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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés / Abstracts

Christiane Albertan-Coppola, « D’Holbach et la littérature apologétique ».

La réception immédiate du Système de la nature dans les milieux catholiques montre que l’œuvre du baron est avant tout perçue comme inscrite dans une lignée philosophique qui remonte à Cardan Vanini et Spinoza, en passant par Voltaire, Diderot et Rousseau, mais que certains de ces apologistes reconnaissent aussi une continuité entre ce texte et les autres œuvres de d’Holbach. L’article s’intéresse enfin aux stratégies de réfutation de l’athéisme mises en place par les défenseurs de la religion.

The reception of the Système de la nature in Catholic quarters immediately after its publication shows that the barons works are interpreted as the heritage of Cardan, Vanini and Spinoza filtered by Voltaire, Diderot et Rousseau, but some of the apologists recognise a continuity between this work and dHolbachs other publications. This article then deals with the strategy of refutation of atheism adopted by Christian apologists.

Geneviève Artigas-Menant, « Le déisme de Robert Challe : destruction ou construction ? ».

Libre-penseur dans la mesure où il revendique la liberté de sortir du « joug » de la religion établie, Challe définit son déisme comme un « pur déisme », ni athéisme déguisé, ni degré entre christianisme et athéisme. Il ne se contente pas de reconnaître un créateur, mais il milite pour un déisme constructif, élaboré à la lumière de la raison. Aussi hostile à l’athéisme qu’au christianisme, Challe construit un « système de religion naturelle » qui a tous les caractères d’un christianisme rénové.

A free thinker in so far as he defends freedom from the “yoke” of established religion, Challe defines his deism as a “pure deism”, neither disguised atheism nor a half-way step between Christianity and atheism. Not only does he recognise the existence of a Creator, but he actively urges a constructive deism, elaborated under the light of

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reason. Hostile both to atheism and to the Christian faith, Challe develops a “system of natural religion” which bears all the traits of a reformed Christianity.

Emmanuel Bossuge et Alain Mothu, « Les pérégrinations d’une liste de “mauvais livres” (1749) ».

La découverte en 1749, dans la poche d’une “étalante de livres”, d’une courte liste de “livres défendus”, nous fait découvrir quantité de détails concernant les réseaux de libraires, distributeurs et ouvriers du livre parisiens à cette époque, et sur leurs modes de publicité des livres prohibés. Elle nous renseigne aussi sur divers protagonistes de la diffusion de ces imprimés et sur certains d’entre eux, mal connus ou disparus. Enfin, le document nous éclaire sur la généalogie des fiches de police confectionnées par l’inspecteur d’Hémery, alors le principal agent de surveillance du livre dans la capitale.

The discovery in 1749, in the pocket of a book-peddler, of a short list of “forbidden books” reveals a number of details concerning the networks of Parisian booksellers, peddlers and printers and the ways in whioch they publicised forbidden goods. Identification is possible of a number of forgotten or little-known figures playing a role in the diffusion of such works. The document also allows us to understand how an index of “fiches” was compiled by the police under the direction of inspector dHémery, the main actor in surveillance of the book-trade in the capital.

Jean-Pierre Cavaillé, « Les Cahiers Patin vus par leur auteur ».

Présentation générale des « papiers » ou « cahiers Patin », et en particulier du manuscrit de Vienne, qui contient une mine d’informations encore aujourd’hui inexploitées sur une multitude de sujets et de personnes. C’est aussi un témoignage exceptionnel sur les pratiques lettrées à Paris dans les années qui précèdent la Fronde et plus généralement sur les modes de circulation du savoir, en France et en Europe (surtout l’Italie et les Pays Bas), au xviie siècle.

General presentation of the Patin “papers” or “copybook” and, in particular, of the Vienna manuscript (Stadtbibliothek, codex 7071 – Hohendorf 133), which contains a mine of hitherto unexploited information on an abundance of subjects and people. It is also exceptional testimony as to the practices of the literary

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world in the years preceding the Fronde and more generally on the circulation of knowledge in France and in Euirope (above all in the Netherlands and in Italy) in the 17th century.

Didier Foucault, « La présence de Vanini dans le manuscrit Patin de Vienne »

Au fil de ses nombreuses conversations avec des savants de son temps, Guy Patin a recueilli, avec une délectation mal dissimulée, une foule d’informations sur des penseurs à réputation sulfureuse, dont de nombreux Italiens et parmi eux Vanini, à propos duquel le manuscrit de Vienne apporte un lot d’informations inédites et crédibles sur son séjour à Paris, confirmant des données issues d’autres sources. Vanini offre un cas d’école qu’il est instructif de replacer dans l’historiographie vaninienne depuis sa prime élaboration.

