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Classiques Garnier

Bulletin bibliographique

499

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Éditions de texte

Anonyme (xviie siècle), Abrégé de la physique de Mr Descartes. Édition et essai dattribution de Sylvain Matton. Présentation de Maria Teresa Bruno. Avec une étude de Simone Mazauric. Préface de Vincent Carraud, Paris, SEHA, Milan Archè, 2020, 336 p.

Rédigé autour de 1671, dans les années d« heurs et malheurs de la physique cartésienne », lanonyme Abrégé de la physique de Mr Descartes, laissé inachevé par la mort de lauteur, conservé par trois manuscrits et resté jusquici totalement inconnu des historiens, constitue un important document pour la compréhension de la première réception du cartésianisme. Nourri des textes de Regius, Rohault, La Forge, Cordemoy, Poisson comme de laLogique de Port-Royal, il donne une traduction singulière de la physique de Descartes, ouverte à lintégration déléments nouveaux, mais également susceptible – par-delà une séparation revendiquée et assumée entre philosophie et théologie – dexercer une fonction apologétique en aidant à défendre contre les hérétiques et les libertins certains dogmes catholiques, ainsi que le montrent les longs développements sur la transsubstantiation eucharistique ou sur lâme des bêtes. La présente édition critique de ce traité inédit est complétée par une annotation qui en restitue les sources, un essai dattribution et des études particulières qui tentent, chacune à sa façon, de saisir le sens de louvrage et de faire surgir les différentes questions quil soulève.

Préface, par Vincent Carraud

Présentation, par Maria Teresa Bruno. Simone Mazauric : « Un cartésianisme didactique militant ». Sylvain Matton : « Manuscrits, datation, essai dattribution ».

Abregé des principes de la physique de M r Descartes.

Des principes du corps naturel : De la matiere (Questions touchant le vuide : [Dieu peut-il en faire un ?]. [La nature ne craint point le vuide]. Objections [en faveur du vuide tirées de la congelation de leau]. Raisons [pour lesquelles leau glacée occupe plus despace]. [Objections en faveur du vuide tirées de 500laneantissement des corps par Dieu]). De la forme (Objections [tirées de lEucharistie]). De lame (De lunion de lame avec le corps. Objections [prises lame des bestes] avec les responses).

Du mouvement. [Explication de] plusieurs sortes de mouvemens. De la nutrition. [De limpulsion et de lattraction]. De la production, continuation et cessation du mouvement. Conséquences. De la détermination du mouvement. De la composition du mouvement et de celle de sa détermination

De la nature et du nombre des élemens. [Doctrine des aristoteliciens]. [Doctrine des chimistes]. [Doctrine de Descartes].

De la chaleur. Objections. [Du froid].

Du dur et du liquide. [Des corps liquides]. [Cause du mouvement continuel des liquides]. [Des especes de corps durs]. [Des corps plians et du ressort]. [Des larmes de verre]. [Du sang et du laict]. [Pourquoi des liqueurs mêlées ensemble font un corps dur]. [Du mêlange dun liquide avec un corps dur].

Du feu. [Plusieurs especes de feu] : Feu qui luit sans échauffer. Feu chaud et point lumineux. Feu chaud et lumineux. [Pourquoi des feux nous échauffent davantage les uns que les autres]. Actions de leau sur le feu. [Flamme et charbon]. [Pourquoi] la flamme du flambeau est en pointe. Lair sapproche de la flamme et semble lagiter. [La poudre à canon]. [Les lampes perpétuellement ardentes des tombeaux]. La lueur de la flamme paroist davantage dans un lieu obscur quau soleil. De plusieurs autres proprietez du feu.

Notes sur les sources de lAbrégé.

Index des noms et des ouvrages anonymes.

Crell (Johann,) De Deo et eius attributis, a cura e con un saggio di Roberto Torzini, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2019, lxxxvi-394 p.

« Le De Deo et eius attributis (1630) de Johann Crell est publié ici pour la première fois dans une version moderne, accompagné dune introduction historico-critique et dun appareil de notes. Il est le traité théologique le plus complet et le plus agressif jamais écrit par un socinien et fut rapidement reconnu comme tel par de nombreux adversaires. Alors quil sinspire de Faust Socin au sujet de la définition de Dieu et de ses principaux attributs, Crell sen détache par lhypothèse que nous pouvons avoir une certaine connaissance de lexistence Dieu même par une voie purement naturelle, sans le support de la Révélation. Aux athées, il oppose une gamme darguments centrés sur un finalisme global, cible potentielle de la critique spinozienne. Par rapport à Aristote, il apporte quelques corrections décisives : la finalité de la nature, à ses différents niveaux, résulte de la délibération dune entité suprême unique, qui détient un pouvoir absolu sur le monde auquel elle a donné forme. Avec les hommes, cependant, Dieu interagit continuellement de diverses manières, en toute justice et bonté. »

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Helvétius (Claude-Adrien), Œuvrescomplètes, tome III. Poésies, Recueil de notes, Correspondance. Textes édités, présentés et annotés par Gerhadt Stenger, David Smith et Jonas Steffen, avec lassistance de Tomy Dupieux, Paris, Honoré Champion, coll. « LÂge des Lumières », 2020, 728 p.

« Le dernier volume des Œuvres complètes dHelvétius propose pour la première fois une édition sûre, enrichie dinédits, des Épîtres et du Bonheur, du Recueil de notes appelé Notes de la main dHelvétius par A. Keim et de la Correspondance. Lédition des Épîtres et des Fragments en propose les différentes versions, dont une inédite, avant leur intégration partielle dans le poème philosophique Le Bonheur, édité pour la première fois depuis 1772 sans les corrections de Lefebvre de La Roche. Le Recueil de notes, composé vers 1737-1738, révèle le jeune Helvétius se préparant assidûment à se lancer dans une carrière dans les lettres : à côté des préoccupations philosophiques qui agitent le futur auteur de LEsprit et de LHomme, les notes font état de ses préoccupations littéraires. Un examen attentif du manuscrit a montré quil ne fut pas rédigé au fil de la plume, une note après lautre, mais quHelvétius les a rangées sous des mots-clés à la manière dun dictionnaire. Des cinq volumes de la Correspondance générale (Toronto et Oxford, 1981-2004) nous navons retenu que les lettres écrites par Helvétius et une partie de lannotation, complétée et corrigée le cas échéant ; nous y avons joint une vingtaine de lettres inédites ainsi que les versions complètes de quelques lettres qui ny figurent que sous forme de fragments. Une chronologie détaillée de la vie dHelvétius clôt le volume. »

– Avant-propos. Sigles et abréviations.

Épîtres (Introduction. Épître sur lamour de létude. Sur lorgueil et la paresse de lesprit. Épître sur les arts. Épître sur le plaisir. Fragment dune Épître sur lamour-propre. Fragment dune Épître sur le luxe. Fragment dune Épître sur la superstition. Annexe : Helvétius annotateur de Voltaire. Variantes et notes explicatives).

Le Bonheur (Introduction. Texte des six chants. Variantes et notes explicatives).

Recueil de notes (Introduction. Recueil de notes. Notes textuelles et explicatives).

– Correspondance (Introduction. Correspondance. Liste des lettres. Notes textuelles et explicatives).

Bibliographie. Chronologie. Index nominum.

Spinoza, Éthique (Œuvres, IV). Établissement du texte par Piet Steenbakers et Fokke Akkerman. Traduction par Pierre-François Moreau. Notes et annexes par F. Audié, A. Charrak, P.-F. Moreau et P. Steenbakkers, Paris, PUF, Coll. « Épiméthée », 696 p.

« Ce volume contient lédition critique et la traduction française de lEthica, munies dune introduction, de notes et de deux annexes (sur les mathématiques 502et la physique). Létablissement du texte prend pour base lédition latine des Opera posthuma de 1677, confrontée avec la version néerlandaise des Nagelate Schriften et avec le manuscrit récemment découvert dans les archives du Vatican – seul témoin connu de létat du travail en 1675, transcrit par un ami de Spinoza (van Gent) à lusage dun autre (Tschirnhaus) et demeuré inconnu jusquen 2010. La traduction met en application les principes définis pour la série des œuvres de Spinoza, fondés sur la recherche de la cohérence lexicale et conceptuelle et sur lanalyse des écarts sémantiques. »

Voir https://www.puf.com/content/%C5%92uvres_IV_-_%C3%89thique_0

Spinoza, Ética demostrada según el orden geométrico (edición bilingüe). Edición de Pedro Lomba, Madrid, Trotta, 2020, 448 p. Voir https://www.trotta.es/

Trois récits utopiques classiques : Gabriel de Foigny, La Terre Australe connue, Denis Veiras, Histoire des Sévarambes, Bernard de Fontenelle, Histoire des Ajaoïens. Textes édités et présentés par Jean-Michel Racault, La Réunion, PressesUniversitaires Indianocéaniques, 2020, 540 p.

« Ce volume réunit trois œuvres majeures de la pensée politique de la fin du xviie siècle représentatives des “utopies louis-quatorziennes” : []. Elles passent pour avoir préfiguré la pensée des Lumières par la remise en question des bases philosophiques et religieuses de labsolutisme. Mais ce sont aussi des récits de voyages imaginaires dans les mystérieuses “Terres Australes inconnues” de lextrême sud, des romans daventures initiatiques explorant des hypothèses sociales, des fictions expérimentales dans lesquelles lutopie peut sinverser en anti-utopie, des allégories ironiques dune singulière complexité qui font surgir des significations ambiguës ou contradictoires. Les ouvrages, dont la graphie et la ponctuation ont été normalisées dans le strict respect du texte dorigine, sont accompagnés dun appareil critique étendu où le lecteur trouvera tout ce qui est susceptible de les éclairer. Laccent y a été mis sur les multiples lectures possibles, pour certaines très éloignées de la vulgate utopique traditionnelle, de ces trois écrits dans lesquels lutopie se prend elle-même pour objet et interroge sa propre légitimité. »

Études critiques

Alfano (Eleonora), Dieu est rien. La métaphysique matérialiste de Dom Deschamps. Préface dÉric Puisais. Paris, LHarmattan, coll. « Rationalismes », 2020, 264 p.

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« Cest au sein dune ancienne tradition philosophique et théologique, se trouvant à la fois à lorigine de la pensée canonique chrétienne et de ses manifestations les plus hétérodoxes, que le moine Deschamps a puisé les principes de sa métaphysique matérialiste, dont lesprit rationaliste et sensualiste des Lumières na pas saisi lascendance ou la portée novatrice. Le système deschampsien représente un cas rare en métaphysique où sont simultanément affirmées limmanence et la finitude de lunivers (Le Tout) ainsi que lexistence négative du principe transcendant la réalité (Tout). La coïncidence entre les contradictoires Dieu et Rien, principe dialectique aussi bien “novateur” que plein de réminiscences, permet à cet athée éclairé de concilier les théories matérialistes et athées les plus radicales avec des thèmes de la mystique spéculative. »

Le livre est également disponible en version numérique

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=67008

Ansaldi (Saverio) et Carbone (Raffaele), (dir.), Bruno et Montaigne – Chemins de la modernité, Paris, Classiques Garnier, coll. « Constitution de la modernité », 2020, 2020, 240 p.

Cet ouvrage explore pour la première fois les relations entre les philosophies de Montaigne et de Bruno dans la perspective dune confrontation spéculative qui se focalise aussi bien sur la rhétorique et léthique que sur lontologie et lanthropologie.

Saverio Ansaldi et Raffaele Carbone : Introduction. Jordi Bayod : « Sur Bruno, Montaigne et la “credula pazzia” » ; Maurizio Cambi : « Intrigues et réflexions. Montaigne, Bruno et la rhétorique » ; Olivier Guerrier : « Fantaisie et fortune chez Bruno et Montaigne » ; Raffaele Carbone : « Nature, parité, liens chez Montaigne et Bruno » ; Alberto Fabris : « Philosopher dans la mort. Les Essais comme exercice de congé du soi » ; Sophie Peytavin : « Les liaisons vertueuses. Pour un réexamen du relativisme montaignien » ; Massimiliano Traversino Di Cristo : « Le débat sur la condition des indigènes américains au xvie siecle. Quelques pistes de réflexion » ; Fabio Raimondi : « Le multiple infini est un. La modernité de Giordano Bruno ». Bibliographie. Index des noms. Résumés.

Baldin (Gregorio), La Croisée des savoirs : Hobbes, Mersenne, Descartes, Sesto San Giovanni, Éditions Mimésis, coll. « Philosophie », 2020, 354 p.

« Les spécialistes de la pensée de Hobbes ont souligné limportance de son troisième Grand Tour à travers lEurope (1634-1636) et de son séjour à Paris, pour le développement de son système philosophique. Cette étude analyse les débats philosophiques et scientifiques qui ont eu lieu dans la capitale française pendant ces années-là, et qui se révélèrent décisifs pour la naissance de la philosophie de Hobbes. Un travail qui compare pour la première fois et de façon détaillée les 504pensées de Mersenne et de Hobbes, dont on souligne les analogies et les différences au niveau méthodologique et épistémologique. On y aborde également la question du rapport des deux philosophes au mécanisme et à la révolution scientifique. Cette étude porte également sur la figure de Descartes, dont on évolue la contribution essentielle au développement de la pensée hobbesienne. »

Bardout (Jean-Christophe) et Carraud (Vincent) (dir.), Diderot et la philosophie, Paris, Société Diderot, coll. « Latelier, autour de Diderot et de lEncyclopédie », 2020, 320 p.

