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Classiques Garnier

[Introduction de la première partie]

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La première erreur serait de négliger la tradition historiographique qui entoure lacte. Toute insatisfaisante quelle puisse rétrospectivement paraître par certains aspects, elle est riche, et même dune richesse extrême, si lon songe que ce texte na jamais cessé dêtre commenté, du xive au xxie siècle. On touche dans ce maniement continu, exceptionnel, qui fait passer insensiblement du plein Moyen Âge à lhistoire scientifique à travers lérudition du Grand Siècle et des Lumières, à la nature particulière de ce texte dont la centralité dans la pensée politique française ne sest jamais démentie, tant quil est resté une possibilité quun roi mineur exerce le pouvoir en France, cest-à-dire fort tard1. Paradoxalement, on le verra, les basses eaux de la recherche sur la loi correspondent plutôt au décollage de la « médiévistique » scientifique, pré-positiviste et positiviste, et, dans une certaine mesure, au début du xxe siècle. Avant denvisager ce problème, il importe toutefois de revenir au moins succinctement, après bien dautres, sur les conditions de création et de promulgation de cette « première loi du royaume ».

1 La question de laccession à la majorité des rois mineurs, une dernière fois directement dactualité au début du règne de Louis XV, a encore fort inquiété les milieux légitimistes qui ferraillaient entre « henriquinquistes », partisans de la reconnaissance de la double abdication de Charles X et du dauphin au profit du duc de Bordeaux en 1830, et « carlistes », dans la décennie 1830, après la dernière chute des Bourbons. Les deux têtes découronnées ayant reconnu pour leur part au moins officiellement la validité de leur acte dabdication, laccession à la majorité dHenri V à treize ans révolus, en 1833, donna lieu à un ensemble de manifestations à caractère semi-folklorique, semi-politique en France, dans les milieux légitimistes, et à Prague (où la famille royale sétait alors installée, en bénéficiant de lhospitalité de lempereur dAutriche). Ces épisodes quelque peu pathétiques, racontés à sa manière toute personnelle de « réactionnaire de charme » par Chateaubriand dans les Mémoires dOutre-Tombe, avaient encore un certain poids dans le contexte politique mal assuré du début de la monarchie de Juillet.