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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : La Revue des lettres modernes
    2024 – 3
    . L’Asie sur la scène
  • Pages : 11 à 13
  • Revue : La Revue des lettres modernes
  • Série : France/Asie, n° 1
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406167327
  • ISBN : 978-2-406-16732-7
  • ISSN : 0035-2136
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16732-7.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/04/2024
  • Périodicité : Mensuelle
  • Langue : Français
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Avant-propos

Il nexistait jusquà aujourdhui aucune collection ni aucune revue consacrée aux échanges littéraires entre la France et lAsie dans le paysage éditorial français. Pourtant les espaces, les cultures et les littératures asiatiques marquent de leurs empreintes de nombreuses œuvres littéraires en langue française – ou francophones : dans la période qui relève de cette nouvelle série, du premier xixe siècle à nos jours, la Chine et lInde intéressent, ou même fascinent, dès le premier Romantisme, le Japon à partir de la vogue du japonisme des années 1870, le Vietnam, le Laos et le Cambodge dans le sillage de la conquête coloniale de ce qui deviendra l« Indochine » à partir des années 1880. Le développement des communications, des transports et des voyages, la sécularisation et la multiplication des travaux de lorientalisme savant, la publication de nombreuses traductions amplifient ces échanges au tournant du xixe au xxe siècle, jusquà les rendre courants de nos jours. Parallèlement, on découvre dès les xixe siècle des œuvres dues à des auteurs francophones dorigines asiatiques, elles aussi souvent fort peu étudiées.

Dans ce contexte, cette série propose donc denvisager les œuvres littéraires qui naissent dune expérience asiatique de leurs auteurs, que cette expérience soit indirecte ou directe, livresque ou vécue. Elle entend se pencher sur des textes français, mais aussi francophones, qui ont été marqués par lune des cultures ou des littératures de lAsie. Dans ces œuvres, lAsie peut alors apparaître sous des statuts très différents, selon les périodes et les auteurs : comme un support plus ou moins imaginaire, comme un espace géographique et culturel provoquant un sentiment daltérité extrême, comme un objet détudes et de réflexions, comme une source de thématiques, de trames narratives ou de modèles littéraires formels, par exemple.

Au xixe siècle, lintérêt pour la Chine se trouve renouvelé à partir des premiers romantiques, qui étudient son histoire et sinspirent de sa 12littérature en se fondant sur des sources et des médiations encore très incertaines et indirectes, chez Étienne de Senancour, Honoré de Balzac, Théophile Gautier, Stéphane Mallarmé, Judith Gautier, parmi dautres. Mais la possibilité daccéder à des traductions plus nombreuses et plus sûres, et plus encore celle de voyager ou de séjourner en Chine préparent une nouvelle vague décrivains bien mieux informés au tournant des xixe et xxe siècles, parmi lesquels on cite le plus souvent Paul Claudel, Victor Segalen, un peu plus tard Saint-John Perse. La découverte de la culture et de la littérature chinoises ne cesse par la suite de susciter des œuvres originales, dans tous les genres littéraires, chez de nombreux écrivains du siècle dernier (André Malraux, Simone de Beauvoir, Joseph Kessel, Pierre-Jean Remy, Raymond Queneau, Henri Michaux, Gérard Macé, Lucien Bodard, Philippe Sollers…) comme encore dans la période la plus récente (avec Jean Marie Gustave Le Clézio ou Jean-Philippe Toussaint, par exemple). Le Japon, quant à lui, apparaît principalement dans les littératures française et francophones dans la deuxième moitié du xixe siècle, avec Judith Gautier ou Pierre Loti, et exerce par la suite une fascination de plus en plus importante, par exemple à travers les œuvres de Marguerite Yourcenar ou de Nicolas Bouvier, plus récemment chez Philippe Forest, Amélie Nothomb ou Mickaël Ferrier. Le Vietnam, le Laos et le Cambodge se présentent dans une perspective différente, dès lors quils sont réunis dans la colonie française indochinoise, en donnant dabord lieu à une abondante production rangée dans la littérature coloniale (Émile Nolly, Jules Boissière, Claude Farrère, Yvonne Schultz, Roland Dorgelès…) puis postcoloniale où simposent la figure et lœuvre de Marguerite Duras. Au tournant du xxe au xxie siècle, ces pays, comme les souvenirs de lIndochine coloniale, apparaissent toujours comme un sujet fécond pour la littérature française contemporaine (avec Kim Lefèvre, Patrick Deville, Pierre Lemaitre, Christophe Bataille, Éric Vuillard…). Avec ces riches corpus, on envisagera les productions en langue française dauteurs dorigines asiatiques, qui constituent la part littéraire des francophonies dExtrême-Orient, si rarement étudiées – par exemple François Cheng ou Gao Xingjian pour la Chine, Paprip Choudhuri ou Kichennasamy Madavane en Inde, Akira Mizubayashi ou Aki Shimazaki pour le Japon, Anna Moï ou Linda Lê au Vietnam…

Lobjectif de cette série est donc de dynamiser, dactualiser et de diffuser ces recherches originales, dans une perspective transculturelle 13souvent négligée ou ignorée, pour étudier les spécificités littéraires dœuvres situées au point de rencontre entre deux aires géographiquement très éloignées mais entre lesquelles les contacts nont cessé de se multiplier et de sapprofondir depuis plus de deux siècles.