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Classiques Garnier

Comptes rendus

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Mladen Kozul, Les Lumières imaginaires. Holbach et la traduction, Oxford, Voltaire Foundation, Oxford UniversityStudies in the Enlightenment, 2016-05, xii-281 p.

Ce volume apporte des éléments précieux et nouveaux sur lœuvre du baron dHolbach et marque donc une avancée sensible dans la recherche sur cet auteur. Il vient opportunément répondre à quelques-unes des énigmes que ne manque pas de poser létude de son œuvre et que tentait de résumer la conclusion du dossier thématique de la LC22 en 2014.

Louvrage réussit à marier deux perspectives assez rarement conciliables : dun côté, le goût pour la théorisation littéraire ; et de lautre, létude minutieuse relevant dune érudition pointue et exigeante (ici lattention portée à des textes assez généralement négligés : des pamphlets que la postérité a moins regardés que les grandes œuvres dites « originales » du baron dHolbach). Pour le dire autrement, lauteur prend prétexte de lexploration fine de textes au statut douteux (pour lessentiel prétendument « traduits de langlais »), et, par lanalyse rigoureuse des procédés de transformation quils ont subis (en les rapportant à un original vrai ou supposé), il en vient à sinterroger sur la constitution de la fonction « auteur » dans le champ de la littérature de combat des Lumières et sur lusage très singulier quen fait dHolbach. Bref, les traductions de langlais ne sont pas toujours ce que lon croit, et les auteurs anglais auxquels on les rapporte plus ou moins fidèlement assurent une fonction de légitimation du combat antireligieux dont il est nécessaire de comprendre les procédés et dinterroger les implications. Cela aboutit à limage dun baron dHolbach acteur dune politique concertée de détournement de la puissance auctoriale. Il sagit donc également dune enquête sur les usages de la figure du « philosophe » – principalement anglais ici – surpris dans tous les subterfuges de son combat.

Lorganisation ternaire de louvrage est assez marquée. La répartition entre les trois parties est inégale, à lavantage sensible de la partie centrale qui pèse plus à elle seule, en termes de masse textuelle, que les deux parties périphériques réunies. Mais la démonstration justifie ce déséquilibre apparent. La partie centrale se concentre en effet sur 334létude détaillée des pièces à conviction, soit le parcours exhaustif de textes peu connus. La première, quant à elle, a posé les bases théoriques touchant notamment la conception et la pratique de la traduction (chap. 1 et 2), avec comme galop dessai les traductions scientifiques de lallemand (chap. 3). La dernière (chap. 8 et 9) tente de mettre en valeur les conséquences de cet usage de la traduction et de cette instrumentalisation des auteurs.

Les mérites les plus évidents de lapproche choisie se trouvent donc, au centre du livre, dans létude précise de quelques cas de ce travail particulier de traduction/édition/réécriture dont le baron est coutumier avec les œuvres anglaises de polémique hétérodoxe. Cette étude fournit plusieurs résultats importants qui constituent de véritables découvertes et de vrais éclaircissements sur le statut de certaines œuvres. En particulier, dès le chap. 3, lhypothèse de la participation du baron à lédition clandestine de lHistoire des anciennes révolutions du globe terrestre se révèle très séduisante et intelligemment étayée. Ce texte serait alors le maillon oublié qui mène des traductions scientifiques autorisées de lallemand aux (manières de) traductions clandestines de langlais. La démonstration (chap. 4) du caractère très fragile de la référence comme auteur à « M. Davisson » (soit potentiellement, faute de meilleur candidat, John Davisson, un pasteur baptiste mort en 1721) pour le Tableau fidèle des papes, traduction supposée de A True Picture of Popery, élucide une question qui a égaré longtemps les bibliographes et chercheurs, y compris lauteur de ces lignes. Surtout, le jeu avec lautre ouvrage (dont « Davisson » est présenté cette fois-ci comme le traducteur), De linsolence pontificale adapté de Giannone, permet de mettre en valeur lensemble de léconomie de composition du recueil De lImposture sacerdotale, trop négligé, et qui prend là un relief singulier, avec le rappel bienvenu de son succès dépoque. De la même façon, lévaluation du recours à la figure dAnthony Collins (chap. 5) aboutit à la remise en cause du statut de traduction traditionnellement alloué, moyennant des réserves dusage peu étayées, à LEsprit du judaïsme. Lanalyse, détaillée et passionnante, démontre que cet ouvrage doit en toute logique rejoindre la catégorie des « œuvres originales » du baron. Parmi les développements les plus éclairants, neufs et pertinents, on peut aussi relever, au chap. 5 toujours, les passages consacrés à limage de Toland en suivant le Dictionnaire de Chauffepié (source insuffisamment connue et exploitée dans les études 335sur les Lumières en général, et ici remarquablement mise à contribution), ainsi que les analyses précises de lutilisation, méconnue, du véritable Trenchard dans La Contagion sacrée.