« La philosophie de Diderot penseur des Lumières, son matérialisme, ont fait lobjet détudes précises. Mais ici, sa pensée est envisagée dans son rapport à lhistoire de la philosophie. Louvrage explore le dialogue que Diderot entretient avec de grandes figures de la tradition philosophique comme avec ses contemporains, de Sénèque à Hume en passant par Bacon, Descartes, Leibniz, ou lesthétique de son temps. Alors apparaît loriginalité paradoxale dun matérialisme qui conserve à la métaphysique toute sa pertinence. Les meilleurs spécialistes sattachent à décrire ce dialogue, nous éclairant ainsi sur la pensée de celui que lon appelait “le philosophe”, mais aussi en retour sur notre propre lecture de lhistoire de la philosophie. »

Jean-Christophe Bardout, Vincent Carraud : Avant-propos : « Lhistoire de la philosophie et Diderot » ; Jean-Christophe Bardout : « Diderot et la métaphysique » ; Alain Gigandet : « Diderot : “Sénèque et la vertu du philosophe” » ; François Pépin : « Diderot et Bacon » ; Denis Kambouchner : « Du spectateur au comédien : Diderot au miroir de Descartes » ; Marc Parmentier : « Sensibilité inerte et force morte : un exemple dutilisation diderotienne dun concept leibnizien » ; Carlo Borghero : « Diderot newtonien et chimiste » ; Gianni Paganini : « Hume et Diderot : le dialogue autour des Dialogues concerning natural religion » ; Francine Markovits : « Diderot et le thème de laveugle chez les sceptiques » ; Mariafranca Spallanzani : « Diderot et les ordres des connaissances humaines » ; Alberto Frigo : « “Je regarde, admire et me tais” : le technique, lidéal et lexpérience de la peinture dans les Salons de Diderot » ; Laurent Jaffro : « Diderot et la peinture morale de Greuze » ; Michel Malherbe : « DAlembert, Diderot et le progrès des Lumières ».

Bianchi (Lorenzo), « Enseigner la politique et lhistoire. La Bibliographia politica de Gabriel Naudé », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 75-101.

« Dans la Bibliographia politica (1633), à la demande de Gaffarel, Naudé résume les livres et la méthode nécessaires pour étudier la politique. Traduit en français en 1642, ce texte richissime aborde la fonction politique de la religion, ladministration ordinaire et extraordinaire de lÉtat, ou encore la vie sociale 505et la police – soit le contrôle de soi-même et des autres. Il sinterroge aussi sur les relations entre prudence politique et histoire, et sur la séparation entre éthique et politique. »

Bisset (Sophie), Felton (Marie-Claude) et Wolfe (Charles) (dir.), Les Lumières de lombre : Libres penseurs, hérétiques, espions / Exploring the Early Modern Undergroung : Freethinkers, Herectics, Spies, Paris, Honoré Champion, 2020, 312 p.

Les articles réunis dans ce volume sont issus du séminaire international des jeunes dix-huitiémistes organisé par la Société internationale détude du dix-huitième siècle (SIEDS).

Présentation par les éditeurs. Martin Mulsow : Introduction : « Exploring the Early Modern Underground ».

– I. Pratiques de lombre : secret, anonymat, pseudonymes, encryptage et allusion. Azzura Mauro : « La face cachée de labbé Galiani : prudence, divertissement ou stratégie ? » ; Iman Abou El Seoud : « Le Gazetier cuirassé[1771] : manipulation et subversion dans les écrits pamphlétaires prérévolutionnaires » ; Francis Kay : « Lombre des cafés parisiens (1682-1852) » ; Declan Kavanagh : « Mollies, Sodomite and Libertine : Private Pleasures in Mid-Eighteenth-Century Britain ».

– II. La part de lombre : critique radicale de la religion, blasphème, subversion politique et spiritualité hétérodoxe. Gianni Paganini : « Moïse clandestin. La théorie libertine du Theophrasus redivivus et la sécularisation spinoziste de lhistoire juive » ; Charles T. Wolfe : « Le matérialisme doit-il être athée ? » ; Björn Spiekermann : « Beyond Bayle ? Religion and Morality in the Debate on practical Atheism (1640-1740) » ; Richard Spavin : « Lésotérisme de LEsprit des lois : de la théorie des climats à la clandestinité politique ».

– III. Persécutions et sociabilités : censure, police et sociétés secrètes. Lionel Laborie : « État des lieux du rayonnement camisard dans le Refuge » ; Giulia Delogu : « Poetry and the Circulation of Ideas : Freemasonry, Enlightenment, Revolution » ; Tatiana Dragaikina : « The Subculture of Russian Freemasons in the Eighteenth Century and its Place in Russian Culture » ; Dzianis Kandakou : « Surveiller et policer : le contrôle des Russes et des Polonais à Paris sous Louis xv et Louis xvi » ; Rim Yacoubi : « Les espaces clandestins de la déviance féminine à Aix-en-Provence au xviiie siècle ».

Index.

Boussuge (Emmanuel) et Mothu (Alain), « Les “catalogues dimpiétés” de Marc Michel Rey », Hypothèses.org, carnet Marc Michel Rey, un libraire dans lEurope des Lumières : voir https://mmrey.hypotheses.org/1154 (novembre 2020).

Au cours de sa longue carrière déditeur, Marc Michel Rey a diffusé nombre de catalogues généraux ou particuliers douvrages quil mettait en vente, récents 506ou plus anciens, publiés ou non par lui-même. Vers la fin des années 1760, un catalogue dun nouveau type apparaît, quil mettra régulièrement à jour et auquel lécrivain allemand Friedrich Heinrich Jacobi donnera le nom de « catalogues dimpiétés ». Sont décrits ici trois exemplaires différents que nous avons pu identifier. Nous nous efforçons de les dater et de faire ressortir leur intérêt bibliographique et non moins historique, leur contemporanéité avec la radicalisation de la lutte « philosophique » contre la religion étant patente.

Boussuge (Emmanuel) et Mothu (Alain), « Retour sur les “catalogues dimpiétés” de Marc Michel Rey », Hypothèses.org, carnet Marc Michel Rey, un libraire dans lEurope des Lumières : voir https://mmrey.hypotheses.org/ (février 2021)

Prolongement de létude précédente, exploitant plusieurs signalements faits naguère par J. Vercruysse. Un seul catalogue est identifiable comme tel, accompagnant les Méditations métaphysiquessur Dieu, le Monde & lHomme de Theodor Ludwig Lau (1770). Or ce catalogue se révèle regrouper plutôt des ouvrages invendus que les dernières « impiétés ».

Boussuge (Emmanuel) et Mothu (Alain), « Barbier et les Naigeon. Note sur lathéisme à laube du xixe siècle », Recherches sur Diderot et sur lEncyclopédie, no 55, 2020-4, p. 143-160.

Larticle montre comment la divulgation dune information de première main concernant les publications de latelier holbachique (1761-1774) devint lenjeu de vives polémiques au début du xixe siècle. Les révélations que le bibliographe Antoine Alexandre Barbier fut en mesure de publier à partir de 1805, grâce au témoignage de Jacques André Naigeon, donnèrent lieu à une série déchanges virulents, étalés sur plus de cinq ans, qui mirent Barbier et ses amis aux prises avec Picot et les abbés Feletz et Guairard, tous réactionnaires ardents. Dans un contexte politique hostile à la libre expression du matérialisme philosophique et athée, le nœud de la querelle se fixa sur la possibilité de transmission de linformation bibliographique. Lhistoire qui se dessine à travers les multiples épisodes de ce conflit épouse les bouleversements historiques de lépoque et la constante évolution des rapports de forces idéologiques.

D Antuono (Giuseppina), « Diderot et sa conception innovante de lhistoire utile, transfrontalière et “rétrospective” », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 285-304.

« Larticle analyse la recherche par Diderot dune nouvelle lhistoire, ce qui na pas encore fait lobjet dune étude historiographique. Sa conception de lhistoire est en relation avec la géographie et la philosophie. Diderot critique les historiens de lAcadémie et met au point une méthode de formation, sans 507négliger les sources anciennes. Son histoire est transfrontalière, rétrospective et utile pour éclairer les origines des maux présents : privilèges féodaux et formes politiques autoritaires. »

Dornier (Carole), La Monarchie éclairée de labbé de Saint-Pierre. Une science politique des Modernes, Liverpool, Liverpool University Press, et Oxford, Voltaire Foundation, 2020, 461 p. [Oxford University Studies in the Enlightenment, 2020 :11].

« Labbé de Saint-Pierre, connu pour son Projet de paix perpétuelle, a laissé un ensemble bien plus vaste et cohérent décrits politiques et moraux jusqualors dispersés et partiellement étudiés. Le présent ouvrage, exploitant systématiquement la totalité de lœuvre, en propose la complète réévaluation. Dès les premières décennies du xviiie siècle, Saint-Pierre promeut une harmonisation artificielle des intérêts, assurée par lintervention politique et saffirme, avant Bentham, comme lun des premiers utilitaristes. Il imagine de substituer à la patrimonialisation, aux recommandations et clientèles qui structuraient la société de son temps et déterminaient lexercice du pouvoir, une organisation rationnelle, méritocratique et dynamique. ll remplace les valeurs charismatiques fondant la perfection chrétienne ou la grandeur aristocratique par les objectifs de lutilité et du bien public. Pour ce déiste conciliant moralité et religion, la recherche du salut par une piété active doit favoriser la justice et la bienfaisance. Selon lui, seul le pouvoir indivisible dun monarque informé par des élites compétentes peut réaliser des réformes nécessaires au bonheur du plus grand nombre. Promoteur dun État de bien-être imposé autoritairement, il représente, avant le plein essor de léconomie politique, des sciences camérales et de la doctrine des physiocrates, une dimension méconnue des Lumières politiques que cette étude entend souligner. »

Duc (Alain) et Mothu (Alain), « Un canular érudit en 1637 : la lettre du docteur Delord », Archives ouvertes, 13 juillet 2020, 36 pages. URL : https://hal.sorbonne-universite.fr/hal-02878308.

Une brochure de 1637 attribuait au parlement de Grenoble une sentence admettant quune dame avait pu concevoir par la seule force de limagination quatre ans après le départ de son mari. Plusieurs parlements (dont celui de Paris) sen émurent vivement et censurèrent la plaquette ; néanmoins son souvenir a traversé les siècles et de nos jours encore, lidée quil sagissait dun canular neffleure pas tous les esprits. Il faut dire quavant la fin de la même année 1637 avait paru en Hollande un écrit qui crédibilisait quelque peu le précédent : une lettre supposée du doyen de la faculté de médecine de Montpellier au premier président du parlement de Toulouse, commentant la curieuse sentence rendue à Grenoble. Cest ce sur-canular, traduit du néerlandais, dûment commenté et attribué, qui fait lobjet de la présente publication. 508Celle-ci sinscrit dans le prolongement dun article publié en 2009 dans La Lettre clandestine (vol. 17, p. 211-275). Rappelons incidemment que lenfant supposé conçu en songe se prénommait Emmanuel…

Gengoux (Nicole), « Dans le Theophrastus redivivus, une histoire des religions. Entre cycles éternels, déclin et progrès des hommes », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 35-55.

« Dans le Theophrastus redivivus (1659), traité athée, le temps est cyclique et le monde éternel et non providentiel. Mais se dessine aussi une histoire des religions qui correspond à une dégradation de la connaissance : plutôt que dhistoire factuelle, il sagit dune “généalogie” de lerreur laquelle consiste dans un éloignement progressif de la nature originelle. Elle rend alors possible le mouvement inverse, celui dun progrès de la “raison naturelle”, sensible, mais qui reste individuel. »

George (Louis), « La Mothe Le Vayer, précepteur royal. Relecture dune trajectoire sociale », xviie siècle, LXXII-4, no 289, oct. 2020, p. 791-814.

« Parmi les libertins dits érudits, François de La Mothe Le Vayer a souvent passé pour le représentant typique de la duplicité sociale, à la fois libre penseur accusé dincroyance et précepteur royal fidèlement attaché à la cour. Ce travail cherche à saisir le lien entre la marginalité intellectuelle et la centralité politique de La Mothe Le Vayer en étudiant sa trajectoire comme acteur social. Il approche le préceptorat royal par des sources notariées et monarchiques qui permettent de situer le phénomène libertin dans la société parisienne, de décrire la proactivité des savants dans le système des charges et de comprendre lactivation conjoncturelle dune relation de patronage construite dans le temps long. »

Giavarini (Laurence), « Une écriture libertine de lhistoire ? Lexemple de César Vichard de Saint-Réal », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 125-146.

« En marge des “libertins érudits”, les pratiques de littérarisation de lhistoire de César Vichard de Saint-Réal procèdent néanmoins dune action libertine. Énoncés anti-dévots, lecture machiavélienne du pouvoir politique : trois écrits, De lusage de lhistoire (1671), Dom Carlos (1672), La Conjuration des Espagnols contre la République de Venise (1674), dévoilent dautant mieux les pouvoirs de lécriture de lhistoire que leur auteur ne sinscrit pas dans lhistoriographie professionnelle. »

Girard (Pierre), « “Ho scelto la parte istorica”. Histoire et atomisme dans lIstoria filosofica de Giuseppe Valletta », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 147-171.

509

« Lintroduction de la modernité à Naples se caractérise par un rapport ambigu à lérudition et aux filiations historiques. Alors que le mouvement des novatores se caractérise par un rejet de lérudition au profit de lexpérimentation, le recours à des arguments historiques est souvent tactiquement utilisé dans la lutte contre les “anciens”. Ainsi, lIstoria filosofica (1697-1704) de G. Valetta est une reconstruction historique entièrement novatrice qui légitime lusage de latomisme par les modernes. »

Gladstone (Clovis), Rousseau et le matérialisme, Liverpool UP, coll. « Oxford University Studies in the Enlightenment » (2020 : 08), 2020, 264 p.

