Présentation
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Religion dans les limites de la simple raison
- Pages : 7 à 9
- Collection : Textes de philosophie, n° 9
- Thème CLIL : 3126 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie
- EAN : 9782812445712
- ISBN : 978-2-8124-4571-2
- ISSN : 2261-0693
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4571-2.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/12/2015
- Langue : Français
Présentation
Kant, dans la Critique de la raison pure (1781), formule en trois questions le nouveau programme de la philosophie donné comme tâche à la raison : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer [que m’est-il permis d’espérer ?]1. Il s’en explique plus tard dans une lettre écrite en 1793 peu avant la publication de la première édition de La Religion dans les limites de la simple raison (1793) : « Le plan que j’avais formé il y a déjà longtemps pour le travail qui m’obligeait dans le domaine de la philosophie pure portait sur le traitement des trois tâches suivantes : 1) Que puis-je savoir ? (Métaphysique). 2) Que dois-je faire ? (Morale). 3) Que puis-je espérer ? (Religion). Questions auxquelles devait succéder cette suivante : qu’est-ce que l’homme ? (Anthropologie : j’ai donné un cours pendant plus de 20 ans à son sujet). Avec le livre à venir, La Religion dans les limites de la simple raison, j’ai essayé de mener à bien la troisième partie de ce plan2 ».
Il s’agit d’un plan. C’est selon ce plan, et nul autre pour Kant, que le programme de la philosophie doit se déployer. La Religion dans les limites de la simple raison n’est, en effet, pas un écrit de réaction contre la censure3 que Kant a subie lorsqu’il soumet à la « Commission d’examen immédiat » (instituée le 14 mai 1791) un article destiné à la Berlinische Monatsschrift : la matière de ce projet d’article constitue la deuxième partie de La Religion dans les limites de la simple raison ; les censeurs Hermes et Hillmer y lisent une intrusion de la philosophie en christologie et refusent alors l’imprimatur alors qu’ils l’avaient accordé pour l’article de Kant destiné à la même revue et portant sur le mal radical, objet de la première partie de La Religion dans les limites de la simple raison. Mais La Religion dans les limites de la simple raison n’est, pas non, plus un élément
qui achève, en lui apportant ce qui lui manquerait, l’édifice critique et transcendantal de Kant4. La Religion dans les limites de la simple raison prend place dans le plan que Kant trace dès le Canon de la raison pure de la Critique de la raison pure (1781) avec la solution à la question de l’espérance permise, troisième des questions du programme de la philosophie : solution qui passe par l’examen critique et transcendantal de l’idée de souverain bien et qui porte en elle, déjà, la définition de la religion.
C’est en fonction de ce plan qu’un nouveau travail de traduction de La Religion dans les limites de la simple raison est ici proposé pour marquer son appartenance au système critique et transcendantal de Kant et sa fidélité à l’esprit de la philosophie critique et transcendantale de Kant. Cette appartenance et cette fidélité se manifestent clairement sur la scène elle-même de la terminologie kantienne, loin d’être engagée au hasard dans La Religion dans les limites de la simple raison. Le lecteur attentif au texte allemand de Kant ne peut pas, en effet, ne pas le remarquer. Une traduction française doit donc s’en soucier et l’honorer par des choix de traduction en accord avec le lexique critique effectif de Kant : des choix appuyés sur d’autres œuvres de Kant publiées de son vivant, mais aussi sur des textes non publiés et non traduits touchant la question de la religion et extraits du Nachlaß (Reflexionen sur la religion) et des Vorlesungennachschriften (Leçons en philosophie morale, en Anthropologie) – ce dont un Glossaire philosophique, joint à cette traduction, rend compte.
Le texte allemand ici traduit est le texte publié dans le tome VI des Kants Gesammelte Schriften (Berlin Druck und Verlag von Georg Reimer, 1914) dans l’édition de l’Académie royale prussienne des sciences (dite Académie de Berlin) : la pagination de cette édition allemande paraîtra entre parenthèses dans le corps même de la traduction. Signalons toutefois que si la construction philosophique de Kant est d’une précision irréprochable, les précautions prises pour cette construction font du texte de La Religion dans les limites de la simple raison un texte redoutablement difficile d’un point de vue stylistique : les phrases y sont longues, la ponctuation souvent déroutante ; sans compter les coquilles de l’édition elle-même dont Kant ne fait pas mystère au terme de la Première Préface – çà et là, l’édition de cette même œuvre publiée chez Meiner au tome 45 fut appelée en renfort pour ce travail de traduction.
Mais la difficulté du texte de Kant ne tient pas seulement à sa construction et à son style. Elle tient aussi aux débats philosophique que Kant y nouent avec les réalités religieuses et les discours théologiques de son temps : que ce soit avec le judaïsme, que Kant connaît et respecte profondément ; que ce soit avec les Églises luthériennes ou catholique, Kant étant aussi philosophiquement critique avec celle-ci que celles-là. Lire La Religion dans les limites de la simple raison requiert donc de lire cette œuvre en ayant présent à l’esprit le contexte de ces débats philosophiques. On ne saurait alors trop recommander, à ce sujet, l’ouvrage de Dominique Bourel, Moses Mendelssohn. La naissance du judaïsme moderne, Paris, Gallimard, 2004, pour ce qui est du rapport de Kant au judaïsme, à travers la figure de Mendelssohn, avec qui Kant partage de mêmes questions même s’il les traite selon une voie divergente. De même, on ne saurait trop recommander, le chapitre intitulé « Kant », dans La Théologie protestante au dix-neuvième siècle de Karl Barth (Genève, Labor et Fides, 1969), pour ce qui est du rapport critique de Kant aux Églises luthériennes et aux contenus de foi dogmatique et historique qui les structurent et y structurent la vie de leurs fidèles.
La traduction ici présentée est à ce titre accompagnée d’un Index des noms (Index nominum), d’un Index terminologique (Index rerum) et, en accord avec l’éditeur, d’un Glossaire philosophique des notions kantiennes engagées dans La Religion dans les limites de la simple raison. Ce Glossaire fait paraître comment les notions philosophiques kantiennes présentes dans La Religion dans les limites de la simple raison portent un sens qui s’enracine pleinement dans l’œuvre critique transcendantale de Kant elle-même : par elles, l’ouvrage de 1793 appartient sans conteste au programme de la philosophie kantienne elle-même et au déroulement de son plan, annoncé dès la Critique de la raison pure (1781). Les termes du Glossaire figurent dans l’Index terminologique. Par ailleurs, les termes ou expressions composés en gras dans la présente édition, le sont dans l’édition allemande.
À Bestrée (en Finistère)
1 Voir Critique de la raison pure, Méthodologie, Canon de la raison pure, deuxième section, Ak III 522, 32-34.
2 Lettre de Kant à Staüdlin, le 4 mai 1793, Ak XI 429, 10-15.
3 Position de Herman Cohen, dans Kants Begründung der Ethik, Berlin, Dümmler, 1877.
4 Position de Jean-Louis Bruch, La philosophie religieuse de Kant, Paris, Aubier, 1969.