Un point de vue génétique

L’investigation menée par cet essai est, redisons-le, celle d’un processus, la stylisation du discours ; il convient en premier lieu d’en décrire les conditions, et notamment d’en préciser le cadre.

En substituant « stylisation » à « style », on aborde ce dernier dans la dynamique de sa construction, comme une valeur qui advient au discours par degrés. La démarche permet de déplier un objet complexe, doté de qualités contradictoires qui naguère lui valaient la réputation « d’objet insaisissable », pour désormais l’appréhender comme un objet évolutif qui progresse en modifiant ses contours. Les pages qui suivent développeront une approche génétique inspirée par la pensée de Gustave Guillaume. Cette pensée, centrée sur l’idée d’une élaboration mentale des phénomènes linguistiques, les situe dans une perspective unifiante qui résout la pluralité de leurs avatars dans la cohérence d’une progression conceptuelle.

Ainsi la stylisation du discours sera-t-elle présentée dans un cadre englobant, celui d’une appropriation de la langue par un sujet parlant, en vue d’un projet discursif. Cette appropriation est un mouvement bi-polaire, orienté vers le général et vers le particulier, développé sur deux axes, celui de la subjectivité, invitée par le premier sens du mot appropriation (action de faire sien), et celui d’un gain de valeur découlant du second (action de rendre approprié) ; ces deux axes seront schématisés par des lignes orientées, l’une horizontale et l’autre verticale, formant les coordonnées d’une fonction que j’ai appelée La Diagonale du style.

La notion de style peut être saisie en différents états le long de cette diagonale et, dans sa progression, on observe le rôle qualifiant de l’appropriation à un genre de discours, qui en première instance conditionne l’émergence d’un style, « style » étant alors entendu comme ensemble de traits collectifs reconnaissables. Mais ce cadre accueille également une requalification, produisant du style dès lors que les 18déterminations du genre de discours sont transposées et sémiotisées dans un contexte traversé par l’effet d’un art. Nous verrons ainsi comment l’étape générique constitue une charnière, et comment les genres, des genres de discours aux genres littéraires, agissent en véritables profileurs stylistiques.