« Cette étude entend montrer la place centrale jouée par le matérialisme dans la pensée de J-J Rousseau. Loin de rejeter en bloc ce courant philosophique, Rousseau se lapproprie pour mieux rendre compte de la réalité sociale de lhomme, et en faire la pierre angulaire de son projet autobiographique, anthropologique, et politique. »

– Introduction. Quelques mots sur la méthodologie.

– I. Un « bisarre et singulier assemblage ». 1. Contexte philosophique de lécriture autobiographique. 2. Influences et autodétermination dans le premier livre des Confessions

– II. « Libre et maître de moi-même ». 1. Jean-Jacques est son maître. 2. Morale sensitive et bonheur personnel. 3. Les Confessions et la reconquête de soi.

– III. La morale sensitive en matière politique. 1. Du contrat social, ou la morale sensitive à léchelle de lÉtat. 2. Un pragmatisme politique au service de la préservation de lÉtat.

– IV. De la temporalité de lhomme. 1. Le rêve de limmobilisme. 2. De la mobilité humaine dans lœuvre de Rousseau

Conclusion.

Postface méthodologique : de lemploi des humanités numériques dans ce travail et les études dix-huitièmistes. Concordances, collocations : une exploitation transparente des textes. Approches plus distantes : classification automatique, similitudes, études sémantiques

Appendice : description de La Morale sensitive, ou le Matérialisme du sage dans les Confessions.

Figures. Bibliographie. Index.

Gros (Jean-Michel), « “À chacun son histoire”. La Mothe le Vayer et Naudé entre Épicure et Machiavel », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 103-123.

« Entre Naudé et La Mothe Le Vayer, deux conceptions de lhistoire, lune rationaliste et lautre sceptique, semblent sopposer. Ce sont en fait deux notions de “lhistoricité” qui sont en jeu. Naudé, fidèle à Machiavel, tient 510à une histoire répétitive et donc prédictible alors que La Mothe Le Vayer, épicurien, laisse une grande part au hasard dans lapparition des événements. Pour autant, une réconciliation des deux auteurs nest-elle pas envisageable ? »

Israël, (Jonathan Irvin), Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750), nouvelle édition, préf. Maxime Rovere, trad. Pauline Hugues, Charlotte Nordman et Jérôme Rosanvallon, Paris, Éditions Amsterdam, 2020, 1008 p.

Jacques-Lefèvre (Nicole), Histoire de la sorcellerie démoniaque. Les grands textes de référence, Paris, Honoré Champion, coll. « Dictionnaires et références », 2020, 432 p.

« De la fin du xve au début du xviie siècle, les textes démonologiques, écrits par des hommes de loi, juges, médecins, théologiens…, élaborent la définition de la sorcellerie démoniaque, objet imaginaire, émergeant du discours lui-même. Hérésie “aggravée”, crime de lèse-majesté divine et humaine, elle trouve son symbole suprême dans le sabbat, rituel où se pratique la transgression de toutes les valeurs. Dans un mortel va-et-vient, ces textes fournissent le mode demploi pour de très nombreux procès en même temps quils sen font lécho.

Dans ces textes de référence, dont les auteurs tentent le déchiffrement des signes dun monde qui leur est devenu obscur, se croisent et se confrontent divers éléments culturels, les discours des savoirs, philosophiques, théologiques, juridiques, médicaux… des différentes époques qui virent leur apparition. Sy constituent peu à peu une modalité décriture spécifique, un véritable “genre” discursif, voire une “poétique”, avec ses structures (compilations, redistributions, analyses critiques) et ses stratégies. On y relève une évolution des postures dénonciation – dune parole presque anonyme à laffirmation dun moi envahissant – et une redéfinition des destinataires, des stricts spécialistes (prêtres, juges) au grand public, quil sagira à la fois de persuader et de séduire, en lui offrant le spectacle de leffraction dun secret supposé, voire une émotion proprement esthétique. »

Tablé abrégée (complète sur https://www.honorechampion.com/) :

Préface. [Introduction :]La sorcellerie, cet obscur objet…

La mise en place de la sorcellerie démoniaque. Structure et imaginaire. Quelques textes préliminaires (I. Les textes et le dogme. II. De la magie à la sorcellerie. Le Manuel des inquisiteurs de Bernard Gui. III. Prélude à la répression. IV. Du déchiffrement des signes).

Les grands textes démonologiques. [1] Un texte matriciel pour les écrits démonologiques et les procès futurs : Jacques Sprenger et Henry Institoris, Le Malleus Maleficarum ou Marteau des sorcières, 1486. [2] Le texte et limage : Ulrich Molitor, Dialogus de Lamiis et Phytonicis Mulieribus ou Des sorcières et devineresses, 1489. [3] Au tournant de la répression. La querelle Jean Wier /Jean Bodin. [4] Contestation et déplacement du discours démonologique : 511JeanWier, De Praestigiis daemonum et incantationibus veneficiis [] ou Histoires, disputes et discours des illusions et impostures des diables [], 1563. [5] Une lecture philosophique et politique de la sorcellerie : Jean Bodin, La Démonomanie des sorciers, 1580. [6] La prise de parole dun juge : Henri Boguet, Discours exécrable des sorciers, 1602. [7] La sorcellerie et la relation au savoir : Martin Del Rio, Disquisitionum Magicarum libri sex [] ou Les Controverses et recherches magiques [], 1599-1601. [8] Lécriture littéraire de la sorcellerie : Pierre de Lancre, Tableau de linconstance des mauvais anges et démons, 1612.

Conclusion : La démonologie, une « branche de la littérature fantastique » ?

Index des noms propres.

Ledoux (Isabelle), « Spinoza, Bayle et lhistoire. Portée et limites de linterprétation », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 211-228.

« Bayle et Spinoza ont en commun un regard sur lhistoire, dont la causalité est comprise comme passionnelle, et sur les écrits historiques, davantage façonnés par les affects de leurs auteurs que par le souci des faits. Aussi utilisent-ils linterprétation comme une méthode permettant de corriger les distorsions introduites dans leur reconstitution. Cependant, les principes de Bayle appliqués à ses propres textes révèlent les limites de sa méthode ainsi que les différences qui existent entre Spinoza et lui. »

Libertinage et philosophie à l époque classique ( xvi e - xviii e  siècle), no 17, 2020 : Les libertins et lhistoire.

Introduction par Nicole Gengoux, Pierre Girard, Mogens Lærke.

– Gianni Paganini : « Proportion ou “disproportion” de lhomme ? Pascal, Gassendi et les libertins face à linfinitisation du temps » ; Nicole Gengoux : « Dans le Theophrastus redivivus, une histoire des religions. Entre cycles éternels, déclin et progrès des hommes » ;

Anna Lisa Schino : « “Histoire” opposée à “métaphysique” dans lœuvre de Gabriel Naudé » ; Lorenzo Bianchi : « Enseigner la politique et lhistoire. La Bibliographia politica de Gabriel Naudé » ; Jean-Michel Gros : « “À chacun son histoire”. La Mothe Le Vayer et Naudé entre Épicure et Machiavel » ; Laurence Giavarini : « Une écriture libertine de lhistoire ?

Lexemple de César Vichard de Saint-Réal » ; Pierre Girard : « “Ho scelto la parte istorica”. Histoire et atomisme dans lIstoriafilosofica (1697-1704) de Giuseppe Valletta » ; Nicolas Piqué : « Les controverses, lorigine et lhistoire » ; Masako Tanigawa : « Bayle et lhistoire dans les années 1680 » ; Isabelle Ledoux : « Spinoza, Bayle et lhistoire. Portée et limites de linterprétation » ; Catherine Volpilhac-Auger : « Lorigine ou la fondation au crible de la raison. Naissances de Rome au xviiie siècle » ; Maria Susana Seguin : « Fontenelle, histoire des savoirs et épistémologie historique » ; Myrtille Méricam-Bourdet : « Lhistoire 512voltairienne entre hasard et nécessité » ; Giuseppina DAntuono : « Diderot et sa conception

innovante de lhistoire utile, transfrontalière et “rétrospective” ».

Varia. Anna M. Vileno, Robert J. Wilkinson : « Le commentaire sur le Pentateuque dIsaac

de Lapeyrère (1671) ».

Résumés. Les résumés sont reproduits dans le présent Bulletin.

Méricam-Bourdet (Myrtille), « Lhistoire voltairienne entre hasard et nécessité », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 267-284.

« Létude sinterroge sur le système de causalité présent dans les œuvres historiques de Voltaire, et met à lépreuve le discours théorique tenu par Voltaire sur le déterminisme. Tout en rejetant une logique providentialiste, lhistorien adopte un point de vue humain qui voit parfois à lœuvre des contingences, bien loin du point de vue abstrait mis en valeur dans dautres textes philosophiques traitant du problème de manière générale. »

Mori (Gianluca), Bayle philosophe. Nouvelle édition, Paris, Champion, 2020, 468 p.

Seconde édition de ce livre classique, initialement paru en 1999.

« Les travaux réunis dans le présent volume visent à remettre en question – par le biais dune méthode de lecture tendant à retrouver le noyau conceptuel de la position de Bayle derrière son enveloppe rhétorique – un certain nombre de lieux communs très répandus : Bayle adepte du dualisme cartésien et de loccasionalisme malebranchiste ; Bayle héritier de la doctrine protestante des droits de la conscience ; Bayle sceptique et tenant dun fidéisme calviniste irréprochable…

Bayle fut sans doute “influencé” par le cartésianisme, par Malebranche et par les théologiens protestants. Il reste à savoir si cette influence donne lieu, en dernière analyse, à une pensée qui peut encore être définie comme cartésienne, malebranchiste ou protestante. Car Bayle renverse de manière irréversible les doctrines quil adopte : le malebranchisme se transmue sous sa main en une nouvelle forme dathéisme rationaliste, alors quen développant la thèse des droits de la conscience errante, il aboutit à une vision intégralement laïque de la tolérance. Même son fidéisme, tout en exploitant des formules théologiques traditionnelles, sécarte par son radicalisme de toutes les doctrines précédentes, jusquà se retourner paradoxalement contre la religion chrétienne. Cette nouvelle édition comporte également une bibliographie mise à jour des œuvres de Bayle et des travaux sur Bayle de 1900 à 2020, classés par ordre chronologique. »

513

Mothu (Alain), « Délices de léquivoque. Le titre du Cymbalum mundi », Bibliothèque dHumanisme et Renaissance, LXXXII-1, 2020, p. 65-81.

Le titre latin du Cymbalum mundi représente sûrement son élément le plus mystérieux. La Lettre qui ouvre louvrage nous permet de comprendre quil représente une invitation à traduire, cest-à-dire à interpréter le texte, à en restituer le sens profond. Mais comment traduire le titre lui-même ? De nombreuses hypothèses ont été formulées et leur examen conduit à en privilégier une, plus crédible que les autres car plus cohérente avec le texte-source de Pline sur la « cymbale du monde » nommée Apion. La cymbale de Des Périers, ce charlatan qui prétend rendre les hommes immortels et dont le nom résonne dans le monde entier, ne serait autre que Jésus.

Mothu (Alain), « “Que sais-je ?” du Cymbalum mundi. V.-L. Saulnier et sa Littérature française de la Renaissance (1942-1973) », HAL-Archives Ouvertes, février 2020, 17 p. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02483048

Enquête sur lévolution du texte et de la pensée de Verdun-Léon Saulnier concernant le Cymbalum mundi (1537-1538), à travers les dix éditions de son volume de la collection « Que sais-je ? » [Presses Universitaires de France] sur La Littérature française de la Renaissance, de 1942 à 1973, et ses articles scientifiques contemporains sur le sujet. Et interrogation, notamment, sur la formation de son concept d« hésuchisme », créé pour définir certaine philosophie que Bonaventure des Périers aurait partagée avec Rabelais et Marguerite de Navarre.

Mothu (Alain), « Le vol de limage dargent. Enquête sur un délit commis dans le Cymbalum mundi », Bibliothèque dHumanisme et Renaissance, LXXXII-3, 2020, p. 535-540.

Au premier dialogue du Cymbalum mundi, Mercure pénètre dans une auberge, mais il quitte bientôt sa table pour aller dérober un « petit ymage dargent » quil souhaite offrir à son « cousin Ganymède ». Le mobile invraisemblable, lobjet mystérieux, le lieu énigmatique et les circonstances obscures de ce larcin, nous portent à ouvrir lenquête à son sujet.

Paganini (Gianni), « “Proportion ou “disproportion” de lhomme ? Pascal, Gassendi et les libertins face à linfinitisation du temps », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 19-33.

« Largumentation de Pascal concernant la “disproportion de lhomme” avec linfini concerne aussi bien le temps que lespace. Il faut aussi tenir compte du fait que dans la science et la métaphysique nouvelles (surtout Gassendi) 514la notion traditionnelle déternité avait été résorbée par celle du temps infini, comme flux continu et homogène. Sur ces questions, larticle analyse les positions des libertins, comme Naudé, La Mothe le Vayer et lauteur clandestin du Theophrastus redivivus (1659). »

Paganini (Gianni), Kaigishugi to shinko. bodan kara hyumu made[Scepticisme et croyances de Bodin à Hume] Tokyo, Chisenshokan, 2020, 280 p

Traduction japonaise des conférences prononcées à linvitation de la Japan Society for the Promotion of Science à Tokyo, Osaka, Tsukuba.

Pellegrin (Marie-Frédérique), Pensées du corps et différences des sexes à lépoque moderne. Descartes, Cureau de la Chambre, Poulain de la Barre et Malebranche, Lyon, ENS Éditions, coll. « La Croisée des chemins », 2020, 450 p.

