![La Reine de Saba. Des traditions au mythe littéraire - [Introduction à la cinquième partie]](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/AheMS01.png)
[Introduction à la cinquième partie]
- Prix Anna-Balakian 2013 de l'Association internationale de littérature comparée
- Publication type: Book chapter
- Book: La Reine de Saba. Des traditions au mythe littéraire
- Pages: 517 to 518
- Collection: Comparative Perspectives, n° 16
- CLIL theme: 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- EAN: 9782812439339
- ISBN: 978-2-8124-3933-9
- ISSN: 2261-5709
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-8124-3933-9.p.0517
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-11-2012
- Language: French
Was wir insgemein Traum und Einbildung nennen, wohl die symbolische Erkenntnis des geheimen Fadens sein der sich durch unser Leben zieht, es festknüpfend in allen seinen Bedingungen 1 …
La reine de Saba ressurgit plusieurs fois dans l’œuvre de Nerval et hante sa mémoire comme le souvenir d’un passé agrandi à l’échelle mythique. S’il s’agit tout d’abord de réunir à ce « fantôme éclatant2 » (NPl III, 406) l’autre moitié, réelle celle-ci, du double amour du poète de la Bohême galante et des Petits Châteaux de Bohême, la reine du Matin devient un personnage à part entière, qui reconnaît dans son amour son double, son frère, dans le conte du Voyage en Orient, avant d’incarner une figure de la réconciliation dans les apparitions oniriques d’Aurélia. On parle beaucoup de syncrétisme à propos de Nerval, et sans doute trouve-t-il en la reine de Saba une figure absolue. Mais Nerval est, selon Jean Guillaume, moins « syncrétique » que profondément « romantique » : « L’homme raisonnable accepte la distinction, la division, par voie de conséquence la mutilation ; il dit : le rêve ou la vie. Nerval : le rêve et la vie. Il dit Vénus ou Isis ou la Vierge ; Nerval les confond3 ». Le rapport nervalien aux textes sacrés, s’il peut passer par une profanation, renoue en fait avec la fonction primitive du mythe, qui « raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements4 ». Cette femme idéale que représente la reine de Saba dans ses textes ne s’accomplit qu’à condition 518d’exister dans un rapport à l’autre fondamental chez Nerval, celui de la reconnaissance d’un double, suggérant la nostalgie d’une unicité sacrée, antérieure au temps historique, au temps profane, à ce temps mesuré qui sépare. Aux doubles à réunir se substitue peu à peu la figure unique et universelle de la reine de Saba, appartenant décidément au monde du rêve mais transformant celui-ci en « seconde vie » (Aurélia, NPl III, 695), une vie à la dimension religieuse retrouvée sous le signe de la réconciliation.
1 E.T.A. Hoffmann, DieElixieredesTeufels (1816), Berlin, Rothgiesser & Possekel, 1924, p. 7 / « Ce que nous appelons généralement rêve et imagination pourrait être la connaissance symbolique du fil secret qui traverse notre vie, en la nouant solidement dans toutes ses phases… », Avant-Propos des Elixirs du diable. Histoire du capucin Médard, trad. A. Hella et O. Bournac, Stock, 2002.
2 Toutes les citations des œuvres de Nerval sont extraites des Œuvres complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 3 vol., 1984-1993, dir. J. Guillaume et C. Pichois. Comme le recommandent ces éditeurs, nous y faisons référence ainsi : NPl I, NPl II et NPl III.
3 J. Guillaume, notice d’Aurélia, NPl III, p. 1330.
4 M. Eliade, Aspects du mythe, Gallimard, coll. « Idées », 1966, p. 16-17.