La qualité scientifique de louvrage est indéniable. Les axes danalyses sappuient sur des références pleinement digérées et mises en valeur : du côté des interrogations sur « lauteur », et la déconstruction de cette notion, létude suit et discute Jean-François Jeandillou (pour la réflexion sur leffet du recours à lanonymat et aux pseudonymes), Jean-Louis Diaz (sur la notion d« écrivain imaginaire ») ou encore Michel Foucault (sur la fonction « auteur »). Du côté de la théorie des Lumières sur le langage, elle se rapporte logiquement à Sylvain Auroux ou Julie Candler Hayes. Il y a une jubilation sensible à explorer toutes les facettes de « lauctorialité » au risque, pas toujours évité, de répétitions dans les chapitres conclusifs (chap. 8 et 9), lesquels se ressentent du ressassement inlassable de la question tout au long de louvrage. Cependant, dans cette reconstitution de léthos de lauteur dans la troisième partie, MladenKozul nous semble avoir tendance à minorer ce qui relève des conditions sociales de lexercice de la (libre) pensée, avec le poids de la censure et le jeu de dissimulation quelle entraîne. Ce contexte ne paraît pas suffisamment pris en compte comme si dHolbach œuvrait dans leuphorie pure des identités dauteur évanescentes. Les lecteurs de la LC, malgré les références nombreuses aux articles de la revue, seront peut-être désorientés par une démarche plus encline aux réflexions théoriques sur la posture dauteur quau recours aux outils plus proprement historiques. On avouera, à ce titre, une déception à la lecture du chap. 7 (« Traduction et altérité ») dont le propos, au demeurant intéressant, pâtit sans doute dun pli théoricien exacerbé. Le recours qui y est fait à Julia Kristéva ne semble pas apporter la lumière adéquate à lexploration de l« étrangeté » dont fait preuve le baron. Dune manière générale, il nous a paru que lauteur veut trop accuser loriginalité supposée des activités de traducteur-éditeur du baron sans mettre suffisamment ces dernières en rapport avec les usages de ce quil est convenu dappeler, faute de mieux, la « philosophie manuscrite clandestine » – usages que le baron connaît et même poursuit mieux que personne.

Malgré ces quelques réserves, qui ne touchent pas au cœur de la thèse, il convient de saluer la parution de cet essai passionnant, fruit 336dune vingtaine dannées de recherches, dont la lecture est stimulante autant que la probité intellectuelle est appréciable. Il apporte un éclairage neuf sur des points longtemps controversés et débattus. Il est servi par une écriture enlevée qui parvient à faire partager leuphorie de cette découverte dune facette neuve dun personnage emblématique du combat des Lumières

Alain Sandrier

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Frédéric Tinguely, La lecture complice. Culture libertine et geste critique, Genève, Droz, coll. « Les seuils de la modernité », 2016 ; 253 p., Bibliographie (p. 229-240), Index nominum et locorum (p. 241-250).