« Souvent éludée par lhistoire de la philosophie, la question philosophique et médicale de la différence des sexes est fondamentale à lépoque moderne. Les modèles pour penser cette différence proviennent essentiellement de deux anthropologies opposées : celle de Descartes et celle de Cureau de la Chambre. Leurs sciences de lêtre humain examinent tout dabord les interactions entre corps et esprit, mais elles mettent surtout en valeur les pensées propres du corps par le biais de limagination. Cest à même le corps que se décide si femmes et hommes sont égaux. Les lectures critiques de ces deux modèles proposées dun côté par Malebranche et de lautre par Poulain de la Barre confirment que le xviie siècle constitue un tournant dans lanalyse psycho-physiologique et morale. La confrontation de ces quatre philosophes permet de comprendre comment se sont constituées des lignées théoriques sur sexe et genre qui sont toujours actuelles : celle de légalitarisme et celle dun différencialisme qui peut être inégalitaire ou égalitaire. »

Introduction générale.

– I. Descartes : pensées corporelles et sexe. Introduction : Descartes, celui qui a « tout gâté, tant en philosophie quen bonne médecine ». 1. Le « vrai homme ». 2. Pensées corporelles et naissance des passions. Conclusion.

– II. Cureau de la Chambre : caractère et sexe. Introduction : Cureau sémiologue des passions. 3. Imaginer la beauté. 4. Perfection et excès des caractères. Conclusion.

– III. Malebranche : sexe et hérédité. Introduction : Malebranche, « homme, chrétien, français ». 5. Lhomme pécheur. 6. La femme chrétienne. Conclusion

– IV. Poulain de la Barre : sexe et égalité. Introduction : Poulain de la Barre observateur du beau sexe. 7. La fin des caractères des passions. 8. La vraie femme. Conclusion.

Conclusion générale. Bibliographie générale.

515

Piqué (Nicolas), « Les controverses, lorigine et lhistoire », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 173-188.

« Cet article analyse lavènement paradoxal dun nouveau régime de temporalité. Nouveau régime parce quarticulant de manière inédite passé et présent, modalité paradoxale parce que résultant dune volonté initiale de défense de la tradition. Sera donc ici privilégié lordre des effets sur celui des intentions. Le statut de lorigine sera particulièrement examiné, fondement du régime traditionnel de temporalité, objet de critiques créant les conditions dune nouvelle représentation de lhistoire. »

Roche (Bruno), Lumières épicuriennes au xviie siècle : La Mothe Le Vayer, Molière et La Fontaine, lecteurs et continuateurs de Lucrèce, Paris, Honoré Champion, coll. « Libre pensée et littérature clandestine », 2020. 446 p.

« De La Mothe Le Vayer à Molière et à La Fontaine, un épicurisme diffus se propage dans lespace de la République des Lettres et constitue larrière-fond du paysage littéraire duxviie siècle. Quelle est la fonction des philosophèmes épicuriens dans les œuvres de ces trois auteurs ? Ne sagit-il que de simples éléments décoratifs ? La doctrine épicurienne affiche, sur la définition du plaisir, sur la mortalité de lâme et sur la négation de la Providence, des idées qui heurtent de front les dogmes chrétiens. Comment les auteurs reprennent-ils à Épicure et à Lucrèce leur thérapeutique des craintes et leur morale du plaisir ? Comment accueillent-ils des idées et des valeurs hétérodoxes dans le monde chrétien qui est le leur ? La cohérence libertine de leur propos semble se construire, discrètement mais sûrement, sous le patronage de Lucrèce. »

Introduction : Lucrèce au xviie siècle : une présence paradoxale et problématique (Une œuvre connue, une influence méconnue. La réception dun texte « impie » au « Siècle des Saints ». Une réception créative, entre libertinage érudit et esthétique galante).

– I. La recherche du bonheur : source de polémique au « siècle des Saints » (1. Variations sur le suave mari magno : du retrait philosophique à la philosophie de lhonnêteté mondaine : la lecture partisane du suave mari magno par Sénèque ; les figures du retrait philosophique chez La Mothe Le Vayer ; Molière et la tentation de la retraite ; La Fontaine ou la nostalgie de la solitude. 2. Linvention dune littérature fondée sur le principe de plaisir : Le Vayer et léthique du plaisir ; mémoire et plaisir chez La Fontaine ; lÉros libertin ou la métaphore du principe du plaisir ; Molière et la morale du plaisir, de LÉcole des femmes à La Princesse dÉlide ; la gaieté de La Fontaine ; des œuvres qui contribuent au débat sur le plaisir et le bonheur).

– II. Pour une pensée du corps (1. La phénoménologie épicurienne de la perception : variations sur le chant IV de Lucrèce : dÉpicure à Lucrèce ; les idées sont-elles adventices ? Descartes contre le sensualisme épicurien ; le « prosdoxazomenon de lEros » ; dépit amoureux et phénoménologie épicurienne de la perception. 5162. Molière et La Fontaine contre Descartes : Les Précieuses ridicules et Les Femmes savantes contre Platon et Descartes ; La Fontaine contre la théorie cartésienne des animaux-machines).

– III. Les remèdes aux maux de lesprit (1. Malheurs et illusions de la passion amoureuse : Almaviva, Lucrèce, Montaigne ; Les remèdes à lamour de La Mothe Le Vayer ; La Fontaine et Molière, des affres de la jalousie aux joies du cocuage ; Molière et le cocuage. 2. Vaincre la crainte de la mort : les objections de Bayle à Lucrèce et à Épicure ; pour Montaigne, « nous troublons la vie par le soin de la mort et la mort par le soin de la vie » ; La Mothe Le Vayer, La Fontaine, Molière et la mort).

– IV Variations sur le sacrifice dIphigénie (1. Lart de lever les scrupules : La sacrifice dIphigénie, étude du texte ; construire la preuve éthique et ne pas afficher un ethos impie. 2. Tantum religio potuit saudera malorum : dissimulation libertine et érotique de la lecture ; La Fontaine dévoile limposture politique des religions ; Molière dénonce linstrumentalisation du langage de la dévotion).

– V. Lexpression dune pensée antifinaliste (1. Épicurisme et finalité providentielle. 2. Les métamorphoses de Jupiter : Jupiter figure de la Providence dans les œuvres de La Mothe Le Vayer ; chez Molière, « le seigneur Jupiter sait dorer la pilule » ; La Fontaine et la Providence).

Conclusion. Bibliographie. Index nominum. Table alphabétique des œuvres citées.

Schino (Anna Lisa), Batailles libertines.La vie et lœuvre de Gabriel Naudé, Paris, Honoré Champion, 2020, 342 p.

« Membre du cercle des libertins érudits du xviie siècle, Gabriel Naudé, bibliothécaire et grand savant, était aussi médecin. Son regard “médical” se traduit par une perspective naturaliste et matérialiste qui cherche dans la nature et uniquement en elle la cause de tous les phénomènes, y compris des prétendus miracles, selon un modèle dexplication où la vie et lâme sont ramenées au jeu de la chaleur innée et de l“humidité radicale”. Ce schéma est repris par plusieurs libres penseurs, parmi lesquels Cyrano de Bergerac.

Par sa méthode historico-critique, qui fait de lui une source importante de Pierre Bayle, et par une écriture oblique, Naudé formule une critique radicale des religions grâce à un usage savant des citations qui incite le lecteur à décrypter ses textes. Naudé écrit avec une grande liberté intellectuelle et est profondément hostile au fanatisme des théologiens et à la superstition du peuple. Ses idées, cependant, ne sauraient être communiquées à tous : son monde reste partagé entre les esprits forts, qui ont la possibilité de sémanciper, et les esprits faibles, condamnés à perpétuer lerreur. »

Introduction.

Chapitre i. Un libertin italianisant. 1. La formation en bibliothèque. 2. Les premières rencontres italiennes : Naudé à Padoue. 3. En Italie à la suite du cardinal di Bagno. 4. Laffaire Campanella. 5. Au service de Mazarin. 6. En Suède chez la reine Christine

517

Chapitre ii. Le programme : « Esquarrer toute chose au niveau de la raison ». 1. Le projet de « censure et critique des autheurs ». 2. Les règles de la recherche. 3. Comme acquérir lémancipation intellectuelle. 4. Le lieu de la recherche : la bibliothèque. 5. Les dispositifs rhétoriques.

Chapitre iii. Condamnations et réhabilitations. 1. La première application de la méthode : lenquête sur les Rose-Croix. 2. Les adversaires à combattre. 3. Les arguments de défense. 4. Le défilé des magiciens.

Chapitre iv. Démons, sorcières et statues qui parlent. 1. Les intelligences désincarnées existent-elles ? 2. Démons familiers, tempéraments mélancoliques et têtes parlantes. 3. Possessions et sorcellerie.

Chapitre v. Érudition et médecine. 1. Les intérêts naturalistes. 2. La production médicale.3. La iatrophilologie. 4. Déterminisme et médecine.

Chapitre vi. Lhéritage de laristotélisme. 1. Le legs de Pomponazzi. 2. Le procès de Cardan. 3. La fascination pour Nifo.

Chapitre vii. Lordre imposé par le pouvoir. 1. La négation du droit divin des rois. 2. Une politique “chirurgicale”. 3. Mazarin et les mazarinades.

Chapitre viii. Une nouvelle carte des savoirs. 1. La valeur de lérudition. 2. Certitude et savoirs de lhomme : léloge de lhistoire. 3. Force et limites du rationalisme naudéen.

Conclusions.

Sources. Bibliographiegénérale. Index des noms propres de personnes.

Schino (Anna Lisa), « “Histoire” opposée à “métaphysique” dans lœuvre de Gabriel Naudé », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 57-74.

« Tous les écrits de Gabriel Naudé représentent une bataille contre lerreur et lirrationalité non pas au nom de valeurs absolues, mais en utilisant lhistoire. Naudé propose une méthode de vérification quil nomme la “censure” et qui, seule, peut offrir une connaissance vraie, celle de faits avérés. Lhistoire remplace la métaphysique à la base des connaissances. Elle exerce aussi une fonction éducative puisquelle sert à “guérir du sot” en entraînant lhomme à ne pas croire avec légèreté. »

Seguin (Maria Susana), « Fontenelle, histoire des savoirs, et épistémologie historique », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 247-265.

« À sa mort, Fontenelle laisse inachevé un fragment intitulé Sur lhistoire. Ce texte prolonge dune part la réflexion gnoséologique à lœuvre dans des écrits bien connus comme la Digression sur les Anciens et les Modernes, lHistoire des Oracles et De lorigine des fables. Mais il propose aussi une réflexion sur une méthode décriture historiographique que lauteur mettra en œuvre en tant que secrétaire de lAcadémie royale des Sciences chargé de la composition annuelle de son Histoire. »

518

Seidengart (Jean), LUnivers infini dans le Monde des Lumières, Paris, Les Belles Lettres, coll. « LÂne dor », 2020, 532 p.

« LUnivers infini dans le Monde des Lumières sinscrit dans le prolongement de []Dieu, lUnivers et la Sphère infinie (2006). Dans ce dernier, il sagissait délucider pourquoi et comment lidée dunivers infini avait réussi à simposer largement en quelques décennies à laube de la science classique, alors quelle avait été rejetée durant plus de deux millénaires. Aussi était-il devenu absolument nécessaire dinnover et de former très précisément une nouvelle acception du concept dinfini afin de ne pas appliquer lattribut “infini” de manière univoque à Dieu et à lunivers.

Le présent ouvrage poursuit le cours de cette investigation à partir du moment où Newton parvint à établir les fondements mathématiques de la physique classique et à proposer une nouvelle image du monde []. Malgré les aspects très novateurs de la mécanique classique, les différentes cosmologies dinspiration newtonienne pouvaient encore saccorder assez globalement avec les enseignements de la métaphysique classique. Pourtant, on assiste à un net affaiblissement progressif des arguments traditionnels en faveur dun univers infini existant en acte. []. »

Introduction : Les controverses autour de lidée dinfini au siècle des Lumières. I. Infinitisme et téléologie dans les cosmologies newtoniennes. II. Remise en cause de linfinitisme dans les théories de la connaissance. III. Lunivers infini des écrits précritiques de Kant. IV. Lunivers infini en question dans lœuvre critique de Kant. V. En guise de conclusion. Bibliographie. Index des noms.

– Table complète sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/4178-l-
univers-infini-dans-le-monde-des-lumieres.

Tanigawa (Masako), « Bayle et lhistoire dans les années 1680 », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 189-209.

« Au xviie siècle, lhistoire proche est au cœur de la controverse religieuse entre catholiques et protestants. Nous présentons les grands axes de la pensée de Bayle en les organisant autour des textes de Jurieu et dArnauld, qui discutent des événements historiques des années 1680, tels que le Complot papiste, laffaire régale et le Projet de Toulouse. Nous verrons que la réalité de lépoque conduit Bayle à élaborer sa pensée sur le plan historique aussi bien que moral et politique. »

Taranto (Pascal), Joseph Priestley, matière et esprit au siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion, coll. « Libre pensée et littérature clandestine », déc. 2020, 402 p.

Voir sur le site des éditions Champion (https://www.honorechampion.com/). Cette publication importante fera lobjet dun compte rendu par Alain Sandrier dans le prochain volume de La Lettre clandestine.

519

Vileno (Anna M.) et Wilkinson (Robert J.), « Le commentaire sur le Pentateuque dIsaac de Lapeyrère (1671) », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 305-375.