In his numerous conversation with scholars of his times, Guy Patin recorded, with undissimulated pleasure, abundant information on disreputable thinkers, among whom we find a number of Italians and Vanini in particular, on whom the Vienna manuscript brings us new and credible information concerning his stay in Paris, confirming the declarations of other sources. From this angle, the manuscript is of no small interest. Vanini is a classic example, which it is interesting to consider in the historiographical context of Vanini studies since their beginnings.

Frédéric Gabriel, « Remarques sur les assignations d’identités confessionnelles et l’hétéropraxie dans le manuscrit Patin de Vienne : critique textuelle et factuelle ».

De nombreux passages du manuscrit concernent l’individu par rapport aux assignations d’identités confessionnelles. Plus que la question de savoir si ces assignations sont vraies ou fausses, l’intérêt des jeux sociaux dont elles témoignent éclaire à la fois l’espace privé de leur possibilité d’énonciation et les normes sous-jacentes qu’elles sont censées mettre à nu. On peut dès lors dégager de ce joyeux désordre un type bien déterminé de lecture critique du monde social saisi sous les deux espèces des faits et des textes. Leurs entrecroisements font tout l’intérêt du manuscrit.

Many passages of the manuscript concern the assignation of a confessional identity to individuals. Beyond the question of the accuracy of these assignations, the social practices which they reveal throw light on the private sphere in which they can be

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rendered explicit and the underlying social norms that they imply. From this joyful disorder can be grasped a particular kind of critical apprehension of social life both through events and through texts. The intercrossing of the two aspects lends particular interest to this manuscript.

Laurence Giavarini, « Que voit-on dans les Papiers Patin ? ».

L’état extrêmement propre du manuscrit de Vienne, son écriture nette et régulière, suggèrent que cette copie était destinée à être lue et à circuler au-delà de la seule famille de Patin. Bien plus : il s’agit d’un document travaillé et proprement littéraire, hanté d’ailleurs par l’écriture et les livres. L’oralité fondatrice dont il se prévaut mérite largement d’être dénaturalisée : elle correspond à la valorisation du modèle oral de la communication au xviie siècle, qui traverse aussi l’« archive galante » et toute la production épistolaire mondaine.

The extremely clean condition of the Vienna manuscript and its neat and regular handwriting suggest that this copy was intended for circulation beyond the circle of the Patin family. Moreover, it is an elaborate and genuinely literary product, haunted by a literary culture. The so-called oral source of the text needs to be relativised : it corresponds to the fashion for oral communication in the 17th century, which characterises the « galant » archives and mundane epistolary practice.

Émilie Gourdon, « Le Baron dévoilé : comment d’Holbach est devenu l’auteur de ses œuvres ».

S’intéressant aux différents témoignages de la vie du baron d’Holbach ainsi qu’aux différentes biographies et notices publiées à son sujet, l’article essaie d’expliquer, d’un point de vue historiographique, les conditions d’émergence et de consolidation de la réputation sulfureuse du baron, qui ne commence de fait qu’après sa mort et la révélation progressive de la paternité de ses œuvres.

By analysis of the different testimonies concerning the life of the baron dHolbach and of various biographies and dictionary articles published about him, E. Gourdon seeks to explain the historiographical conditions of the emergence and consolidation of his scandalous reputation, which came into being only after his death and after the progressive discovery of the different works for which he was responsible.

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Catherine Maire, « D’Holbach et le paradigme de l’utilité sociale de la religion ».

Cet article se propose d’opérer une contextualisation des œuvres de d’Holbach en les examinant au prisme de la question paradigmatique de l’utilité sociale de la religion. Il fait ressortir ce qu’elles doivent à la littérature janséniste du xviiie siècle et aux controverses du temps sur les rapports entre l’Église et l’État. C’est l’occasion d’interroger la nature de l’athéisme politique proféré par le baron. Il ne parvient pas, en réalité, à s’émanciper totalement du cadre de pensée religieux.

This article proposes a contextualisation of dHolbachs works on the vital question of the social utility of religion. It traces the barons debt to 18th century Jansenist works and to contemporary controversy on relations between Church and State. This provides the opportunity to question the nature of the political atheism preached by the baron, who, in the final count, is unable to free himself completely from the framework of religious thought.

Alain Mothu, « Naudé, Patin et l’incroyance dans le manuscrit Patin de Vienne ».

La partie « Naudé » du manuscrit de Vienne, correspondant à ses quatre-vingt premières pages, se distingue du reste par la place importante qu’y tient la question de l’intériorité croyante des personnages évoqués (et non simplement leur appartenance confessionnelle). Cette section paraît comme hantée par une volonté de lever le voile sur les reins et les cœurs, et ce qu’elle découvre n’est pas autre chose que la précarité extrême de l’acte de foi. Un constat en pleine expansion depuis Montaigne et Charron.

The “Naudé” part of the Vienna manuscript, corresponding to the first 80 pages, can be distinguished from the rest by the importance lent to the question of inner conviction (as opposed to confessional identity). This section appears to be haunted by the firm intention to lift the veil on innermost convictions and what is reveals is nothing other than the extreme vulnerability of the act of faith. An analysis which weighed more and more heavily since the days of Montaigne and Charron.