Depuis trois décennies létude du courant libertin en France au xviie siècle a tiré parti dun petit livre écrit par Leo Strauss au milieu du siècle en marge de ses travaux de philosophie politique et tardivement traduit en français1, où il théorisait « lart décrire » des philosophes en période de persécution. Le modèle du cryptage des contenus risqués sous un discours anodin recevable par le plus grand nombre mais contredit par dinfimes indices à lusage des esprits éclairés sest révélé pertinent pour caractériser les modes décriture pratiqués par les auteurs libertins dans tous les genres (y compris fictionnels) pour concilier leur désir de subversion avec les normes de lédition et les contraintes de la censure : en témoigne la fortune du concept de « stratégie de dissimulation » promu par les travaux de Jean-Pierre Cavaillé2, et de son élargisse337ment en « stratégies décriture libertine » opérée par Isabelle Moreau3. Frédéric Tinguely rouvre aujourdhui ce dossier que lon pouvait croire classé, en renversant la perspective : sil tient pour acquises les pratiques de communication réservée propres à la « culture libertine », ce nest plus du point de vue des auteurs quil les interroge, mais du côté des lecteurs. Ce renversement paraît aller de soi tant le dispositif discursif pratiqué par les auteurs libertins sollicite la sagacité du lecteur avisé, et limplique dans un partage de savoirs et de jugements critiques propre à lintroduire dans le petit cercle des « déniaisés ». Mais Frédéric Tinguely ne sen tient pas à ce schéma aujourdhui largement admis : il pousse plus loin le questionnement, en interrogeant le rapport que peut entretenir un lecteur daujourdhui avec ces textes du passé. Il évite labstraction en prenant appui sur son expérience de lecteur critique, universitaire spécialiste du xviie siècle, particulièrement intéressé par les auteurs et les œuvres hétérodoxes, et, au-delà, par les indices culturels et discursifs de la dissidence. Assumant son implication, il se demande quelle attitude critique peut induire laffinité du chercheur avec ses objets, et, dans son cas, le partage intellectuel et affectif de laspiration à la liberté et de laudace du non-conformisme qui forment le noyau actif des textes libertins. Tenter de répondre à la question en toute rigueur lamène à poser les bases théoriques de ce quon pourrait appeler une herméneutique impliquée, ce qui nest pas le moindre intérêt de ce petit ouvrage, par-delà même son domaine dapplication : la lecture critique des textes libertins. Le principe théorique est que le chercheur qui choisit de simpliquer subjectivement dans sa lecture doit inventer des modes dobjectivation qui lui garantissent une nécessaire distance critique. La méthode vise la construction par étapes dun rapport de proximité à son objet. Il ne sagit pas de dénier au texte du passé son historicité, mais cest justement le « processus dhistoricisation », nourri de lérudition nécessaire, qui permet détablir avec celui-ci un rapport de « proximité relative » (p. 60) ; le recours méthodique à la micro-lecture favorise une deuxième forme de « proximité dans la distance » – formule pertinente puisquelle implique, non pas la négation de la distance historique, mais la compensation de ses inconvénients (éloignement culturel et affectif, désincarnation) par un « surcroît dattention », le ralentissement volontaire 338de la lecture créant une autre temporalité et permettant daccéder aux dispositifs propres au texte et à son fonctionnement ; ainsi le lecteur est en mesure de percevoir des stratégies de dissimulation dont la mise à jour lengage dans une troisième forme de proximité, celle-là même qui fonde le concept de « lecture complice ».

