Résumés

Tristan Martine et Jérémy Winandy, « Bilan historiographique des recherches francophone et germanophone sur la période grégorienne. Un état des lieux comparatif et interdisciplinaire pour un dialogue renouvelé » / « Historische Bilanz der deutsch- und französischsprachigen Forschung zur „gregorianischen Reform“. Eine interdisziplinäre und vergleichende Bestandsaufnahme zur Wiederaufnahme des transnationalen Dialogs »

S’inscrivant dans une démarche comparatiste et interdisciplinaire, ce volume a pour objectif de faire dialoguer de jeunes chercheurs issus des écoles historiographiques francophone et germanophone, lesquelles ont longtemps proposé des approches divergentes, et parfois contradictoires, dans l’analyse de la réforme grégorienne et de ses conséquences dans la société médiévale des xie-xiie siècles.

Florian Mazel, « Introduction. Une “révolution totale” ? Penser la réforme grégorienne par-delà les frontières historiographiques »

En dépit des divergences entre chercheurs francophones et germanophones, s’inscrire dans un contexte sociologique et anthropologique plus large permet de revenir sur d’anciens décalages historiographiques et épistémologiques. On peut ainsi envisager la réforme grégorienne comme un fait social total, traduisant une transformation de grande ampleur de la société médiévale au point de la considérer comme une révolution, un moment de bascule entre un premier et un second Moyen Âge.

Thomas Kohl, « Frankreich, das Reich und die Investitur. Ein Problem im Rückblick »

À partir de 1111, l’investiture laïque des abbés et des évêques est devenue le point central des discordes dans le cadre de la querelle des Investitures et a été rétroprojetée sur les périodes antérieures comme constituant également 226un sujet de discorde en France. L’article présente trois exemples (Hoël du Mans, Barthélemy de Marmoutier et Rainaud d’Angers) et montre comment la réception de ces événements à Rome en 1111 a transformé l’investiture laïque en scandale.

Stephan Bruhn, « Nur Kaiser, Päpste, Reichsbischöfe ? Die “gregorianischen Reformen” in der deutschsprachigen Mediävistik – Forschungsstand und -perspektiven »

Cette contribution offre un aperçu des recherches sur les « réformes grégoriennes » dans les études médiévales en langue allemande depuis l’après-guerre. Une approche selon la perspective de la « Begriffsgeschichte » permet de distinguer deux phases : jusque dans les années 1990, l’histoire de l’Empire a dominé dans le cadre d’une historiographie nationale ; depuis, une perspective européenne a été souvent adoptée, avec notamment une multiplication des études portant sur la figure pontificale.

Laura Viaut, « L’influence de la réforme grégorienne sur le développement de la science du droit »

De quelle manière les historiens du droit peuvent-ils percevoir la réforme grégorienne ? D’un point de vue théorique, il s’agit d’un véritable bouleversement. Dans la pratique, en revanche, la mise en œuvre de cette réforme, évidemment, n’atteint pas la même intensité selon les régions et les époques. Deux conséquences peuvent toutefois être analysées : le contrôle de l’activité juridictionnelle et le développement de la pensée juridique.

Claire Boisseau, « Art et réforme grégorienne : art centralisé ou pratiques locales ? L’exemple de la primauté pontificale et de sa mise en image »

Le débat historiographique sur l’iconographie des xie-xiie siècles culmine avec la notion de propagande grégorienne d’Hélène Toubert. Au contraire, Xavier Barral i Altet insiste sur les multiples facteurs locaux expliquant le choix de certaines images. À travers des exemples traitant de la primauté pontificale comme les fresques de Vendôme, la Traditio Legis dans l’Empire et à Berzé-la-Ville, le débat retracé esquissera le rôle des personnalités locales dans l’émergence d’une iconographie.

