et discrète, perçant dans les expressions lexicales les situations dramatiques ou l’invitation à un arbitrage moral. Cette pièce en latin, puis autotraduite en français, met en œuvre un syncrétisme culturel entre références antiques et chrétiennes et un syncrétisme intellectuel entre réflexion et poésie, philosophie et tragédie, éthique et praxis.
393Ruth Stawarz-Luginbühl, « “De son aigre douleur la playe tres-profonde”. L’Aman d’Antoine de Montchrestien (env. 1598), une tragédie huguenote à l’orée de la paix »
Publiée en 1601, remaniée et rééditée en 1604, la tragédie Aman d’Antoine de Montchrestien transpose dans un cadre dramatique les inquiétudes éprouvées par bon nombre de protestants français au lendemain de l’Édit de Nantes. La matière d’Esther, déjà traitée par André de Rivaudeau dans le contexte du début des guerres de religion, permet au dramaturge de réfléchir au paradoxe d’une paix qui nourrit la hantise d’un plan d’extermination fomenté par le roi apostat sous l’influence des puissances catholiques.