Présentation [de la cinquième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Matière et l’esprit. La littérature scatologique au xviiie siècle
- Pages : 867 à 869
- Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 33
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- EAN : 9782406066545
- ISBN : 978-2-406-06654-5
- ISSN : 2258-3556
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06654-5.p.0867
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/07/2018
- Langue : Français
PRÉSENTATION
Après que les comédiens italiens ont été chassés en 1687, le théâtre de foire reprend leurs personnages, leurs intrigues, leurs procédés, et leur esprit frondeur et grivois. La Censure est établie en 1701 à son encontre, et les interdictions successives qu’elle promulgue, réclamées par la Comédie-Française pour ce qui concerne le théâtre et par l’Opéra pour ce qui touche la musique, l’ont amené à contourner ces obstacles, créant à chaque fois un nouveau genre ou sous-genre théâtral : ainsi, en 1707, les pièces sont interdites, seules des scènes détachées peuvent être jouées, lesquelles se recomposent aussitôt en pièces.
Cette histoire initiale a été bien résumée par Lesage et d’Orneval dans la préface à leur recueil des premières pièces :
Le Théâtre de le Foire (dont voici l’histoire en peu de mots) a commencé par des farces que les Danseurs de corde mêlaient à leurs exercices. On joua ensuite des fragments de vieilles Pièces Italiennes. Les Comédiens François firent cesser ces représentations, qui attiraient déjà beaucoup de monde, et obtinrent des Arrêts qui faisaient défense aux Acteurs Forains de donner aucune Comédie par Dialogue ni par Monologue. Les Forains, ne pouvant plus parler, eurent recours aux Écriteaux : c’est à dire, que chaque Acteur avait son rôle écrit en gros caractère sur du carton qu’il présentait aux yeux des Spectateurs. Ces inscriptions parurent d’abord en prose. Après cela on les mit en chansons, que l’Orchestre jouait, et que les Assistants s’accoutumèrent à chanter. Mais, comme ces écriteaux embarrassaient sur la Scène, les Acteurs s’avisèrent de les faire descendre du cintre, de la manière qu’on explique dans la première Pièce de ce Volume.
Les Forains, voyant que le Public goûtait ce Spectacle en chansons, s’imaginèrent avec raison que, si les Acteurs changeaient eux-mêmes des Vaudevilles, ils plairaient encore davantage. Ils traitèrent avec l’Opéra, qui, en vertu de ses Patentes, leur accorda la permission de chanter. On composa aussitôt des Pièces purement en Vaudevilles ; et le Spectacle alors prit le nom d’Opéra-Comique. On mêla peu à peu de la prose avec les vers, pour mieux lier les couplets, ou pour se dispenser d’en trop faire de communs : de sorte qu’insensiblement les Pièces devinrent mixtes. Elles étaient telles, quand 868l’Opéra-Comique a enfin succombé sous l’effort de ses Ennemis, après en avoir toujours été persécuté1.
Ces deux écrivains, eux-mêmes auteurs des pièces pour la foire, ont recueilli celles qui leur paraissaient les plus proches des comédies françaises afin de donner une identité à cette forme de théâtre. Non seulement ils ont écarté les pièces tirées des pièces italiennes, ainsi que celles dont l’intérêt tenait au seul jeu d’acteurs ou à des ballets brillants, mais encore ils n’ont pas reproduit celles qui leur paraissaient trop grossières :
Le seul titre de Théâtre de la Foire emporte une idée de bas et de grossier, qui prévient contre le Livre. […] On y a vu tant de mauvaises productions, tant d’obscénités, que les Lecteurs pourraient d’abord n’être pas favorables à cet Ouvrage, mais la réflexion doit l’arracher au mépris, et détruire le préjugé2.
Les pièces les plus scatologiques n’ont donc pas été reprises, et nous n’en aurons donc pas connaissance.
Mais l’histoire continue. Les comédiens italiens sont revenus en 1716. La Foire désormais a pignon sur rue, et elle s’institutionnalise : l’Opéra-Comique est construit en 1743, puis il fusionne avec la Comédie-italienne. Italiens et forains vont rejoindre les théâtres privés qui s’installent sur les Boulevards, vers 1740, et qui ouvrent toute l’année3.
Les pièces scatologiques que nous reproduisons sont en petit nombre (treize en tout), et elles dérivent du théâtre de foire pour partie et à des degrés divers.
Polichinelle demandant une place dans l’Académie, mettant en scène un personnage de la Comedia dell’arte, est une pièce relevant du théâtre de marionnettes.
La parade d’Alexis Piron, Le Marchand de merde, se caractérise par l’usage du style poissard.
869Le remède à la mode est une pièce qui a été recueillie par Thomas-Simon Gueulette dans son Théâtre des Boulevards. Le même Gueulette est l’auteur des parades Le Pet à vingt ongles et La bouteille au cul. Le Pet-en-bec est une parade en vers.
La Pétarade ou Polichinelle auteur est extraite d’une brochure contre Voltaire. Le Tombeau de merde est une pièce de théâtre parodique, en alexandrins, reproduite dans l’almanach de Guérineau de Saint-Péravi, La Foiropédie (1761).
Le Pot de chambre cassé est une pièce en alexandrins attribuée à Grandval père, recueillie dans Le Théâtre de campagne. Sirop-au-cul, ou l’Heureuse Délivrance, de Granval fils, et relève du même genre.
Le Peintre en cul-de-sac est une pièce de Carmontelle fondé sur une interprétation scatologique du proverbe « Nécessité n’a point de loi ».
La pièce de Dorvigny, Janot ou les Battus paient l’amende, qui fut un des plus grands succès du siècle, est également fondée sur un proverbe, et tourne autour d’un épisode scatologique. Sa suite immédiate, Janot chez le dégraisseur ou À quelque chose malheur est bon, est également reproduite.
Enfin, Caquire, une parodie scatologique de la tragédie de Voltaire, Zaïre, par un auteur lyonnais, clôt la liste sur un mode paroxystique.
Certaines de ces pièces sont suivies de notes concernant des pièces voisines par leur genre ou par leur thème. De ces pièces ajoutées, au nombre de dix, nous ne donnons que les résumés et les extraits qui relèvent de la contrainte scatologique.
1 Le Théâtre de la Foire ou l’Opera Comique contenant les meilleures pièces qui ont été représentées aux Foires de S. Germain et de S. Laurent, enrichies d’Estampes en Taille douce, avec une Table de tous les Vaudevilles et autres Airs gravez-notez à la fin de chaque Volume, recueillies, revues et corrigées, par Mrs Le Sage et d’Orneval, à Paris, chez Étienne Ganeau, 1721, t. 1, á iiij.
2 Ibid., á.
3 Lesage, Fuzelier et d’Orneval, Le Théâtre de la Foire, ou l’Opéra comique, choix et édition de Dominique Lurcel, Paris, Éditions Gallimard, « Folio Théâtre », 2014, p. 27-28.