L’État français se voile volontiers la face. Euphémisations, dérives dans l’usage du vocabulaire, tabous linguistiques deviennent des attributs majeurs du vocabulaire politique.

Les cas abondent. Ainsi il affiche une politique de lutte contre le réchauffement climatique sans pour autant inclure dans son registre d’action la question du devenir de son industrie de production d’énergie nucléaire. Ou bien il intitule politique de la ville une politique des quartiers difficiles. Il ne veut pas de statistiques ethniques, il est vrai au nom d’un sinistre passé, de peur de reconnaître des ethnies, en sorte qu’on ignore de quoi est faite la diversité qu’il évoque pourtant sans cesse. Il évoque les problèmes des territoires comme s’il n’était pas lui-même chargé d’un territoire qui inclut tous les autres.

Cette propension n’épargne évidemment pas le domaine de la modernisation de l’État. L’examen des politiques passées fait apparaître deux dénis, qui consistent à faire comme s’il n’existait pas un conflit frontal et des tensions difficilement dépassables dans le management public. Le déni d’un conflit frontal entre deux types de rationalités, politique et managériale ; le déni des tensions entre une approche organisationnelle du management et le management des politiques publiques.

Face à ces conflits, la modernisation est couramment interprétée comme un effort de renforcement du management afin d’améliorer le fonctionnement des entités qui composent l’État, cela sans mettre en cause la primauté du politique. Les tensions s’exercent entre les objectifs que l’État poursuit de manière concomitante. Elles sont connues mais sans qu’il soit fait grand-chose pour en tirer les conséquences.

Cette sixième partie est consacrée à l’examen de ce conflit et de ces tensions.