Elodie Leschot, « Un échange de bons procédés. La royauté capétienne et l’Église au regard des sculptures du prieuré de Saint-Fortunat à Charlieu (c. 1170) »

Si le prieuré clunisien de Saint-Fortunat à Charlieu est célèbre pour son important décor de façade conçu aux environs de 1170, le contexte historique et politique de ce monastère est lui encore méconnu. Cinquante ans après le concordat de Worms, quel constat peut-on émettre concernant la situation de cet établissement religieux situé aux confins méridionaux du royaume de France, aux portes de l’Empire ? L’analyse des documents et du décor sculpté permet d’établir un premier bilan significatif.

Jérémy Winandy, « Monastische Reform als Vorläufer der „gregorianischen Reform“ ? Der Beitrag der Klostergeschichte zum Verständnis der „gregorianischen Reform“ »

Cet article examine la présentation des interdépendances entre la « réforme grégorienne » et les réformes monastiques des xe et xie siècles dans les études en langue allemande. Il montre que les études récentes considèrent désormais la réforme monastique davantage comme un phénomène à part entière, posant ses propres questions, et moins comme un précurseur d’une réforme d’une ampleur beaucoup plus vaste.

François Wallerich, « La querelle bérengarienne dans la réforme grégorienne. Controverse théologique et rupture ecclésiologique »

La querelle bérengarienne est intimement liée à la réforme grégorienne. Depuis les années 1980, l’historiographie a pensé l’articulation des deux en soulignant que les mêmes conceptions ecclésiologiques étaient développées dans l’un et l’autre mouvement. La priorité donnée à l’ecclésiologie a aussi permis de repenser la question de l’opinion publique. Après avoir présenté quelques travaux suggestifs, on proposera quelques pistes pour poursuivre l’exploration de cette problématique.

Alexis Fontbonne, « La réforme grégorienne. Une révolution symbolique »

La dimension grégorienne de la réforme tient dans sa capacité à diffuser une transformation dans l’ordre du discours permettant aux papes de centraliser un ensemble de mouvements réformateurs antérieurs. Si l’initiative 228appartient aux papes portant la parole de l’Esprit pour fonder l’immunité de communautés inspirées, ce discours est repris par ces mêmes communautés et participe à la constitution d’une nouvelle conception de l’histoire, définie comme un progrès en Dieu inspiré par l’Esprit.

Eugenio Riversi, « Der Kontext im Text. Die Untersuchungen über die Textproduktion des Investiturstreits und die Definition eines ‚gregorianischen’ Zeitalters »

La production textuelle pendant la réforme grégorienne et la querelle des Investitures constitue l’un des points de repère pour dresser un bilan de la recherche allemande des dernières décennies et pour clarifier des concepts historiographiques controversés. Cet article, qui se concentre sur le pape qui a donné son nom à cette réforme, se focalise sur les nouvelles perspectives de recherche, notamment celles portant sur la communication et sur la canonisation du savoir.

Hannes Engl, « Rupture radicale ou mise en œuvre d’une conception ancienne ? Le concept de “réforme grégorienne” à travers les recherches récentes sur la diplomatique pontificale en Allemagne »

Au temps de la réforme grégorienne, la diplomatique pontificale connut des changements profonds aussi bien en ce qui concerne les caractères externes que dans le contenu juridique des actes pontificaux. Alors que ce dernier fut établi à la demande du bénéficiaire, les changements dans les caractères externes correspondaient à l’initiative des papes réformateurs en personne et apparurent souvent dans des situations où ceux-ci voyaient leur autorité contestée par un antipape.

Gerhard Lubich, « Schlussbetrachtung. Frankreich und Deutschland, “Reform” und “Revolution” im 11. Jahrhundert – Beobachtungen zum Versuch eines Dialogs »

Cette conclusion analyse l’importance des notions utilisées pour désigner des phénomènes historiques et spécialement celle de « révolution totale » proposée par Florian Mazel. Elle souligne la différence entre réforme et révolution : les uns veulent une amélioration du système existant, tandis que les autres aspirent à un système nouveau. Les traditions historiographiques nationales et les histoires nationales aboutissent à des interprétations divergentes du moment grégorien des deux côtés du Rhin.