« Larticle démontre quIsaac de Lapeyrère est lauteur de la traduction du Pentateuque parue en 1671 et attribuée à Michel de Marolles. Le commentaire accompagnant la traduction indique leur volonté de contourner la censure et de développer lhypothèse pré-adamite dans une version autorisée de la Bible en langue vernaculaire. Enfin, lapproche comparatiste au sujet des lois et des rites décrits dans lExode et le Lévitique est resituée dans le cadre du comparatisme naissant et de son usage à des fins de controverse religieuse. »

Volpilhac-Auger (Catherine), « Lorigine ou la fondation au crible de la raison. Naissances de Rome au xviiie siècle », Libertinage et philosophie à lépoque classique, no 17 (2020), p. 229-245.

« La naissance de Rome constitue un objet historiographique remarquable au xviiie siècle : à partir des mêmes sources antiques, des récits radicalement différents la représentent. La comparaison des textes des historiens les plus traditionnels (Catrou, Vertot, Rollin) comme de philosophes-historiens (Montesquieu, Mably) révèle des biais interprétatifs importants, mais montre aussi comment une histoire politique peut sappuyer sur une histoire des mœurs. »

Wolfe (Charles T.), Lire le matérialisme. Préface de Pierre-François Moreau, Lyon, ENS Éditions, coll. « La Croisée des chemins », 2020, 292 p.

« Ce livre étudie, à travers une série dépisodes allant de la philosophie des Lumières à notre époque, le problème du matérialisme dans lhistoire de la philosophie et lhistoire des sciences. Comment comprendre les spécificités de lhistoire du matérialisme, des Lumières à nos jours, au sein de la grande histoire de la philosophie et de lhistoire des sciences ? Quelle est lactualité de lopposition classique entre le corps et lesprit ? Quest-ce que le rire ou le rêve peuvent nous apprendre du matérialisme ? En traversant lhistoire du matérialisme jusquà lémergence dun “nouveau matérialisme” contemporain, louvrage vise à revitaliser le matérialisme et sa lecture. »

Pierre-François Moreau : Préface. Introduction. 1. Sommes-nous les héritiers des Lumières matérialistes ? 2. Le matérialisme doit-il être athée ? 3. Le rêve matérialiste, ou « faire par la pensée ce que la matière fait parfois ». 4. Le rire matérialiste. 5. Éléments pour une théorie matérialiste du soi. 6. Le cerveau est un « livre qui se lit lui-même ». Diderot, la plasticité et le matérialisme. 7. Un matérialisme désincarné : la théorie de lidentité cerveau-esprit. 8. Matérialisme ancien, matérialisme nouveau : réflexions sur un néo-matérialisme contemporain. 9. En guise de conclusion : matérialisme et embodiment. Bibliographie.

520

Nouveaux manuscrits

Cette rubrique était friche depuis plusieurs années, mais la moisson est cette fois presque surabondante ; il faut croire qu à l heure des confinements, les animaux sauvages ne soient pas seuls à sortir des forêts ombragées. La découverte la plus sensationnelle est peut-être celle de deux copies manuscrites inconnues de Cyrano de Bergerac, dont une version parfaitement inconnue et tout à fait originale de La Mort dAgrippine ; si maigres que soient nos informations actuelles à son sujet, ce lot nous a paru mériter quelques remarques (voir, à la fin du Bulletin, la note : « Deux nouveaux manuscrits de Cyrano »). Parmi les autres découvertes marquantes, signalons celle faite par Antony McKenna, dans un même recueil lyonnais, de manuscrits fort proches de larchétype du Traité de linfini créé (dans deux versions distinctes) et de lExplication sur le mystère de lEucharistie, désormais positivement attribuables lun et lautre à Jean Terrasson (voir infra, no 180 et 239, avec les articles de McKenna-Mori et dA. Del Prete dans le présent volume). Remarquons aussi la réapparition de plusieurs manuscrits de Boulainvilliers provenant de la bibliothèque dun très proche : Samuel Bernard (infra no 1 et 122), celle dune nouvelle copie de la rare Lettre sur lâme de Voltaire (infra no 112 et larticle de M. Benítez dans ce volume), ou encore dune version intégrale du Mémoire de Meslier (infra no 121), La plupart des autres manuscrits signalés lont été, comme le dernier cité, par Maria Teresa Bruno, quil nous faut ici remercier : nous lui devons la mention dune belle poignée de textes récemment acquis par la Bibliothèque Sainte-Geneviève (dont un petit recueil décrit infra sous le no 93), et de nombreuses copies passées en vente : Beatitude des chrestiens de Vallée (no 15, 2e ms.), Ciel ouvert à tous les hommesde Cuppé (no 25), etc.

Les manuscrits cités ci-après le sont suivant l ordre de l inventaire de Miguel Benítez (1996).

[1] Henri de Boulainvilliers, Abrégé dhistoire universelle. [avec :]Histoire de lancienne Grèce. Manuscrit « vers 1700-1707 » mis en vente (8000 €) par le libraire Hugues de Latude (Villefranche de Lauragais) : « 2 volumes grand in-4o[280 x 214 mm] de 792 et 610 p. Reliure : Veau marbré, dos à nerfs orné, pièce de titre en basane rouge, armes de Samuel Bernard frappées sur les plats, tranches rouges. (Reliure de lépoque) ». Voir la description complète du recueil sur : https://www.latude.net/

521

La Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne ayant très récemment acheté ces manuscrits, ils seront prochainement numérisés et mis à la disposition des lecteurs à travers la collection Nubis : http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-20212131625041

Rappelons que Samuel Bernard et le comte de Boulainvilliers furent liés : le fils de Samuel, Gabriel Bernard de Rieux, avait épousé en secondes noces la seconde fille de Boulainvilliers. En outre, le richissime Samuel achètera après la mort du comte en 1722 une partie importante de sa bibliothèque. Il y a donc de fortes chances pour que le présent manuscrit provienne par voie directe de Boulainvilliers, soit que la copie en fût prise avant 1722, soit quelle appartînt à la bibliothèque même du comte. Rappelons en second lieu que nous nous étions appuyé naguère sur la proximité de Gabriel Bernard de Rieux avec le clan Boulainvilliers pour suggérer quun certain « Derieu », « gentilhomme de Normandie bien riche » qui sétait présenté en 1734 à Benoît de Maillet comme lauteur de plusieurs manuscrits clandestins, pouvait être Gabriel Bernard de Rieux (voir « Benoît de Maillet et le gendre de Boulainviller », La Lettre clandestine, 2, 1993, réédité en 1999, p. 193-198). (A.M.)

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Fig. 1 a et b – Henri de Boulainvilliers, Abrégé dHistoire universelle,
xviiie siècle, © Hugues de Latude.

[14] Cyrano de Bergerac, LAutre monde ou les Estats et Empires de la lune (248 p. in-4), avec à la suite : « Agrippine. Tragédie ». Description dans la note en fin de Bulletin : « Deux nouveaux manuscrits de Cyrano ».

522

[15]Geoffroy Vallée.La beatitude des Chrestiens, ou le fléo de la foy, par Geoffroy Vallée, natif dOrléans, filz de feu Geoffroy Vallée, & de Girarde le Berruyer ; ausquelz noms des pere et mere assemblez il sy treuve. Lerre geru vrey fleo D. La foy bigarrée. Et au nom du filz. Va fleo regle foy. Aultrement. Guere la folle foy. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6436.Signalé par Maria Teresa Bruno.

xviii e siècle. Parchemin. [14] f. 147 x 10 mm. Reliure maroquin olive, dos long, triple filet doré en encadrement des plats, roulette dorée sur coupes, dentelle intérieure, contregardes et gardes de papier dominoté à motif étoilé doré, tranches dorées, xviiie siècle. / Copie calligraphiée à lencre noire et rouge, titre en lettres rouges et dorées, double encadrement au texte (un filet doré et un filet rouge). / Texte suivi dune courte notice sur Geoffroy Vallée. / Ex-libris imprimé collé au contreplat supérieur : « Bibliothèque Raymond Linard Paris No. ». Provenance : achat en vente publique (Binoche et Giquello), 2016. Renvois bibliographiques à lexposition Enrichir le patrimoine (Bibliothèque Sainte-Geneviève, 2017), à léd. de [1573] ; à léd. Mothu-Graille de 2005 ; à La Lettre clandestine, 2004, no 13, p. 473 (notice du catalogue Bergé & associés de mai 2004 ; à linventaire de M. Benítez.

Voir http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2017128121214681

[15] Geoffroy Vallée, La Béatitude des chrétiens ou le Fléo de la Foy. Manuscrit passé en vente le mercredi 8 juillet 2020 par la Maison Binoche et Giquello (vente hôtel Drouot), no 183 du Catalogue Livres de la bibliothèque du docteur Henri Polaillon (https://www.bibliorare.com/lot/355811/), p. 122-123 (estimation : 3 000/5 000 €). Signalé à nous par Maria Teresa Bruno.

La notice du catalogue précise que Henri Polaillon (1875-1941), médecin et collectionneur, fut un « esthète aux curiosités multiples : littérature, botanique, sciences naturelles, médecine, numismatique et enfin armes et souvenirs du Premier Empire. »

– Lécrit de Vallée est vanté comme « un moment dans lhistoire de lincroyance », et la copie de Polaillon présentée comme la « redécouverte dune copie figurée dun grand “manuscrit philosophique clandestin” écrit par Geoffroy Vallée (1550-1574) que Frédéric Lachèvre appelait “lancêtre des libertins du xviie siècle” », et qui devint dailleurs « aux xviie et xviiie siècles un martyr de lincroyance ».

– « Manuscrit sur peau de vélin. Copie figurée réalisée pour Paul Girardot de Préfond vers 1770, sur lunique exemplaire connu de lédition de 1573 qui passa dans la vente du duc de La Vallière [après être passé “dans les plus grandes collections” depuis Bernard de La Monnoye] et se trouve aujourdhui conservé à la bibliothèque municipale dAix-en-Provence dans la collection du marquis de Méjanes » ; « Quelques amateurs, dont Paul Girardot de Préfond, firent réaliser une poignée de copies figurées dun grand luxe ».

523

– « Collation et contenu : Grand in-8 (190 x 127mm) [contenant] : 16 pages en 8 f. calligraphiées à lencre brune ; f. 1r : titre, f. 2r : le Vray Catholique, f. 3r : le Papiste, f. 3v : le Huguenot, f. 5r : lAnabaptiste, f. 5v : le Libertin, f. 6r : lAthéiste, f. 7v : Qui est en craincte… ne peut estre heureux ».

– « Reliure vers 1770. Maroquin rouge, décor doré, triple filet dencadrement avec rosette aux angles, dos long orné avec titraison longitudinale, tranches dorées ». « Petite tache noire sur le plat supérieur ».

– « Provenance : manuscrit conçu et relié pour Paul Girardot de Préfond (1722-1785), avec son ex-libris et le numéro 157, cote de sa seconde collection, bien supérieure en qualité bibliophilique à la première, vendue aux enchères en 1767. Elle fut acquise en bloc en 1769 par [] le comte Justin Mac-Carthy Reagh (1744-1811 ; Cat., 1815-1817, no 1041), [puis par le] baron Willem van Westreenen de Tiellandt (1783-1848), neveu du comte Jean Meerman (1753-1815), pour leur bibliothèque commune (Bibliotheca Meermanniana sive Catalogus…, 1824, t. III, no 532), [ensuite par] Sir Thomas Phillipps, qui acquit en bloc une grande partie des manuscrits de Meerman, puis vente : Catalogue of the Phillipps Manuscripts, Cheltenham, 1886, no 1937 ; [enfin le ms. fut] acquis par Henri Polaillon chez le libraire-expert Cornuau le 4 mars 1918 ».

Références : M. Benítez, La Face cachée des Lumières, Recherches sur les manuscrits philosophiques clandestins de lâge classique, 1996, no 15, p. 24 – I.O. Wade, The Clandestine Organization and Diffusion of philosophic Ideas in France from 1700 to 1750, no 47 (p. 14), et p. 297 – G. Peignot, Dictionnaire des livres condamnés au feu, 1806, p. 169 – F. Lachèvre, « Lancêtre des libertins du xviie siècle. Geoffroy Vallée et La Béatitude des chrestiens », Le Libertinage au xviie siècle, Paris, 1920, p. 5-59 – H. Busson, Le Rationalisme dans la littérature française de la Renaissance (1533-1601), Paris, 1971, p. 523-534 – A. Mothu, « La Beatitude des chrestiens et son double clandestin », La Philosophie clandestine à lÂge classique, éd. A. McKenna et A. Mothu, Paris, Oxford, Voltaire Foundation, 1997, p. 79-128 – LArt de ne croire en rien, Raoul Vaneigem éd., Paris, 2002, p. 34-46 – P. Graille et A. Mothu, « Quelques mots sur Geoffroy Vallée et ses proches », La Lettre clandestine 14, 2005-2006, p. 159-199 – Geoffroy Vallée, La Béatitude des Chrétiens ou le fléau de la foi, 1573, P. Graille et A. Mothu éd., Orléans, 2005.