François Pépin, « Les sciences au service du matérialisme : le syncrétisme épistémologique de d’Holbach ».

Parallèlement à son action dans la mouvance clandestine, d’Holbach mène une carrière personnelle centrée sur l’écriture et la traduction

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d’ouvrages scientifiques qu’il publie sous son nom. L’étude de ces textes en révèle la dimension subversive : le baron en fait le lieu d’un syncrétisme philosophique et épistémologique original, articulant de manière stratégique les effets des sciences et des savoirs au service du matérialisme et de l’athéisme.

At the same time as he was active in the world of clandestine publications, dHolbach conducted his personal career centred on the composition and translation of scientific works published under his own name. The study of these texts reveals their subversive aspects : dHolbach develops a highly original philosophical and espistemological syncretism, which strategically deploys the results of scientific research and scholarship in support of materialism and atheism.

Franck Salaün, « Diffuser la bonne doctrine ».

Contrairement à Diderot, le baron d’Holbach a délibérément opté pour la clandestinité. Ses textes ont ainsi diffusé un projet réformiste, visant à renforcer l’influence des hommes de lettres au point de constituer un contrepouvoir. Il s’agissait de contribuer à l’avènement d’une nouvelle organisation politique plus conforme aux droits de l’homme. L’exemple de la propriété permet en outre de nuancer l’image traditionnelle de l’auteur du Système de la nature.

As opposed to Diderot, the baron dHolbach deliberately chose clandestinity. His works thus publicised a project of reform which aimed to reinforce the status of men of letters to the point that they constitute a counterweight to political authority. He was seeking to install a new political organisation more respectful of human rights. The example of private property alows us to introduce some nuances in the traditional portrait of the author of the Système de la nature.

Alain Sandrier, « Le Baron d’Holbach contre les miracles ».

Le baron d’Holbach est un des négateurs des miracles les plus systématiques des Lumières. Il conjugue toutes les dimensions habituelles de la remise en cause de l’existence des miracles sur des bases métaphysiques à l’instar de Spinoza, ou sur des fondements épistémologiques, en s’interrogeant sur la validité des témoignages. Il varie ce matériau attendu au gré de l’orientation prosélyte de ses œuvres, jusqu’à inclure, pour mieux les subvertir, les catégories religieuses encadrant ce phénomène à l’époque classique.

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The baron dHolbach is one of the most systematic negators of miracles during the Enlightenment period. He unites all the usual arguments against the existence of miracles, be they metaphysical as in Spinozas works or epistemological in the questioning of the validity of testimony in favour of supposedly miraculous events. He varies these arguments according to the needs of his philosophical proselytization and goes so far as to adopt – in order to subvert them – the religious categories generally employed to define such phenomena.

Maria Susana Seguin, « D’Holbach lecteur / éditeur de Nicolas-Antoine Boulanger ».

Le fait que le baron d’Holbach emprunte le nom de Nicolas-Antoine Boulanger pour son Christianisme dévoilé, alors qu’il édite en même temps les œuvres de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, répond à une stratégie d’ensemble qui permet au baron d’inscrire son œuvre dans un cycle hautement polémique sans que sa responsabilité soit engagée. Mais les dettes qu’il entretient à l’égard de l’œuvre de Boulanger sont autrement plus importantes même si le nom de son prédécesseur n’est pas ouvertement invoqué.

The fact that the baron dHolbach borrows the name of Nicolas-Antoine Boulanger in his Christianisme dévoilé, at the same time as he is editing the works of Boulanger corresponds to a general strategy which enables the baron to inscribe his own compositions in a highly polemical framework while disguising his own responsibility. But his debt towards the works of Boulanger is considerably more important, even when the latters name is not explicitly invoked.

Jeroom Vercruysse, « D’Holbach et le mandarin Cupis de Camargo ».

L’auteur de l’article étudie les allusions et les références à divers écrits du baron d’Holbach dans un manuscrit conservé dans les collections de la Bibliothèque Royale de Bruxelles, les Lettres de Cang-ti, grand mandarin de la Chine, recueillies par Mylord Shaftesbury, écrites par un jeune homme bruxellois, Sébastien Joseph Antoine Cupis de Camargo, lecteur de nombreux autres manuscrits clandestins, qui poussa la logique de son athéisme jusqu’au suicide, à seulement 23 ans.

J. Vercruysse studies the allusions and references to dHolbach in a manuscript now to be found at the Bibliothèque Royale de Bruxelles, entitled Lettres de Cang-ti,

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grand mandarin de la Chine, recueillies par Mylord Shaftesbury, composed by a young man from Brussels, Sébastien Joseph Antoine Cupis de Camargo, an avid reader of clandestine manuscripts, who pushed his atheistic logic to conclusion by suicide at the age of 23.