Aller au contenu

Classiques Garnier

[Introduction de la quatrième partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Prudence d’après Michel de Montaigne et Baltasar Gracián. Entre le ciel et la terre
  • Pages : 315 à 316
  • Collection : Études montaignistes, n° 71
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406113744
  • ISBN : 978-2-406-11374-4
  • ISSN : 1775-349X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11374-4.p.0315
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 16/06/2021
  • Langue : Français
315

Dans un des adages dÉrasme, la prudentia se trouve comparée au « bon génie », au « deus » de chacun1. Comme laffirme un autre adage du même auteur, lhumanité représente, par ses capacités prudentielles, une icône divine dans lordre de la nature :

Ainsi Dieu a placé lhomme dans ce monde comme une image de lui-même, pour que, tel une sorte de divinité terrestre [], il veille au salut de tous. Même les bêtes brutes le sentent, puisque nous voyons non seulement les animaux domestiques, mais aussi les léopards, les lions et les bêtes encore plus cruelles recourir dans les grands dangers à laide de lhomme. Cest pour toutes les créatures le dernier asile, lautel le plus saint, lancre incontestablement sacrée []2.

Lhumanité sous sa forme la plus élémentaire semble participer à un type de sainteté, à la manière de la royauté. Un extrait de la pièce de Tirso de Molina (1580-1648), La prudencia en la mujer, présente un exemple de providentialisme et de sanctification du prudentiel sur un plan politique. Dans la troisième jornada de cette pièce, le jeune roi nouvellement couronné décrit la régence de sa mère dans les termes suivants : « Procédant du saint ciel jenvisage la prudence avec laquelle ma mère gouverna le royaume » (« Del cielo santo imagino / de mi madre la prudencia / con que el reino gobernó3 »). La prudence politique de la régente remonte à une oikonomia (économie) transcendante et pure.

Comme le rappelle Gérard Ferreyrolles, la Providence constitue un concept dune importance « capitale dans la mesure où il fait partie du tout petit nombre des notions qui permettent au xviie siècle, et au-delà, de penser métaphysiquement lhistoire4 ». De manière analogue, les 316figures des saints fournissent des modèles daction héroïque de même que la notion de sainteté investit denjeux spirituels laction éthique et politique. Le plan providentiel, le patronage des saints et les voies de la sainteté ont des ramifications dans la rationalité pratique. Dans la présente partie nous examinerons quelques références clés à ces notions théologiques ainsi que leurs résonances sur le prudentiel.

1 Érasme évoque un vers de Pacatus (Panégyrique) dans son adage 1330 : « [] la sagacité de chacun est son bon génie » (« Sua, inquit, cuique prudentia deus est »). Adages, vol. II, p. 231.

2 Extrait de ladage 3001 : « Proinde Deus in hoc mundo velut simulacrum quoddam sui constituit hominem, ut ceu terrenum quoddam numen saluti prospiceret omnium. Sentiunt hoc ipsa etiam bruta, cum videamus non mitia solum, verum etiam pardos et leones et his immitiores bestias in magnis periculis ad hominis opem confugere. Hoc extremum omnibus asylum, haec ara est sanctissima universis, haec nulli non sacra est ancora. » Adages, vol. IV, p. 4.

3 Nous traduisons. La prudencia en la mujer, Madrid, Cátedra, 2010, p. 232.

4 « Histoire et finalité : sur les origines du discours providentialiste au xviie siècle », Seventeenth-Century French Studies, no 23, 2001, p. 1.