[25]Le ciel ouvert a tous les hommes : ou traité théologique par lequel sans rien déranger des pratiques de la religion on prouve solidement par lEcriture-Sainte & par la raison que tous hommes sont sauvés / Par Mre… N. Mellier [sic] Prêtre bachelier en théologie, Chanoine régulier de Saint Augustin, Prieur Curé de Trépigny. Manuscrit « sans lieu ni date (circa 1750), In-4o, plein veau marbré de lépoque, (2o-235 (i.e. 239)-(3) pages », aperçu en vente (750 €) sur Abebooks le 15 novembre 2020, signalé par Maria Teresa Bruno. Lien : https://www.abebooks.fr/servlet/BookDetailsPL ?bi=30642076553&cm_sp=det-_-bsk-_-bdp

524

« Manuscrit philosophique clandestin. À la fin de louvrage, une autre main à copié un “extrait des Mémoires secrets [sic] pour servir à lhistoire de la République des lettres en France par M. de Bachaumont. Tome 2. Page 109 du 30 octobre 1764” qui offre quelques indices sur lauteur supposé de ce manuscrit : “On vient dimprimer en Hollande un manuscrit que les curieux étoient procuré a grand frais ; Cest la Confession du Curé dEtrepigny [.] Jean Meslier, Curé dEtrepigny et de But en Champagne mort en 1723, âgé de 55 ans, laisse trois copies de sa main dun ouvrage contenant ses sentiments sur la religion”. Louvrage en question est le testament de J. Meslier, publié par Voltaire en 1762, dans lequel un curé professe avec détermination son athéisme”. Cependant, lattribution de notre manuscrit au curé Jean Meslier est incorrecte. En effet, il sagit dune copie de louvrage écrit par Pierre Cuppé (1664-1748), prêtre-bachelier en théologie, chanoine régulier de Saint Augustin, prieur curé de Bois, diocèse de Xaintes : Le Ciel ouvert à tous les hommes. Cet ouvrage, un temps attribué à Voltaire, fut rédigé avant 1716 et distribué largement en France sous forme de manuscrit, avant dêtre imprimé pour la première fois dans une traduction anglaise en 1743 puis en France. “Dangereux et rempli de maximes impies” selon De Bure, il fut proscrit au même titre que les textes matérialistes ou athées. Toutefois les opinions quil renferme, certes peu orthodoxes, séloignent de lathéisme du Curé Meslier ».

Renvoi est fait à lédition de « London, 1750 ».

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Fig. 2 a et b – Pierre Cuppé, Le Ciel ouvert à tous les hommes, xviiie siècle.

[53]Difficultés sur la R. proposées au Père Malebranche[dans la marge] par un ancien officier. Ce manuscrit de 110 p. semble être une copie de lédition du Militaire philosophe (Londres [Paris], 1768). Il constitue la première partie 525dun recueil simplement cousu (non couvert) et sans titre, de format 229x189 mm, assemblant deux parties de 1-169-[I]-1-66 p. Coll. particulière Muriel Adrien (Université de Toulouse 2) ; signalé à la revue par sa propriétaire. Le recueil comprend :

1) Difficultés sur la R. proposées au Père Malebranche par un ancien officier (p. 1-110).

2) Examen de la religion (p. 111-159).

3) Sermon du Rabin Akib (p. 1-8).

3) Sermon des cinqua[n]tes (p. 9-26).

4) Extraits des sentiments de Jean Meslier adressés à ses paroissiens, sur une partie des abus et des erreurs en général et en particulier (p. 27-66).

Ce recueil manuscrit, ainsi quun second commençant par les Lettres philosophiques à Eugénie (décrit infra sous le no 113), ont été achetés dans une brocante dans le Puy-du Dôme. Lensemble était accompagné de plusieurs imprimés (Lettres patentes du Roi, proclamations, proclamation de lois, etc.) datées des années 1790-1791. Ils proviendraient de la bibliothèque de M. Jacques Reynoard, maire de Besse-et-Saint-Anastaise (63) au début du xxe siècle, avoué et lié à la gauche républicaine, et descendant dune lignée de notables locaux. Des recherches sur cette famille sont en cours.

Filigranes visibles : fleur et inscription « WR ». Lensemble est en assez bon état de conservation (sauf la première page, plus abîmée). Écriture xviiie siècle, très lisible ; marge tracée au crayon, à gauche. Aucune datation ni marque de possession.

Fig . 3 – Robert Challe, Difficultés sur la religion adressées au Père Malebranche, xviiie siècle, © Muriel Adrien.

526

[76] Traité de Métaphysique, s.l., s.n., s.d. (xviiie), In-8 (22,5 cm x 17 cm) de 89 p. Il sagit de lEssay de métaphysique de Boulainvillier, non identifié par le vendeur. Manuscrit mis en vente sur ebay en janvier 2021 (vendu 1309 €), signalé à nous par Sylvain Matton.

« Pleine basane, dos à nerfs orné de fers dorés, pièce de titre de cuir marron, double filet doré parcourant les coupes, tranches rouges (reliure dépoque) » ; « bel exemplaire, reliure de bonne tenue, légèrement frottée sur les coupes, coiffe supérieure découverte, intérieur en très bon état, rares brunissures sans gravité » ; « rédigé à lencre noire, dune écriture soignée, lisible et uniforme ». Pièce décrite comme un « intéressant et curieux manuscrit écrit par un érudit de lépoque sur la connaissance de lêtre, avec de nombreuses annotations et corrections en marge ».

Fig . 4 a, b et c – Henri de Boulanvilliers, Essay de métaphysique, xviiie siècle.

[85]Examen de la religion. Ms.de 48 p. 2e pièce du recueil [1re partie] décrit supra sous le no 53. Coll. particulière Muriel Adrien ; signalé par la propriétaire.

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Fig . 5 – César Dumarsais, Examen de la religion,xviiie siècle, © Muriel Adrien.

[93]Testament de Jean Meslier. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6359 (1), 65 f. Signalé à nous par Maria Teresa Bruno.

Premier élément dun petit « Recueil de littérature philosophique clandestine » (sans titre), comportant en outre un Traité des trois imposteurs (2) et des Versde Mr Voltaire à lauteur des trois imposteurs (3). Ce recueil Ms. 6359 est ainsi décrit dans Calames : « Papier. 196 x 136 mm. Reliure veau marbré, dos lisse orné, pièce de titre en maroquin rouge, roulette dorée sur coupes, tranches rouges, xviiie s. ». Il porte un ex-libris manuscrit : « A Dezil (?) » et a été acheté en 2013 à la Librairie Bonnefoi. Voir http://www.calames.abes.fr/pub/ms/Calames-2014823148394841

Le présent Testament bien sûr de la version “courte”, probablement voltairienne, « contenant un abrégé de la vie de lauteur, un avant-propos et cinq chapitres ». Renvoi bibliographique du catalogue : Testament de Jean Meslier. Nouvelle édition[éd. Voltaire], [Genève, Cramer], [1762].

Voir http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2014823148391092

[93]Extraits des sentiments de Jean Meslier / adressés à ses paroissiens, sur une partie des abus / et des erreurs en général et en particulier. Ms.de 39 p. 5e pièce du recueil [2e partie] décrit supra sous le no 53. Coll. particulière Muriel Adrien ; signalé par sa propriétaire.

528

Fig . 6 – Jean Meslier, Extraits des sentiments de Jean Meslier,
xviiie siècle, © Muriel Adrien.

[107]Lettre dHipocratte à Damagette. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6435.

« xviiie siècle. Papier. 192 p., 160 x 105 mm. Reliure veau, dos à 5 nerfs à décor doré et pièce de titre en maroquin rouge, filet estampé à froid en encadrement des plats, roulette dorée sur coupes, dentelle, tranches rouges, xviiie siècle ». Provenance : achat à la Librairie Hugues de Latude, 2015.

Voir http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2017128111299841

[112]Lettre Philosophique par Mr. de V*** / Lettre sur Lame, 8 p. Collection particulière de Foni Le Brun-Ricalens. Manuscrit signalé à nous par Miguel Benítez.

« Deux feuillets pliés, huit pages non numérotées, dont la dernière en blanc. Provenance : Archives familiales de lartiste-peintre luxembourgeois Foni Tissen. La découverte a été faite par Foni Le Brun-Ricalens, petit-fils du peintre. » (M. Benítez).

Manuscrit publié par M. Benítez et Foni Le Brun-Ricalens dans le présent volume de La Lettre clandestine.

Ci-dessous les photos des première et dernière pages, ainsi que de la p. 3, qui permet détablir la filiation du manuscrit.

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Fig . 7 a, b et c – Voltaire, Lettre sur lâme, xviiie siècle.

[113]Lettres philosophiques à Eugénie. Ce ms. de 163 p. forme la première partie dun recueil simplement cousu (non couvert) et sans titre, de 1-174 [II] p. (pagination continue), format 238 x 197 mm. Coll. particulière Muriel Adrien (Toulouse) ; signalé à la revue par sa propriétaire.

À la suite des Lettres à Eugénie (p. 1-163), figurent : [2]Épître aux calomniateurs de la philosophie (p. 164-172), pièce communément attribuée à Jean-François de La Harpe, qui commence à circuler au milieu des années 1770 (elle est publiée en 1775 dans les Nouvelles de la république des lettres, t. 2/4, p. 93-97, critiquée le 13 mai 1776 dans LEspion anglois, etc.). [3]Lâme de Voltaire. Rêve (p. 173-174), poème satyrique attribué au marquis de Pezay par Suard en juillet 1773 ; on le trouve publié déjà dans la Gazette intéressante de Dusseldorf, au 30 avril 1773. Nous ne tiendrons pas ces deux pièces comme des « manuscrits philosophiques clandestins ».

Filigranes visibles : rose et inscription « J Kool ». Lensemble est en assez bon état de conservation (sauf la première page, plus abîmée). Écriture xviiie siècle, serrée mais lisible ; marge au crayon, à gauche ; nombreuses inscriptions marginales. Aucune datation ni marque de possession.

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Ce petit recueil fut acquis en même temps quun autre, dont on consultera la notice supra no 53.

[114] John Toland. Lettres à Serena. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6434. Signalé à nous par Maria Teresa Bruno.

« xviiie siècle. Papier. 179 f., 250 x 195 mm. Reliure parchemin vert, tranches rouges, xviiie siècle. ». Description : « Cette traduction française des Letters to Serena de John Toland (parues à Londres en 1704) diffère de celle du seul manuscrit complet recensé par Benítez » (manuscrit Helsinki Cö I, 20) et de celle du baron dHolbach éditée par Jacques André Naigeon en 1768 sous le titre Lettres philosophiques sur lorigine des préjugés, du dogme de limmortalité de lâme, de lidolâtrie et de la superstition ; sur le système de Spinosa et sur lorigine du mouvement dans la matière. 6 parties : [1] « Préface ou lettre a un seigneur de Londres en luy envoyant les dissertations suivantes, dans laquelle on déduit les différentes raisons qui ont donné occasion de les écrire ». [2] « Lettre 1re. Lorigine et la force des préjugez ». [3] « Lettre 2e. Lhistoire de limmortalité de lame parmy les payens ». [4] « Lettre 3e. Lorigine de lidolatrie et les raisons du paganisme ». [5] « Lettre 4e a un seigneur en Hollande pour prouver que le systeme de philosophie de Spinosa est sans aucun principe ou fondement ». [6] « Lettre 5e. Le mouvement essentiel a la matiere, en réponse a quelques remarques faites par un amy de distinction sur la réfutation de Spinosa ». Provenance : achat à la Librairie Hugues de Latude, 2015. Renvois bibliographiques à léd. dHolbach et Naigeon de « Londres, 1768 » ; à léd. T. Dagron de 2004 ; à linventaire de M. Benítez.

http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2017124161563751

[121] Meslier, Mémoire des pensées et des sentimens de J… M… Pr… C… De T… et B…, 2 vol. de 446 et 830 p. mis en vente par la Librairie Giraud-Badin (Paris) et par lentremise de la maison de vente aux enchères Alde (estimation : 8 000 / 10 000 €). Voir le catalogue Alde, « Lettres et manuscrits autographes », daté du 12 novembre 2020, no 26 (p. 13-14). Signalé à nous par Maria Teresa Bruno.

« 2 volumes in-4, 446-(2 blanches) + 830 [chiffrées 453 à 1282, sans manque apparent] pp., avec un feuillet blanc intercalé entre les p. 746 et 747, veau brun marbré de lépoque, dos à nerfs cloisonnés et fleuronnés, pièces de titre et de tomaison grenat et brunes, tranches rouges ; mors refaits, restaurations aux coiffes et coins. ». La notice précise, à la fin, que ce manuscrit provient « de lécrivain, librairie et bibliographe Lucien Scheler (mention autographe signée au recto de la seconde garde supérieure) » [Scheler, (1902-1999, fait lobjet dune notice sur Wikipedia]. Conformément à nos usages, nous reproduisons la notice du libraire :

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« Le curé Meslier, communiste et athée. Fils dun marchand des Ardennes champenoises, Jean Meslier fit des études au séminaire de Reims puis occupa la cure dÉtrépigny et de Balaives, près de Charleville et Sedan. Hormis un conflit avec le seigneur local quil accusait dopprimer les villageois, il mena une existence modeste et paisible. Cependant, “entré dans lÉglise sans avoir la foi, Meslier, dans les conditions de lAncien Régime, a pu concilier, non sans déchirement intérieur, un rôle social, humanitaire et culturel, de clerc au service de la communauté rurale [], et des convictions personnelles radicalement antireligieuses et antimonarchiques” (Roland Desné). Il laissa à sa mort (apparemment volontaire) des textes extrêmement provocateurs pour lépoque : le présent Mémoire, des Lettres aux curés du voisinage, et ce qui fut ensuite appelé LAnti-Fénelon, en fait des notes de lecture critiques trouvées dans les marges de son exemplaire de louvrage de Fénelon Démonstration de lexistence de Dieu.