Ce cheminement méthodologique éclaire le qualificatif qui brille dans le titre dun éclat séduisant et énigmatique. Si on le réfère à sa lointaine généalogie, du côté de Leo Strauss et du régime de persécution, « complice » sentend dans son sens juridique, car il sagit bien pour le lecteur de se rendre solidaire, par sa compréhension aiguisée du message subversif – selon la formule consacrée de la lecture « entre les lignes » – dune infraction à la norme, voire à la loi. Mais « complice » peut éveiller des échos plus doux, du côté de lintimité, de la connivence, du partage averti (et amusé) dun secret avec lauteur. En outre, létymologie y fait entendre le complex (le replié, le tortueux) dun texte qui exige de son lecteur une attention soutenue dans une forme de solidarité herméneutique. Et de fait celui-ci, loin de toute conception transcendante du sens, est appelé à développer une relation horizontale au texte, de sympathie intellectuelle et de participation interprétative, tout en maîtrisant sa proximité par létablissement et le respect de règles herméneutiques. Quelles sont ces règles ? Celles énoncées par Leo Strauss (principe de cohérence, primauté accordée à linterprétation subversive), mais adaptées à la fiction libertine, principalement lhistoire comique (qui nest cependant pas, on le verra, le seul champ dapplication de la méthode). Leo Strauss créditait le texte philosophique crypté de la cohérence dun système. Les récits fictionnels, si engagés soient-il dans les débats philosophiques de leur temps, noffrent pas ce type de cohérence intellectuelle. Mais si lon postule quils ont pour finalité commune « la célébration provocatrice dun formidable affranchissement intellectuel et moral » (p. 67), on est justifié de leur accorder le même crédit de cohérence logique quaux écrits philosophiques et, en cas déquivoque résistante, dattribuer à leur auteur le bénéfice de la thèse la plus subversive. Ainsi le « lecteur complice » sapproprie ladage lectio difficilior potior – formulé par les philologues allemands à la fin du xviiie siècle comme principe de choix entre des variantes manuscrites dun texte ancien – et en tire la satisfaction procurée par une enquête menée méthodiquement à son terme.

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Le modèle de lenquête est ici opératoire : dabord parce quil est sensible à la lecture de lessai, qui procure un plaisir similaire à celui dun roman policier ; ensuite parce quil définit un programme dans lequel lauteur assume précisément la fonction du détective : relevant à titre dindice un détail du texte qui paraît négligeable dans une lecture rapide mais frappe le lecteur attentif par son incongruité, son « anomalie » dans le fil du récit ou de la démonstration, il le relie à dautres irrégularités du texte et aux propositions latentes de lintertexte quil rassemble en « faisceau » pour en dégager des effets de sens insoupçonnés. Là sarrête le parallèle, car il ne sagit pas de révéler in fine une vérité du texte, ce qui reviendrait à assumer la position dautorité du commentateur détenteur du sens de lœuvre – en contradiction avec lesprit antidogmatique du libertinage –, mais douvrir les possibles du texte par des hypothèses herméneutiques les mieux fondées parce que les plus attentives au détail, réceptacle probable de son secret.

Cette attention au détail accroît le plaisir du lecteur informé, car Fr. Tinguely choisit ses indices à lécart des pistes interprétatives fréquentées par la critique. Ainsi, en remarquant lenchâssement narratif de lépisode de la possédée dAgen au deuxième chapitre de Première journée, il démonte le processus par lequel Théophile de Viau délègue au lecteur le soin de conclure à linexistence des démons et à limposture de la possession – une thèse risquée quil se garde bien de formuler explicitement ; en rapprochant le singe qui figure dans le récit denfance du Francion de Charles Sorel de celui dont Tristan lHermite fait le héros dun épisode de son Page disgracié, il révèle dans ces anecdotes la mise en crise de lanthropologie chrétienne et les conséquences logiques quen peut tirer le lecteur à légard du dogme de limmortalité de lâme ; enfin, parmi les multiples indices du scepticisme de Cyrano dont regorge son Autre monde, il choisit lapparente bévue que constitue la retombée au Canada de son voyageur emporté vers la Lune par la puissance attractive du Soleil pour en induire le cheminement épistémologique de lauteur dans le contexte de la nouvelle science. Autant de démonstrations éclatantes du fait que le sens caché est demblée – à la manière de la « lettre volée » de Poe – sous les yeux du lecteur, que « le secret hante la superficie du texte » (p. 66).

Le protocole de la « lecture complice » ne sapplique vraiment quau corpus libertin des histoires comiques, qui occupe la seconde partie de 340louvrage, celle qui lui donne son titre à louvrage. La première et la troisième partie sont consacrées à des textes qui font partie de la « culture libertine », mais de manière périphérique, soit du côté de la polémique (La Doctrine curieuse du P. Garasse), soit du côté des « échappées » – au sens spatial et intellectuel du terme – que sont les récits et discours du voyage. Dans ces deux cas, lanalyse textuelle fait apparaître un système de pensée, mais seul le geste interprétatif peut en révéler la signification profonde : la folie meurtrière affranchie du rapport empirique au réel dans le cas de Garasse, le combat contre le dogmatisme religieux par la reconnaissance du relativisme culturel chez les écrivains voyageurs. Si la notion de « lecture complice » peut se maintenir dans le déchiffrement de ces objets textuels disparates, cest à condition de dégager limplication interprétative de sa dimension de proximité empathique : car léthique de responsabilité herméneutique sy déploie avec plus dévidence encore.

