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Classiques Garnier

Introduction

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : La Traduction du texte juridique. Prudence et imprudence du traducteur
  • Auteurs : Khalfallah (Nejmeddine), Moucannas (Hoda)
  • Résumé : L’introduction pose la problématique de l’ouvrage, son intérêt et ses enjeux. Elle délimite le corpus qui englobe toute forme de discours formels (juridique, politique et diplomatique). Elle présente enfin les deux parties de l’ouvrage avec les thèmes des sous-sections pour en montrer la cohérence.
  • Pages : 7 à 9
  • Collection : Rencontres, n° 613
  • Thème CLIL : 3146 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage
  • EAN : 9782406161301
  • ISBN : 978-2-406-16130-1
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16130-1.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/03/2024
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Traduction juridique, prudence, traduction politique, terminologie juridique, juritraductologie
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Introduction

La production et la traduction des textes formels, en particulier ceux qui relèvent de la sphère politique et juridique, exigent la mise en place dune stratégie prudente dans les deux phases concernées. Cette prudence requise est dautant plus nécessaire que lémergence et la restitution du sens deviennent, dans les domaines politiques et juridiques concernés, un acte cognitif et linguistique périlleux. Dans ces catégories de discours, les enjeux inhérents aux notions abordées pourraient engager la responsabilité scientifique, voire civile, des néologues et des traducteurs. Ceux-là se trouvent face à un dilemme insoluble : agir avec imprudence ou prendre des précautions excessives pour ne pas commettre lirréparable. Prudence et imprudence sont donc les deux chaînes entre lesquelles énonciateur/traducteur se situent lorsquils agissent sur et à travers des textes formels.

Cependant, la série de précautions à prendre, lors du processus néologique ou traductologique, dépasse largement le cadre purement linguistique, car elle sapparente aux enjeux de pouvoir, à la diversité des représentations culturelles, mais aussi aux décisions et praxis politiques et judiciaires dune aire culturelle bien déterminée.

Faut-il prendre ces précautions pour réaliser une création néologique / traduction prudente qui tiendra compte de toutes les spécificités et contraintes des textes et notions ? Ou baisser la garde, car trop de prudence prise pourrait conduire à la manipulation de la réalité de lautre et à en déformer lessence ?

Quil sagisse dun simple lecteur profane, dun expert de traduction ou même dun usager spontané, les compétences requises pour diagnostiquer les imprudences dans les choix opérés, ou à linverse les précautions excessives ne sont pas toujours au rendez-vous. Pour cela, il ne faudrait pas confondre le couple binaire (prudence/imprudence) avec celui de (précision/imprécision) qui agit davantage sur la qualité des néologismes/traduction, leur fidélité et élégance. Ces deux notions 8touchent davantage le processus néologique/traductologique dans sa totalité et englobent lintégralité des choix opérés.

En néologie tout comme en traduction, limprudence pourrait témoigner dune certaine audace, dune réelle liberté créative nécessaire à chaque aventure de restitution du sens. Elle pourrait sassimiler cependant à des bévues, étourderies, hardiesse et imprévoyance. Bref, à la témérité, ou simplement à la négligence et aux sottises. Doù la nécessité détablir une taxinomie rigoureuse des types dimprudence pour démontrer les champs dont elle relèverait.

De même, et comme dit Jules Renard : « Avec de la prudence, on peut faire toute espèce dimprudences ». Dans la néologie tout comme dans la traduction, exagérer les précautions conduirait à une sorte de déformation qui altère le sens et entrave la clarté du message ; les précautions excessives pourraient savérer alors dangereuses, fâcheuses, regrettables.

Cest ainsi que nombre de questionnements surgissent lorsque lon aborde cette problématique de prudence/imprudence dans la production et traduction des textes formels, tels que : Quels sont les contextes et contraintes qui génèrent cette prudence et en font une vertu de néologisme/traduction ? Est-ce la nature même des textes ou lenvironnement culturel de leur réception ? Quand la prudence légitime devient-elle une entrave, ou bien quand limprudence créatrice devient-elle dévastatrice ? Comment certaines fautes involontaires, dues à un manque de prévoyance ou de précaution, pourraient engager la responsabilité civile ou parfois même pénale des traducteurs ?… Ainsi que nombre dautres questionnements auxquels les auteurs et auteures des différents chapitres ont essayé dapporter leur réponse.

Bien que lon ne puisse séparer quartificiellement les concepts traductologiques de la praxis, qui a de loin précédé la conceptualisation, il a fallu quand même adopter un certain ordre. Ainsi, cet ouvrage se présente en deux grandes parties : celle qui aborde les raisons pour lesquelles le concept de prudence/imprudence a tout à fait sa place parmi les concepts traductologiques, aux côtés de ceux de lerreur et de la faute ; la seconde partie, quant à elle, constitue un ensemble détudes de cas illustrant le concept de prudence/imprudence, mais pas seulement.

Plusieurs chapitres font acte de la nécessité duser dune approche juritraductologique à trois phases (sémasiologique, droit comparé, onomasiologique) dans le domaine de la traduction et de la terminologie 9juridique. Les études de cas concernant les doublons juridiques, le délit dassociation mafieuse et le dialogue entre juges de cultures différentes en constituent des illustrations pertinentes.

Les langues de travail auxquelles il est fait appel dans les différents chapitres sont au nombre de cinq : anglais, arabe, espagnol, français, italien et portugais. Ce sont autant daires culturelles qui nous portent vers les éternels problèmes de restitution non seulement du sens mais aussi de la culture source en traduction aussi bien quen terminologie. Ainsi, la traduction du droit de la garde en Tunisie, de la Mudawwana du Maroc mais aussi et entre autres, des termes du cyberdroit et ceux en usage lors de la traduction dans le domaine diplomatique représentent autant de situations où lexercice de la prudence savère vital.

Certains chapitres ont voulu mettre laccent sur limportance capitale que revêt la prudence dans la traduction de termes spécifiques, tels que celle de « dénonciation » et « plainte » entre français et italien, et aussi sur le tiraillement effectué par les cultures source et cible sur des termes appartenant au droit islamique tels que : iša, charia, fatwa, dawla, umma…

La traduction étant interdisciplinaire par nature et par vocation, la stratégie traduisante au sein des domaines aussi variés où sont énoncés des textes formels (juridique, diplomatique, religieux, politique…) ne peut se révéler valide que si elle prend en compte tous les paramètres requis (linguistique, culturel, terminologique, historique…) afin que la traduction réalise les objectifs pour lesquels elle a été créée. Les textes étant formels, les objectifs seraient donc pragmatiques, doù limportance qui a été accordée dans tous les travaux qui constituent cet ouvrage à lexercice de la prudence raisonnée, non étriquée, lors de toute opération traduisante, bannissant de la sorte toute imprudence source de malentendus sinon de crises ou de catastrophes.

Hoda Moucannas
et Nejmeddine Khalfallah

Juin 2023