« Un des rarissimes manuscrits clandestins complets de ce brûlot, de ceux qui comprennent bien les 8 “preuves” de la démonstration. Elles sont ici réparties en 3 parties, chacune avec table : lavant-propos et les preuves 1 à 4, puis les preuves 5 et 6, enfin les preuves 7 et 8 suivies de la conclusion. Le Mémoire, trouvé à la mort du curé Meslier en trois copies complètes de sa main, actuellement conservées à la BnF, a dabord circulé sous le manteau de manière manuscrite : Voltaire évoquait lexistence dune centaine dexemplaires à Paris au début des années 1760. Il en subsiste aujourdhui moins dune vingtaine de connues, et encore faut-il observer que la moitié seulement en est complète des 8 preuves – les autres nen ont que les 5 premières. Or cest dans les trois dernières preuves que sexprime sans doute le plus clairement le radicalisme du curé Meslier : dans la sixième, il aborde directement la question sociale et politique, critiquant un clergé riche et fainéant, proposant un système de propriété communiste, et dénonçant la tyrannie de la monarchie française ; dans la septième, il réfute lexistence même dun Dieu, sattaque au créationnisme et expose des thèses matérialistes ; dans la huitième, il réfute la croyance dans limmortalité de lâme.

« Un texte longtemps ignoré ou méconnu. Mis à part une circulation manuscrite confidentielle, le Mémoire natteignit une certaine notoriété quen 1762, avec la publication dextraits sous le titre Testament de Jean Meslier, par les soins de Voltaire. Celui-ci avait eu connaissance du texte dès 1735, mais il lutilisa dans sa croisade contre lInfâme au moment de laffaire Calas. Cependant, non seulement il tronqua le texte, nen conservant que la partie antichrétienne, mais il le réécrit en partie et lui adjoignit une conclusion à connotation nettement déiste. En outre, certaines copies se mitigèrent de passages extraits des œuvres du baron dHolbach, sans avertissement, et, pis encore, des textes de Sylvain Maréchal et du baron dHolbach furent frauduleusement publiés pendant la Révolution sous le nom de Jean Meslier. Enfin, la première édition complète du Mémoire, publiée confidentiellement 533en 1864, savéra largement fautive – il fallut attendre 1970 pour voir paraître la première édition critique digne de ce nom, établie par les soins de Jean Deprun, Roland Desné et Albert Soboul.

« La religion, imposture au service des puissants et des tyrans. Le curé Meslier, dune culture enrichie de lectures étrangères au domaine théologique – Montaigne, Naudé, Malebranche, etc. –, déroule de manière approfondie un argumentaire visant à retirer tout caractère divin aux Écritures Saintes, et à restituer à lhomme la paternité des rites et croyances. Il met ensuite les conclusions de ces démonstrations au service dun discours politique et social selon lequel la religion sert à justifier les inégalités sociales et les abus de pouvoir. Jean Meslier fut un des premiers à articuler des thèses anticléricales et antireligieuses avec lapologie de la Jacquerie et même du régicide. Il sexprime avec une radicalité violente et lyrique : “[] Cest avec grande raison que jay dit que tout ce fatras de religions et de loix politiques nétoient que des mistères diniquité. Non, mes chers amis, ce ne sont que des vrays mistères diniquités, vous devez les regarder comme tels puisque cest par ces raisons-là que vos prêtres vous rendent et vous tiennent misérablement toujours captifs sous le joug odieux et insuportable de leurs vaines et sottes superstitions sous prétexte de vouloir vous conduire heureusement à Dieu ; et que cest par ce moyen-là que les princes et les Grands de la terrevous pillent, vous foulent, vous oppriment, vous ruinent et vous tyrannisent au lieu de vous gouverner et de maintenir le bien public. Je voudrois pouvoir faire entendre ma voix dun bout du royaume à lautre, ou plutôt dune extrémité de la terre à lautre ; je cri[e]rois de toutes mes forces : vous êtes fols, ô hommes, vous êtes fols de vous laisser conduire de la sorte et de croire aveuglément tant de sottises…” (conclusion, p. 1246-1247).

« Un texte précurseur du matérialisme, le curé Meslier professait des idées nettement mécanistes : “il a eu le mérite [] de tracer quelques-uns des cadres intellectuels que Diderot, dans Le Rêve dAlembert, réutilisera et remplira dune science neuve” (Jean Deprun).

« Le curé Meslier, “un des témoins les plus originaux de la crise de conscience qui a marqué les débuts du siècle des Lumières” (Jean-Robert Armogathe). Son Mémoire est à considérer comme laboutissement de deux siècles de critique du christianisme, comme relevant du “libertinage” intellectuel par son recours à la science et à lépistémologie cartésienne, mais il marque également une rupture dans lhistoire de lathéisme : contrairement aux “libertins” du xviie siècle, il nuse plus comme eux des équivoques et allusions voilées, mais formule ses idées de manière explicite, directe, et ne sadresse plus à un cénacle prudent de gens avertis mais, comme il lécrit dès le sous-titre, “à ses paroissiens… et à tous leurs semblables ».

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Fig . 8 – Jean Meslier, Mémoire des pensées et des sentimens de Jean Meslier,xviiie siècle, © ALDE, maison de ventes aux enchères.

[122][Boulainvillers], Mémoires abrégez des généralités du Royaume de France, première partie, contenant lHistoire du Gouvernement de la France, depuis létablissement de la monarchie. In-4. [280 x 214 mm] de 941 p. Reliure : Veau blond, dos à nerfs orné, pièce de titre rouge, armes de Samuel Bernard frappées sur les plats, tranches rouges (Reliure de lépoque). Mis en vente fin 2020 par la librairie Hugues de Latude, et signalé à nous par le libraire.

La Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne ayant très récemment acheté ce manuscrit, il sera prochainement numérisé et mis à la disposition des lecteurs à travers la collection Nubis : http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-202121314241581

Voir la notice du libraire sur son site (https://www.latude.net/loc/en_US/). Si le caractère « philosophique » du texte est contestable, on sait quil circula abondamment en manuscrit. Soulignons avec le libraire son « auguste provenance » : Samuel Bernard, célèbre financier dont le fils, Gabriel Bernard de Rieux, avait épousé la propre fille de Boulainvilliers. Ce gendre de Boulainvilliers avait 535été lobjet dune petite polémique dans La Lettre clandestine no 2 (p. 193-198) no 3 (p. 295-299) et encore no 6 (p. 71-72), la question étant alors de savoir sil était ce « Derieu » que Benoît de Maillet évoque dans une lettre de mars 1734 pour sêtre présenté à lui comme lauteur de plusieurs manuscrits irréligieux, comme les Opinions des Anciens sur le Monde et de celle sur la nature de lâme, de la Lettre sur lorigine des juifs et des Doutes sur la religion.

Fig . 9 – Henri de Boulainvilliers, Mémoires abrégés des généralités
du Royaume de France
, xviiie siècle.

[168]Sermon des cinqua[n]tes. Ms.de 17 p. 4e pièce du recueil [2e partie] décrit supra sous le no 53. Coll. particulière Muriel Adrien ; signalé par sa propriétaire.

[169]Sermon du Rabin Akib. Ms.de 8 p. 3e pièce du recueil [2e partie] décrit supra sous le no 53. Coll. particulière Muriel Adrien ; signalé par sa propriétaire.

[180] Traité de linfini créé. Deux exemplaires particulièrement importants, car produits dans un milieu lyonnais proche de lauteur (Jean Terrasson) et correspondant à deux versions successives du texte, ont été découverts à Lyon par Antony McKenna dans les Miscellanea de François Bottu de La Barmondière, seigneur de Saint-Fonds (1675-1739) : Lyon, bibliothèque de la Part-Dieu, ms. 6224, art. XXVI, vol. I, p. 166-212, et art. LXXX, vol. I, p. 700-739.

536

Voir larticle dA. McKenna dans le present volume de La Lettre clandestine, ainsi que celui dAntonella Del Prete. Voir aussi infra sous le numéro 239

[185]Traité des trois imposteurs traduit en français par monsieur le comte de Boulainvilliers. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6359 (2), 62 f.

Ce traité, 2e élément du recueil décrit plus haut sous le no 93, est précédé dun Testament de Meslier et suivi de Vers de Mr Voltaire à lauteur des trois imposteurs (signalé plus bas parmi les manuscrits non répertoriés). Renvoi bibliographique du catalogue : Traité des trois imposteurs, Yverdon, de limpr. du professeur de Felice, 1768.

Voir http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2014823158418433

[191]Le Catéchumène, traduit du Chinois. A Amsterdam. 1769. Paris, BnF, N.a.fr. 22087 (Papiers de Baudry des Lozières, t. IV : Mélanges historiques et littéraires, fol. 140 sq.).

Copie vraisemblablement faite sur limprimé d« Amsterdam, 1769 » (voir lexemplaire BnF D2-6131 : Genève, Cramer ou Pellet, suivant le catalogue ; absent chez Bengesco), réédition de louvrage également genevois paru sous le même titre lannée précédente (Bengesco no 2409, 2). Cest sous ce dernier titre que se présente le manuscrit Praguois Praha-N.M. XVII F 6 que répertorie M. Benítez (no 191), seul manuscrit répertorié à ce jour.

Le Cathecumène [ sic ] parut initialement sans aucune indication de lieu ni de date, mais selon toute vraisemblance chez M.M. Rey, fin 1767, puisque Grimm le signale le 1er janvier 1768 (édition de 34 p. décrite par Bengesco, no 2409 ; BnF, Catalogue général 214-2, = Œuvres de Voltaire, no 2871 et 2872 ; cf. aussi Ars. 8-T-10466). Nous supposons que Rey lui-même le réimprima ensuite sous le titre : Le Voyageur cathécumène, « Londres, 1768 ». On trouve cette rééd. À la fin du t. VI de la Bibliothèque du bon sens portatif, « A Londres, 1773 » (en fait Amsterdam, Rey).

Louvrage, souvent suspecté dêtre voltairien au xviiie siècle (voir ce quen dit Péter Balázs dans La Lettre clandestine, 16, 2008, p. 145), était en réalité de lacadémicien lyonnais Charles Bordes (1711-1781).

Une autre copie du Catachumène, ré-intitulé en loccurrence LAméricain sensé par hasard en Europe, et fait Chrétien par complaisance, ou le Secret de lEglise trahi – titre correspondant à une édition suisse de 1769 (BnF, Catalogue 214-2, no 2876) – se trouvait dans un recueil manuscrit dŒuvres diverses, 1767-1768 (incluant des écrits de Voltaire et divers manuscrits clandestins) mis en vente à Drouot, par la maison Piasa, les 23 et 24 mars 2009 (voir le catalogue sur https://www.bibliorare.com/cat-vent_piasa24-03-09-cat.pdf – no 316, p. 60). (A.M.)

537

[191]Le Catéchumène, traduit du Chinois… Brest, 19 août 1786 : Paris, BnF, N.a.fr. 10578, 37 p.

Treizième volume des Mémoires et documents, principalement sur la Marine, recueillis et offerts par le Dr. Corre, de Brest, N.a.fr. 10566-10585, compilés au xixe siècle : « Papier. 20 volumes, in-4o. Demi-reliure et cartonnés ».

[239 – 257 dans léd. espagnole de 2003, La Cara oculta…] Explication de lEucharistie par rapport au système de linfinité de la matière : Lyon, bibliothèque de la Part-Dieu, ms. 6224 [François Bottu de La Barmondière, seigneur de Saint-Fonds, Miscellanea], t. I, art. LXXXII, p. 744-755. Pièce retrouvée et signalée par Antony McKenna.

Le même recueil inclut deux versions du Traité de linfini créé de Jean Terrasson (voir supra, no 180) et la présente découverte permet dattribuer au même auteur la présente Explication sur leucharistie, comme le suggère Antony McKenna et comme le démontre Antonella Del Prete dans le présent volume de La Lettre clandestine.

On trouve reliée à la suite de cette Explication, dans le recueil lyonnais, p. 755 sq., la Démonstration de la possibilité de la présence réelle du corps de JC dans leucharistie conformément au sentiment des catholiques de Jean Varignon.

[Non répertorié]Vers de Mr Voltaire à lauteur des trois imposteurs. Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6359 (3), 3 f.

Troisième élément du recueil décrit plus haut sous le no 93. Il est précédé dun Testament de Meslier et dun Traité des trois imposteurs, auquel il se rattache évidemment. Renvoi bibliographique du catalogue : Voltaire. Épître à lauteur du livre des Trois imposteurs, [s.l.s.n.], [1769].

Voir http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-2014823158136714

[Non répertorié] Claude Pithois. « LApocalypse de Meliton ou révelation des misteres cenobitiques. Par Meliton. ». Bibl. Sainte-Geneviève, Ms. 6450. Signalé à nous par Maria Teresa Bruno.

« Vers 1760. Papier. 86 f. 180 x 232 mm. Reliure en basane brune, dos à 5 nerfs orné, pièces de titre en maroquin citron, gardes marbrées (tourniquet). » Description : « Claude Pithois [1587 ?-1676], minime converti au protestantisme, fut avocat et professeur à Sedan, puis bibliothécaire du duc de Bouillon. Ce libelle connut quatre éditions (1662, 1665, 1668 et 1677) avant dêtre mis à lindex en 1680 et de circuler dès lors sous la forme de manuscrit clandestin. Voltaire dans son Dictionnaire philosophique (1764) lattribue à lévêque de Belley Jean-Pierre Camus. Cest en fait une adaptation par Claude Pithois 538dextraits des Eclaircissemens de Meliton sur les Entretiens curieux dHermodore… de Camus [s.l., 1635], ouvrage lui-même publié en réponse aux Entretiens curieux dHermodore et du voyageur incognu… du P. Jacques de Chevanes [1608-1678], qui répondait au Directeur spirituel désintéressé selon lesprit du B. François de Sales de Jean-Pierre Camus [1584-1652]. Il sagit dune satire contre les mœurs, usages, doctrines et quêtes des ordres monastiques, bénédictins et dominicains. » Provenance : Ex-libris manuscrit « Marquis » (xviiie siècle) et étiquette imprimée collée au contreplat supérieur : « Bibliothèque du Grand séminaire de Versailles ». Acheté à la Librairie Bonnefoi en 2018.

http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=Calames-201944174234601

[Non répertorié] Cyrano de Bergarac, « Agrippine. Tragédie ». Manuscrit différent de limprimé relié à la suite dun manuscrit de LAutre monde. Description dans la note publiée ci-après dans le Bulletin : « Deux nouveaux manuscrits de Cyrano ».

