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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : La Taille des romans
  • Auteurs : Samoyault (Tiphaine), Gefen (Alexandre)
  • Pages : 7 à 8
  • Collection : Théorie de la littérature, n° 5
  • Thème CLIL : 4053 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Théorie Littéraire
  • EAN : 9782812439308
  • ISBN : 978-2-8124-3930-8
  • ISSN : 2261-5717
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3930-8.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 21/02/2013
  • Langue : Français
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Avant-propos

Il est très rare qu’une réflexion sur un objet intellectuel réunisse des spécialistes de toutes les périodes de l’histoire littéraire, spécialistes marqués par des usages multiples et variés de la théorie : linguistique, poétique, théories de la lecture… Tel est pourtant le cas de cette réflexion transhistorique et interdisciplinaire sur « la taille des romans », partie d’une interrogation que l’on espère originale sur la forme romanesque. S’interroger sur des questions de quantité, c’est en effet réfléchir sur le genre par le biais de la forme (ce que suggère l’examen des différents sens du terme de « taille »). C’est se demander quels sont les enjeux formels et énonciatifs du gigantisme et comment penser en termes esthétiques les effets de taille, d’échelle et de proportions. Brièveté ou longueurs font-elles nécessairement sens ?

Dans l’ordre de la dimension, les pouvoirs quantitatifs du roman, qui embrassent un spectre exceptionnellement vaste, dépassent en effet tous ceux des autres genres littéraires, du Grand Cyrus de Mlle de Scudéry (13 000 pages) aux Hommes de bonne volonté de Jules Romains (27 volumes). Comment comprendre, dans son histoire, cette propension du roman à la démesure ? Existe-t-il une continuité des immenses romans dits « baroques » au roman moderniste du xxe siècle en quête d’un langage-monde ? Faut-il supposer également une géographie mondiale de la longueur, qui verrait aujourd’hui le très long roman – à la fois social et psychologique – prospérer en Angleterre ou dans les Amériques, et décliner au contraire en Europe continentale ?

Existe-t-il en effet, du côté de la théorie littéraire, des affinités réelles entre la dimension de l’œuvre et celle de l’univers représenté ? Comment penser les liens entre la quantité fictionnelle et l’ampleur textuelle ? Les grandes œuvres relèvent-elles toutes d’une ambition de totalisation équivalente, y compris celles qui ne font pas de la quantité et de la longueur un critère matériel de cette ambition ? Que penser, dans ce cadre, des formes particulières de débordements que sont les continuations, les

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suites, les transcriptions dans d’autres arts ou dans les pratiques paralittéraires ou ludiques qui accompagnent nombre d’œuvres ?

Qu’en est-il enfin du lecteur ? L’attraction pour les très grands romans relève-t-elle d’un mécanisme d’immersion spécifique, d’une pulsion d’englobement ? Met-elle en place de formes particulières d’attachement au genre ? Quels rapports entretiennent la temporalité de la lecture et le temps du roman ? Les limites perceptives ou mémorielles et les usages historiques de lecture s’accommodent probablement d’une manière singulière des univers dilatés des très grands romans et du risque d’illisibilité qui les frappe.

Si les historiens et théoriciens de la littérature auxquels nous avons demandé de réfléchir à la question de la taille des romans s’accordent sur le fait que le nombre de pages ne pouvait constituer un critère générique, chacun a pris en charge un moment de l’histoire du roman ou de la pensée du roman pour comprendre un aspect de son impact mémoriel et de sa particularité en tant que forme donnée à la prose, marquée par une relation au temps et à l’espace, et par une liaison étroite avec l’histoire et avec la vie.

Tiphaine Samoyault
et Alexandre Gefen

La Fondation des Treilles, créée par Anne Gruner Schlumberger, a notamment pour vocation d’ouvrir et de nourrir le dialogue entre les sciences et les arts afin de faire progresser la création et la recherche contemporaines. Elle accueille également des chercheurs et des écrivains dans le domaine des Treilles (Var). Pour de plus d’informations : www.les-treilles.com.