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Classiques Garnier

[Introduction à la troisième partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Fabrique du roman classique. Lire, éditer, enseigner les romans du xviie siècle de 1700 à 1900
  • Pages : 157 à 158
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 81
  • Série : Romans, contes et nouvelles, n° 12
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406150411
  • ISBN : 978-2-406-15041-1
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15041-1.p.0157
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/08/2023
  • Langue : Français
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Le canon qui se constitue dans le discours critique, en particulier par le biais des palmarès, est aussi cohérent que resserré. Si les romans de Scudéry et La Calprenède ainsi que quelques romans assez atypiques ou seuls représentants désormais dun sous-genre (le Roman comique, Dom Carlos) sont bien présents dans ce discours, les listes font apparaître avec régularité les mêmes titres, au nombre de dix tout au plus. La notion de romanesque, en constante évolution, est ainsi associée à quelques noms dauteurs et dœuvres qui pour une bonne part ne sont plus lus, ou sont connus à travers des versions abrégées, remaniées ou des listes de beaux endroits. La transformation du roman de lâge classique en monument est ainsi à lœuvre, avant même la sévère et drastique sélection quopère lhistoire littéraire.

Les quelques romans que le discours critique convoque sont généralement accompagnés dun jugement de valeur ou dun commentaire critique. Tableaux et bibliothèques font ainsi des œuvres les plus représentatives du roman du xviie siècle des modèles ou des contre-modèles de la poétique romanesque contemporaine. Le palmarès des romans les plus souvent mentionnés par le discours historique et critique donne ainsi lieu à une liste de ces modèles. Certaines œuvres ont un statut ambivalent selon les époques et les critiques, comme les romans des Scudéry ou encore LAstrée, à propos desquels le jugement évolue au fil du temps. Dautres sont demblée présentées comme des contre-modèles, tel Polexandre de Gomberville. Enfin, Les Aventures de Télémaque sont assez systématiquement données en modèle pour leur morale voire pour leur perfection.

Tout au long de la période étudiée, la notion de canon est progressivement élaborée. Elle est le résultat des premiers panthéons établis grâce à la fortune rencontrée par quelques œuvres. Mais elle tient aussi à la volonté de promouvoir un certain classicisme, dont la définition évolue au cours de lempan chronologique choisi pour cette enquête. On voit par là combien les résultats de celle-ci nécessitent dêtre formulés avec nuance et dêtre replacés dans le contexte, littéraire mais aussi politique et social, qui est le leur.

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La rupture que constitue la Révolution française est manifeste dans lévolution de ce canon, ou dans la diffusion de certaines œuvres. On peut ainsi citer la méthode Jacotot dite de l« enseignement universel », élaborée par le révolutionnaire Joseph Jacotot et développée sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, qui donne une place singulière à louvrage de Fénelon, « premier objet » de toute éducation1. Au-delà de limpulsion particulière donnée par Jacotot à louvrage de Fénelon dans un cadre denseignement, sa méthode joue vraisemblablement un rôle dans la multiplication déditions bon marché de Télémaque au cours du siècle suivant2.

1 F. Buisson (dir.), Dictionnaire de pédagogie et dinstruction primaire, Paris, Hachette, 1re partie, t. II, 1888, p. 1401.

2 Sur Jacotot, voir J. Rancière, Le maître ignorant. Cinq leçons sur lémancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987.