Deux nouveaux manuscrits de Cyrano

Une vente, par la maison Alde, de « lettres et manuscrits », qui sest tenue le jeudi 17 octobre 2019 (Hôtel Ambassador) comportait, sous le numéro 29, un recueil de deux rarissimes copies manuscrites des États et empires de la Lune et de La Mort dAgrippine de Cyrano de Bergerac. Le lot, qui provient de la bibliothèque Paul Burgaud (vignette ex-libris), a été adjugé pour 12.000 euros.

Fig . 10 a et b – Savinien Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune, 1657,
La mort dAgrippine, 1654, © ALDE, maison de ventes aux enchères.

539

Cest Lucien Grisoni qui nous a signalé cette vente, dont on trouvera le catalogue sur http://www.alde.fr/admin/docs/alde-17oct-bd_v2.pdf

On y verra, p. 18, la photographie de deux pages du 1er manuscrit en vis-à-vis (et une photo partielle du dos du volume sur le site : http://www.alde.fr/lot/5428492)

Fig . 11 – Savinien Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune, 1657,
© ALDE, maison de ventes aux enchères.

Ce recueil a fait lobjet dune longue notice, accessible sur le site, dont nous extrayons les détails suivants :

« Recueil de 2 manuscrits, xviie siècle. Soit : “Lautre monde ou les Estats et Empires de la lune”, 248 p. in-4, dont les 3 dernières blanches, et “Agrippine. Tragédie”, 152 p. in-4 chiffrées 249 à 400, dont les 4 dernières blanches. Le tout relié en un volume de veau brun, dos à nerfs cloisonné et fleuronné avec les deux titres dorés, double filet doré encadrant les plats, coupes ornées, tranches mouchetées uniformément ; reliure usagée avec mors fendus ; quelques taches sur les premiers feuillets du volume (reliure de lépoque). »

– « LAutre monde ou les États et Empires de la lune. Une des 4 copies dépoque connues de son roman lautre monde ou les états et empires de la lune. Le présent 540manuscrit, sans mention de nom dauteur, a été établi sur deux papiers différents alternés, lun filigrané aux armes du cardinal Mazarin, produit au moins entre 1644 et 1650 (Gaudriault, no 161), lautre filigrané aux faisceaux de licteurs croisés (proche du no 163 dans louvrage de Gaudriault), produit vers 1654 – ces deux papiers ayant été employés au moins jusquen 1662 (ils ne sont dailleurs peut-être quun avec marque et contremarque). Il sagit dune copie destinée à la diffusion, établie non par un lettré mais plutôt par un scribe professionnel ayant appris son métier chez un maître-écrivain : son écriture est calligraphiée, mais son orthographe est fluctuante (“dedem” pour “dedans”, etc.), sa grammaire parfois aberrante (“quen” pour “quand”, etc.), et la ponctuation quasiment absente1. La seule en mains privées : les trois autres manuscrits du xviie siècle recensés sont conservés en dépôts publics, à la Bibliothèque nationale de France à Paris, à la bibliothèque Fisher de lUniversité de Sidney, et à la Bayerische Staatsbibliothek à Munich. »

« [] Les trois autres manuscrits connus présentent chacun des variantes, et lédition de 1657, posthume, correspond à une version composite censurée. Le manuscrit de la BnF conserve la version la plus radicale, non censurée et donc la plus proche des intentions de lauteur – cest à partir de celle-ci que Madeleine Alcover a établi lédition critique de référence (Paris, Honoré Champion, 2004), en proposant un stemma (arbre généalogique des versions du texte) qui fait lhypothèse de versions intermédiaires perdues. Le présent manuscrit est fort éloigné des imprimés du xviie siècle : il comporte bien les 8 principaux passages caviardés, ne porte pas dans le titre lexpression “Histoire comique”, ne présente pas les pièces liminaires ni surtout la conclusion ajoutée. Si la formulation de son titre est celle du seul manuscrit de Paris, quelques sondages révèlent en fait de nombreuses variantes qui ne le rattachent pas exclusivement à telle ou telle des trois autres versions, mais suggèrent une plus grande proximité avec les versions des manuscrits de Sydney et de Munich. »

« La Mort dAgrippine ». [] Sans nom dauteur, cette copie est dune autre main que le manuscrit de LAutre monde ci-dessus, et a été établie sur un papier différent mais manifestement du xviie siècle, portant un filigrane aux 541armoiries non identifiées absent du recensement de Raymond Gaudriault (1995 et 2017).

* Une version primitive presque entièrement différente de celle imprimée, parue en 1654 chez le libraire parisien Charles de Sercy, sous le titre La Mort d Agrippine. Le présent manuscrit présente quelques similitudes, notamment au début et à la fin de la pièce, mais se distingue très nettement par la structure, la présence de trois autres personnages (Macron, Apicata et Regulus), et bien sûr par le texte. Quand de rares ressemblances se font jour, les variantes savèrent tout de même importantes. On lit ainsi, dans la scène 3 de lacte II du manuscrit, Séjanus dire à Térentius :

Je marche sur les pas dAlexandre et dAlcide

Crois-tu que ces grands mots dassassin, de voleur,

Aux heros de jadis ayent abbatu le cœur

Sache Terrentius quun habile monarque

Pour conserver dun roy la puissance et la marque

Doit eriger en crime un généreux dessein

Qui luy pouvoit oster le sceptre de la main.

La version imprimée en 1654 devient, très abrégée :

Je marche sur les pas dAlexandre & dAlcide.

Penses-tu quun vain nom de traistre, de voleur,

Aux hommes demy-dieux doive abatre le cœur ?

* Également un rarissime témoignage de diffusion manuscrite clandestine. Le présent manuscrit est daté « 1650 » au titre, date à laquelle il a été établi ou à laquelle un modèle antérieur aurait été établi. Cela vient corroborer une information livrée par Le Parasite Mormon, recueil collectif qui, publié précisément en cette année, présentait La Mort dAgrippine comme sur le point dêtre achevée.

[]

Deux remarques

1) Il a semblé à lauteur de la notice que nous venons de citer que le nouveau manuscrit de la Lune présentait « une plus grande proximité avec les versions des manuscrits de Sydney et de Munich ». Le sondage que jai effectué sur les deux seules pages photographiées ne va pas dans ce sens. (jemploie ci-après, comme Alcover, les abréviations P = Paris ; S = Sidney ; M = Munich ; je néglige les leçons de limprimé de 1655).

À la p. 192, l. 2 du manuscrit, on trouve bien « un un », propre à S-M (quand P donne simplement « un », leçon curieusement retenue par M. Alcover) ; l. 17, un « mais » est omis, comme dans S-M (à 542la différence de P) ; p. 193, l. 1, on lit « un comête » (comme S) et non « une comète » (P, mais aussi M) ; puis ligne 5 : « une infinie de matiere », qui est un peu plus proche de S-M (« une infinité de matière ») que de P (« une infinie quantité de matière »). Par contre :

p. 192, l. 3-4, on lit « mesme point », comme P (S-M : « le même point ») ; l. 5-6 : « en trois dez », comme P (omis dans S-M) ; l. 8 : « tres », comme P (omis dans SM) ; l. 9-10 : « ferez point », comme P (S-M : « ferez jamais ») ; l. 18 : « vous ne scavez pas que cent millions », comme P (S-M : « vous ne savez donc pas quun million ») ; p. 193, l. 10 : « un rafle », comme P (S-M : « une rafle ») ; l. 14 : « peu sen est fallu », comme P (S-M : « peu il sen est fallu ») ; l. 18 : « se desborder », comme P (S-M : « se dérober », leçon curieusement acceptée par M. Alcover) ; l. 20 : « parce que vous scavez », comme P (S-M : « pour ce que vous savez »).

lauteur de la notice cite également un extrait de la p. 221 du manuscrit ; nous lavons reproduit supra en note. Le passage se retrouve aux p. 144-145 de lédition Alcover. Une seule leçon nous paraît digne dintérêt et elle va dans le même sens dune plus grande proximité avec P., puisque le manuscrit donne, comme lui, « en sesclatant de rire », quand S-M donnent « en éclatant de rire » (nous supposons que la forme pronominale était peut-être moins commune vers le milieu du xviie s, et réservée plutôt à sesclaffer de rire ; un copiste aura alors machinalement corrigé).

2) Davantage que le manuscrit de la Lune, quil ny a sans doute pas lieu de regarder comme plus proche de larchétype que P ou S, cest celui de La Mort dAgrippine – seul manuscrit connu de ce texte, de surcroît fort différent de la version imprimée – qui nous paraît représenter la plus formidable découverte – « découverte », si du moins son nouveau propriétaire accepte de lexposer au grand jour.

Alain Mothu

543

Un nouvel exemplaire
de La Vie et lEsprit de Spinosa (1719)

Nous avons eu la bonne fortune de découvrir à la Bibliothèque Patrimoniale Hendrik Conscience dAnvers un nouvel exemplaire de lédition de 1719 de La Vie et lEsprit de Spinosa2. Après les exemplaires de Bruxelles et Florence, il sagit donc du troisième exemplaire imprimé connu de ce texte à avoir échappé à la destruction de lédition opérée par Prosper Marchand peu de temps après sa publication. Deux manuscrit en sont également connus, conservés à Francfort et à Los Angeles3.

Il se présente sous la forme dun « convoluut », autrement dit un recueil factice, comportant, avant notre texte, la Réponse sur la dissertation de Mr. de La Monnoye attribuée à Jean Rousset de Missy (1716). Sa nature composite ayant échappé jusque-là échappé aux bibliothécaires, louvrage était enregistré sous le seul titre de la Réponse, ce qui explique pourquoi La Vie et lEsprit de Spinosa navait pas été remarquée.

Limprimé dAnvers semble tout à fait identique aux autres exemplaires connus jusquici, à la seule différence que le portrait de Baruch de Spinoza ny apparaît pas en frontispice. On peut supposer que celui-ci a disparu au bénéfice de la Réponse à la dissertation de Mr. de La Monnoye, qui ouvre le recueil.

Les recherches réalisées jusque-là sur lhistoire de lexemplaire nouveau, ses marques de possession et la reliure commencent à peine à livrer quelques informations. La reliure date très probablement du début du xviiie siècle4. Elle proviendrait des Pays-Bas du Nord mais linfluence française y est décelable, ce qui semble correspondre au contexte de naissance de lédition de La Vie et lEsprit de Spinosa. Selon toute probabilité, cet exemplaire se trouvait en possession dune personne qui, au 544moment de faire relier les deux textes, connaissait lhistoire de louvrage et les polémiques auxquelles il avait donné lieu. Il aurait ainsi considéré que le texte de la Réponse signalait la parution prochaine de La Vie et lEsprit de Spinosa, et non pas dun autre Traité des trois imposteurs, comme laffirme Françoise Charles-Daubert5.

La Bibliothèque Patrimoniale dAnvers a acheté ce volume en 1914 lors de la vente des biens dAlphonse Willems (1839-1912), spécialiste dElsevier et érudit bibliophile qui a donc conservé louvrage dans sa bibliothèque à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Dautres recherches sont en cours pour essayer de trouver la trace des propriétaires antérieurs et nous ne manquerons pas de publier ici toute nouvelle information qui serait utile à une meilleure description de louvrage6.

Ivan Eysackers

545

Fig. 12 a, b et c – La Vie et lEsprit de M. de Spinosa,[1719],
Bibliothèque Patrimoniale dAnvers, © Ivan Eysackers.

1 Lauteur de la notice cite plus loin un échantillon : « … Quoy, me replique il en sesclatant de rire vous estimez vostre ame immortelle – privativement a celle des bestes. Sans mantir mon grand amy vostre orgueil est bien insole[n]t et dou argumentez vous je vous prie cette immortalité au prejudice de celle des bestes. Seroit ce a cause que nous sommes douez de raisonement et non pas elle[s]. En premier lieu je vous le nie et je vous prouveray quand il vous plaira qu[]elles raisonnent comme nous. Mais encor qu[]il fut vray que la raison nous eut esté distribué en apanage et qu[]elle fut un privilege reservé seulement a nostre espece est-ce a dire pour cela qu[]il faille que Dieu enrichisse l[]homme de limmortalité par ce qu[]il luy a deja prodigué la raison… » (p. 221 du présent manuscrit ; correspondant aux pages 144-145 dans léd. Alcover, Paris, Champion, 2000, rééd. 2004).

2 Bibliothèque Patrimoniale Hendrik Conscience, Hendrik Conscienceplein 4, 2000, Antwerpen (Anvers) : consciencebibliotheek@antwerpen.be.

3 Voir ici Françoise Charles-Daubert, Le Traité des trois imposteurs et lEsprit de Spinosa. Philosophie clandestine entre 1678 et 1768, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 46-48. Les deux manuscrits cités ont été inventés respectivement par F. Charles-Daubert et par M. Jacob.

4 Ces informations mont été fournies par M. Van Impe, qui avait au préalable contacté le Professeur Pickwoad à propos de cette reliure.

5 Op. cit., p. 66.

6 Je tiens à remercier M. Van Impe (dép.Ouvrages Anciens et Manuscrits de la Bibliothèque Patrimoniale dAnvers) et le Prof. Nicholas Pickwoad (UAL) de leur expertise scientifique et leurs conseils.