[Introduction à la deuxième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Fabrique du roman classique. Lire, éditer, enseigner les romans du xviie siècle de 1700 à 1900
- Pages : 89 à 90
- Collection : Lire le xviie siècle, n° 81
- Série : Romans, contes et nouvelles, n° 12
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406150411
- ISBN : 978-2-406-15041-1
- ISSN : 2257-915X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15041-1.p.0089
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/08/2023
- Langue : Français
Les discours sur le roman, loin d’être unanimes durant cette longue période, permettent d’observer une évolution de la conception du roman et de ce qui est associé à ce genre. Les représentations du roman antérieur évoluent également et s’accompagnent de manifestations d’ordre varié : jugement négatif, nécessité d’accompagner la lecture de ces textes par des versions abrégées, expurgées ou des annotations, etc. Ces mutations pourraient être éclairées par la notion de romanesque. En effet, cette notion gouverne les représentations que véhicule la forme littéraire et explique le sentiment d’étrangeté ou de familiarité que produit ce corpus dans sa diversité.
La notion de romanesque, qui se construit au fur et à mesure que le corpus devient plus vague ou plus éloigné des lecteurs, est riche de l’héritage des romans héroïques. En effet, au romanesque sont d’abord associées des formes prolixes et complexes mais également une matière éloignée du lecteur par une distance temporelle, géographique et psychologique. Mais la notion évolue tandis que le souvenir des longs romans s’éloigne et que leur lecture est jugée de plus en plus difficile. Placée sous le signe de l’excès, la notion de romanesque telle qu’elle avait pu apparaître à la fin du xviie siècle laisse la place à une vision normative de la poétique romanesque et à un classicisme idéal, brèche dans laquelle les critiques du xixe siècle s’introduisent pour redéfinir la notion et par là même le critère de lisibilité.
Plusieurs ensembles d’éléments concordent à élaborer et faire évoluer cette notion complexe, entre la mémoire d’une littérature passée et la reprise de celle-ci en vue de l’élaboration d’une littérature actuelle. La volonté de faire mémoire, de célébrer, de garder trace ou d’exclure certains auteurs pour mieux en encenser d’autres transparaît dans l’importance de formes comme les parnasses ou les panthéons qui énumèrent des auteurs ou des œuvres jugés dignes d’une commémoration. Les représentations allégoriques font assez peu de cas du roman, mais certains romanciers et parfois certaines romancières y prennent place. Le souci de transmettre et de perpétuer peut donner lieu à la reprise et à l’adaptation d’ouvrages jugés illisibles ou difficiles à lire dans leur forme d’origine. Les abrégés et les collections font ainsi état de la volonté de faire connaître 90des œuvres désormais moins communes. Les choix qui président à ces collections et le type de modifications stylistiques ou lexicales rendent également compte d’un changement de goût. En revanche, leur abandon au profit de rééditions plus savantes et philologiquement exigeantes font montre d’un renouveau du statut d’auteur ou d’écrivain au cours du xixe siècle. Enfin, les éléments de définition du genre romanesque, sa considération comme genre littéraire et les exigences de régularité et de moralité permettent d’envisager le genre sur la longue durée. Cette approche met en évidence la plurivocité de certains lieux communs de la réflexion et fait apparaître des critères renouvelés ou inédits dans la réflexion sur la prose narrative.