Appliqué au genre de lhistoire comique cette démarche soulève deux objections, que son promoteur est loin de se dissimuler. Dune part, quel statut peut-on accorder aux éléments de doctrines ou de débats philosophiques suggérés par la lecture attentive des récits fictionnels ? Assurément, répond Fr. Tinguely, les auteurs de fictions satiriques et comiques nont pas pour objectif de transmettre des idées philosophiques, mais la liberté discursive et le souci du réel propre au genre quils ont adopté les prédisposent « tout naturellement à investir le terrain philosophique le plus actuel » (p. 114). Dautre part quel degré dintentionnalité faut-il attribuer à lauteur dans le tissage du réseau signifiant relevé par le lecteur complice ? Sur ce point, Fr. Tinguely ne se dérobe pas aux conséquences de sa méthode et assume la quête de « lintention de lauteur » contre le diktat unanime de la critique contemporaine, héritière en cela du renouveau structuraliste des années 70. Toutefois, il laisse entrevoir un dépassement du dilemme entre lintention de lauteur et lautonomie du texte, quand il souligne la dimension ludique de lécriture libertine, qui déporte lattention du lecteur de lobjet dissimulé vers le jeu même de la dissimulation. Il en donne une magnifique illustration par son analyse de louverture de lHistoire comique de Francion, où, à la faveur de la nuit, sentrelacent divers projets et diverses trajectoires, jusquà créer un nouage narratif inextricable, où peut se lire une allusion symbolique à limpuissance – ou « nouement daiguillette » – du personnage central de lépisode, le vieux concierge 341du château. Le réseau sémantique dense autour de ce motif du nœud qui simpose alors au lecteur attentif est-il le produit dune construction délibérée de la part de lauteur, ou leffet non entièrement maîtrisé du travail de limagination sur le matériau linguistique ? Reconnaître une part inconsciente dans lélaboration du texte de fiction ne serait pas diminuer la légitimité et la valeur de la lecture complice, mais, tout au contraire, lui fournir loccasion dassumer pleinement sa fonction de collaboration interprétative au service de limpensé de lécriture.

Par un « geste critique » quil affirme « humaniste » contre le « dangereux formatage des pratiques savantes » (p. 9), Fr. Tinguely sinscrit pleinement dans ce courant quà la suite de Georges Poulet, on nomme l« École de Genève », soulignant ainsi la solidarité de démarches critiques qui – comme celle de Jean Rousset, de Jean Starobinski, de Michel Jeanneret – concilient scientificité de lobservation (attentive au contexte historique et à la spécificité formelle des œuvres) et créativité de linterprétation. La singularité des objets que travaille Fr. Tinguely actualise ce lien fécond entre objectivité et subjectivité en invitant le chercheur à interroger la relation particulière qui sinstaure « entre la liberté critique et celle que tour à tour dénoncent, exercent ou célèbrent les textes du xviie siècle ». Cette relation critique nous intéresse dautant plus ici quelle vise à mettre au jour ce qui dans ces textes sénonce clandestinement.

Michèle Rosellini

UMR 5317 – IHRIM /
ENS de Lyon

1 L. Strauss, Persecution and the Art of Writing, Glencoe, Ill, Free press, 1952 ; La persécution et lart décrire, trad. par Olivier Berrichon-Sedeyn, Paris, Presses pocket, 1989.

2 J.-P. Cavaillé, Dis-simulations. Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto : religion, morale et politique au xviie siècle, Paris, H. Champion, 2002.

3 I. Moreau, « Guérir du sot » : les stratégies décriture des libertins à lâge classique, Paris, H. Champion, 2007.