Aller au contenu

Classiques Garnier

[Épigraphe de la troisième partie]

619

Après sa création, Adam fut placé au milieu dun vaste et splendide jardin ; les fleurs et les fruits y étaient perpétuels et répandaient le parfum le plus doux, le plus suave. Le séjour de ce lieu enchanteur serait devenu monotone par la suite si lhomme navait été pourvu dune compagne. Après quil eut créé Ève, Dieu permit au premier couple humain de manger de tous les fruits que produisaient les arbres du paradis terrestre ; leur estomac les digèrerait avec une facilité telle que les parties impures seraient éliminées par les pores de la peau ; mais il les avertit quil nen serait point de même sils savisaient de manger des fruits de certain arbre quil leur désigna ; il se formerait alors dans leurs intestins un résidu dont lexpulsion ne se ferait point de la même manière : elle aurait lieu par leur trou du cul et leur merde souillerait le paradis terrestre, ce qui provoquerait leur renvoi de ce lieu de délices.

[]

À peine les deux coupables eurent-ils enfreint la défense qui leur avait été faite quils sentirent un poids très lourd dans leur estomac. Le résidu de ce quils venaient de manger allait passer dans leurs intestins, et son expulsion par le rectum souillerait le paradis terrestre, où lon nétait imprégné que des plus agréables senteurs.

Cest pour éviter cette souillure quun ange accourut aussitôt pour chasser Adam et Ève de leur éden. Il était temps. À peine nos premiers parents eurent-ils franchi le seuil de leur séjour quils éprouvèrent pour la première fois le besoin de se soulager. Ils saccroupirent et chièrent tant que la porte du paradis terrestre se trouva complètement obstruée ; depuis, ils ne purent jamais la retrouver.

À la porte du paradis terrestre1.

1 H. Welter, « Contes picards », Kryptadia, op. cit., t. 11, p. 132 et p. 135.